Ukraine, bilan intermédiaire militaire, mai 2022

Article faisant partie d'un ensemble :

Ukraine, bilan intermédiaire militaire, 20 mars 2022

Ukraine, bilan intermédiaire militaire, avril 2022

Ukraine, bilan intermédiaire militaire, mai 2022

Ukraine, bilan intermédiaire militaire, septembre 2022

Ukraine, bilan intermédiaire militaire, fin septembre 2022

Ukraine, bilan intermédiaire militaire, octobre-novembre 2022

Secteur de Kramatorsk en date du 6 mai

🔸 La "citadelle" kiévienne est soumise à une intense pression sur tout le nord. 

🔹 Le front s'approche fortement de Krasny Liman par le nord-est. 

🔹 Severodonetsk est quasiment encerclée, mais la finalisation de son encerclement nécessite préalablement celui de l'ensemble de la zone urbaine, incluant la ville limitrophe de Lysychansk. Si l'objectif est l'encerclement, bien sûr. La difficulté est que Lysychansk est entièrement protégée par la barrière naturelle constituée par la Seversky Donets. 

🔹 La pression russe du côté nord-ouest (Izyum) est relâchée. L'ennemi y prépare une contre-attaque par l'ouest en enjambant la Seversky Donets. 

🔹 La pression est maintenue sur tout l'Est, jusqu'à Popasnaya et New York (ouest de Gorlovka) dans le quart sud-est. 

➡️ Le rythme de la progression s'est ralenti depuis la fin du plan A, fin février (voire ponctuellement tout début mars) 2022, pour coller aux standards des grandes campagnes syriennes d'Idleb, Badia/Palmyre/Deir Ez Zor, Alep. (Cf. définition des plans, dans l'article d'avril, annexe du 12 avril.)

Peut-être faut-il prévoir des périodes de quelques mois de batailles "intenses" comme celles-ci, entrecoupées de périodes de quasi-pauses (à moins que ce que nous avons là soit une période de quasi-pause ? On manque encore de recul pour comprendre le schéma que suit le GQG russe, cela nécessite encore 1 ou 2 trimestres pour confirmer). 

Sur fond de harcèlement aérien permanent des QG et dépôts d'armes sur l'ensemble des profondeurs de l'ennemi, sans chercher à empêcher l'arrivée de l'approvisionnement/renfort ennemi, ni son assiègement, sauf de manière très limitée.

Ceci, je le rappelle, si le GQG reproduit ses standards syriens en Ukraine. 

Secteur sud du front de l'Est en date du 6 mai

🔸 Partie ouest

- Prise d'un village en direction de Zaporozhye,

- Orekhov et Gulyaipole se trouvent à proximité immédiate de la ligne de front.

🔸 La partie Est voit une progression et la prise d'un village

🔸 Sur Marioupol/Azovstal, les forces russes prennent le contrôle de la moitié du littoral.

🔴 Secteur de Kharkov en date du 6 mai 

🔶 Une contre-offensive kiévienne au nord de Kharkov a eu pour effet le repli des troupes russes de la banlieue de Kharkov, repoussant la ligne de front d'une distance de 60% par rapport à la frontière (reste 40 % de distance), pour éviter un encerclement

De plus, les milices bandéristes commencent l'épuration politique dans la ville de Tsirkuny, en banlieue nord-est de Kharkov.

« Sans commentaire », comme on dit...

Bilan des frappes kiéviennes contre le territoire russe

Autre carte peu joyeuse, celle des bombardements du territoire russe par les kiéviens, depuis la date du retrait russe du nord ukrainien, à la fin mars, leur présence faisait alors office de zone tampon durant le mois de mars.

@rybar espère probablement ainsi créer une polémique médiatico-politique pour faire pression sur les élites politico-militaires russes, pour les amener à corriger leur approche.

Etat du front de Kherson - Nikolaev au 7 mai

ANNEXES

07 mai 2022

L'OTAN ne cesse de répéter, depuis le début du conflit, que l'essentiel des forces russes engagées ne participe pas au combat, mais reste en retrait de la ligne de front.

https://t.me/boris_rozhin/47424

On avait déjà eu l'occasion de le constater sur Kiev-Tchernigov-Sumy : plusieurs divisions de troupes russes ont attendu patiemment durant un mois dans toutes ces régions en se tournant les pouces.

Depuis un mois, les troupes en question ont été redéployées en LDNR, mais selon la version occidentale, elles ne participent pas aux hostilités. Je suis presque d'accord avec cette version, mais la réalité est très légèrement différente : elles y participent... En très petite quantité à la fois. La différence est marginale, mais la conséquence est de taille.

➡️ Cela signifie, sans que cela ne préjuge de l'avenir, que depuis un mois, les forces russes se comportent de la manière suivante :

🔸 Le ratio des forces directement impliquées dans les combats quotidiens, par rapport aux forces disponibles, est extrêmement faible.

🔸 Si les choses sont bien faites, il devrait y avoir une rotation très régulière des troupes, permettant de disposer en permanence de troupes fraîches et bien reposées.

🔸 A cela s'ajoute la possibilité de conserver l'entière initiative d'une offensive opportuniste selon le besoin, ou d'une réponse rapide en cas d'offensive soudaine ennemie à un endroit du front.

🔸 Mais surtout, cela permet de mener une guerre extrêmement longue, en minimisant la fatigue des troupes.

🔹 Localement, cela évite toute prise de risque, c'est très reposant pour le QG local et très sympathique et respectueux pour les troupes 👍.

👉🏻 Ce n'est pas du tout dans les standards de la Seconde Guerre Mondiale, durant laquelle des objectifs et délais ambitieux étaient fixés, car l'ennemi était dynamique et à la recherche d'initiatives originales et également ambitieuses. Face à son ennemi actuel atone, le GQG mène sa guerre « avec le frein main », avec beaucoup de retenue. Finalement, c'est très proche de ce que nous avons vu en Syrie entre 2015 et 2020.

👉🏻 Nous verrons si cela changera.

🔹 Sur un plan plus large, ce redéploiement de troupes depuis Kiev-Sumy, cette accumulation de troupes dans les arrières des lignes de LDNR, a dégarni tout le nord de l'Ukraine, invitant Kiev à mener une offensive en Russie. 

👉🏻 Si ce n'est pas volontaire, le GQG devrait en être anxieux.

👉🏻 Si c'est volontaire et sous surveillance, tout va bien 👍.

ℹ️ Au fait, voici un extrait des premiers jours du conflit, lorsque les armées russes et ukrainiennes étaient entremêlées. Ceci en application de la stratégie du GQG russe de « mêlée générale » ou de « blitzkrieg longue ». Un BTR russe détruit un camion kiévien en passant... 🤩

➡️ Les forces russes montrent qu'elle sont impressionnantes d'opportunisme, d'insolence, de courage et d'inconscience.

16 mai 2022

Point sur le conflit ukrainien

Vous vous référerez à mes bilans précédents pour suivre le raisonnement.

🔸 Le retrait de l'ouest de Kiev pouvait se comprendre après qu'il ait été illusoire de s'attendre à un coup d'Etat de l'armée ukrainienne à Kiev. Le retrait aurait même dû avoir lieu beaucoup plus tôt, avoir conservé cette zone un mois ne peut pas se justifier militairement.

🔸 Le retrait de Tchernigov-Sumy ne peut pas se justifier d'un point de vue militaire. La zone devait être conservée comme tampon permettant de protéger le territoire russe. C'est ainsi que j'en justifiais en partie le contrôle à l'époque.

Le prétexte, insuffisant, est de prétendre que cela ne servait qu'à divertir des troupes kiéviennes loin du front de LDNR. C'est loin d'être le seul avantage.

🔸 La défense molle au nord de Kharkov, après le précédent de Tchernigov-Sumy, est moins surprenante, puisque le prétexte est le même : servir de diversion aux troupes kiéviennes pour qu'elles ne renforcent pas la ligne de front de LDNR. Mais alors, pourquoi relâcher la pression si tôt, alors que les combats en LDNR ont à peine commencé ? Si l'on comprend que la région de Kharkov ne figure pas dans les objectifs russes, on peut toutefois se demander l'intérêt de laisser l'ennemi renforcer sa ligne de front. D'autant plus que par ailleurs, rien n'est fait pour empêcher l'arrivée de l'approvisionnement occidental, alors qu'il serait simple de rendre le Dniepr plus difficile à franchir...

🔴 Mais se replier au-delà du réservoir de la Seversky Donets, en laissant intact le pont de Stary Saltov, et ne même pas chercher à défendre la rive Est, là, ce n'est plus une défense molle. Un officier, durant la Seconde Guerre Mondiale, aurait été fusillé pour haute trahison pour moins que ça. N'importe qui le remarque. C'est l'élément de trop qui ruine la crédibilité de ce conflit. Du moins, selon la crédibilité qu'on lui a donnée. Kiev est invitée à reprendre rapidement le nord et l'Est de Kharkov.

🔹 Soit les forces russes lanceront une contre-offensive majeure pour piéger les kiéviens ayant franchi à cet endroit le réservoir de la Seversky Donets, et dans ce cas la crédibilité du conflit sera préservée (c'était un piège russe etc). Je doute que cette option sera retenue.

🔹 Soit il ne se passera rien et les forces russes continueront à se replier vers l'Est et sur la frontière russe au nord, et les kiéviens respecteront à peu près la frontière russe, étrangement bien gentiment, comme ils la respectent déjà à peu près entre Tchernigov et Kharkov.

➡️ Et dans ce deuxième cas, jusqu'où l'armée russe va-t-elle se replier ? Nous sommes dans les arrières d'Izyum ! Jusqu'au réservoir d'Oskol ? Pour s'en servir comme point d'appui naturel ? Ou jusqu'à la frontière de LNR, donnant bêtement à l'ennemi cet appui naturel ?

➡️ Idem plus au sud : repli jusqu'à la Seversky Donets ou jusqu'à la frontière de DNR ? Dans ce cas, Izyum elle-même risque de ne pas être conservée. La ville serait conservée si la nouvelle frontière s'appuie sur des barrières naturelles : le réservoir d'Oskol et la Seversky Donets, mais vu le mouvement de ce weekend, ayant offert la rive Est du réservoir de la Seversky Donets, au lieu de s'en servir comme appui naturel pour retarder le transfert de contrôle des arrières d'Izyum à l'ennemi, on peut en douter.

Après ces réflexions, il y a plusieurs possibilités.

🔹 Soit, je l'ai déjà écrit dès les premiers jours, tout est convenu depuis l'hiver et tout ce que nous voyons n'est là que pour servir de justification aux spectateurs (et donc nous devrions plutôt nous préoccuper de notre potager plutôt que de commenter le film qui est joué selon un scénario convenu).

🔹 Soit le GQG russe n'est constitué que d'un tas d'incapables voire de traîtres, ce qui n'est pas une opinion raisonnable.

🔹 Soit l'armée russe est si faible qu'elle est contrainte d'abandonner des positions qui deviennent pourtant stratégiques (protéger les arrières d'Izyum) ; ce n'est pas une opinion davantage raisonnable, car même si on admet l'hypothèse que seuls 175 mille hommes aient été alloués pour l'ensemble de l'opération (hormis les LDNR), et que le GQG refuse de tricher en refusant de se laisser entraîner dans l'escalade du conflit dans lequel les occidentaux aimeraient l'entraîner—et c'est tout à son honneur de refuser de tomber dans ce piège occidental—les pertes russes sont si faibles, et les effectifs réellement engagés sont si faibles (le rythme du conflit, qui est fixé par l'armée russe qui conserve l'entière initiative, est très faible, la plupart des troupes restent en réserve pour des rotations régulières, en vue d'un conflit de très longue durée), que cela ne justifie pas de se replier de positions stratégiques.

🔹 Soit tout simplement, Izyum n'est plus nécessaire puisque le ravitaillement russe passera par le nord de Slaviansk (Est du réservoir d'Oskol pour le moment encore contrôlé, et on espère qu'il sera décidé de le conserver suffisamment de temps), sachant que l'opération se limite aux LDNR.

ℹ️ Le raisonnement basique, quand on attaque comme la Russie le fait, est de déployer une obligation de résultats sur les objectifs prioritaires (LDNR, nord de la Crimée), pour le reste, on prend ce qui est facile à prendre, parfois même en opportuniste, sans insister (les villes de Nikolaev, Voznesensk, Kharkov, c'est clair).

🔹 Soit plusieurs de ces points, ou encore autre chose, nous finirons par le savoir.

🔸 Les problèmes d'incohérences touchent aussi les occidentaux, qui auraient pu empêcher la Russie, je l'ai déjà dit dès les premiers jours, d'entrer en Ukraine, en s'y déployant comme ils l'ont fait dans plusieurs régions en Syrie. Les occidentaux mènent eux-aussi un jeu peu crédible. Et ce, sans même parler des « sanctions » qui ne visent que la population occidentale, et en particulier européenne, sous un prétexte farfelu. Cela aussi, je l'ai écrit dès les premiers jours.

🔸 Idem pour les kiéviens : un régime honnête aurait, comme en juin 1940 en France, constaté sa défaite en quelques jours, fin février ou début mars. Bizarrement, il savait qu'il était loin d'avoir tout perdu. 

Pire encore, celui-ci ne cache pas ses crimes de guerre et ses crimes contre l'humanité, en attaquant la population civile avec des missiles balistiques, y compris sa propre population (Kramatorsk, qu'il contrôle encore ! Et qu'il massacre car elle est pro-russe) !

Et l'épuration politique à Bucha et dans toutes les régions qu'il reprend sous son contrôle, est faite au grand jour, avec, pour la forme, des mensonges grossiers. Sans oublier les tortures et meurtres de prisonniers de guerre russes, diffusés sur Internet à visages découverts !

Et que dire du refus de Kiev de mener une offensive contre le territoire russe ? Puisque le régime est fanatique, il devrait, pour la propagande, pour le symbole, ne pas s'arrêter à la frontière.

👉🏻 Toutes ces incohérences vont devenir de plus en plus problématiques, si elles continuent à ressembler, et de plus en plus, à une fausse guerre truquée. Il conviendrait de redonner un peu de crédibilité au scénario, car cela devient difficile d'en assurer la promotion marketing.

7 septembre 2022 - Balakleya-Kherson