Une démonstration de garces mexicaines

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Mexique: mythes, tabous, stéréotypes au carrefour des identités

Mots-clés : Mexique , macho , machiste , stéréotype , genre
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Cet article est cité par

Maskens, Maïté. (2015) The Pentecostal reworking of male identities in Brussels: producing moral masculinities. Etnografica . DOI: 10.4000/etnografica.4020
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Durant la Révolution mexicaine, entre 1910 et 1920, surgit un stéréotype qui sera promis à un bel avenir : le « macho ». Révolutionnaire courageux dans un premier temps, ce dernier incarne certes des valeurs guerrières traditionnellement encensées en temps de guerre mais il s’inscrit aussi dans un contexte nationaliste et populiste qui, en réaction au discours élitiste et raciste de la dictature porfirienne, le fera se confondre avec le Métis et avec le Peuple. À tel point que cette figure classique du combattant, loin de disparaître en temps de paix, en viendra à symboliser, dès les années 1940, « le » Mexicain. Un « idéal » qui, loin de se « figer », évoluera au gré des changements de la société mexicaine...
Mais ces transformations ne sont pas les seules à affecter le stéréotype du « macho ». Parallèlement à cette image globalement positive s’est construite au Mexique depuis les années 1930, une figure autrement plus négative : celle du « machiste ». Moins connue, cette histoire n’en est pas moins importante puisque c’est désormais celle qui s’impose dans le discours officiel lorsqu’il s’agit de lutter contre les inégalités entre les sexes.
During the early years of the Mexican Revolution, between 1910 and 1920, the « macho », a figure emerged during the post revolutionary nationalist regime, holds the promise of a bright future. Brave revolutionary at first, hero born from the mythical narrations of the Revolution, he indeed embodies the martial values traditionally acclaimed during wartime but since he is also part of the nationalist and populist context, in response to the elitist and racist discourse of Porfirio’s dictatorship, he will be mistaken for the Mestizo and the Mass. So much so that the classic figure of the combatant, far from disappearing in time of peace, will become, as of the 1940’s, the symbol of « the » Mexican. This « ideal », far from being rigid, will evolve according to the changes undergone by the Mexican society…
However, these transformations are not the only or the most significant to affect the « macho » stereotype. Concurrently to this globally positive image, a far more negative image has emerged in Mexico since the 1930’s, that of the « machista » [male chauvinist]. This story, less known, is nevertheless just as important since it stands out in the official discourse of the fight against gender inequality.
1 S’intéresser aux origines et aux transformations du « macho », c’est le réintégrer dans un processus qui le fait dépendre à la fois d’un contexte mais aussi « hériter » tout autant que dialoguer avec d’autres stéréotypes qui tous servirent à un moment ou à un autre à délimiter ou à reconfigurer les territoires d’un « nous » mexicain par rapport à l’Autre.
2 Quels sont ces stéréotypes ? Ceux issus de la Colonie, du métis et du plébéien en particulier. Ceux relatifs aussi aux combattants des guerres d’indépendance ou de la Révolution mais aussi les « bandits », et ce, sans oublier un cavalier célèbre pour son panache qui influencera et se trouvera confondu avec la figure du « macho » : le « charro ».
3 Les circonstances ? Appliqué à l’homme, le terme « macho » émerge durant les événements révolutionnaires de 1910 au Mexique, mais sa popularité est postérieure puisqu’elle viendra avec une littérature et surtout avec un cinéma d’inspiration nationaliste. Une image du « macho » qui se transformera d’ailleurs à son tour... Les temps changent certes, mais aussi, entre-temps, des voix s’élèvent contre un modèle jugé indigne... Critiques qui des années 1930 à nos jours contribueront à forger une image négative du « macho » : le « machiste ». Se crée ainsi littéralement un hétérostéréotype péjoratif qui, comme pour son homonyme positif, a une histoire ...
4 À la fin du XIX e siècle, la connotation péjorative qui entachait durant la Colonie le terme « métis » est réactivée par un groupe d’intellectuels positivistes convertis au darwinisme social et proche du dictateur Porfirio Díaz, les Científicos .
5 En effet, soucieux d’expliquer la marginalité de certaines populations, la race apparaît, pour ces « scientifiques » comme un déterminisme puissant, à même de justifier une discrimination de fait. Ramené à la figure de l’ « hybride », le métis est ainsi assimilé à l’excès, à la violence et à l’orgueil, incarnation enfin d’une « plèbe » méprisée et redoutée par les classes aisées.
6 Une image de la « plèbe » qui est elle-même dominée par un personnage : le « pelado », le « pelé ». Ce terme sert de nos jours encore à qualifier un individu « de basse condition sociale, sans éducation [...] qui a l’habitude de faire et de dire des grossièretés » 1 . Mais en 1901, sous la plume de Chávez – un « scientifique » du gouvernement de Díaz – le « métis vulgaire » est le « pelado » quand il n’est pas réduit à un asocial dangereux, jugé – comme l’indigène par d’autres « savants » – rétif au progrès et à la civilisation :
[...] il ne forme pas l’élément coopérateur sinon destructeur, le dissolvant, celui qui flotte un certain temps dans les rues comme un rebut et gonfle ensuite le pléthorique sein des débordantes prisons. 2
7 Naturalisées par Chávez, la pauvreté et la promiscuité deviennent par ailleurs inhérentes à certaines « races ». S’agissant du « métis » précisément, en 1899, Bulnes affirmait déjà qu’il n’avait d’autre ambition que d’être « muy hombre » – « très viril » 3 . En 1901, Chávez confondant « métis vulgaire » et « pelé » – « mestizo vulgar » et « pelado » – cite la même expression 4 . Enfin, en 1934, Samuel Ramos s’inspirant des descriptions de ses prédécesseurs fait du « pelado » un « macho » et c’est ainsi que de la race à la classe, du métis au « macho », une boucle se ferme enfin :
Il est comme un naufragé qui s’agite dans le néant et découvre à l’improviste une planche de secours : la virilité. La terminologie du « pelado » abonde en allusions sexuelles qui révèlent une obsession phallique, née du fait de considérer l’organe sexuel comme le symbole de la force masculine [...]. Le phallus suggère au « pelado » l’idée de pouvoir. De là a dérivé un concept très appauvri de l’homme. Comme celui-ci est, en effet, un être sans contenu substantiel, il tente de remplir son vide avec la seule valeur qui est à sa portée : celle du macho . 5
8 Avec Ramos naît le stéréotype négatif du « macho », ce dernier répond toutefois, plus directement encore, à une icône de la masculinité dont il ne fait d’ailleurs que reprendre le nom pour en inverser les qualités... Il s’agit, bien sûr, du stéréotype populaire et populiste du « macho » né dans la fureur révolutionnaire de 1910 ; représentation surgissant elle-même de figures déjà anciennes sur le « métis » et le « plébéien » mais, contrairement à Ramos, réinterprétées positivement...
9 L’historien George Mosse a montré combien la guerre, et ce depuis l’Antiquité, pouvait devenir synonyme de virilité voire de vitalité 6 . Des conceptions qui, dans le cas du Mexique, s’imposeront d’autant plus facilement auprès de certains écrivains et hommes politiques que la Révolution laisse le souvenir d’une rare violence. De cette rupture brutale avec l’ancien monde surgissent les sans-culottes révolutionnaires : « des hommes nouveaux » qui comme l’affirme l’écrivain nationaliste José Mancisidor dans En la rosa de los vientos « marcheront sur nos os faits terre et trouveront en son sein l’espoir que nous avons semé avec notre sang. » 7
10 La brutalité est aussi une qualité qui distingue les révolutionnaires du maniérisme supposé des bourgeois de l’époque du Porfiriat. « L’homme faible n’est pas un homme complet » proclame un héros de Mancisidor 8 . « Le problème, étant d’humanité, est aussi de virilité » 9 , lui répond un autre. Contre l’artifice, à l’opposé du cosmopolitisme jugé décadent de l’ancien régime, la Révolution prétend accoucher d’êtres authentiques, de « vrais hommes », de « machos ». Puis, ultime glissement métonymique, le Mexique est « bronco », « rude » et le Mexicain « macho » : comme en témoigne dès 1942 cette chanson popularisée par le célèbre acteur Jorge Negrete dans le film El Peñón de las Animas de Miguel Zacarías : « Moi je suis Mexicain, ma terre est sauvage/Parole de macho qu’il n’y a pas de terre plus belle et plus sauvage que ma terre.//Moi je suis Mexicain et fier de l’être/Je suis né en méprisant la vie et la mort/Et si je lance des bravades, je les défends aussi. » 10
11 Une création qui n’est d’ailleurs, le plus souvent, que re création qui transforme, en en inversant les qualités, l’humble métis méprisé par les Científicos en « macho » révolutionnaire, incarnation virile, dans une société dominée par des hommes, du peuple et de la patrie.
12 « Macho : se dit d’un homme courageux ou ayant du caractère » 11 , telle est la définition proposée par le critique nationaliste Antonio Castro Leal à la fin de son anthologie sur la Novela de la Revolución dans les pages consacrées aux « mexicanismes » 12 nés, écrit-il, durant les années de la Révolution. De fait, s’agissant des premiers cris du « macho », du terme appliqué à l’homme, on retrouve des « traces » de cet emploi dès 1915, date à laquelle Mariano Azuela, médecin d’une des factions commandées par Villa, publie en feuilletons l’un des premiers romans sur la Révolution : Ceux d’en bas 13 . « Macho » désigne alors un « brave » d’origine populaire. Le titre de l’œuvre évoque d’ailleurs assez bien le parti pris populiste de l’auteur : il s’agit en effet de dépeindre avec réalisme l’engagement du peuple dans la tourmente révolutionnaire. Un roman qui met en scène des révolutionnaires courageux et virils où les hommes sont des « vrais hommes » 14 et le principal protagoniste, Demetrio Macías, un « machito » 15 . Un livre critique aussi mais qui malgré cela et quoique passé pratiquement inaperçu lors de sa publication
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