Le Trafic de pétrole en Syrie par les USA

Le Trafic de pétrole en Syrie par les USA

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Annexe de l'article "Les Tribus de l'Est de l'Euphrate".

Mis à jour le 04 juin 2021 : des rumeurs occidentales disent que les USA abandonnent Delta Crescent. Cf. plus bas.


Titre alternatif : USA - Syrie, une affaire de corruption réétiquetée "partenariat public-privé"

Par Rybar

Traduit du Russe. Source du document original


Les partisans du Parti républicain américain ont créé une petite entreprise qui produit du pétrole en Syrie et apporte des avantages significatifs à la Maison Blanche.

À l'automne 2017, les [tribus mafieuses se faisant appeler "Kurdes" ou Forces démocratiques syriennes (FDS)] se sont emparées des champs pétrolifères de la province de Deir ez-Zor et ont pris le contrôle de la plupart des gisements d'or noir du pays. Pendant longtemps, seules des informations fragmentaires ont été reçues sur le sort des gisements minéraux. Cela s'est poursuivi jusqu'en juillet 2020, date à laquelle les "Kurdes" ont conclu un accord avec la société américaine Delta Crescent Energy pour la production et la vente de pétrole.

L'accord a soulevé de nombreuses questions : l'entreprise ne semblait pas de taille pour un tel projet. Le fait que Washington lui-même a refusé de commenter en détail le document signé n'était pas clair non plus. Cependant, le contrat entre Delta Crescent Energy et les FDS n'était pas accidentel et poursuivait plusieurs objectifs à la fois.


À première vue, Delta Crescent Energy ne ressemble pas à une grande société minière. Même son site ne peut pas se vanter de montrer du contenu : il n'y a qu'une modeste page d'accueil.

Cependant, cela n'a pas empêché l'entreprise d'obtenir une rare licence du département du Trésor américain en avril 2020 pour contourner les embargos US contre le secteur pétrolier et gazier syrien. Comment une entreprise aussi douteuse pourrait-elle même conclure un contrat pour le développement de champs pétrolifères dans le Trans-Euphrate ?

La réponse réside dans les personnalités des dirigeants de Delta Crescent Energy : trois citoyens américains ayant une vaste expérience et des relations dans les structures diplomatiques et sécuritaires des États-Unis.

L'un d'eux est le lieutenant-colonel à la retraite James Reese. Il a occupé des postes de commandement dans les forces spéciales et s'est forgé une réputation d'officier exceptionnel au cours de ses 25 années de service. Après sa retraite de l'armée, Reese a fondé TigerSwan, une société de conseil opérant dans 50 pays à travers le monde et fournissant des services de gestion des risques à l'échelle planétaire.

Le directeur exécutif de Delta Crescent Energy est James Kane, ancien ambassadeur des États-Unis au Danemark.

John Dorier, qui a fondé la société britannique Gulfsands Petroleum au début des années 2000, est également à la tête de l'entreprise. La société était engagée dans le développement des champs pétrolifères du bloc 26 de la province de Hasaka, près de la frontière syro-irakienne, et a été contrainte de suspendre ses activités en raison de la guerre et des embargos de l'UE.

Bloc 26 en jaune


Les trois hommes d'affaires ont des liens avec le Parti républicain et des responsables de l'ancienne administration Donald Trump. Par exemple, depuis 1999, James Kane a fait don de dizaines de milliers de dollars aux républicains, en payant également les campagnes de certains candidats. John Dorier a également financé les campagnes de Trump, Ted Cruz et Lindsay Graham.

Le cerveau de Delta Crescent Energy, James Rees, avait auparavant rendu un grand service à l'État : son entreprise TigerSwan a combattu les manifestants contre la construction d'un oléoduc souterrain par Dakota Access dans le Dakota du Nord.

Le cabinet a collecté des informations et aidé les forces de l'ordre à engager des poursuites pénales contre les manifestants. Ce n'est pas un hasard si Donald Trump était un grand partisan du projet.

Par la suite, en raison des relations des membres de la direction de Delta Crescent Energy, des soupçons sont apparus à propos de l'influence indirecte qu'ils ont exercé sur la politique étrangère de la Maison Blanche. En 2019, des rumeurs ont circulé selon lesquelles ce n'est que grâce à quelques sénateurs républicains que Trump a refusé de retirer complètement les troupes américaines de Syrie.

Les politiciens auraient alors réussi à persuader le président de laisser les unités des forces armées américaines garder les champs pétrolifères. Parmi les partisans de la présence militaire sur le territoire syrien se trouvait Lindsay Graham, qui a par la suite reçu des dons de la direction de Delta Crescent Energy.

Cela a permis de supposer que seuls quelques acteurs associés au Parti républicain ont influencé la décision du chef de l'Etat de ne pas quitter la Syrie.


En regardant les événements autour de Delta Crescent Energy, on pourrait avoir l'impression que l'accord avec les "Kurdes" n'est que le fruit de l'initiative des propriétaires de l'entreprise. James Rees et ses alliés ont en effet toujours plaidé pour une présence américaine dans les régions syriennes riches en pétrole pendant plusieurs années avant la signature du traité avec les FDS.

En particulier, dans une interview au Washington Post en décembre 2018, James Kane a évoqué la nécessité pour les États-Unis de rester dans le nord-est de la Syrie pour empêcher la renaissance de l'État islamique.

Reese lui-même exprimait la même idée : en octobre 2019, il a appelé à sauver les "Kurdes" de l'invasion turque et à empêcher le retour des champs pétrolifères sous le contrôle de "Bachar al-Assad".

Lorsque les parties ont annoncé un accord sur les champs pétrolifères du Trans-Euphrate en août 2020, la Maison Blanche a publiquement nié toute participation. Selon le représentant spécial des États-Unis pour la Syrie, James Jeffrey, le département d'État n'était pas impliqué dans des accords commerciaux avec les « partenaires locaux ». Il a également ajouté que le gouvernement des États-Unis ne possède ni ne dispose de ressources pétrolières syriennes et que toutes les décisions sont prises par la population locale dans le cadre de son autonomie.

Et bien que l'administration de Washington se soit distancée de l'accord Delta Crescent Energy avec les FDS, des unités des forces armées américaines continuent d'arriver sur les champs de pétrole du Trans-Euphrate. En février 2021, les Américains ont même commencé à construire une piste d'atterrissage à proximité des plates-formes de forage du champ pétrolifère d'Al Omar, au sud-est de Deir Ez Zor.


Depuis la prise de contrôle des champs de pétrole sur la rive Est de l'Euphrate par les FDS à l'automne 2017, ils sont devenus une « boîte noire » : à partir de ce moment là, il n'y avait pratiquement aucune information sur le nombre de barils de pétrole produits, l'état des infrastructures et les travaux de réparation et de restauration en cours.

Après que les "Kurdes" ont signé un accord avec Delta Crescent Energy, il peut sembler que les Américains sont devenus sérieux au sujet de l'or noir syrien. Le propriétaire de la société, James Rees, a annoncé des plans pour ramener la production au niveau d'avant-guerre, et le sénateur Lindsay Graham a parlé des plans de modernisation de l'industrie pétrolière de l'Euphrate.

Des sources d'informations anonymes américaines ont même revendiqué la construction future d'une raffinerie de pétrole pour 150 millions de dollars dans les territoires "kurdes".

Cependant, six mois se sont écoulés depuis le moment de la transaction, mais aucun changement n'a suivi, les activités sur les terrains sont toujours couvertes d'un voile secret. La construction de la capacité de raffinage promise n'a pas eu lieu et il est impossible de vérifier les plans de Reese devant augmenter les opérations minières : Delta Crescent Energy ne publie tout simplement pas de statistiques.

Pour cette raison, il est difficile d'estimer la quantité réelle de pétrole produite dans le Trans-Euphrate. Ainsi, certaines sources prétendent recevoir 60 000 barils par jour, d'autres, environ 100 000, dont certains vont aux chefs des tribus locales.

La situation est similaire avec le traitement de l'or noir effectué dans diverses entreprises artisanales : il est presque impossible de dénombrer toutes ces mini-usines artisanales. Les seules informations fiables provenant des champs pétrolifères concernent uniquement le nombre de forces "kurdes" qui protègent ces champs.

Dans un rapport de l'inspecteur général pour l'opération Inner Resolve en août 2020, il est écrit que les États-Unis prévoyaient de former 250 "agents de sécurité" par mois et de porter leur nombre à 2 200.

Cette opacité est un environnement idéal pour les zones grises. Delta Crescent Energy ne rend de compte à personne publiquement. Elle peut vendre les minéraux extraits à n'importe qui et garder les quantités secrètes. Cela se passe sous le couvert du drapeau américain et des unités des FDS.

Dans ce contexte, la question se pose : quels avantages Washington en tire-t-il réellement ? D'une part, seuls les propriétaires directs de l'entreprise, qui s'enrichissent grâce aux ressources naturelles syriennes, semblent en être les bénéficiaires. Dans le même temps, formellement, l'accord Delta Crescent Energy n'a rien changé : des unités des forces armées américaines sont dans les champs pétrolifères Syriens depuis 2017.

Tout aurait donc été organisé uniquement pour le bien de quelques personnes proches du Parti républicain et n'aurait aucunement profité à la Maison Blanche ? Au contraire, elle est LA gagnante.


L'accord entre les "Kurdes" et Delta Crescent Energy est d'une importance capitale pour le gouvernement américain. La raison ne réside même pas dans la quantité relativement modeste des minéraux en eux-mêmes.

L'accord signé avec les FDS garanti d'empêcher la perte des champs pétrolifères lors des accords que négocient les "Kurdes" en coulisses avec d'autres parties. En outre, la présence de la société légitime formellement le contrôle américain sur l'or noir de l'Euphrate. Cela permet à Washington de recevoir de gros dividendes en échange de peu d'efforts.

L'un de ces dividendes est de créer un levier idéal sur Damas. Ces dernières années, une nouvelle vague de crise a commencé dans les territoires contrôlés par le gouvernement, aggravée par les embargos en vertu de la « loi César ».

La perte de champs pétrolifères signifie non seulement la privation de la source de revenus déjà affaiblie pour le budget de l'État Syrien, mais conduit également à un déficit en matières premières.

Aujourd'hui, même dans la capitale, de temps en temps, il y a d'énormes files d'attente dans les stations-service en raison du manque de carburant. Cela met pratiquement fin à la restauration du pays et au retour de l'activité économique aux niveaux d'avant-guerre.

Les alliés de Damas - la Russie et l'Iran - ne peuvent pas satisfaire pleinement sa demande en produits pétroliers en raison de la réticence de la plupart de leurs entreprises à travailler dans le pays. Par conséquent, les États-Unis ont une forte supériorité dans toute négociation et peuvent dicter leurs conditions au gouvernement syrien, qui est obligé de les écouter.

L'accord avec Delta Crescent Energy confère également une légitimité supplémentaire aux FDS et augmente le poids politique des "Kurdes". C'est une monnaie d'échange supplémentaire dans les négociations avec Assad sur la création de leur propre fédération dans le nord-est de la Syrie. Avec l'aide des revenus pétroliers, les FDS peuvent constituer leur propre budget et échanger de l'or noir contre d'autres biens et services, que Damas refuserait tout simplement de fournir sans cela.

Dans le même temps, la présence de Delta Crescent Energy dans les champs pétroliers permet d'assouplir la position de la Turquie sur la coopération américano-"Kurde". Washington a nié à plusieurs reprises son soutien au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et a évoqué des mesures visant à empêcher les FDS d'interagir avec le PKK.

Le déploiement de troupes dans les champs d'hydrocarbures et la signature de l'accord par la société de James Reese ressemble à une sorte de signal pour Ankara : la Maison Blanche surveille de près l'extraction de l'or noir et ne permet pas aux "Kurdes" de gagner plus d'argent que nécessaire. Ce faisant, les États-Unis démontrent aux Turcs leur influence sur les FDS et réduisent la probabilité de confrontation.

Plus tard, l'intérêt de l'État pour l'accord a été confirmé à Washington. En décembre 2020, l'envoyé spécial du département d'État pour la Syrie, Joel Rayburn, a déclaré que des représentants du département de la politique étrangère avaient rencontré les dirigeants de Delta Crescent Energy et les "Kurdes" eux-mêmes pour discuter de l'accord. Le diplomate a également évoqué la volonté de l'administration Trump de faire de la société de James Reese la seule entreprise américaine à disposer d'un permis de production de pétrole en Syrie.


L'accord Delta Crescent Energy est une autre vitrine des partenariats public-privé américains. Les parties prenantes de leur propre initiative ont créé une entreprise pour tirer profit du pétrole syrien. Le gouvernement américain écoute les dirigeants de l'entreprise et leur donne une licence exclusive pour opérer en Syrie.

L'entreprise peut extraire de l'or noir sans fournir de détails de ses gains, et Washington peut utiliser la situation pour mener à bien ses ambitions dans ce pays du Moyen-Orient.

Un autre avantage d'une telle coopération est l'absence de gros investissements, tout en minimisant les risques. Il est peu probable que les géants américains du pétrole et du gaz acceptent d'opérer dans les champs contrôlés par les FDS pour des raisons financières et de réputation.

Une petite entreprise privée créée à l'initiative personnelle de trois vétérans du ministère de la défense et des affaires étrangères est idéale pour ce rôle. Il ne reste plus qu'à assurer la protection des champs pétrolifères par les forces armées américaines qui y sont déployées depuis longtemps.

Cependant, l'essentiel ici est une énorme fenêtre d'opportunité, qui permet de recevoir des avantages en fonction de l'évolution de la situation en Syrie.

Si les Américains veulent étendre leur présence dans le pays, alors cet accord avec les "Kurdes" deviendra la base de nouveaux accords, et Washington, selon le même schéma, pourra prendre le contrôle de toutes les ressources naturelles du Trans-Euphrate. Cela suscite le mécontentement non seulement du gouvernement syrien, mais aussi des investisseurs étrangers : la société britannique Gulfsands Petroleum, précédemment mentionnée, a exprimé ses inquiétudes l'année dernière quant à la possible saisie des champs pétrolifères du bloc 26.

Si les États-Unis veulent soudainement retirer complètement leurs troupes de Syrie, les pertes financières seront minimes. Delta Crescent Energy n'a pas fait d'investissements majeurs dans les infrastructures pétrolières dans les territoires contrôlés par les "Kurdes", et tous les coûts encourus seront plus que compensés par l'or noir vendu.

Si la situation ne change pas, les dirigeants de l'entreprise et les politiciens de Washington continueront à faire des bénéfices : certains continueront à extraire de l'or noir, tandis que d'autres feront chanter Damas et menaceront de durcir les embargos.

Mais le fait que ce qui se passe ressemble avant tout à un acte de terrorisme économique, la Maison Blanche s'en fiche totalement. Les États-Unis poursuivent toujours leurs propres intérêts et le droit international ne leur fait pas obstacle.

Rybar


Mise à jour du 04 juin 2021

Des rumeurs occidentales disent que les USA abandonnent Delta Crescent. A confirmer.

https://twitter.com/joshua_landis/status/1400530346752593922
https://twitter.com/joshua_landis/status/1400262361332781059
Traduction ci-dessous :



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