Les harmonies millimétrées de Konstantin Grcic soulignent une humanité fragile en devenir constant. Pour ClassiCon, Driade, Moroso, Authentics..., il essaye, interroge, comprend et trouve pour avant tout réaliser. “Ma mère était dealer d’art contemporain. Mon père, plus âgé, était passionné de dessins du XVIIIè siècle. Ces intérêts bicéphales m’ont enseigné qu’ancien et nouveau peuvent cohabiter et que la beauté naît de leur combinaison”. Pensée germanique, droite et parfaitement anglée Konstantin Grcic est né à Munich en 1965. Il y réside et y travaille toujours. Par passion pour les arts, injectée au berceau et par éducation. De son apprentissage comme restaurateur d’antiquités en 1985, il se fait les dents sur la notion de qualité et retient qu’après 100 ans, “le bon reste bon et le mauvais ne cesse de se dégrader”. Se frotter au vieux lui donne envie du neuf. La fibre artisanale le taraude autant que la confrontation d’un travail noble.
Il passe outre-manche chez un ébéniste qui le familiarise et lui communique une certaine fascination pour la production en série. Grcic rejoint Madrid et laisse l’esprit glander. Il n’y fait pas grand-chose. Le temps profite à la maturation. “Le pragmatisme et la discipline sont indispensables pour être vraiment libre et profiter au mieux de cette liberté”. En fin de croisade espagnole, Konstantin Grcic s’offre un come back anglais et se forme dans l’école privée de Parnham avant d’intégrer le Royal College of Arts de Londres. Il y rencontre deux êtres déterminants, barons d’inspirations futures. Aîné de 7 ans mais débutant comme lui, Jasper Morrison l’encourage et lui apprend que le design est bien plus qu’une simple question de fabrication et de production. Ils travaillent et partagent ensemble la philosophie Morrisonnienne de “l’Utilisme”. A Milan, issu d’une génération de pionniers, le maître Vico Magistretti lui donne le goût d’une géométrie simple, le goût pour l’élégance et la raison.
Il lui enseigne la légèreté de travailler des matériaux simples selon des techniques simples. Les deux auront valeur de mentors, supporters vigilants de son talent. Après six mois passés dans le studio de Jasper Morrison, l’éditeur de mobilier SCP, éditeur alors de l’esprit du temps, lui commande un modèle et le présente au Salon du Meuble de Milan. A l’allumage, les choses s’enchaînent. Cappellini répond à l’appel. 1991, Konstantin Grcic ouvre KGID, son propre atelier à Munich, et commence des collaborations internationales avec ClassiCon, Driade, Flos, Krups, Montina, Moormann, Moroso, ProtoDesign, Whirlpool et Authentics. Son style s’affirme, se construit pour faire date. “Dans le champ des arts, j’aime le style radical, pur, direct, simple, pas simplement minimaliste. J’aime les artistes qui ont une certaine attitude et qui vont droit à l’essentiel comme Carl André, Ed Rusha, Bruce Nauman, Dan Flavin”. Droit à l’essentiel résume tout.
Grcic autopsie la beauté du superflu, désosse en donnant chair, transforme les translations formelles en pétards du design industriel. Entré dans la collection permanente du Museum of Modern Art de New York, sa lampe en polypropylène “Mayday”, éditée par Flos en 1998, raffle le Compasso d’Oro. Les prix tombent au fil de créations en avalanche. Les pièces deviennent Masters. L’histoire s’occupe du reste. “Je choisis les projets pour des raisons personnelles. Il faut qu’il y ait une bonne alchimie avec les commanditaires car il s’agit avant tout d’une collaboration. Il faut aussi que ce projet rentre dans un cadre plus général, une ligne de force créatrice, qui corresponde à mon intérêt du moment, un “méta project” en cours de développement, m’offrant un certain challenge ou me permettant d’approfondir, d’aller plus loin dans une direction donnée”. Il possède ses propres règles. Celles qui réfutent les coups d’éclat, mais qui donnent lieux à des tueries.
Il pense le design par projection sur l’usager imaginaire, inspiré par un ami, articulé par ses propres envies. “Une fois le concept précisé, j’aime prendre le temps de réfléchir seul, de l’amener à maturation. Je choisis ensuite l’un de mes quatre assistants, lui explique l’idée et le laisse démarrer. Cette phase de formulation et d’explication est importante et nécessaire dans mon processus créatif. C’est une des leçons de Magistretti qui disait : “le bon design est celui qui peut s’expliquer au téléphone”. Si je parviens à expliquer l’idée à mon assistant, cela lance une partie de ping-pong entre nous qui peut durer plusieurs mois”. Il enchâsse alors une chaise anonyme d’une housse en mousse de polyuréthane (Moroso), déploie les lois des poids légers pour la chaise “Chair-one” en fonte d’aluminium et piètement en béton (Magis), compose une mélodie de porcelaine pour la Manufacture de Nymphenburg. De l’hommage à Jean Prouvé en tôle plié “My 2 metre” édité par ClassiCon aux manipulations structurelles d’un plastique déployé en nid d’abeille pour l’élément d’assise “After my first presentation”, Grcic pousse les performances du design industriel, effile les épaisseurs, inverse les logiques de masse.