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La chronique. Il loue sa femme pour un million, par Peter Rothenbühler
La chronique. Il loue sa femme pour un million, par Peter Rothenbühler
Publié mardi 1 février 2000 à 01:20
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Il paraît qu'un pauvre type plein de dettes a décidé de régler tous ses problèmes en offrant une nuit avec sa femme pour le prix d'un million de deutschmark. Il aurait fait cette offre dans le cadre du très célèbre «talkshow» de Bärbel Schäfer sur la chaîne allemande RTL, une émission qui n'a pas encore été diffusée et qui ne le sera peut-être jamais parce que les avocats et les patrons de RTL seraient en train d'évaluer les dégâts que ce genre de commerce à l'antenne pourrait causer à l'image et aux caisses de leur maison. Pour le pauvre type, le mal est pourtant fait sans qu'il passe à l'antenne. Tout le monde connaît son nom ainsi que celui de sa femme, leurs photos ont été montrées en Allemagne et en Suisse. C'est que «Bild», le grand quotidien de boulevard allemand, a eu connaissance de l'histoire, l'a publiée en première page et a fait appel à ses lecteurs pour juger de la moralité de l'affaire. Eh oui, c'est devenu un scoop pour la presse de boulevard. Le lendemain, «Blick», le petit frère Suisse de «Bild», a repris l'information en première page.
Le surlendemain, le directeur de la télévision privée zurichoise TV3 a réussi à attirer l'attention sur lui en déclarant qu'il accueillerait volontiers sur son antenne des hommes qui seraient prêts à faire la même offre, donc de prostituer leur femme pour un million de francs suisses. Il n'a pas précisé quand et dans quelles conditions. Mais il a fait une erreur de néophyte en oubliant cette petite distance que tout bon boulevardier se doit de mettre entre lui et les histoires douteuses qu'il est prêt à colporter. Et voilà qu'il est devenu la cible de ces grands prêtres de la morale médiatique qui ont naturellement raison de poser les questions nécessaires, à savoir: jusqu'ou iront ces télé privées pour faire monter leur taux d'écoute? Question assez rhétorique qui sous-entend naturellement que ces méchants-là iront très très loin, qu'ils seraient prêts à vendre leur grand-mère pour gagner de l'argent. On connaît ce genre d'argument depuis qu'il existe des médias à grands tirage ou à fort taux d'écoute. N'a-t-on pas déjà voulu interdire la vente des romans à l'eau de rose aux bonnes au siècle dernier?
Mais ce qui m'intéresse vraiment, dans cette affaire, c'est son origine: l'idée de vendre une nuit avec sa femme pour un million vient d'un film américain. Qu'elle ait pu inspirer un pauvre type fauché est très compréhensible. Qu'il ait eu l'idée de se présenter dans une émission à sensation, aussi. Que cette histoire soit reprise avec plaisir par les médias à sensation, aussi. Ce qui étonne quand même, c'est pourquoi à aucun moment personne n'a dit clairement que l'offre du bonhomme était absolument idiote parce qu'irréaliste: personne n'est prêt à payer un million pour passer une nuit avec une jolie coiffeuse allemande. Au lieu de parler de la baisse de moralité dans les médias, il faudrait peut-être, dans ce cas, plutôt débattre de l'accroissement d'une certaine virtualité des médias, jusque dans les commentaires.
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