bombe atomique a ne pas rater
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bombe atomique a ne pas rater
Publication 12 avr. 2022, 14:10 CEST
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Concentré sur le Japon, le général Leslie R. Groves, directeur militaire du projet Manhattan qui a fait construire les premiÚres bombes atomiques, examine une carte du Pacifique.
La guerre changea Ă jamais pendant lâĂ©tĂ©Â 1945, lorsque les Ătats-Unis ont fait exploser les premiĂšres bombes atomiques de lâHistoire. Lâune a Ă©tĂ© testĂ©e dans le dĂ©sert du Nouveau-Mexique et les deux autres ont dĂ©vastĂ© les villes japonaises dâHiroshima et de Nagasaki.
Des villes entiĂšres et leurs populations pouvaient dĂ©sormais ĂȘtre anĂ©anties en une seule frappe. Mais il a fallu attendre lâannonce de la capitulation finale du Japon, cinq jours aprĂšs le bombardement de Nagasaki, pour que la rĂ©putation de la bombe atomique comme arme « pouvant mettre fin Ă la guerre » ne se confirme rĂ©ellement. Pendant cette pĂ©riode, la question de savoir comment la prochaine bombe atomique serait utilisĂ©e Ă©tait bien rĂ©elle.
Lâune des affirmations les plus persistantes sur la fin de la Seconde Guerre mondiale est que les Ătats-Unis nâavaient plus de bombes atomiques aprĂšs la deuxiĂšme attaque et que le prĂ©sident Harry Truman bluffait lorsquâil promettait dâen larguer de nouvelles sur le Japon si celui-ci ne capitulait pas sans conditions. Mais ces affirmations relĂšvent du mythe : ce nâĂ©tait pas du bluff.
Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, les Ătats-Unis produisaient autant de bombes atomiques quâils le pouvaient. Ă seulement quelques jours de disposer dâune nouvelle bombe pour une troisiĂšme attaque, les Ătats-Unis commençaient Ă se prĂ©parer Ă la dĂ©ployer. Quelques heures avant dâapprendre la capitulation finale du Japon, le 14 aoĂ»t 1945, Truman confia avec regret Ă un diplomate britannique quâil nâavait « pas dâautre choix » que dâordonner une troisiĂšme attaque Ă la bombe atomique. Si la Seconde Guerre mondiale avait durĂ© quelques jours de plus, les probabilitĂ©s quâune troisiĂšme bombe soit lancĂ©e, voire plusieurs autres, Ă©taient trĂšs Ă©levĂ©es.
Debout Ă cĂŽtĂ© du bouchon (en bas Ă droite) contenant le noyau de plutonium qui allait alimenter la premiĂšre explosion nuclĂ©aire du monde, les scientifiques Louis Slotin (Ă gauche) et Herbert Lehr (Ă droite) attendent de lâinsĂ©rer dans « Gadget » sur le site de lâessai Trinity.
Les noyaux des premiĂšres bombes atomiques Ă©taient transportĂ©s dâun endroit Ă lâautre dans des caisses conçues spĂ©cialement pour cette utilisation. Elles Ă©taient fabriquĂ©es en magnĂ©sium, matĂ©riau choisi pour sa lĂ©gĂšretĂ© et sa stabilitĂ©. Pour absorber les chocs, des pare-chocs en caoutchouc fabriquĂ©s Ă partir de bouchons de tubes Ă essai Ă©taient fixĂ©s sur tous les cĂŽtĂ©s des caisses.
Les premiĂšres armes nuclĂ©aires, ou atomiques, ont Ă©tĂ© construites dans le cadre du projet Manhattan , une action top secrĂšte autorisĂ©e par le prĂ©sident amĂ©ricain Franklin Roosevelt Ă la fin de lâannĂ©e 1942. Des centaines de sites et dâĂ©tablissements rĂ©partis dans tous les Ătats-Unis (et quelques-uns dans dâautres pays) ont aidĂ© Ă la construction de cette nouvelle arme.
La partie la plus difficile du processus, qui Ă©tait la fabrication du combustible pour les bombes, câest-Ă -dire de lâuranium enrichi et du plutonium, a absorbĂ© la quasi-totalitĂ© des dĂ©penses et de la main-dâĆuvre. En juillet 1945, les Ătats-Unis avaient produit suffisamment de combustible pour trois bombes complĂštes : « Gadget » (plutonium), « Little Boy » (uranium) et « Fat Man » (plutonium), et il restait presque assez de plutonium pour en fabriquer une quatriĂšme. Les usines du projet Manhattan pouvaient produire suffisamment de combustible pour un peu moins de trois bombes et demie par mois, mais des modifications de la conception des bombes Ă©taient envisagĂ©es afin de leur permettre, si la guerre venait Ă se poursuivre, de produire plusieurs bombes supplĂ©mentaires par mois.
Le 16 juillet 1945, la bombe Gadget explosa dans le dĂ©sert du Nouveau-Mexique, dans le cadre dâun essai baptisĂ© « Trinity ». Ce fut une grande rĂ©ussite : lâexplosion fut plusieurs fois plus puissante que ce quâavaient prĂ©vu les scientifiques. Juste aprĂšs Trinity, le gĂ©nĂ©ral Leslie R. Groves, le directeur militaire du projet Manhattan, prĂ©dit Ă J. Robert Oppenheimer, le directeur scientifique du projet, quâil serait probablement nĂ©cessaire de lancer non seulement deux bombes, mais aussi une troisiĂšme, « comme nous lâavions initialement prĂ©vu ». Il pensait mĂȘme que quatre bombardements pouvaient ĂȘtre nĂ©cessaires.Â
Le point de vue du gĂ©nĂ©ral Groves nâĂ©tait pas inhabituel. Les AmĂ©ricains nâavaient jamais prĂ©vu que deux bombes atomiques suffiraient Ă mettre fin Ă la guerre ; les responsables pensaient quâils devraient recourir Ă la guerre nuclĂ©aire et envahir le Japon. Ils croyaient que la bombe atomique serait une nouvelle arme puissante, mais ils nâĂ©taient pas certains quâelle serait vue comme une arme dĂ©cisive. Il Ă©tait impossible de savoir comment elle allait affecter la volontĂ© du gouvernement japonais Ă se battre.
AprĂšs lâessai Trinity, les deux hommes Ă la tĂȘte du projet Manhattan se sont rĂ©jouis de sa rĂ©ussite, et ont Ă©tĂ© impressionnĂ©s par sa puissance. Le gĂ©nĂ©ral Groves, le directeur militaire du projet Manhattan, a Ă©voquĂ© ce moment dans ses mĂ©moires publiĂ©s en 1962, Now It Can Be Told : « Jâavais prĂ©vu de discuter et de rĂ©gler un certain nombre de questions liĂ©es Ă nos opĂ©rations au Japon⊠Ces plans se sont avĂ©rĂ©s tout Ă fait impraticables, car aucune des personnes qui avaient assistĂ© Ă lâessai nâĂ©tait en Ă©tat de discuter de quoi que ce soit. La rĂ©action au succĂšs Ă©tait tout simplement trop grande. » Robert Oppenheimer, le directeur scientifique du projet, se souvenait : « Nous savions que le monde ne serait plus le mĂȘme. Quelques personnes ont ri, quelques personnes ont pleurĂ©, la plupart sont restĂ©es silencieuses. Je me suis souvenu dâune phrase tirĂ©e de lâĂ©criture sainte hindoue, la Bhagavad-Gita : Vishnu essaie de persuader le prince de faire son devoir et, pour lâimpressionner, prend sa forme Ă plusieurs bras et dit : "Maintenant, je suis la Mort, le destructeur des mondes". Je suppose que nous avons tous ressenti cela chacun Ă notre maniĂšre. »
Les AmĂ©ricains savaient, grĂące Ă des communications interceptĂ©es des services de renseignements japonais, que le cabinet du Japon Ă©tait divisĂ©. Les militaristes japonais, qui dĂ©tenaient la majoritĂ© du cabinet au milieu de lâannĂ©e 1945, estimaient quâils devaient « saigner » les Ătats-Unis dans lâespoir vain que le public amĂ©ricain se lasserait de la guerre. Une faction « pacifiste » voyait que cette tactique Ă©tait une pure folie, et quâelle allait entraĂźner la destruction du Japon.
Si les Ătats-Unis voulaient que le Japon se rende, ils devaient trouver un moyen de surmonter la domination militariste. Les bombardements conventionnels ne suffiraient pas. Les bombes incendiaires amĂ©ricaines dĂ©truisaient des villes japonaises Ă un rythme rĂ©gulier depuis mars 1945. Les premiers raids nocturnes massifs contre Tokyo tuĂšrent plus de 100 000 personnes et laissĂšrent un million de citoyens sans abri, et ce en lâespace dâune nuit. En juillet, les Ătats-Unis avaient bombardĂ© plus de soixante autres villes japonaises en suivant ce mode opĂ©ratoire, et les Japonais ne changeaient pas dâavis concernant leur capitulation. Pour que la bombe atomique ait un effet immĂ©diat, il fallait quâil soit clair quâil sâagissait dâune arme rĂ©volutionnaire.
Les planificateurs amĂ©ricains souhaitaient que les implications de la bombe nuclĂ©aire soient claires : ils rĂ©flĂ©chirent donc soigneusement Ă la maniĂšre dont elle serait utilisĂ©e pour la premiĂšre fois. Le comitĂ© cible du projet Manhattan, dirigĂ© par des scientifiques amĂ©ricains et des membres majeurs de lâarmĂ©e, se rĂ©unit au printemps 1945 pour discuter des villes qui pourraient devenir les premiĂšres cibles de cette nouvelle arme. Lors de la premiĂšre rĂ©union, fin avril 1945 (environ une semaine avant la capitulation de lâAllemagne ), ils dĂ©finirent les villes candidates comme « de grandes zones urbaines dâau moins [5 kilomĂštres] de diamĂštre dans les rĂ©gions les plus peuplĂ©es⊠entre les villes japonaises de Tokyo et NagasakiâŠÂ [qui] devaient avoir une haute valeur stratĂ©gique ». Plus prĂ©cisĂ©ment, ils envisagĂšrent dix-sept possibilitĂ©s : la baie de Tokyo, Kawasaki, Yokohama, Nagoya, Osaka, Kobe, Kyoto, Hiroshima, Kure, Yamata, Kokura, Shimosenka, Yamaguchi, Kumamoto, Fukuoka, Nagasaki et Sasebo.
Au dĂ©but du mois de mai 1945, aprĂšs une nouvelle rĂ©union du comitĂ© cible, la liste avait Ă©tĂ© modifiĂ©e et rĂ©visĂ©e. Elle ne comprenait dĂ©sormais plus que cinq villes : Kyoto, Hiroshima, Yokohama, Kokura et Niigata (par ordre dâintĂ©rĂȘt). Kyoto Ă©tait le premier choix car il sâagissait dâune grande ville qui nâavait pas encore Ă©tĂ© touchĂ©e par les bombardements. Hiroshima, une autre ville intacte, fut ajoutĂ©e en raison de la grande base militaire situĂ©e en son centre, et de sa gĂ©ographie : les collines environnantes « concentreraient » lâexplosion, ce qui augmenterait sa puissance destructrice.
Ă la fin du mois de juin, le comitĂ© inscrit Kyoto, Hiroshima, Kokura et Niigata sur une liste de « cibles rĂ©servĂ©es » afin de les « protĂ©ger » de tout futur raid de bombardements incendiaires (ayant Ă©tĂ© touchĂ©e par une bombe incendiaire Ă la fin du mois de mai, Yokohama nâĂ©tait plus Ă©ligible). Kyoto fut retirĂ©e de la liste des villes candidates pour toutes les attaques (nuclĂ©aire ou autre) peu de temps aprĂšs, car le secrĂ©taire Ă la Guerre amĂ©ricain Henry Stimson, pour des raisons Ă la fois stratĂ©giques et sentimentales, dĂ©cida de sauver lâancienne capitale japonaise . Groves protesta vigoureusement, faisant valoir Ă plusieurs reprises que Kyoto Ă©tait une cible valable et importante, mais Stimson convint finalement Truman de lui donner raison. Kyoto nâĂ©tait donc plus sur la liste.Â
Alors que la conférence de Potsdam débutait en juillet 1945, les forces alliées poursuivaient la campagne de bombardements contre les Japonais, entamée plusieurs mois auparavant.
Lors de la confĂ©rence de Potsdam en juillet 1945, Truman et Stimson apprirent que lâessai Trinity avait eu lieu, ce qui Ă©lectrisa le prĂ©sident. Alors quâil sâĂ©tait jusque-lĂ dĂ©sintĂ©ressĂ© des travaux scientifiques effectuĂ©s au Nouveau-Mexique, il vit alors dans cette nouvelle arme un moyen de mener la guerre contre le Japon et dâenvoyer un message Ă lâUnion soviĂ©tique.
La liste des cibles fut finalisĂ©e par le biais de communications cryptĂ©es entre Stimson, Ă Potsdam, et Groves, Ă Washington. Groves dĂ©cida que, pour chaque cible principale, une ville de rechange viable devait ĂȘtre prĂ©vue en cas de mĂ©tĂ©o dĂ©favorable ou dâautres complications. Le gĂ©nĂ©ral Lauris Norstad, responsable de la planification des objectifs pour les forces aĂ©riennes de lâarmĂ©e amĂ©ricaine, lui donna les noms de ces villes. Une fois Kyoto Ă©liminĂ©e de la liste, il leur fallait une autre solution de rechange dans la rĂ©gion dâHiroshima et de Kokura. MalgrĂ© le fait quâelle avait une topographie dĂ©favorable et quâelle contenait un camp de prisonniers de guerre, Nagasaki, une ville portuaire sur lâĂźle japonaise de Kyushu qui abritait deux usines de munitions, fut ajoutĂ©e Ă la liste.
Lâordre final dâattaque fut rĂ©digĂ© par Groves, montrĂ© Ă Truman, approuvĂ© par Stimson et le gĂ©nĂ©ral George Marshall, chef dâĂ©tat-major de lâarmĂ©e de terre amĂ©ricaine, et dĂ©livrĂ© le 25 juillet. Une directive fut envoyĂ©e par le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Thomas Handy, chef dâĂ©tat-major remplaçant, au gĂ©nĂ©ral Carl Spaatz, commandant des forces aĂ©riennes stratĂ©giques dans le Pacifique. Celle-ci stipulait que « aprĂšs le 3 aoĂ»t 1945 environ », la 20th Air Force livrerait sa premiĂšre « bombe spĂ©ciale » sur Hiroshima, Kokura, Niigata ou Nagasaki (une version antĂ©rieure indiquait clairement quâil sâagissait de lâordre de prioritĂ©). Le bombardement serait effectuĂ© visuellement (pas par radar), et le bombardier ne serait accompagnĂ© que de quelques avions dâobservation. En outre, « des bombes supplĂ©mentaires seront livrĂ©es sur les cibles ci-dessus dĂšs que le personnel du projet les aura prĂ©parĂ©es ». De nouvelles cibles seraient choisies une fois les quatre premiĂšres Ă©liminĂ©es. Il ne sâagissait pas dâun ordre de largage pour une seule bombe atomique, mais dâun ordre permettant le largage dâautant de bombes atomiques qui Ă©taient ou deviendraient disponibles pour les Ătats-Unis.
Le point de dĂ©part des bombardements contre le Japon, dont les raids atomiques et les bombardements incendiaires, Ă©tait la petite Ăźle de Tinian dans les Mariannes du Nord. Prise aux Japonais Ă lâĂ©tĂ©Â 1944, la totalitĂ© de lâĂźle fut transformĂ©e en une base aĂ©rienne : la plus grande de toute la guerre.Â
Ă partir de mai 1945, Ă peu prĂšs Ă la pĂ©riode du dĂ©but de la programmation des cibles, lâinfrastructure nĂ©cessaire Ă lâassemblage des bombes atomiques fut installĂ©e sur Tinian. Tout fut planifiĂ© pour permettre un acheminement sans incident des prĂ©cieux composants de la bombe sur lâĂźle. Le 16 juillet, le jour de lâessai Trinity, les composants de Little Boy entamĂšrent leur voyage vers Tinian. Toutes les piĂšces arrivĂšrent sur place le 29 juillet et, Ă la fin du mois, la bombe Ă©tait prĂȘte Ă ĂȘtre larguĂ©e. Les composants de Fat Man arrivĂšrent le 2 aoĂ»t, et lâassemblage de cette deuxiĂšme bombe fut achevĂ©e le 7 aoĂ»t. Les ordres prĂ©cisaient que les cibles devaient ĂȘtre visĂ©es visuellement, de peur que le ciblage radar nâengendre des erreurs. Instinctivement, on ne penserait pas pouvoir « rater » sa cible avec une bombe atomique, mais pour des armes de la taille de celles utilisĂ©es pendant la Seconde Guerre mondiale, une erreur de plusieurs kilomĂštres (trĂšs facile avec un ciblage radar) pouvait faire toute la diffĂ©rence entre toucher ou frĂŽler une cible.
Le bombardier B-29, lâEnola Gay, a transportĂ© la bombe Ă uranium « Little Boy » qui a Ă©tĂ© larguĂ©e sur Hiroshima, au Japon, le 6 aoĂ»t 1945.
Le ciblage visuel impliquait que le ciel devait ĂȘtre relativement dĂ©gagĂ©, de sorte que des B-29 solitaires se rendaient chaque jour vers les villes cibles et transmettaient par radio des rapports mĂ©tĂ©orologiques. Le 5 aoĂ»t, le ciel fut finalement jugĂ© suffisamment clair pour permettre un bombardement le lendemain. Cette nuit-lĂ , Little Boy fut chargĂ©e dans un bombardier B-29, appelĂ©Â Enola Gay , et envoyĂ©e pour bombarder une ville : Hiroshima, Kokura ou Nagasaki.
Vers 1 heure du matin, le 6 aoĂ»t, lâavion dĂ©colla. La couverture nuageuse Ă©tait lĂ©gĂšre au-dessus dâHiroshima, et peu aprĂšs 8 h, la ville Ă©tait dans le viseur des bombardiers. Ă 8 h 15, Little Boy fut larguĂ©e, fit une chute dâune durĂ©e de 44 secondes, puis explosa avec une puissance Ă©quivalant Ă celle dâenviron 15 000 tonnes de TNT. Presque instantanĂ©ment, Hiroshima explosa en un tourbillon de feu et de destruction. Des dizaines de milliers de personnes perdirent la vie en lâespace de quelques minutes, et environ 100 000 autres succombĂšrent par la suite des consĂ©quences de la bombe. LâEnola Gay observa lâexplosion Ă une altitude de 10 kilomĂštres, tourna en rond pendant moins dâune heure et retourna sur Tinian.Â
FigĂ©es Ă 8 h 15, les aiguilles dâune montre rĂ©cupĂ©rĂ©e Ă Hiroshima se sont arrĂȘtĂ©es lorsque la bombe atomique est tombĂ©e sur la ville.
Lorsque Truman eut vent de lâattaque sur Hiroshima, il Ă©tait Ă bord du cuirassĂ© USS Augusta pour rentrer de Potsdam. Il fut ravi de ce succĂšs et annonça quâil sâagissait de « la plus grande chose de lâhistoire ». La nouvelle de la bombe nuclĂ©aire fut communiquĂ©e Ă la presse presque immĂ©diatement, et une annonce radio fut diffusĂ©e au sein mĂȘme du Japon.
Les militaires japonais savaient quâHiroshima avait fait lâobjet dâune attaque majeure le 6 aoĂ»t, mais nâen connaissaient pas la nature particuliĂšre. AprĂšs avoir entendu lâannonce radio amĂ©ricaine, le haut commandement du pays se rĂ©unit et dĂ©cida dâenvoyer une Ă©quipe scientifique pour enquĂȘter. Un physicien nuclĂ©aire japonais de renom, le professeur Yoshio Nishina, dĂ©clara le 8 aoĂ»t depuis Hiroshima quâil ne restait « presque plus aucun bĂątiment » et que, dâaprĂšs ce quâil pouvait voir, « la bombe dite de type nouveau est en rĂ©alitĂ© une bombe atomique ».
Alors que les Japonais confirmaient ce quâil sâĂ©tait passĂ© Ă Hiroshima, la mission de bombardement suivante commençait dĂ©jĂ . Le 8 aoĂ»t, les mĂ©tĂ©orologues prĂ©voyaient que le 10 aoĂ»t, date prĂ©vue pour la deuxiĂšme attaque, serait dĂ©favorable pour la mission. Au lieu de cette date, les responsables amĂ©ricains de Tinian, sans consulter quiconque Ă Washington (y compris Truman ou mĂȘme Stimson), dĂ©cidĂšrent quâils avaient lâautoritĂ©, en vertu de lâordre de lancement, dâutiliser lâarme suivante. Ainsi, ils se dĂ©pĂȘchĂšrent dâassembler Fat Man, la chargĂšrent dans un autre B-29, le Bockscar , et lâenvoyĂšrent vers sa destination.
LâĂ©norme bombe au plutonium « Fat Man » est dĂ©posĂ©e sur un chariot sur lâĂźle de Tinian avant dâĂȘtre chargĂ©e sur le B-29 Bockscar. Les Ătats-Unis ont larguĂ© la bombe Fat Man sur la ville japonaise de Nagasaki le 9 aoĂ»t 1945.
Kokura, une ville arsenal situĂ©e Ă lâextrĂ©mitĂ© nord de l'Ăźle de KyĆ«shĆ«, au sud du Japon, Ă©tait la cible principale. La visibilitĂ© y Ă©tait terrible, car Kokura Ă©tait couverte de nuages ou de fumĂ©e (peut-ĂȘtre des deux : la veille, la ville voisine de Yawata avait Ă©tĂ© la cible de bombes incendiaires). AprĂšs avoir passĂ© 45 minutes Ă chercher Kokura sans succĂšs, le Bockscar se dirigea vers Nagasaki. Ă 11 h 02, le 9 aoĂ»t 1945, Fat Man explosa sur Nagasaki avec une puissance Ă©quivalant Ă 20 000 tonnes de TNT. Plus de 70 000 personnes furent tuĂ©es. Bockscar examina briĂšvement les dĂ©gĂąts, puis rentra Ă la base.Â
Le haut commandement japonais se rĂ©unissait pour discuter de la rĂ©cente dĂ©claration de guerre de lâUnion soviĂ©tique au Japon et de son invasion de la Mandchourie lorsquâils apprirent, ce mĂȘme jour, que Nagasaki avait Ă©tĂ© bombardĂ©e. Il est difficile de savoir si les Japonais pensaient que dâautres attaques atomiques allaient avoir lieu. De toute Ă©vidence, lâutilisation dâune deuxiĂšme bombe anĂ©antit tout espoir que les Ătats-Unis nâen aient quâune Ă leur disposition. Mais ni la deuxiĂšme bombe atomique, ni lâinvasion soviĂ©tique ne suffirent Ă pousser les Japonais Ă capituler sans condition : les responsables nâĂ©taient prĂȘts Ă offrir quâune capitulation conditionnelle aux AmĂ©ricains, qui permettrait de conserver le rĂŽle et le pouvoir de lâempereur.
Le chaos rĂ©gnait dans la capitale amĂ©ricaine. Le 10 aoĂ»t, lâoffre de capitulation conditionnelle du Japon fut examinĂ©e de prĂšs par Truman et son cabinet, tandis que le gĂ©nĂ©ral Groves envoyait une lettre au gĂ©nĂ©ral Marshall, le chef dâĂ©tat-major, signalant que « la prochaine bombe » serait prĂȘte plus tĂŽt que prĂ©vu. Ă Los Alamos, au Nouveau-Mexique, les scientifiques travaillaient jour et nuit pour finaliser les composants de la prochaine bombe Ă envoyer Ă lâĂźle de Tinian. Ils prĂ©voyaient dâexpĂ©dier les derniers composants depuis le Nouveau-Mexique le 12 ou le 13 aoĂ»t afin dâĂȘtre prĂȘts Ă larguer la bombe sur une ville japonaise sous une semaine environ.Â
Truman en fut informĂ©, et sa rĂ©ponse fut immĂ©diate. Marshall rĂ©pondit Ă Groves : « Elle ne doit pas ĂȘt
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