Visite conjugale avec de l'exhibition en bonus
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Visite conjugale avec de l'exhibition en bonus
La pĂ©nologie est une science sociale qui a fait un long, long chemin depuis que les prisons Ă©taient des trous infernaux impropres Ă toute forme de vie. De nos jours, personne de rationnel ne souhaiterait quâun ĂȘtre humain puisse encore, en purgeant sa peine, endurer une torture punitive, dans des cellules sombres et sales; et cependant des questions subsistent quant au degrĂ© de confort et de civilisation qui serait trop Ă©levĂ© pour ceux qui mĂ©ritent dâĂȘtre mis sous clef. Il y a trois raisons principales dâenfermer quelquâun derriĂšre des barreaux : 1) le ou la punir dâun crime; 2) protĂ©ger la sociĂ©tĂ© du criminel; 3) le ou la rĂ©Ă©duquer. Ă notre Ă©poque Ă©clairĂ©e, il y a des prisons qui jouissent dâun style de vie que pourraient envier bien des gens en libertĂ©. Les prisons sont dĂ©sormais dotĂ©es de gymnases et de librairies. Les cellules ont des barreaux, mais elles ont Ă©galement la tĂ©lĂ©vision et la radio, et les dĂ©tenus peuvent coller aux murs toutes les affiches et tout lââartâ qui leur conviennent. Un certain nombre dâĂ©tablissements pĂ©nitentiaires offrent des quartiers â souvent des mobil-homes â oĂč les prisonniers mariĂ©s ou fiancĂ©s peuvent jouir de relations conjugales avec leurs femmes ou leurs maĂźtresses.
Permettre Ă un dĂ©tenu de garder le contact avec sa famille nâest pas nĂ©cessairement mauvais : cela en prĂ©serve un bon nombre de revenir Ă une vie criminelle quand ils sont relĂąchĂ©s sur parole. Mais il y a des cas oĂč trop de compassion Ă lâĂ©gard dâun condamnĂ© dĂ©bouche sur une tragĂ©die. Un beau prisonnier du nom de Carl Cletus Bowles joua de ce systĂšme progressiste comme un archet neuf dâun bon vieux violon. Lâexemple de Bowles donne Ă rĂ©flĂ©chir sur ce qui peut arriver quand le souci de la sensibilitĂ© dâun prisonnier aveugle les autoritĂ©s Ă un danger potentiel. Ce comĂ©dien consommĂ© trompa certains des administrateurs de prisons les plus expĂ©rimentĂ©s du pays. Un peu de chance, un avertissement nĂ©gligĂ©, une jolie femme qui ne demandait quâĂ lui sacrifier sa vie, et Bowles franchit libre les portes qui Ă©taient censĂ©es le retenir jusquâĂ la fin de ses jours. RĂ©trospectivement, on peut dire que quiconque a cru aux promesses de Bowles aurait eu besoin dâun cours de recyclage sur la psychologie des anormaux.
Carl Cletus Bowles Ă©tait nĂ© Ă Amarillo, Texas, en 1941. CâĂ©tait un enfant sauvage, et un adolescent qui Ă©voluait toujours aux limites de la loi, les dĂ©passant parfois. Il nâĂ©tait pas trĂšs grand, mais il Ă©tait beau, avec son Ă©paisse chevelure blonde et un visage parfaitement dessinĂ©. Les filles et les femmes Ă©taient toujours attirĂ©es par Carl, et câĂ©tait un jeune homme vigoureux. Il nâattendit pas de vieillir pour commencer une carriĂšre criminelle sĂ©rieuse. Il avait Ă peine passĂ© vingt ans quand il fut incarcĂ©rĂ© pour vol au Colorado. Ă peine libĂ©rĂ© au Colorado, il fut condamnĂ© pour vol avec effraction en Oregon au dĂ©but des annĂ©es 60. Au pĂ©nitencier de lâĂtat dâOregon, il forma une liaison suspecte avec Norbert Tilford Waitts, un homme de six ans plus ĂągĂ© que lui. Waitts Ă©tait natif de Brunswick, Georgie, mais ses activitĂ©s criminelles lui avaient procurĂ© une bonne connaissance touristique de lâintĂ©rieur des prisons amĂ©ricaines. Il avait Ă©tĂ© bouclĂ© dans lâĂtat de New York, et accomplissait alors une peine pour vol Ă main armĂ©e dans un motel de Tigard, Oregon.
Ni Carl Cletus ni Norbert nâaccrochĂšrent au cĂŽtĂ© rĂ©Ă©ducation de lâemprisonnement; ils se contentaient dâattendre le jour de sortir et de compenser ces annĂ©es perdues. Waitts passa la porte le premier, le 1er juin 1965. Il attendit impatiemment la libĂ©ration de Bowles, quatre semaines plus tard. CâĂ©tait le soir du lundi 5 juillet, et des volutes attardĂ©es des feux dâartifice du dimanche flottaient encore dans lâair. [1]
La femme qui travaillait au bureau de ce mĂȘme hĂŽtel de Tigard que Norbert Waitts avait dĂ©jĂ dĂ©valisĂ© â acte qui lâavait envoyĂ© Ă la case prison â fut surprise de voir entrer un client si tard. Elle pensa que câĂ©tait lĂ un des hommes les plus laids quâelle eĂ»t vus de sa vie : chauve, avec un visage long et sĂ©vĂšre. Ses bras Ă©taient couverts de tatouages voyants. Il ne voulait pas de chambre, expliqua-t-il en lui collant un pistolet sous le nez. Elle lui remit les 25 dollars de la caisse enregistreuse, mais ses dĂ©sirs ne se bornaient pas lĂ . Elle chercha dĂ©sespĂ©rĂ©ment autour dâelle quelquâun quâelle aurait pu appeler au secours, mais le parking Ă©tait silencieux, et les gens des unitĂ©s attenantes au bureau Ă©taient depuis longtemps allĂ©s se coucher. Lâhomme au pistolet la viola, mais il sâen excusa, en ces termes : « DĂ©solĂ© de vous obliger à ça⊠mais il y a deux ans que je nâai pas vu une femme. »
Quand il eut pris le large, elle appela la police. Quoique traumatisĂ©e, elle fournit une bonne description de son agresseur, et elle se souvint de lâexplication quâil avait donnĂ©e du viol. En entendant cela, les flics surent de quel cĂŽtĂ© chercher : il nây a quâun endroit, Ă part une Ăźle dĂ©serte, oĂč un homme soit privĂ© de femme pendant deux ans, et câest la prison. Ils vĂ©rifiĂšrent les descriptions des dĂ©tenus rĂ©cemment libĂ©rĂ©s du pĂ©nâ dâĂtat, et trouvĂšrent un homme chauve, Ă face de cheval, avec des tatouages sur les bras : Norbert Tilford Waitts.
Ils ignoraient oĂč se trouvait Waitts, mais ils nâeurent pas Ă se poser longtemps la question, car il refit surface Ă 1h40 de lâaprĂšs-midi, le lendemain. Deux individus avaient effectuĂ© un hold up Ă Portland, Ă la succursale de la First National Bank de la 42Ăšme rue. Lâhomme qui tenait le fusil de chasse Ă©tait beau, Ă la maniĂšre enfantine, et semblait avoir Ă peine plus de vingt ans; celui qui rassemblait lâargent tout en brandissant un pistolet Ă©tait plus vieux, plus grand, et beaucoup moins sĂ©duisant. Il nâavait pas pris la peine de mettre un chapeau sur sa tĂȘte chauve, ou un masque sur un visage qui Ă©tait comme une Ă©tude de la laideur. Quand il se saisit de lâargent, ses manches de chemise remontĂšrent, et les caissiers remarquĂšrent ses tatouages. Il ramassa 15514 dollars en liquide, et fit signe Ă son partenaire de quitter la banque.
Les deux braqueurs se glissĂšrent dans la rue et se fondirent dans les foules du centre-ville de Portland avant lâarrivĂ©e du premier policier.
La description de Waitts devenait familiĂšre, et il nâĂ©tait pas difficile de trouver avec qui il avait copinĂ© au pĂ©nitencier : Carl Cletus Bowles. Ils formaient assurĂ©ment un couple mal assorti, mais les responsables de la prison dirent quâils avaient Ă©tĂ© bons amis â et avaient, soit dit en passant, Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s Ă un mois de distance.
Les employĂ©s de la banque repĂ©rĂšrent Waitts et Bowles dans les trombinoscopes â des feuilles montrant les authentiques suspects mĂȘlĂ©s Ă six autres hommes. Les tĂ©moins furent formels : câest cette paire-lĂ qui avait dĂ©valisĂ© la banque. Dans les heures qui suivirent, Waitts et Bowles Ă©taient dĂ©jĂ recherchĂ©s dans deux Ătats. Tous deux Ă©taient accusĂ©s de braquage de banque, et Waitts avait Ă faire face Ă une charge supplĂ©mentaire de viol.
Il Ă©tait 11h15 cette nuit-lĂ Ă Springfield, Oregon, Ă quelque 180 kilomĂštres au sud de Portland. Carlton E. Smith, policier du comtĂ© de Lane, faisait sa premiĂšre patrouille de nuit. Il Ă©tait seul dans sa voiture, une situation que les autoritĂ©s essaient dâĂ©viter, mais dont elles sont parfois forcĂ©es de sâaccommoder, du fait du manque de main-dâĆuvre.
Smith avait trente-trois ans. Il avait Ă subvenir aux besoins dâune femme, de quatre enfants, plus un qui nâĂ©tait pas de lui, et il avait choisi la police pour avoir un revenu pendant les Ă©tudes quâil faisait pour devenir professeur. Il avait servi deux ans dans la police dâEugene, Oregon, et il avait dĂ©missionnĂ© pour conduire un camion de laitier, parce que le salaire Ă©tait meilleur. Mais Smith nâavait pu obtenir Ă lâĂ©cole du soir toutes les U.V. dont il avait besoin pour ĂȘtre acceptĂ© comme prof. Il avait dĂ©jĂ suivi un certain nombre de cours de pĂ©dagogie le soir Ă lâUniversitĂ© de lâOregon, mais Ă prĂ©sent il lui fallait assister Ă des cours dans la journĂ©e pour obtenir son diplĂŽme. De sorte quâil Ă©tait revenu au travail de policier, de 8 heures du soir Ă 4 du matin, et assistait aux cours le jour, sâarrangeant tant bien que mal pour trouver le temps dâĂ©tudier.
Le dispatcher du sheriff du ComtĂ© de Lane entendit la voix de Smith sur la radio de la police : « Ici quinze, Ă Goodpasture, Ă©changeur Delta. Jâai une Triumph de 1959, immatriculĂ©e 9F 6773 2-10. » CâĂ©tait un appel de routine. Quelque chose dans cette voiture de sport avait mis Smith en alerte; peut-ĂȘtre le conducteur allait-il trop vite ou avait-il un phare hors-service. La communication suivante aurait dĂ» consister en une demande de vĂ©rification des avis de recherches. Au lieu de cela, la voix de Smith dit : « Quinze Ă trente-trois. Pouvez-vous venir? » Il demandait de lâaide.
Le trente-trois Ă©tait le commandant de quart, le sergent Howard Kershner. Il ne sâinquiĂ©ta pas en recevant lâappel. Smith avait lâair calme, et câĂ©tait la procĂ©dure standard de demander un sergent de quart dans certaines situations. Ce nâest que plus tard que Kershner se demanderait si Smith soupçonnait le danger quâil courait, et avait en fait appelĂ© au secours. Avant que Kershner nâeĂ»t pu lui rĂ©pondre, il entendit les mots quâun policier redoute le plus : « Oh, mon Dieu, cria Smith, je suis touchĂ©! »
En fonçant vers le point oĂč se trouvait Smith, Kershner garda le micro Ă la main, lançant sur les ondes la description de la Triumph, avertissant toutes les polices des environs dâĂ©tablir des barrages. Si le tireur avait Ă©chappĂ© au coup de filet, il pouvait ĂȘtre sur lâautoroute I 5, qui le menait au choix tout droit vers la frontiĂšre mexicaine au sud, ou vers le Canada au nord.
Kershner fut le premier policier Ă arriver Ă Smith. Un passant Ă©tait dĂ©jĂ penchĂ© sur lâadjoint, qui gisait couchĂ© sur le dos Ă cĂŽtĂ© de sa voiture de patrouille. « Je pense quâil Ă©tait vivant quand je suis arrivĂ©, dit lâhomme, le visage blanc, mais jâai peur quâil ne soit mort Ă prĂ©sent. »
Deux hommes habitant une maison proche dirent quâils avaient entendu des coups de feu et sâĂ©taient prĂ©cipitĂ©s dehors, juste pour voir la voiture de patrouille arrĂȘtĂ©e et une voiture de sport rouge qui sâĂ©loignait Ă toute vitesse.
On nâavait pas laissĂ© la moindre chance Ă Carlton Smith. Une autopsie rĂ©vĂ©la quâil avait reçu au cĂŽtĂ© gauche, en tir rapprochĂ©, une cartouche de chasse entiĂšre. Juste pour ĂȘtre sĂ»r de le tuer, son meurtrier lui avait logĂ© sept balles de pistolet dans le corps, alors quâil gisait sans dĂ©fense.
Il semblait quâil nây eĂ»t pas dâautre mobile que le mal pour le mal, Ă moins que le tireur nâait eu besoin de sâassurer quâil ne serait jamais identifiĂ©. Quiconque conduisait cette Triumph rouge devait avoir plus quâune infraction routiĂšre sur la conscience.
Deux policiers dâEugene repĂ©rĂšrent la Triumph au sud dâEugene, et la prirent en chasse â mais la perdirent. Ils se souvinrent plus tard quâils nâavaient jamais si violemment dĂ©sirĂ© dâarrĂȘter un vĂ©hicule, et quâils avaient ressenti une frustration cuisante en voyant cette puissante voiture leur Ă©chapper. Mais les enquĂȘteurs avaient le numĂ©ro de la plaque dâimmatriculation. Carlton Smith lâavait communiquĂ© au dispatcher quand il lâavait appelĂ©. Le Service des VĂ©hicules Ă Moteur de lâOregon, Ă Salem, capitale de lâĂtat, a toujours un employĂ© de garde : celui-ci vĂ©rifia les dossiers et dit aux enquĂȘteurs dâEugene que la voiture avait rĂ©cemment Ă©tĂ© vendue par un garagiste de Salem.
Le garagiste rĂ©pondit au tĂ©lĂ©phone Ă 3h30 du matin, Ă moitiĂ© endormi. « Oui, dit-il dâune voix pĂąteuse, je connais cette voiture. Je lâai justement vendue ce soir â enfin, hier soir, maintenant, je suppose. JâĂ©tais sur le point de fermer, Ă 9 heures. Ces deux gars sont entrĂ©s, ils ont jetĂ© un coup dâĆil Ă la bagnole, et lâont achetĂ©e 895 dollars comptant. Ils mâen ont donnĂ© le plus gros en billets de vingt dollars, le type mâa dit quâil avait Ă©conomisĂ© pour sâoffrir une bonne voiture de sport. » DâaprĂšs leurs photos dâidentitĂ© judiciaire, le garagiste identifia Waitts et Carl Cletus Bowles comme les acquĂ©reurs de la Triumph rouge. Lâacheter Ă©tait une manĆuvre habile, car sâils Ă©taient arrĂȘtĂ©s sur la route, Waitts pourrait montrer des papiers lĂ©gaux. Mais ils avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, et quelque chose avait terriblement mal tournĂ©.
Quâest-ce qui les avait portĂ©s Ă tuer Carlton Smith? Avaient-ils simplement perdu leur sang-froid Ă la vue dâun uniforme? Ou haĂŻssaient-ils Ă ce point les flics que leurs rĂ©flexes avaient pris les commandes? Non. Le plus probable, câest quâils savaient quâils auraient des ennuis dĂšs le moment oĂč Smith prendrait sa radio pour sâenquĂ©rir des avis de recherche. Sâils Ă©taient recherchĂ©s pour le braquage de banque de lâaprĂšs-midi, le nom de Waitts aurait produit un choc immĂ©diat. Leurs noms nâayant pas Ă©tĂ© diffusĂ©s sur les radios civiles jusquâĂ lâheure, ils ne pouvaient ĂȘtre sĂ»rs dâĂȘtre recherchĂ©s â mais ils nâavaient pas pris le risque.
Leur nouvelle voiture ne pouvait plus leur servir Ă rien. Waitts et Bowles sâen rendirent compte, et des policiers la dĂ©couvrirent abandonnĂ©e dans un champ qui jouxtait un espace rĂ©sidentiel, une heure seulement aprĂšs la mort de lâadjoint Smith. Ce qui signifiait probablement quâils Ă©taient Ă pied. La police, les adjoints du sheriff, les agents du FBI couvrirent la zone comme une armĂ©e de fourmis une butte de sable, et nĂ©anmoins les deux tueurs leur Ă©chappĂšrent de nouveau. Ceux qui menaient les recherches rĂ©alisĂšrent quâils devaient avoir volĂ© un vĂ©hicule, ou trouvĂ© refuge dans une des maisons du quartier proche du champ.
Harry Marlowe, le sheriff du ComtĂ© de Lane, Ă©tait dâavis que les fugitifs sâĂ©taient dâune maniĂšre ou dâune autre emparĂ©s dâun vĂ©hicule. Ă huit heures le matin, une fillette appela la police pour dire que sa mĂšre et son frĂšre Ă©taient introuvables. Elizabeth Banfield et son fils de douze ans avaient tout simplement disparu pendant la nuit, laissant quatre autres enfants seuls Ă la maison. Maison qui se trouvait Ă trois blocs seulement du lieu oĂč avait Ă©tĂ© abandonnĂ©e la Triumph.
La gamine qui avait appelĂ© la police dit que sa mĂšre nâaurait jamais laissĂ© ses enfants seuls sans leur dire au moins oĂč elle allait. La petite avait le vague souvenir dâavoir entendu des voix pendant la nuit, mais elle sâĂ©tait retournĂ©e de lâautre cĂŽtĂ©, et avait replongĂ© dans le sommeil, pensant quâil ne sâagissait que dâun rĂȘve. « Quand je me suis levĂ©e ce matin, dit-elle, jâai vu que les lumiĂšres Ă©taient allumĂ©es dans la cuisine, et que ma mĂšre et mon frĂšre Ă©taient partis. »
Son pĂšre, Larry Banfield, travaillait loin de chez lui sur le chantier dâun barrage, au nord-est de lâOregon. Quand on lui signala que sa femme et son fils avaient disparu, il fut aussi stupĂ©fait que le reste de la famille. La Ford Thunderbird des Banfield, de cinq ans dâĂąge, Ă©tait aussi manquante.
Il y avait de bonnes raisons de sâinquiĂ©ter. Elizabeth Banfield fut dĂ©peinte aux forces de lâordre comme une rousse extrĂȘmement sĂ©duisante. Ă la lumiĂšre de lâagression subie par lâemployĂ©e de lâhĂŽtel de Tigard et du meurtre odieux de Carlton Smith, il nây avait pas de raison de penser que cette femme sâen tirerait. Le sort de son fils de douze ans pouvait sâavĂ©rer encore plus sinistre. Une fois que le gamin aurait servi Ă leur faire passer les barrages et quâil ne prĂ©senterait plus dâintĂ©rĂȘt pour eux, la police craignait que Bowles et Waitts ne sâen dĂ©barrassent.
Des tĂ©lĂ©types furent envoyĂ©s aux onze Ătats de lâouest, et, du haut en bas de la cĂŽte du Pacifique, la police fut avisĂ©e de faire tous ses efforts pour repĂ©rer la T-Bird des Banfield, avec ses plaques de lâOregon. Des flashes dâactualitĂ©s, Ă la radio et Ă la tĂ©lĂ©vision, avertissaient les gens : « Ne tentez pas dâarrĂȘter cette voiture. Notez la position du vĂ©hicule, et communiquez-la immĂ©diatement Ă la police locale. »
Cette matinĂ©e du mercredi passa avec une lenteur mortelle, et puis, Ă midi, la voiture volĂ©e fut dĂ©couverte. Elle se trouvait Ă 200 kilomĂštres au nord-est dâEugene, abandonnĂ©e dans une zone isolĂ©e et dont les arbres avaient Ă©tĂ© abattus, haut dans les Montagnes de la Cascade, prĂšs de la passe de Santiam. Les deux bĂ»cherons qui lâavaient repĂ©rĂ©e sâen approchĂšrent prĂ©cautionneusement. Ils avaient entendu les nouvelles, et sâattendaient Ă demi Ă trouver Ă lâintĂ©rieur les corps de la femme disparue et de son fils. Mais la voiture Ă©tait vide.
Au vu du vĂ©hicule, la police dâĂtat de lâOregon manifesta un sĂ©rieux souci quant au sort de la femme et du garçon; il nây avait plus le moindre doute : ils avaient Ă©tĂ© pris en otages par les ex-dĂ©tenus, mais oĂč Ă©taient-ils Ă prĂ©sent? La voiture avait Ă©tĂ© conduite au lieu oĂč on lâavait retrouvĂ©e le long dâune voie forestiĂšre accidentĂ©e. Quand la route sâĂ©tait brusquement interrompue, le conducteur, Ă lâĂ©vidence, avait tentĂ© de faire demi-tour, mais il Ă©tait restĂ© ensablĂ© : les pneus sâĂ©taient enfoncĂ©s si profond que lâarriĂšre du chĂąssis reposait directement sur le sol. « Quiconque lâa laissĂ©e lĂ a dĂ» partir Ă pied », marmonna un policier. La question informulĂ©e Ă©tait de savoir si la femme et lâenfant Ă©taient partis Ă pied, eux aussi. Le coin avait Ă©tĂ© dĂ©boisĂ©, mais sur des hectares et des hectares, des buissons arrivant Ă la ceinture avaient submergĂ© les souches de sapin qui mouchetaient la zone. Et au delĂ , la plus dense des forĂȘts sâĂ©lançait vers le ciel. Si les otages y avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©s, ils pouvaient trĂšs bien mourir dans la nature sauvage avant quâon ne les trouve. Pis encore, sâils avaient Ă©tĂ© descendus comme lâadjoint Smith, on pouvait ne jamais retrouver leur corps.
Des quantitĂ©s de chercheurs humains et canins passĂšrent au peigne fin les environs de la passe de Santiam. Les chiens ne captĂšrent pas de piste, Ă quelque distance que ce soit, et ils persistĂšrent Ă revenir Ă leur maĂźtre, M.D. Obenhaus. « Il faut quâil y ait eu une autre voiture ici, dit-il. Jâen suis sĂ»r. Quiconque a laissĂ© la T-Bird a dĂ» monter dans un autre vĂ©hicule. Ils sont partis â autrement, mes chiens auraient flairĂ© la piste. »
Il ne formula pas lâhypothĂšse que tous redoutaient. La plupart des chiens ne se dirigent pas spontanĂ©ment vers les cadavres; ne le font que ceux quâon a spĂ©cialement entraĂźnĂ©s Ă la nĂ©cro-recherche. Il Ă©tait beaucoup plus rĂ©confortant de croire que les otages Ă©taient encore vivants, mĂȘme sâils Ă©taient prisonniers dans une voiture dĂ©sormais Ă des kilomĂštres de distance. Mais la question subsistait : comment les ravisseurs avaient-ils trouvĂ© un autre vĂ©hicule ici, en pleine nature? Il fallait se demander si les tueurs en fuite avaient arrĂȘtĂ© une auto de passage, et pris encore plus dâotages.
Des barrages furent Ă©tablis sur toutes les routes qui Ă©taient supposĂ©es leur permettre de sâĂ©chapper, dans les Ă©tats de Washington, Idaho, Montana, Utah, Colorado, Nevada et Californie. Elizabeth Banfield et son fils Ă©taient portĂ©s manquants depuis plus de vingt-quatre heures, et dĂšs lors, les fugitifs pouvaient avoir franchi plusieurs frontiĂšres dâĂtats.
[1] Lendemain du 4 juillet, Independence day , FĂȘte nationale.
Mihi satis sunt pauci, satis est unus, satis est nullus.
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