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Vous lisez Photos : le quotidien de jeunes femmes noires
Lorsque la photographe Nydia Blas parle des jeunes femmes qu'elle photographie, ses mots sont imprégnés d'idées de magie, d'alchimie et de pouvoir, et les tableaux qu'elle met en scène ont un aspect folklorique. On voit ses filles explorer leur corps avec des miroirs et allaiter dans des robes d'organza fluides, se tresser les cheveux et apparaître dans des nuages de paillettes.
Parmi ces photos, on trouve également des autoportraits : sur l'une d'entre elles, Blas embrasse les lèvres d'une statue antique, tandis que sur une autre, elle s'enroule dans une épaisse couverture à fleurs, le regard fixé directement sur l'objectif. Ces images sont rassemblées dans un projet intitulé The Girls Who Spun Gold (Les filles qui ont fait couler de l'or), et ce sentiment d'enchantement que nous procurent les photos est crucial pour notre lecture, explique-t-elle. "Nous héritons tous de parties de notre identité qui dépendent du corps dans lequel nous sommes nés. Notre corps est porteur d'histoires, de stéréotypes et peut-être aussi d'un accès accru à la violence. Nous devons ensuite apprendre à nous comprendre dans ce monde. Aussi douloureux que ce processus puisse être, il est également très beau et transformateur. Il y a là un élément magique".
Blas a été initiée à la magie par le folklore afro-américain qu'on lui lisait dans son enfance. "Ma chère tante Beverly m'a donné le livre The People Could Fly: American Black Folktales de Virginia Hamilton, et j'ai appris à aimer la frontière fine qui nous permet de croire ou de ne pas croire à la magie. Les animaux peuvent-ils vraiment parler ? Les gens peuvent-ils vraiment voler ?".
Dans ses photographies, Blas veut révéler les nuances des pouvoirs et des forces propres à chaque sujet, ainsi que les petits exemples de magie personnelle qu'elles tirent de leurs expériences vécues et qu'elles projettent vers l'extérieur. "Je souhaite que les filles s'approprient vraiment leurs mondes, ce qui signifie qu'il faut parfois ignorer le spectateur. Cet espace est vraiment consacré à l'exploration de soi et à la protection de l'autre".
Blas a grandi à Ithaca, une petite ville du nord de l'État de New York où se trouve l'université Cornell. Elle a rencontré les filles que nous voyons sur ses photos alors qu'elle travaillait au Southside Community Center, qui, explique-t-elle, est l'un des seuls lieux historiques de rassemblement des Afro-Américain·e·s dans la ville.
"Le centre a été construit dans les années 1930 dans le cadre de la Works Progress Administration, au nom d'un groupe de femmes noires qui voyaient un vide dans leur communauté". Au cours de cette période, Blas a rencontré un groupe de filles qui ont exprimé le besoin d'un espace qui leur soit réservé. "Je les ai écoutées, et nous avons créé cet espace ensemble", se souvient-elle. "Nous avons créé ce que nous avons appelé le Girl Empowerment Group. Au début, nous nous sommes réunies tous les jours après les cours et, sans le savoir, nous avons créé un 'programme' basé sur leurs besoins et leurs idées, ainsi que sur ce que j'avais vraiment envie de partager à partir de ma propre éducation et de mes expériences en grandissant à Ithaca".
Blas et les filles ont exploré leurs pensées et leurs sentiments en écrivant un journal, ont eu des "conversations puissantes, douloureuses et intimes sur l'estime de soi, la famille et les garçons", ont déconstruit des vidéos de rap et ont fait des activités avec les enfants du programme parascolaire. "À un moment donné, elles ont voulu créer un groupe de danse et faire des spectacles dans la communauté et nous avons également organisé des événements pour les adolescents", se souvient-elle chaleureusement. "Nous avons créé un environnement et une relation fondés sur la confiance mutuelle, le respect et l'attention. Cela dépendait de nos expériences communes de grandir en tant que femmes noires dans une petite ville à prédominance blanche".
D'un point de vue personnel, c'est une expérience dont Blas est encore en train de se remettre. "Le slogan de la ville est '10 Square Miles Surrounded by Reality' (10 kilomètres carrés entourés de réalité). C'est une ville très blanche et libérale qui se croit à l'abri des problèmes du monde parce qu'elle est considérée comme 'progressiste', mais elle est tout aussi raciste et compliquée que n'importe quelle autre ville d'Amérique", explique-t-elle. "Dès mon plus jeune âge, j'ai pu voir comment le racisme se manifestait, ce qui a provoqué de la colère et de la confusion - cela m'a donné mes premières expériences d'un monde où je demande toujours 'pourquoi ?' et où je cherche des réponses à ce que je ne comprends pas".
Elle poursuit : "En tant qu'adolescente grandissant dans un espace à prédominance blanche, j'ai lutté contre une faible estime de soi, même si je fais attention à ne pas promouvoir ce que j'appelle 'l'histoire triste d'une fille à la peau claire' - cette notion de ne correspondre ni aux Noirs ni aux Blancs. Ce n'est pas que je ne comprends pas cette expérience et la douleur qu'elle peut causer, mais il y a aussi beaucoup de privilèges en jeu".
La famille de Blas est arrivée de Harlem à Ithaca il y a environ 100 ans. Son arrière-grand-père Leon Martin était chef cuisinier dans une fraternité de Cornell, et son arrière-grand-mère Mariam Martin restait à la maison avec les enfants et s'occupait du linge des épouses des professeurs. "La photographie faisait partie de la vie de mes ancêtres et j'ai eu la chance de grandir dans des maisons remplies de photos de belles personnes noires aimant, jouant, célébrant et se rassemblant", se souvient-elle. "Ces images m'ont inculqué l'idée que je suis issue de la grandeur. Je trouve que c'est un immense honneur et cela fait partie intégrante de qui je suis aujourd'hui". Suivant leurs traces, Blas a commencé à prendre des photos avec des appareils jetables et des pellicules 35 mm lorsqu'elle était enfant, assemblant des objets devant son objectif pour voir ce qui faisait une bonne image et faisant développer les résultats à la pharmacie locale. En 5ème, elle a suivi son premier cours de photographie et a commencé à prendre des photos en noir et blanc de ses ami·e·s et de sa famille. Les images, explique-t-elle, étaient principalement des portraits candides et construits. Bien que ses sentiments à l'égard d'Ithaca soient compliqués, elle affirme que c'est là qu'elle a trouvé sa voie et appris à faire un travail significatif. "C'est aussi là que j'ai cultivé de nombreuses amitiés de toute une vie et que j'ai rencontré mon partenaire".
Lorsque le moment est venu de quitter le centre communautaire pour se concentrer sur ses études en 2013, Blas s'est sentie coupable, même si c'était la bonne décision pour son avenir. "J'étais mère célibataire de deux enfants, j'enseignais, je travaillais, et j'avais besoin de commencer le travail que j'allais faire au cours des trois prochaines années. J'ai donc commencé à photographier les jeunes femmes du Girl Empowerment Group, comme un moyen de maintenir nos liens dans une période très chargée. Je les ai dans un premier temps photographiées de manière spontanée, en tant que simple observatrice, puis j'ai commencé à avoir des idées de photos qui me venaient et j'ai voulu les créer. Le travail qui s'est manifesté concernait le temps que nous avions passé ensemble. Les conversations que nous avons eues. L'intimité que nous avons créée dans un espace que nous avons construit, juste pour nous. Les liens que nous avons établis entre l'histoire et la façon dont les femmes noires sont traitées dans ce monde et ce que nous sommes vraiment". Les photos sont le résultat affectueux de liens formés et maintenus ensemble par le fil d'une expérience partagée et la rencontre d'histoires personnelles au fil des ans.
Blas travaille de manière intuitive lorsqu'elle prend ses photos. Elle pense qu'une image est créée entre le sujet et la ou le photographe et, bien qu'elle comprenne le pouvoir inhérent qu'elle détient en tant que personne tenant l'appareil photo, elle tient à souligner que les deux parties contribuent. Cela se reflète dans la façon dont elle met en scène ses photos. "Si j'ai généralement une idée en tête, j'ai toujours besoin de l'avis de la personne photographiée. Elle connaît son meilleur profil, surtout à l'ère des selfies. Elle sait ce qu'elle veut projeter. Mais il y a aussi cet air royal que je recherche et que j'aime tirer d'une personne. La possession de l'espace. De l'appareil photo. La possession d'elles-mêmes. Pendant l'esclavage européen/africain, lorsqu'un Africain asservi s'échappait, les Blancs appelaient cela un 'vol'. L'idée que l'on puisse se voler soi-même parce que l'on 'appartient' à quelqu'un d'autre est folle. Je pense que lorsque je photographie les gens, j'essaie d'atteindre quelque chose d'autre. Quelque chose de plus grand. Et je pense que cette chose est basée sur l'intimité, le partage du temps et de l'espace avec quelqu'un. Je pense que je mélange ce que la personne est avec la façon dont je la vois ; ce que je veux qu'elle soit, ou ce qu'elle est pour moi, à ce moment-là".
La photo préférée de Blas dans le projet est intitulée "Honey Belly" (Ventre au miel). On y voit deux jeunes femmes vêtues de manteaux de fourrure, debout dans une mare de miel ambré ; l'une d'elles est enceinte, le miel est répandu sur son ventre, tandis que l'autre fille appuie tendrement sa tête sur son épaule et a sa main sur son bidon. L'une regarde au loin, l'autre directement dans l'objectif. Elles sont dans une cuisine et il fait nuit dehors. "C'est ma préférée, non seulement parce que j'adore la photo, mais aussi parce que je me souviens très bien de la nuit où je l'ai prise. Samone était enceinte pendant sa dernière année de lycée et je savais que je devais faire une photo de son ventre avant qu'elle n'accouche. L'idée m'est venu de mettre du miel sur son ventre et qu'elle devait être dans un manteau de fourrure. Nous avons décidé de shooter dans la cuisine de mon amie. Nous avons commandé de la nourriture, fait un moulage de son ventre et parlé pendant des heures. La réalisation de la photo n'était qu'une petite partie du temps que nous avons passé ensemble. Faire des photos, c'est toujours vivre une expérience complète et passer du temps avec les gens que j'aime".
La discussion porte sur ce qui doit changer dans la manière dont nos sociétés et nos médias représentent les corps noirs - en particulier les femmes noires - et sur ce qui nous échappe ou ce qui ne va pas. Blas déclare : "Je ne sais pas si c'est à moi de le dire à ce stade, mais je sais que tout doit changer. Je sais que nous devons établir des liens entre l'histoire, l'expérience vécue et notre condition actuelle. Je sais que le changement a toujours été le fruit des mains et des demandes du peuple". Son travail, dit-elle, consiste à utiliser la photographie, avec tout son pouvoir de narration, d'amplification des voix et de conservation des archives, comme un outil de communication. "Comme les écrivains ou les musiciens, c'est mon travail d'utiliser mon support pour partager ce que j'ai appris avec les femmes noires et leur donner les moyens de créer des images qui dévoilent leurs expériences et renvoient à ce qu'elles sont".
Photographies de jeunes filles noires de Nydia Blas
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Jacquie et Michel : la baise est dans le près


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La Rentrée littéraire, c’est parti !

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Publié le 31 août 2014 à 12h00 Mis à jour
le 31 août 2014 à 12h00

Une jeune femme a fait valoir son droit à l'oubi pour faire retirer des vidéos d'elle du site Jacquie et Michel. (Jacquie et Michel)
Entre porno amateur et téléréalité, les productions Jacquie et Michel ont réussi une percée sur le marché du X en ligne. Analyse du phénomène.
Ils avaient fière allure les supporters lyonnais qui, à Gerland cet hiver, ont déployé une banderole sur laquelle était crânement inscrit « Merci qui ? Merci Jacquie et Michel ». Mais plus tard, quand Maître Dorian (sosie du DJ allemand Superpitcher) du staff Jacquie et Michel est venu leur offrir de tourner une scène avec deux filles, seul l’un des trois lascars a assuré, les deux autres ont un peu perdu le ballon. L’anecdote suffit à résumer l’esprit Jacquie et Michel : un réseau de proximité basé sur la puissance marketing d’un slogan répété à l’infini. Un mantra efficace qui, ces trois dernières années, a impacté la France entière, pénétrant les esprits, le langage, les réseaux, les afterworks, les vestiaires.
On ne sait qui on doit remercier : dans les films Jacquie et Michel, l’intervieweur est toujours en caméra subjective. Il ne participe pas, ou très rarement, aux ébats. Sa voix est là pour faire le liant. Pour nous tenir la main. Et tout, dans le système Jacquie et Michel, se veut rassurant. Ainsi, les films se ressemblent. Tous commencent systématiquement dans une rue de France, banale, où le caméraman et son hardeur se les gèlent en attendant la fille qui, ils insistent, les a contactés « sur le site ».
« J’ai pas baisé depuis avant-hier, tu le crois ??? »
Quand elle arrive, elle aussi est banale, et c’est un premier coup de génie, ce look girl next door. Bon, qu’il vente ou qu’il neige, elle portera un manteau avec un rien en dessous, se dira excitée (« J’ai pas baisé depuis avant-hier, tu le crois ??? »), entamera un petit strip sauvage (un nichon, une culotte, pas vu pas pris) et là-dessus, la fine équipe prendra la voiture, cap sur un appart « prêté par un fan du site Jacquie et Michel », très content de transformer sa garçonnière en studio de cinéma et plus si affinités. Les marches seront gravies une par une (avec un début de pipe sur le palier) et, chemin faisant, la voix cuisinera la fille en question : « Tu es libertine ? Tu pratiques la sodo ? Ton compagnon et toi vous êtes candaulistes ? »
Puis, la voix, soucieuse de ne pas nous mettre sur la touche, s’empressera de faire part à la fille des réactions enthousiastes des « internautes de Jacquie et Michel » qui ont vu sa première vidéo – et tant pis si cette première vidéo a été tournée le matin même et n’a pas encore été postée. A la fin, ils baisent et le tout dure 42 minutes. Les « internautes de Jacquie et Michel » sont la colonne vertébrale du succès de l’entreprise Jacquie et Michel. C’est pour eux que le label quadrille la France, c’est à eux que l’on s’adresse, même lorsqu’on a la bouche pleine. Ils sont le ventre de ce site de cul trempé de mythologie interactive. Dans une vidéo d’autopromo, où sont interviewés l’actrice/réalisatrice Margaux et son compagnon Juan, vieux compagnons de route de l’aventure J&M, la Marseillaise grande gueule a un peu tout dit : « On aime Jacquie et Michèl(e) pour le concept(e), ici c’est cool(e), on se prend pas la têt(e), c’est du tac(e) au tac(e). » Elle le répétera même deux fois : « C’est du tac(e) au tac(e). » C’est dire s’il existe un lien palpable entre eux et nous.
Un tiers des vidéos seulement naissent d’un message laissé sur le site
Même si au fond tout n’est pas si spontané, ni tout à fait différent du reste de la production semi-amateur : un tiers seulement des vidéos J&M naissent d’un message laissé sur le site. Le reste, ce sont des filles qui veulent percer dans le cul, des filles croisées ailleurs, chez LFAP (La France à poil), MSTX, Pornovrai.com (des anciens de J&M en mode dissidence), ou bien chez les lascars de Vince Banderos (le « Nuit et Brouillard du porno de cave »), et qui pour 450 euros les deux scènes (selon Libération) ont choisi de commencer là où tout le monde se dirige. Aujourd’hui, Jacquie et Michel est le site français le plus visité : les vidéos atteignent en moyenne deux millions de vues.
Et tant pis si ça écorche l’idée diffuse d’une communauté partouzarde, d’un club échangiste interactif né il y a quinze ans environ. On parle au conditionnel car personne ne se souvient avoir parlé ni à Jacquie, ni à Michel. On dit qu’ils étaient enseignants ou fonctionnaires. Michel aurait saisi l’opport
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