Une queue c'est bien mais deux c'est encore mieux
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Une queue c'est bien mais deux c'est encore mieux
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Le nouvel album de Pomme, «Consolation», sort le 26 août chez Polydor/Universal.
© HélÚne Pambrun / Paris Match
Benjamin Locoge
20/08/2022 Ă 04:37 , Mis Ă jour le 21/08/2022 Ă 09:43
"Enfant, je me sentais vraiment diffĂ©rente. Câest bien plus tard â quand jâai dĂ©couvert que jâaimais les filles â que pas mal de choses se sont expliquĂ©esâŠ"
©
HĂ©lĂšne Pambrun / Paris Match
"Le fĂ©minisme est plus que nĂ©cessaire. Tant que ce mot Ă©nerve encore les gens, câest que le problĂšme nâest pas rĂ©glĂ©."
©
HĂ©lĂšne Pambrun / Paris Match
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Trois ans aprĂšs « Les failles », Pomme revient avec « Consolation », nouvel album lumineux. Lâoccasion de revisiter le parcours dâune jeune femme puissante.
Elle a demandĂ© Ă sa styliste de lui trouver des tenues «pour la promo». Alors Pomme dĂ©barque avec une jupe aux couleurs de Bob lâĂ©ponge qui la fait bien rigoler. Ă 26 ans, elle a beau chanter des choses graves sur des mĂ©lodies lĂ©gĂšres, elle tente avec « Consolation», son troisiĂšme album, de sâĂ©loigner des complaintes angoissĂ©es qui ont fait le succĂšs des «Failles ».
DĂ©sormais, Pomme est solidement mariĂ©e Ă la chanteuse canadienne Safia Nolin et veut porter un message dâespoir. « Jâai les Ă©paules pour avancer dans la vie», nous dira-t-elle Ă plusieurs reprises, comme pour sâen persuader elle-mĂȘme. Car, si «Les failles » lâont portĂ©e trĂšs haut, elle sait que tout peut encore retomber.
Maligne, malicieuse, Claire Pommet sait se dĂ©voiler sans trop en dire, se raconter intimement mais de maniĂšre universelle et Ă©voquer des sujets peu traitĂ©s en chansons. Avec «Consolation», elle sort du confort de la folk pour sâorienter vers le piano et les musiques Ă©lectroniques, sous la houlette de son complice, Flavien Berger. En trente-sept minutes, elle dresse lâautoportrait Ă©mouvant dâune femme en plein accord avec elle-mĂȘme. Et câest pour elle la plus belle des victoires.Â
Paris Match. Vous avez enregistrĂ© âConsolationâ un mois aprĂšs la fin de votre derniĂšre tournĂ©e. Il Ă©tait important dâenchaĂźner? Pomme. Je nâavais pas prĂ©vu de faire une grande pause, car jâai peur du vide⊠Jâavais dĂ©jĂ des idĂ©es de chansons, et jâai senti quâil y avait une Ă©nergie qui me poussait Ă continuer sur ma lancĂ©e. Jâai la sensation Ă©galement que câest une chance dâĂȘtre Ă©coutĂ©e aujourdâhui, alors que je ne me sens pas du tout assise sur quelque chose dâacquis â la pandĂ©mie nous a bien montrĂ© que tout pouvait sâarrĂȘter du jour au lendemain.Â
Aujourdâhui, je nâai plus Ă faire de compromis. Et jâai les Ă©paules pour ĂȘtre auteure de mon propre rĂ©pertoire
La âConsolationâ sâimposait aprĂšs la crise sanitaire? Câest surtout la suite logique des âFaillesâ, un disque Ă©crit entre 19 et 21 ans, une Ă©poque oĂč jâĂ©tais en recherche de rĂ©ponses. Maintenant que je suis un peu plus vieille, je cherche plus une forme dâapaisement. Jâai cessĂ© de me dire quâil y avait des solutions Ă chaque problĂšme dans la vie. La peur ne permet pas dâavancer dans lâexistence. Il mâa fallu trouver ce qui me faisait du bienâŠÂ
Le succĂšs des âFaillesâ vous a-t-il aidĂ©e? Oui, ce disque mâa donnĂ© une confiance professionnelle mais pas forcĂ©ment personnelle. Je sais dĂ©sormais que je suis capable dâĂ©crire des chansons qui peuvent plaire, dâĂȘtre directrice artistique de mon propre projet. Il mâa apportĂ© une lĂ©gitimitĂ©. Mais ce serait un mensonge de dire que je me rĂ©veille le matin en me trouvant trop stylĂ©eâŠÂ
Vous Ă©voquez votre enfance dans les deux premiĂšres chansons, âJardinâ et âDans mes rĂȘvesâ, en vous montrant assez dure avec cette pĂ©riode. JâĂ©tais une enfant trĂšs triste, trĂšs sensible et assez complexe Ă comprendre pour les adultes. Je voyais un psy toutes les semaines, parce que mes parents ne savaient pas comment faire, dâautant que je nâĂ©tais pas non plus proche de mes frĂšre et sĆurs. Donc je me sentais vraiment diffĂ©rente. Câest bien plus tard â quand jâai dĂ©couvert que jâaimais les filles â que pas mal de choses se sont expliquĂ©esâŠ
Pourquoi alors ĂȘtre nostalgique de ce moment? Ătre enfant, câest avoir le droit de se tromper, dâĂȘtre imparfait et dâĂȘtre spontanĂ©. Or, jâai le sentiment quâadulte tout cela devient impossible. On peut moins se tromper, on peut moins dire de bĂȘtises, on est beaucoup moins excusable quâun enfant. Jâai grandi en voyant la libertĂ© de lâenfance sâĂ©loigner et en pensant que je serais malheureuse jusquâĂ la fin de mes jours. Heureusement, ma vie est mille fois mieux aujourdâhui, je me sens bien mieux dans ma peau. Alors je me rappelle mon enfance pour comprendreâŠ
âJâai voulu te ressembler puis je tâai dĂ©testĂ©eâ, chantez-vous Ă lâadresse de votre mĂšre. Jâen ai beaucoup voulu Ă ma mĂšre, plus jeune, parce que mon mal-ĂȘtre me semblait incurable, parce que jâĂ©tais rĂ©voltĂ©e, dans un Ă©tat de colĂšre permanente. Je ne sais pas pourquoi. Or, ma mĂšre Ă©tait un exemple pour moi. Comme on est trĂšs similaires, câĂ©tait difficile entre nous, comme dans toute relation mĂšre-fille, ça oscillait sans cesse entre lâamour et la dĂ©testation.Â
Paris et MontrĂ©al sont deux villes qui ne se ressemblent pas beaucoup. Mais jâai vraiment besoin des deux.
Vous avez dĂ©clarĂ© quâelle vous avait laissĂ©e vivre votre fĂ©minitĂ© comme vous lâentendiez, quâelle avait toujours respectĂ© vos choix⊠Oui, câest vrai. Lorsque jâĂ©tais ado, elle ne mâa jamais dit quâil fallait se maquiller ou sâĂ©piler⊠Elle me disait plutĂŽt: âTu peux porter du bleu mĂȘme si câest la norme pour les garçons.â Elle essayait dâĂȘtre dans une forme de neutralitĂ©. Pour une femme de sa gĂ©nĂ©ration, ça ne devait pas ĂȘtre simple Ă gĂ©rer. Elle a fait comme elle a pu.
Vous Ă©crivez que vous ĂȘtes dĂ©sormais celle qui peut aider les autres: âPense Ă moi quand tu voudras laisser tomberâ, chantez-vous⊠Je me vois comme une consolatrice. Jâai envie de me tourner vers les gens, je suis dans une phase de ma vie plus ouverte sur le monde, je mâintĂ©resse plus au collectif, aussi peut-ĂȘtre parce que jâai un peu voyagĂ©, que jâai vu dâautres cultures, et notamment celle du QuĂ©bec.Â
Vous partagez dâailleurs votre vie entre la France et le QuĂ©bec, oĂč vous vous ĂȘtes mariĂ©e. Quâaimez-vous lĂ -bas? Je me sens apaisĂ©e Ă MontrĂ©al, Ă chaque fois que jây suis jâai lâimpression de remettre les compteurs Ă zĂ©ro, dâĂȘtre dans une sorte dâĂ©panouissement personnel⊠Jâai donnĂ© des concerts, fait pas mal de promo pour essayer, comme le dit ma psy, de âfaire le pontâ entre mes deux vies. Paris et MontrĂ©al sont deux villes qui ne se ressemblent pas beaucoup. Mais jâai vraiment besoin des deux.Â
Lâan passĂ©, vous vous ĂȘtes exprimĂ©e sur les violences sexuelles que vous avez subies au dĂ©but de votre carriĂšre. Pourquoi avez-vous attendu avant dâen parler? Je suis partie de chez mes parents Ă 17 ans pour mâinstaller Ă Paris, jâĂ©tais beaucoup trop jeune pour vivre seule, ĂȘtre indĂ©pendante et arriver dans le monde de la musique. Jâai subi une forme de âmindfuckingâ, de manipulation de la part de certaines personnes. Ils me draguaient ouvertement, avec leurs quinze annĂ©es de plus. Ăa me semblait lourd, mais je croyais que ça faisait partie du jeu. Je nâen parlais pas car je pensais que cela pourrait nuire Ă mon dĂ©but de carriĂšre. Il mâa fallu des annĂ©es pour rĂ©aliser que ce que jâavais vĂ©cu Ă©tait problĂ©matique. Câest en lisant des tĂ©moignages au moment de #MeToo que jâai compris.
Les choses ont-elles changĂ© depuis? Pas forcĂ©ment. Mais les gens qui ont des comportements problĂ©matiques sont beaucoup plus montrĂ©s du doigt. On nâa vu quâune partie de lâiceberg, il faudra du temps pour que les choses Ă©voluent vraiment.
Tout artiste est-il politique selon vous? Certains artistes refusent absolument la politique et nâabordent que des thĂšmes universels, dĂ©nuĂ©s dâavis ou dâopinions. Moi, je traite de sujets qui peuvent gĂ©nĂ©rer des discussions, mais cela nâest pas fait dans un but politique. Quand jâai Ă©crit âGrandioseâ, en 2017, je ne savais pas que lorsque la chanson sortirait, deux ans plus tard, on serait en plein dĂ©bat sur la PMA au Parlement. Câest un titre nĂ© de ma premiĂšre sĂ©paration, du fait dâĂȘtre lesbienne et de se demander comment je vais faire maintenant que je suis toute seule pour avoir un enfant⊠Câest le contexte du moment qui fait quâun artiste peut devenir politisĂ© sans lâavoir anticipĂ©. Mais dans mon cas, ça me convient parfaitement.
 Je ne me ferai plus jamais écrire de chansons par des gens qui ne me connaissent pas.
Le fĂ©minisme est-il encore nĂ©cessaire Ă notre Ă©poque? HĂ©las, oui. En France, les gens commencent Ă comprendre que les femmes et les hommes doivent avoir les mĂȘmes droits, que lâon ne peut pas considĂ©rer les femmes comme infĂ©rieures aux hommes. Mais, dans certains endroits du monde, le fĂ©minisme est plus que nĂ©cessaire. Tant que ce mot Ă©nerve encore les gens, câest que le problĂšme nâest pas rĂ©glĂ©.Â
Sur votre premier album, vous chantiez Ă la fois un hymne au lesbianisme, âOn brĂ»leraâ, et une variation amoureuse autour de âCe garçon est une villeâ. Pourquoi? La premiĂšre, je lâai Ă©crite, pas la seconde. Câest dingue de se dire que les gens qui ont travaillĂ© sur ce projet nâont pas vu le problĂšme. Mais, Ă 17 ans, refuser une chanson sur un garçon aurait Ă©tĂ© avouer au monde que jâaimais les filles. Alors que je nâen Ă©tais pas sĂ»re⊠âOn brĂ»leraâ, en revanche, est la premiĂšre vĂ©ritable chanson dâamour que jâai Ă©crite.
Aujourdâhui, vous ne feriez plus ce type de compromis? [Elle rit.] Ah ça, câest sĂ»r! Je ne me ferai plus jamais Ă©crire de chansons par des gens qui ne me connaissent pas. Et je sais maintenant que jâai les Ă©paules pour ĂȘtre auteure et compositrice de mon propre rĂ©pertoire. Je crois mĂȘme que depuis âLes faillesâ, je nâai plus de compromis Ă faire du tout. Tout le monde nâa pas cette chance-lĂ âŠ
Je nâai pas de rĂȘves de grandeur. Jâaimerais juste que ça reste comme câest maintenant.
Vous vous sentez une responsabilitĂ© dĂ©sormais ? La voix dâune gĂ©nĂ©ration? Au vu du nombre de gens qui me suivent sur les rĂ©seaux sociaux, oui. Jâai parfois lâimpression dâĂȘtre un mĂ©dia, puisque des gens viennent voir sur Instagram ou sur Twitter ce que je chante, ce que je dis, ce que je dĂ©fends. Alors jâessaie de prendre lâespace public de la maniĂšre la plus intelligente et la plus efficace possible. Mais bon, cette semaine jâai fait un Tweet sur le bĂ©luga dans la Seine â parce que câest quelque chose qui me touche. Et immĂ©diatement je me suis fait dĂ©foncer par des anonymes⊠âTu penses aussi aux Ukrainiens? Aux Afghans? Aux Pakistanais?â Mais, les gars, je voulais juste parler du bĂ©luga!
Ăa dit quoi de notre sociĂ©tĂ©? Que les gens attendent des choses de moi. Mais ça vaut la peine. La position que jâai en ce moment, je ne lâĂ©changerais pas. Je suis hyper fiĂšre dâĂȘtre Ă©coutĂ©e, pour ma musique comme pour mon discours. Jâassume tout.Â
Si âConsolationâ ne rencontre pas le mĂȘme public que âLes faillesâ, ce sera un Ă©chec? Non, je nâai pas de rĂȘves de grandeur. Jâaimerais juste que ça reste comme câest maintenant. Je ne pense pas au Stade de France ni Ă la une de Paris Match⊠Pour le momentâŠ
«Consolation» (Polydor/Universa
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