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Alors que ce mercredi sort en salles le film « Elles », nous nous sommes demandé qui sont ces filles qui basculent un jour dans la prostitution. La prostitution étudiante est-elle juste un fantasme ou reste-t-elle un tabou ? Pourquoi choisit-on un jour de devenir escort ? Le décide-t-on vraiment ? Manon, 24 ans, a accepté de témoigner et nous a raconté pourquoi elle a pris la décision de lâcher son job d’infirmière pour vendre du sexe tarifé. Loin des clichés, elle revendique aussi son propre plaisir sexuel.
« J’ai démarré il y a plus de trois ans, tout simplement en postant une annonce sur le net. Ce n’était pas mon rêve de carrière mais j’avais envie d’essayer depuis très longtemps. J’ai franchi le pas durant mes études d’infirmière, j’ai eu mon diplôme depuis. Je n’étais pas dans le besoin, je n’étais pas dans une situation de crise. Pendant neuf mois, j’ai été infirmière et escort mais c’était trop compliqué de gérer les deux. Quand je venais de terminer une garde, j’étais épuisée. On entend souvent des clichés, comme quoi on ne choisit pas ses clients. Pour moi, la question n’était pas ‘comment faire pour coucher avec un mec vieux et fripé ?’. Je me voyais plus libre d’accepter ou pas un client en étant escort, alors qu’en tant qu’infirmière, même si tu peux avoir des patients infernaux, tu es obligée de les soigner.Au début, j’ai eu du mal à le dire. Aux amis proches qui connaissaient ma sexualité, j’avais expliqué que c’est un métier qui me tentait. Je leur ai expliqué que j’y avais pris goût, désormais ils rigolent quand je raconte ma journée. Par contre, j’ai des copains qui s’inquiètent, qui trouvent que ce n’est pas ‘normal’. Mon père et mon frère ne sont pas au courant, ma mère si. Quand je lui ai annoncé, elle l’a très mal pris. Aujourd’hui, on n’en parle pas spécialement, elle ne me pose pas de questions. Je comprends totalement, et je n’ai de toute façon pas envie de lui raconter ma vie sexuelle. Mon père et mon frère ne sont pas trop curieux, quand ils me demandent ‘ton boulot, ça va ?’, je réponds oui, et cela leur suffit.
Quand j’étais infirmière, je travaillais en clinique et je gagnais entre 2600 et 2800 € net par mois. Combien je touche aujourd’hui ? Je ne cours pas après l’argent, mais on va dire que c’est un métier qui me permet de faire peu de rendez-vous et de vivre dans un certain confort. Pour moi, ce métier doit rester un plaisir. Si je suis fatiguée, je ne travaille pas. Je reçois en général 100 appels par jour, je fais passer en priorité mes habitués. Mes habitués, ce sont des hommes que je vois régulièrement mais cela peut être aussi quelqu’un que je vais rencontrer une fois par an, mais qui va m’envoyer un message pour Noël ou le Nouvel an.On se retrouve soit chez eux, soit à l’hôtel. Il m’arrive parfois de louer une chambre d’hôtel si le client ne veut pas que sa femme s’en aperçoive. Chez moi, personne ne vient jamais, c’est mon espace !Il y a pas mal de rendez-vous où il n’y a pas forcément de sexe, où l’on va parler. Nous ne sommes pas des « vide couilles » ! Me faire jouir est l’objectif de pratiquement la moitié des clients. C’est un truc d’ego. Je m’arrange toujours pour prendre du plaisir, l’idée ce n’est pas juste de me faire ‘sauter’.
Qui sont mes clients ? Les ¾ sont en couple ou mariés, ils ont tous les âges mais en général, je refuse les plus jeunes. Je préfère les relations avec des hommes de 35-40 ans, ils sont moins dans la performance sexuelle, ils recherchent des trucs gentils, me massent, me câlinent.J’ai mon site mais la plupart me contactent par téléphone. Si on est sur de bonnes bases tous les deux, et qu’ils acceptent mes conditions, je les rencontre. Mes conditions : pas de fellation sans préservatif et pas de sodomie. Beaucoup me demandent de réaliser leurs fantasmes, mais je ne sens pas de frustration sexuelle chez ces hommes, comme on peut parfois l’entendre dire. Moi, je suis hyper banale, je ne suis pas une star du porno, mon endroit préféré c’est le lit ! Côté vie perso, j’ai déjà été en couple. Quand je suis avec quelqu’un auquel je tiens, je ne mens pas. Mes amants savent ce que je fais. Je n’ai pas de projet à long terme, je ne me dis pas qu’à 30 ans j’arrêterai, je serais mariée et que je ferais un enfant ! Pour l’instant, cela me plait, on verra par la suite… En tout cas, je ne me mets pas de barrière.
J’ai des relations amicales avec des autres escorts, mais ce n’est pas un métier où on se lie facilement. J’ai choisi d’adhérer au Strass (NDLR : Syndicat du Travail Sexuel), car lorsque j’ai commencé, je n’étais pas au courant des lois, de ce qui était légal ou pas. Je paye des impôts, je suis déclarée en tant que coach bien être. C’est plus simple de piéger une prostituée qui fait une passe dans la rue que de s’attaquer au net. Comment prouver un rapport sexuel à moins de fouiller dans la poubelle pour y trouver un préservatif ? Il faut savoir aussi que beaucoup de femmes se prostituent pour joindre les deux bouts, après un divorce, ou si elles sont seules avec leurs enfants. Une passe, deux passes, trois passes, ça les sauve ! Avec la crise et le chômage, si elles avaient d’autres alternatives, les prendraient-elles ? Par contre, il est évident que la prostitution forcée existe, il faut qu’on se donne les moyens de lutter contre. Quant à la prostitution étudiante, le gros problème c’est surtout le fait d’être obligée de bosser pour se payer des études ! Je reçois plein d’emails de filles qui veulent faire ce métier. Personnellement, je n’encourage personne. Beaucoup de filles ont fantasmé sur Zahia et les escorts de luxe, mais si on s’attend à voir Brad Pitt ou à revivre ‘Pretty Woman’, et qu’on tombe sur un homme de 60 ans bedonnant, ce n’est pas évident ! Je dis à ces filles de réfléchir, et surtout je leur explique la réalité : c’est plus souvent être au Formule 1 ou à l’Etap Hôtel qu’au Carlton ! Et il faut savoir que si l’on fait une erreur dans ce métier, cela ne pardonne pas. A chaque fois que j’ai un rendez-vous, tous mes clients sont prévenus que l’adresse est entre les mains d’un proche. Je donne l’adresse à une amie, lui envoie un message en arrivant et en partant. Si les gens sont incorrects, cela peut les calmer. De même, il faut savoir que certains clients proposent contre de grosses sommes d’argent des rapports sans préservatif. Il y a d’énormes stéréotypes sur notre métier, comme quoi on serait des nids à IST et MST. De même, j’ai parfois entendu des pys dire que les filles qui se vendaient étaient incapables d’aimer. Je sais séparer sexe et sentiments, merci ! J’ai déjà été ravagée par l’amour tout en bossant comme escort. Je n’ai pas été abusée dans mon enfance, je ne me drogue pas, je ne suis pas alcoolique et pour tout vous dire, j’ai même arrêté de fumer en devenant escort ! »
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Cet article date de plus de quatre ans.
Publié le 10/11/2017 10:33
Mis à jour le 10/11/2017 10:35
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Des mineures enrôlées comme prostituées dans certaines banlieues françaises... Pour "Complément d'enquête", Rola Tarsissi a rencontré Lucille et Sophie, 17 et 16 ans. L'une est proxénète, l'autre prostituée. Dans cet extrait, la seconde confie ses impressions.
En France, entre 5 000 et 8 000 mineures se prostitueraient, selon les estimations. Un fléau qui n'existait pas il y a encore cinq ans. Dans cet extrait d'un numéro de "Complément d'enquête" sur les nouveaux trafics d'êtres humains, une jeune fille confie s'être prostituée jusqu'en janvier 2017 sur le site Vivastreet .
"Je pouvais gagner jusqu'à 20 000 euros par mois", explique Sophie, 16 ans, qui dit avoir "fait ça pendant deux mois et demi, trois mois" – peut-être davantage, selon sa copine Lucille, qui jouait, elle, le rôle de la proxénète. Elle n'appelait pas ça de la prostitution, elle disait "je vais bosser".
Sophie ne semple pas avoir conscience de ses actes. Elle montre sans difficulté la photo aguicheuse qu'elle avait postée sur la Toile. La première fois qu'elle a "fait ça" pour de l'argent, qu'a-t-elle ressenti ? "Je sais pas comment décrire, en fait, sur l'instant… C'était bizarre… Genre tu te dis 'ah ouais… je me suis donnée pour de l'argent'. Après, tu vois les sous, tu te dis que c'est des sous rapides à se faire. Mais c'est pas facile. Parce que tu te donnes."
Extrait de "Dealers d'adolescentes", un reportage diffusé dans "Complément d'enquête" le 9 novembre 2017.
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Publié le 05/11/14 à 19h45
— Mis à jour le 06/11/14 à 12h30
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