Une mère de famille très dévouée pour l'éducation
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Est-ce toujours la faute des mères ?
Est-ce toujours la faute des mères ?
Où en êtes-vous avec votre mère ? Subissez-vous ou sublimez-vous l'image maternelle ? Faites le test.
Guérir de sa mère de Brigitte Allain-Dupré. Comment sortir d’un lien défaillant à celle qui nous a donné la vie, quitter le passé de l’enfance pour nous ancrer dans notre présent (Eyrolles, 2013).
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La mère fait figure de coupable idéal : elle serait responsable de nos névroses, de nos échecs, de nos chagrins… Pourquoi lui en voulons-nous autant ? Sommes-nous injustes ? Analyse de sa véritable influence.
Marie-France a deux filles. L’aînée a traversé une longue période d’anorexie, dont elle est finalement sortie. La plus jeune est aux prises avec des crises de boulimie sévères. Lorsque Marie-France a voulu lui conseiller de voir quelqu’un, elle lui a rétorqué : « Avec les deux filles que tu as, c’est toi qui devrais te poser des questions. » La remarque, évidemment, a atteint son but : frapper là où ça fait mal. « Trop présentes, trop absentes, mal aimantes, hyper-fragiles ou encore inconscientes de leurs attentes démesurées, les mères façonnent nos personnalités et conditionnent notre rapport à la vie », confirme la psychologue et psychanalyste Brigitte Allain-Dupré , auteure d’un livre sur le sujet (voir encadré). La mère, une maladie parmi d’autres ? À nous entendre tous parler, il semblerait plutôt qu’elle soit « la » maladie cachée derrière tout symptôme.
Aux yeux de la psychanalyse, les tout débuts de la vie – avec les premiers soins reçus, les corps-à-corps, les regards – sont fondamentaux pour la construction de l’individu. Ils laissent une marque indélébile dans notre histoire, du fait du principe de « répétition » qui sous-tend nos comportements : de notre relation à notre mère découlent nos relations suivantes. Force est de constater que, malgré les efforts des « nouveaux pères », plus investis et plus tendres, c’est elle qui reste la plus présente autour du nouveau- né. Dans la continuité du lien physique qui les a unis pendant neuf mois, tous deux entretiennent une relation privilégiée. Et aujourd’hui plus que jamais, sans doute. Car, comme le rappelle Brigitte Allain-Dupré, « du temps de nos grands-mères, les tantes, sœurs, cousines prenaient souvent le relais. Actuellement, une jeune femme qui devient mère se retrouve facilement seule entre ses quatre murs pour gérer son bébé ».
Ce que nous apprend également la psychanalyse, c’est que l’influence maternelle se joue inconsciemment, « et, le plus souvent, au nom d’un amour sincère », ajoute la psychanalyste Katia Denard, auteure de Si on te demande, tu diras que tu ne sais pas (Anne Carrière 2011). Elle évoque le cas d’une de ses patientes, « une femme entièrement dévouée à sa fille qui, prise dans cet amour passionnel, ne peut pas se rendre compte qu’il est source de nuisance pour son enfant ». Accuser la mère revient à négliger cette force de l’inconscient qui agit en elle. Et, surtout, à oublier que si elle est, effectivement, notre premier contact, « elle n’est que le relais de l’environnement, explique Brigitte Allain-Dupré : non seulement le sien propre, son histoire, sa lignée, etc., mais aussi son conjoint, son travail, la société… ». Sébastien, 44 ans, a longtemps accusé la sienne de lui avoir « “refilé” son angoisse : elle a peur de tout, le plus vif souvenir de mon enfance, c’est son visage terrifié dès que je m’éloignais de la maison ». Il lui a fallu devenir père à son tour pour mesurer qu’elle l’avait élevé seule, « sans personne pour la rassurer, son mari lui laissant toutes les responsabilités éducatives ».
Aussi, pour la psychologue, parler de faute ou même de responsabilité des mères n’a pas de sens : « Tout ce que l’on peut dire, c’est que “ça passe” par elles. » Certes, il y a des mères pathologiques, voire consciemment maltraitantes. Mais quid du père ? Quid du cadre de vie de la mère ? A-t-elle été accompagnée après l’accouchement ? « Cette “faute” des mères est celle de toute une collectivité, note l’historienne Yvonne Knibiehler, coauteure de Questions pour les mères (Erès, 2014) : si la société est une marâtre qui les maltraite, elles ne peuvent qu’être mauvaises. » Sauf qu’il est plus simple de désigner une part (féminine) de la population que de risquer de remettre en cause un système…
« Pendant mes premières années d’analyse, je n’ai parlé que d’elle, raconte Hélène, 39 ans. Je n’en pouvais plus ! Mais j’étais persuadée que c’était elle qui détenait la clé de mes problèmes amoureux. Impossible de regarder dans une autre direction ! » Selon la psychanalyste Virginie Megglé , « nous convoquons la mère, sur le divan par exemple, parce que nous avons mal et que nous espérons trouver la cause de cette douleur à l’extérieur de nous-mêmes, et au début de tout. Or, au début de tout, il y a la mère, cela ne fait jamais le moindre doute, comme le dit la phrase du droit romain : “Mater certissima, pater semper incertus” (“de la mère on ne doute pas, du père on est toujours incertain”). Ce que l’on oublie, en revanche, c’est que l’origine n’est pas la cause. Si elles sont à l’origine, les mères ne sont pas la cause de tout ». Derrière cette confusion se tient le désir inconscient de rester l’enfant dépendant d’elle. Même douloureuse, cette posture coûte moins, parfois, que la peur de devenir adulte ou de couper le cordon. Autre explication avancée par la psychanalyste : « Portés par le désir d’aller mieux, nous nous lançons en quête d’une vérité qui serait claire et définitive, ce qui conduit à une simplification : mal égale mère. » Une schématisation faussement soulageante, car, comme le remarque le psychologue et psychanalyste Michael Stora , « en même temps que nous la convoquons en termes négatifs, nous culpabilisons de le faire, c’est tout le paradoxe de la relation à la mère ».
Michael Stora met également cette volonté de désigner les mères comme fautives sur le compte d’une fragilité narcissique généralisée : « Si une femme considère son enfant comme le prolongement d’elle-même, à la fois source de récompense et porteur de tous ses idéaux, elle va se sentir d’autant plus responsable de lui, tout en le culpabilisant de la faire vivre dans une telle toute- puissance. » Culpabilité qu’il retournera contre elle en l’accusant de tous les maux. Cette fragilité est, selon le psychologue et psychanalyste, un résidu des guerres mondiales. « La génération des baby-boomeurs qui a suivi a été surinvestie, idéalisée… Cette narcissisation est intervenue comme une stratégie de défense pour panser les traumatismes. Mais elle a aussi renforcé l’idée que l’équilibre psychique des mères dépendait de leurs enfants, et réciproquement. » Souvenons-nous de Romain Gary et de sa Promesse de l’aube (Gallimard, Folio, 1973) ou d’Albert Cohen et de son Livre de ma mère6 : deux enfants de l’après-guerre adulés par leur mère et pour qui… elle était tout. Trop.
C’est dans ce contexte que, progressivement, et surtout à partir des années 1970, s’est imposée ce que Brigitte Allain-Dupré appelle « une culture de l’éducation des mères » – la « génération Dolto ». Les intentions de départ étaient bonnes : mettre à la portée de toutes des connaissances psy et combler le manque d’accompagnement de ces femmes souvent éloignées de leurs parents. Mal compris, mal reçus, ces conseils ont pu renforcer le sentiment des mères de ne pas savoir s’y prendre, leur peur de mal faire, leur désir de « parfaitement faire ». Et la tendance générale, en cas de souci, à les désigner. Comme s’il existait un modèle de « mère suffisamment bonne », pour citer Donald W. Winnicott7, qu’il suffirait de suivre. Or, mentionne Brigitte Allain-Dupré, au cours des dernières années, « les recherches ont montré que des mères très différentes pouvaient développer des qualités d’attachement tout aussi fortes chez leur enfant ».
Alice est comédienne, aussi extravertie et sociable que Rose, sa fille de 11 ans, est introvertie : « Je sais que je ne lui laisse pas assez de place, confie Alice, je m’en veux, j’essaie de m’effacer mais rien ne marche. » La tendance à montrer du doigt les mères est d’autant plus aisée qu’elle trouve un écho indéniable chez celles-ci : « Elles se sentent naturellement coupables, puisque, donnant la vie, elles se savent aussi donnant la mort, rappelle Brigitte Allain-Dupré, et parce qu’elles sont dans l’ambivalence des sentiments. » Un enfant, toute mère en fait l’expérience, est un émerveillement en même temps qu’un « emmerdeur » naturel. L’acceptation de cette ambivalence naturelle n’est pas simple, notamment « dans des sociétés où l’enfant est presque systématiquement désiré et programmé : s’impose le devoir, pour la femme, d’être toujours satisfaite, “et” d’elle-même “et” de son enfant, ce qui est impossible compte tenu de l’humanité de l’un et de l’autre ». En niant la face négative de la maternité, les femmes renforcent leur propre sentiment de culpabilité, tout en donnant raison à ceux qui les montreraient du doigt.
Comment sortir de cette vaste accusation ? En commençant par rétablir un équilibre, explique Brigitte Allain-Dupré : « Dans le portage psycho affectif de l’enfant, la mère lui imprime nécessairement quelque chose de sa propre histoire qui vaut aussi bien en termes de tristesse, de peur que d’énergie, de résilience ou de force contre l’adversité. » Si influence maternelle il y a, pourquoi en ef et ne serait-elle que négative ? « Regardons davantage du côté de la vie qu’incarnent aussi nos mères, plutôt que de nous laisser emporter du côté du sombre », propose Virginie Megglé. Brigitte Allain-Dupré parle de « faire de la place au cœur : comment puis-je regarder ma mère dans sa propre histoire ? D’où vient-elle ? Comment a-t-elle été portée, entourée ? ». Il s’agit de sortir du schéma « maman et moi » pour s’inscrire dans la chaîne plurigénérationnelle de transmission. « Admettons que nos mères soient en grande partie responsables de ce que nous sommes, ajoute Katia Denard : qu’en est-il de notre propre responsabilité ? Que faisons-nous de ce qu’elles ont “fait” de nous ? » Comme disait Jean-Paul Sartre, « l’homme qui se croit déterminé se masque sa responsabilité 8 ». Cesser de s’entêter dans la critique de sa mère pour se considérer comme partie prenante est aussi, paradoxalement, un moyen de se libérer de sa propre culpabi
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