Une bodybuildeuse se fait dominer
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Une bodybuildeuse se fait dominer
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Sur la scÚne des Championnats du monde de bodybuilding, deux de nos trois athlÚtes (Tjiki Sidibé à g. et Julia Föry) ont asséché leurs muscles. Emaciées, elles ont perdu 6 à 8 kilos. Au centre, Barbara Ménage est encore en préparation en vue des championnats du mois de mars 2019.
© DR
Catherine Schwaab
29/01/2019 Ă 17:06 , Mis Ă jour le 29/01/2019 Ă 18:32
Tjiki SidibĂ© pose «âen civilâ» dans la trĂšs branchĂ©e Brasserie BarbĂšs, et en salle, prĂȘte Ă souffrir. Vice-championne du monde, elle prĂ©side les Jeux mĂ©diterranĂ©ens de bodybuilding. Elle est aussi juge dans certains concours.
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Nadji/Paris Match
Sous lâĆil vigilant de leur coach Xavier, ex-boxeur, Tjiki et Barbara sâimposent chaque jour des heures de gainage et de la musculation au centre Gigagym, la plus grande salle de Paris.
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Nadji/Paris Match
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Ces femmes, personne ne les harcĂšle. Elles sont baraquĂ©es et musclĂ©es, leur vie est faite dâentraĂźnements intensifs et dâabnĂ©gation. Championnes de France, dâEurope, du monde, elles sont entrĂ©es dans les ordresâ! Avec une maĂźtrise absolue de leur corps, quâelles poussent jusque dans ses ultimes retranchements. Un corps qui fait peur parfois. Elles assument et se situent bien au-delĂ de nos frivoles conventions. Mais quel est leur moteurâ?Â
« Câest un monde Ă part, un monde de privations.â» Vice-championne du monde de bodybuilding, Tjiki, 37 ans, rĂ©sume tout dans cette formule. Oui, le bodybuilding est un univers loin de notre vie quotidienne. Vous observez cette belle fille, visage fin, regard doux, pommettes hautes, symĂ©trie impeccable, mais vous nâapprĂ©hendez pas tout de suite sa plastique hors normes. Certes, elle est grande, plutĂŽt large dâĂ©paules, avec des biceps. Mais rien Ă voir avec ses photos, ses vidĂ©os sur scĂšne tournĂ©es il y a quelques moisâ: une crĂ©ature de science-fictionâ! Visage Ă©maciĂ©, joues creusĂ©es, yeux cernĂ©s⊠mais un maquillage complet, blush, fard et rouge Ă lĂšvres. Et ce corps mĂ©connaissableâ: monumental et sculptĂ©, comme un jouet gĂ©ant de plastique. Elle tourne sur elle-mĂȘme, contracte ses muscles qui saillent comme un paysage mobile. La peau est plus bronzĂ©e quâau naturel, luisante, satinĂ©e, les cuisses sont accidentĂ©es de creux et de bosses sous des hanches Ă©troites de garçon. AccrochĂ© Ă sa carrure impressionnante, elle porte un mignon soutien-gorge pailletĂ© sur une poitrine menue qui doit faire du 120âA. Et au bout de ses bras musculeux, elle a les ongles trĂšs longs, vernis de nacre. Tout dans cette image est un paradoxe. La jolie Française nous oblige Ă revoir entiĂšrement nos conventions esthĂ©tiques. «âSur scĂšne, je veux quâon dise de moiâ: elle est belle.â» Ah bonâ? On croyait connaĂźtre les canons de la beautĂ© fĂ©minine, Tjiki â et avec elle toutes les bodybuildeuses â remet en question ces critĂšres vieux comme la mode.
Avant de critiquer la virilisation de ces corps dâextraterrestres, regardons-les de plus prĂšs. Lâaffaire relĂšve de la sculpture. «âAu premier coup dâĆil, je repĂšre votre morphotype, explique le coach Xavier, alias Mavrik Tiro. Mon blase dâentraĂźneur, sourit ce GuadeloupĂ©en de 48 ans, ancien boxeur, amateur de vieux rhums et de bons cigares. Vous ĂȘtes ectomorphe (long et fin qui ne grossit pas), endomorphe (petit et trapu qui prend du muscle et du gras), mĂ©somorphe (lâidĂ©al, taille fine, haut large et prise de masse facile), jâadapte lâentraĂźnement.â»
Tjiki (quâil entraĂźne) rĂšgne sur la catĂ©gorie bodyfitness, elle a la chance dâĂȘtre mĂ©somorphe. Son objectifâ: donner Ă voir le dessin prĂ©cis de certains muscles striĂ©s â les cuisses, par exempleââ mais pas celui des fesses qui doivent, elles, rester fuselĂ©es. Au contraire de la catĂ©gorie womenâs physicsâ: lĂ , vous devez surdĂ©velopper lâensemble de votre musculature, «âgagner de la masseâ». Au prix de souffrances indicibles sur dâimpitoyables machines. «âIl y a des muscles dont jâai dĂ©couvert lâexistenceâ», sâĂ©tonne Tjiki, qui a pourtant fait du sport depuis toute petite. Sous sa tranquille assurance, Xavier vous pousse au bout de votre potentiel. Dans une salle du XIIIe arrondissement de Paris, il assure entre deux et dix coachings par jour. Imperturbable et en douceur, il entraĂźne des sprinters, des basketteurs, des boxeurs⊠et des bodybuilders. A commencer par sa femme, Barbara MĂ©nage, 44 ans. Une womenâs physics, elle. Petite, compacte, les muscles saillants, elle endure le martyre sur les engins. Un jour les cuisses et le bas, un jour les bras, un jour le dos, sans oublier les abdos quâil faut quadriller comme de la cĂ©ramique. Avec le soutien de Xavier, elle a gagnĂ© toutes les catĂ©gories au Championnat dâEurope 2016. Aujourdâhui, elle vise lâArnold Classic, une des plus prestigieuses compĂ©titions mondiales, fondĂ©e par⊠Schwarzenegger .
Une boule de force, la gentille Barbara. «âOui, je fais peur aux gens, assume-t-elle. Ils trouvent que je ressemble Ă un homme, ils me demandentâ: mais pourquoiâ?â» Oui, pourquoiâ? Pour chaque femme que nous avons interrogĂ©e, les motivations diffĂšrent. Mais ensuite il y a le dĂ©fi. «âJusquâoĂč vais-je rĂ©ussir Ă pousser ma rĂ©sistance Ă lâeffort, Ă la souffranceâ?â» Quiconque a tentĂ© une centaine dâabdos ou cinq minutes de poids ou de fentes ne soupçonne mĂȘme pas la brĂ»lure intenable de leur entraĂźnement intensif. La Zurichoise Julia Föry, actrice principale dans le film «âPearlâ», dâElsa Amiel, rĂ©sumeâ: «âJâaime cette douleur, cette discipline. Jâai commencĂ© le bodybuilding comme un challengeâ: âvais-je y arriverâ?â Eh bien, en plus de ma force physique, je me suis dĂ©couvert une force psychiqueâ!â» Pour cette autre championne de womenâs physics taillĂ©e comme une statue, ce fut dâabord une fascination pour le travail du corps. Sa sĆur Ă©tait danseuse. «âJâai tentĂ© les cours, mais je me suis aperçue que la danse nâĂ©tait pas mon truc. Moi, il me faut la puissance.â» Dans cette famille de filles, Julia est un peu lâhomme de la maisonâ: «âMon pĂšre a refait sa vie ailleurs, avec dâautres enfants. Jâai peut-ĂȘtre senti que je devais remplacer cette figure protectrice. Mon corps nâĂ©tait pas particuliĂšrement fort, mais, en commençant le bodybuilding, jâai rĂ©alisĂ© que cette force me donnait une sĂ©curitĂ©. Chez moi, le but nâest pas seulement esthĂ©tique.â»
Pourtant, dans les compĂ©titions, le seul critĂšre est esthĂ©tique. Tout en adoptant les attributs de la fĂ©minitĂ© â maquillage, manucure, Ă©pilation, coiffure, bijoux â, il faut exalter sa musculature surdĂ©veloppĂ©e avec des accessoires de sĂ©duction. Ambigu. Etrange. On est tentĂ© de ricaner devant ces femmes sculpturales et redoutables aux artifices clinquants. Pour lâ«âArnoldâ», elles mettent en jeu des annĂ©es de sacrifices. Cinq minutes de show en guise de couronnement. «âEtre regardĂ©eâ»⊠Toutes vous lĂąchent ce dĂ©sir suprĂȘme, comme un orgasme ultime.
En dehors des compĂ©titions, pas question de se relĂącher. Tjiki Ă©numĂšreâ: «âJe mâentraĂźne deux heures trois fois par semaine. En prĂ©pa dâune compĂ©tition, câest trois Ă quatre heures par jour pendant trois mois, puis cinq Ă six heures par jour pendant les six derniĂšres semaines. Sauf le dimanche oĂč je dors.â» Elle ne vous parle pas de sa diĂ©tĂ©tique. Il faut commencer par nourrir les muscles, afin quâils gonflent, avec des protĂ©ines (viandes) et des glucides (pĂątes, rizâŠ) en cinq ou six repas par jour, puis diminuer progressivement pour perdre la graisse. Tandis que Tjiki sâĂ©puise en entraĂźnement cardio pour allonger ses muscles, Barbara MĂ©nage et Julia Föry doivent, elles, gagner plus de volume musculaireâ: elles sont abonnĂ©es aux steaks hachĂ©s. Et vont en absorber jusquâĂ cinq par jourâ! Et suer ensuite sang et eau sur les machines de guerre en salle. Toutes ajoutent des sachets protĂ©inĂ©s dont certains Ă©quivalent Ă 500 ou 600 grammes de poulet. Enfin, 48âŻheures avant la compĂ©tition, pour les cinq minutes de dĂ©filĂ© sur scĂšne avec des figures imposĂ©es de contraction, elles arrĂȘtent toutes de boire, absorbent des diurĂ©tiques au prix de crampes infernales qui peuvent durer toute la nuitâ; le drainage leur permet de perdre plusieurs kilos et de clarifier au maximum le dessin musculaire. On en a vu certaines â certains aussi â sâeffondrer en plein show par manque de minĂ©raux. LĂ , il faut espĂ©rer que la carence en potassium nâa pas paralysĂ© la pompe cardiaqueâŠ
Inutile de prĂ©ciser quâavec un tel programme aucune des candidates ne peut se permettre des soirĂ©es romantiques au restaurant, ni des dĂźners dâanniversaire. Tjiki est catĂ©goriqueâ: «âNon, un amoureux nâest pas compatible avec lâentraĂźnement. Sauf si jâen trouve un dans mon milieu sportif.â» Mais dĂ©solĂ©e de convenirâ: «âQuand je suis sur mes machines en salle, je ne vois personne, visage fermĂ©, je fais peurâ!â» On nâest pas dans un club de vacances. Et ne parlons pas des grasses matinĂ©esâ: toutes se lĂšvent Ă 5âŻheures pour aller sâentraĂźner Ă jeun vers 6âŻheures et demie. Tjikiâ: «âSâentraĂźner Ă jeun permet de rĂ©activer lâindice glycĂ©mique qui est trĂšs bas afin dâĂ©liminer plus.â» Ensuite, mĂȘme en catĂ©gorie pro, chacune vaque Ă ses occupationsâ: Tjiki est aide-soignante et coach Ă LâUsine, un club de sport, Barbara amĂšne sa fille de 8 ans Ă lâĂ©cole, assure lâentretien des voitures de train. Sa grossesse nâa en rien hypothĂ©quĂ© sa carriĂšre de bodybuildeuse. Elle avait pourtant dĂ©jĂ 36 ansâ: «âEnceinte, jâai pris 12 kilos, jâen ai perdu 8 juste aprĂšs lâaccouchement.â» Il faut dire que, dans lâenfer des privations, le rĂ©gime de Gisele BĂŒndchen, câest presque un dĂźner de rĂ©veillon. Mais comment font-elles en famille, dans le travailâ?
La cinĂ©aste Elsa Amiel se remĂ©moreâ: «âJulia ne prenait jamais ses repas avec lâĂ©quipe. Ne touchait jamais au buffet de friandises. Le soir, aprĂšs la journĂ©e de tournage, elle mangeait seule dans sa chambre son riz, ses rations calibrĂ©es.â» La pauvre devait ĂȘtre Ă©puisĂ©e car, en plus de ses prestations dâactrice, elle continuait lâentraĂźnement aux auroresâ! Elsaâ: «âAu dĂ©but, on nâavait pas compris ses horaires impĂ©rieux. Au bout de quinze jours, elle souffrait dans son corps, pendant son entraĂźnement. Alors on a revu tout le planning selon elle. Elle a pu recommencer Ă sâentraĂźner six heures par jour trois fois par semaine. Et reprendre ses six repas journaliers.â»
Tjiki aussi doit garder son self-control quand, Ă la cantine, les collĂšgues sâamusent Ă la faire saliver avec des bons plats en sauce et des desserts crĂ©meux. «âParfois, je quitte la table.â» AĂźnĂ©e dâune demi-douzaine de frĂšres et sĆurs, quâelle adore, excellente cuisiniĂšre, elle pousse toutefois le masochisme jusquâĂ organiser les goĂ»ters dâanniversaire sans toucher Ă rienâ! Elle a aussi la chance dâavoir une maman cordon bleu qui pense Ă toutâ: «âElle me congĂšle mes plats favoris, je les mange aprĂšs la compĂ©tition.â» Combien rĂȘvent dâavoir sa volontĂ© de ferâ! Sa pĂ©riode prĂ©fĂ©rĂ©e dans lâannĂ©eâ: «âLe ramadanâ! LĂ , plus personne ne mange, rigole-t-elle, alors je peux passer du temps en familleâ». A la maison, tout le monde est solidaire. Il faut dire que le pĂšre, grand sportif, faisait ses abdos avec sa petite Tjiki de 8 ans en pyjama dans la salle Ă mangerâ! Julia Föry ne peut pas en
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