Une anale derrière la porte

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Une anale derrière la porte




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Silvia Galipeau La Presse
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Édition du 13 juin 2021,
section ARTS ET ÊTRE , écran 15

Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes.
Cette semaine : Margot*, début quarantaine
Elle s’est inscrite sur Tinder pour s’amuser, faire le plein, profiter de la vie, avant qu’il ne soit trop tard. Et puis elle y a trouvé l’amour, en pleine pandémie, les amis. Entretien avec une femme épanouie, au récit inspirant, quoique différent.
Margot*, début quarantaine, nous a donné rendez-vous un vendredi midi ensoleillé, dans un joli parc central de Montréal. Elle nous attend tout sourire, pour se raconter. Dès ses premières paroles, on devine une femme réfléchie, drôlement proche de ses émotions, bien dans sa tête et, visiblement, bien dans son corps.
« J’ai découvert la sexualité à 14 ans. Avec mon chum, commence-t-elle. C’est important pour moi de le dire : dès ma première fois, j’ai ressenti un orgasme. En même temps que j’ai ressenti une petite douleur. Mais ce que je retiens, c’est vraiment l’orgasme. » Si, pour beaucoup de femmes, la première fois n’est qu’un lointain et surtout mauvais souvenir, ça n’est pas du tout son cas : « J’étais jeune, mais je le savais : c’était le début de quelque chose de très organique. »
C’est ensuite que les choses se sont gâtées. Elle a en effet passé les cinq années suivantes en « quête » d’une pareille connexion. « J’ai eu plein de chums, se souvient-elle, mais ils n’étaient jamais très à l’aise avec leur sexualité. Peut-être qu’ils manquaient de confiance en eux. Ils avaient beaucoup le profil artiste, musicien, philosophe, nihiliste, des gars trop dans leur tête, pas assez dans leur corps », pouffe-t-elle de rire.
« Moi ? Oui, je suis très dans mon corps. »
À 19 ans, Margot fait la rencontre d’un homme de 15 ans de plus qu’elle, avec qui elle vit cette fois une histoire « passionnelle ». C’est lui qui lui a tout appris (amour oral, sensualité, sexualité dans des endroits inusités), et qui l’a surtout fait se « sentir » femme, bien avant qu’elle-même ne le ressente. « J’étais une jeune écervelée dans ma tête, mais dans sa tête à lui, j’étais vraiment une femme. » Elle s’en souvient encore : ils pouvaient passer leurs journées couchés, à faire l’amour pendant des heures. Avec lui, le sexe était un « art de vivre ». Une priorité. Un mode de vie, aussi.
Comme pour Margot, quelque part. Car elle l’a très vite réalisé : « J’ai une bonne libido, à comparer à mes amies. Je m’en suis rendu compte très tôt à l’adolescence. Pour moi, la sexualité, c’est une activité pour me détendre. Une activité comme une autre. »
L’histoire n’a pas duré (« trop compliqué »), et elle a aussi laissé Margot dans un « désert sentimental » pendant des années. Disons que monsieur avait mis la barre haut : avec l’amour passionnel d’un côté, et les relations sexuelles tout aussi passionnelles de l’autre.
Fin vingtaine, coup de théâtre : la jeune femme retombe sur un amour de jeunesse. Un flirt d’adolescence. Et c’est le « coup de foudre ». Dix ans plus tard, le gamin d’hier était aujourd’hui « un homme bâti », se souvient-elle. « Il avait bourlingué en Europe, dans l’Ouest canadien, c’était devenu un bel homme solide, sûr de lui… » Au lit ? « Super, répond-elle, au début… »
Elle rit : « Mais j’étais en amour avec lui. Alors, j’ai choisi l’amour. » On comprend à demi-mot que comme trop d’hommes rencontrés dans son passé, il n’avait pas cette aise au lit recherchée. Ce bien-être. Ce côté assumé. Ils ont tout de même passé plus de 10 ans ensemble. Même fondé une famille. Et avec le temps, et les enfants (« c’est tellement cliché ! »), leur intimité en a pris un coup. Au point où, à quelques reprises, Margot l’a trompé. Non, il n’en sait rien, mais elle ne s’en cache pas. Elle ne se défend même pas. Au contraire. « Je n’ai jamais regretté, confirme-t-elle. Je suis allée chercher ce que je n’avais plus : l’excitation, l’adrénaline, la séduction… »
« J’ai toujours eu une obsession pour l’adultère. Dans la littérature, la fiction, j’ai toujours trouvé ça très porteur. Générateur d’adrénaline. […] Il n’y a rien de plus normal que d’avoir envie de quelque chose qu’on n’a pas. »
Elle a même carrément pensé partir avec un amant, un flirt qui s’est étiré sur quelques mois, avant de se raviser. « La lingerie, se sentir belle, oui, c’est important, mais est-ce que ça fait une vie de couple intéressante ? », s’est-elle ravisée.
N’empêche que son couple a fini par mourir « pour plein d’autres raisons », poursuit Margot, avant de préciser : « Et on s’est laissés après deux ans sans s’être touchés… »
D’ailleurs, sa libido était à cette époque carrément morte : « Morte de chez morte. Mais j’ai toujours su que ça reviendrait. » De fait, six mois après s’être séparée du père de ses enfants, Margot est retombée amoureuse. Le mot est faible : elle est tombée folle raide. Pour cause : « Ça a cliqué dès le premier soir. […] Coït, par-dessus coït, par-dessus coït. […] Autant cet homme m’a reconnectée avec mon utérus, autant il m’a reconfirmé mes besoins. » Des besoins physiques qui n’étaient visiblement pas enfouis bien loin. Sauf qu’au bout de quelques mois, monsieur a mis un terme à l’aventure, et Margot s’est littéralement effondrée. « Qui va vouloir de moi, à 40 ans, avec deux enfants ? », s’est-elle demandé.
C’est à ce moment, ça ne s’invente pas, qu’est arrivée la pandémie. On y arrive enfin. Et à ce moment toujours, que, faute de sorties, Margot s’est inscrite en ligne. « Et j’ai vraiment eu du fun, confirme-t-elle, tout sourire. Oui, j’ai triché. Je n’ai aucun problème à le dire. C’était une question de survie mentale : je me retrouvais seule dans un trois et demie avec deux enfants, il fallait que je me détende. J’avais besoin de me satisfaire sexuellement. »
Et c’est ainsi qu’elle a multiplié les amants. Trois, plus précisément, qu’elle voyait régulièrement. « Et à un moment donné, il y en a un qui est devenu le dominant. » Et elle, de son côté, est devenue sa priorité à lui. Qui dit mieux ? « Et on est tombés amoureux ! » Le plus naturellement du monde, Margot a « fermé » son compte Tinder. C’était il y a un an, très exactement. Ils ont ensuite passé l’été à se voir. À confirmer le « match », comme on dit, assez parfait, merci. « Avec lui, c’est sexuellement parfait, rayonne-t-elle enfin. Il a une libido aussi forte que la mienne, sinon plus, et c’est la première fois que je rencontre ça ! […] Et lui aussi, c’est la première fois qu’il rencontre une fille qui en demande autant. […] J’ai vraiment trouvé mon match sexuel dans une relation amoureuse. C’est complètement fou ! » Non, ils ne sont pas exclusifs. « Je comprends le besoin d’aller voir ailleurs, et lui aussi, rappelle-t-elle. Sauf que la vérité, c’est que depuis qu’on est ensemble, ce n’est pas arrivé. »
Parce que de son côté, son désir est comblé. Parlant de désir : « On en parle de plus en plus, du désir au féminin, et il faut continuer de le démystifier, mais est-ce qu’on peut en parler selon nos propres termes ? », lance-t-elle. De son côté, c’est chose faite.
* Prénom fictif, pour protéger son anonymat
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