Un lien entre Wuhan en Chine et le 11 septembre !

Un lien entre Wuhan en Chine et le 11 septembre !

Abbé Hervé Belmont

Les temps de crise sont propices au déchaînement des passions échevelées, à la plongée incompétente dans les préoccupations du monde. Chacun son avis, chacun son complot, chacun sa science « éclairée » : tout est fait pour oublier que notre conversation est dans les Cieux, comme le clame saint Paul (Phil. 3,  20). Voici mon complot à moi, celui qui fut ourdi par les Cieux entre Wuhan et le 11 septembre : c’est simple, en ce lieu et à cette date (mais en 1840) mourrait martyr le bienheureux Jean-Gabriel Perboyre.

Le sang des martyrs est une semence de chrétiens, selon la belle formule de Tertullien ; la charité de ceux qui immolent leur vie à la gloire de Dieu, au témoignage de la foi catholique et à la propaga­tion de l’Évangile de Jésus-Christ est plus digne d’intérêt qu’un virus.

Bx Jean-Gabriel Perboyre

Jean-Gabriel Perboyre naît le 6 janvier 1802 au hameau du Puech, à Montgesty près de Cahors (Quercy). Il est l’aîné des huit enfants (dont six entreront en religion) de Pierre Perboyre et Marie Rigal, pieux cultivateurs.

En 1817, son jeune frère Louis se rend à Montauban afin de poursuivre ses études au petit séminaire dirigé par leur grand’oncle Jacques, prêtre lazariste. Jean-Gabriel accompagne son frère encore très jeune, durant quelques mois, le temps nécessaire pour l’habituer à sa nouvelle vie. Il en profite pour parfaire son instruction.

Très rapidement, Jean-Gabriel Perboyre montre de belles apti­tudes pour les études, et donne des signes de vocation religieuse. Son oncle convainc alors ses parents de lui permettre de poursuivre sa formation théologique plutôt que de reprendre la direction de la ferme familiale.

Il termine ainsi ses études secondaires et entre chez les lazaristes (congrégation fondée par saint Vincent de Paul) où son frère Louis se trouve déjà. Il prononce ses vœux le 20 décembre 1820.

En 1823, alors qu’il n’est pas encore prêtre, il est nommé profes­seur à Montdidier près d’Amiens. Il est très vite aimé de ses élèves, qu’il entraîne à visiter les prisonniers et aider les pauvres.

En 1826 il est ordonné prêtre et part pour Saint-Flour afin d’enseigner la théologie. Sa réussite est telle que l’évêque le réclame comme directeur au séminaire. Il y enseigne jusqu’en 1831, où il est nommé directeur du noviciat des lazaristes à Paris.

Toutefois, il entretient toujours le désir de partir pour la Chine, malgré une santé peu florissante. Il demande à ses élèves : « Priez pour que ma santé se fortifie et que je puisse aller en Chine afin d’y prêcher Jésus-Christ et de mourir pour lui », leur expliquant qu’il est entré chez les lazaristes dans cette optique.

Son frère Louis, parti à la fin de 1830, meurt au cours du voyage. Jean-Gabriel désire ardemment reprendre le flambeau. Sa vertu et son insistance lui obtiennent gain de cause auprès de ses supérieurs.

Le père Perboyre et ses compagnons embarquent au Havre le 24  mars 1835 et arrivent cinq mois plus tard à Macao.

L’entrée des Européens étant interdite dans l’empire de Chine, on s’y rend clandestinement. Il faut donc auparavant apprendre parfai­tement la langue, s’initier aux coutumes locales et acquérir une appa­rence adéquate tout en s’habituant au climat. C’est un apprentissage difficile. Dès le mois de décembre, il écrit : « Si vous pouviez me voir un peu maintenant, je vous offrirais un spectacle intéressant avec mon accoutrement chinois, ma tête rasée, ma longue tresse et mes moustaches… On dit que je présente pas mal en Chinois. C’est par-là qu’il faut commencer pour se faire tout à tous ; puissions-nous ainsi les gagner à Jésus-Christ. »

Après un très long et difficile voyage, il parvient à sa mission en août 1836 dans le Ho-Nan ; il lui faut endurer une maladie qui fait craindre le trépas et l’immobilise trois mois. Sur place, il trouve une population misérable, deux mille chrétiens environ vivant dans la plus extrême pauvreté. Pour visiter, accompagné d’un prêtre chinois, quinze cents chrétiens répartis dans une vingtaine de communautés il lui faut parcourir le plus souvent à pied de très longues distances, environ 1500 kilomètres en six mois.

En janvier 1838 Jean-Gabriel Perboyre quitte le Ho-Nan, car il est appelé dans le Hou-Pé. Là aussi la chrétienté atteint à peine 2000 âmes réparties en une quinzaine de communautés. Dans la ville-centre, l’église n’est qu’une masure, mais le Père Perboyre se réjouit de trouver là un millier de pieux fidèles remplissant, même sous la pluie et sur la neige, cette humble enceinte. Il se consacre à son travail apostolique : instruire, former et réformer, baptiser, sanctifier, conquérir, inlassablement. Malgré son propre dénuement, il soulage autant qu’il le peut la misère de ses fidèles.

Malgré tout le dévouement qu’il déploie, le délabrement de sa santé fait douter le Père Perboyre dans une logique infernale : est-il à sa place ? fait-il la volonté de Dieu ? N’est-il pas dans l’illusion ?

Ne met-il pas son salut en danger ? N’est-il pas un réprouvé ?… Notre-Seigneur brise lui-même cette spirale désolante (et périlleuse) en lui disant un jour : « Que crains-tu ? Ne suis-je pas mort pour toi ? Mets tes doigts dans mon côté et cesse de penser à ta damnation ! »

Le 15 septembre 1839, un groupe armé se dirige vers la résidence des missionnaires à Tcha-Yuen-Keou. Ils n’ont que le temps de s’enfuir. Le Père Perboyre se réfugie dans la forêt voisine, mais, trahi par un de ses catéchumènes pour quelques pièces d’argent, il est débusqué, enchaîné et amené devant un premier mandarin. Il est ensuite traîné de ville en ville et à chaque fois interrogé, parfois torturé, par des fonctionnaires impériaux de rang plus élevé.

Il arrive finalement à Ou-Tchang-Fou où il reste en captivité pendant presque un an. Malgré de longs interrogatoires et diverses tortures, il reste inébranlable dans la paisible profession de la foi, redonnant courage à ses compagnons et impressionnant ses geôliers.

Il est condamné à mort le 15 juillet 1840 par le tribunal de la province de Hubei à Ou-Tchang-Fou (Wuchang, quartier de la ville de Wuhan). Avant de mourir, il confie un message à un catéchiste venu le visiter, à l’attention des fidèles de la mission : « Dis-leur de ne pas craindre cette persécution. Qu’ils aient confiance en Dieu. Moi je ne les reverrai plus, eux non plus ne me reverront pas, car certainement je serai condamné à mort. Mais je suis heureux de mourir pour Jésus-Christ. » La ratification impériale de la sentence arrive le onze septembre 1840. Selon l’usage chinois le Père Jean-Gabriel Perboyre est exécuté le jour même : on le lie sur un gibet en forme de croix, et on l’étrangle lentement en le faisant mourir par étouffement progressif : dans les dures angoisses et souffrances d’une grande détresse respiratoire !

Son corps attend la résurrection à la maison des lazaristes à Paris.

Le père Jean-Gabriel Perboyre est déclaré vénérable dès 1843 par Grégoire XVI, puis béatifié le 10 novembre 1889 par Léon XIII ; celui-ci fixe sa fête au 11 septembre, anniversaire de son martyre.

Sainte Thérèse de Lisieux avait une dévotion particulière pour le bienheureux Jean-Gabriel Perboyre, et, dans son livre de prières conservait une carte signée de sa main.


Wuhan fut autrefois un très actif avant-poste des missionnaires catholiques : ce sont eux qui ont fondé les hôpitaux de la ville.

À l’extérieur de Wuhan, à l’hôpital central, est érigée la statue du missionnaire italien, Mgr Eustachius Zanoli. En 1886, il a invité les Filles de la charité canossiennes à ouvrir des services sociaux ; il a établi l’hôpital catholique de Hankou, qui a conduit à la fondation du second hôpital de Wuhan (1955) et ensuite à l’extension de l’hôpital central de Wuhan (en 1999).

Une autre structure proche de l’hôpital Jinyintan de Wuhan, fut fondé par les missionnaires franciscains en 1926 : l’hôpital catholique Père-Mei-de-Hankou. Il a reçu le nom de Pascal Angelicus Melotto (1864-1923), missionnaire franciscain qui avait pris le nom de Frère Mei Zhanchun comme nom chinois. Il fut kidnappé pour une rançon, tué par une balle empoisonnée, en 1923. L’hôpital catholique de Hankou à la mémoire du Père Mei a été desservi par les sœurs franciscaines de la Doctrine Chrétienne, jusqu’à l’expulsion des mis­sionnaires de Chine en 1952, après la révolution communiste.

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