Un interview se transforme en autre chose
đ TOUTES LES INFORMATIONS CLIQUEZ ICI đđ»đđ»đđ»
Un interview se transforme en autre chose
Vous venez de dire que Hitler Ă©tait obsĂ©dĂ© par lâidĂ©e de vivre dans un monde âlibĂ©rĂ© des Juifsâ. CâĂ©tait sa folie personnelle, mais beaucoup de gens la partageaient. Cela me paraĂźt trĂšs important si lâon veut pouvoir expliquer la fonction de bouc Ă©missaire non seulement de la population juive, mais de nâimporte quel groupe dans dâautres systĂšmes. Dans âCâest pour ton bienâ, vous avez dĂ©crit la façon dont un individu en vient Ă lâidĂ©e folle que les Juifs font le malheur dâune nation. Mais il semblerait que les sociĂ©tĂ©s continuent Ă avoir besoin de boucs Ă©missaires, quâelles en produisent toujours de nouveaux.
Post Ă©crit que dans des Etats dâEurope de lâEst comme la RĂ©publique tchĂšque, par exemple, la haine envers les Tziganes et les Roms sâaccroĂźt depuis quâil nây a presque plus de Juifs. Il attire lâattention sur le fait quâen Pologne, lâantisĂ©mitisme prend des formes franchement grotesques, puisque ce pays nâa lui non plus pratiquement plus de Juifs. Pourtant, on continue Ă les rendre responsables des problĂšmes de la sociĂ©tĂ©. Ce serait encore le cas mĂȘme sâil nây avait rĂ©ellement plus une seule personne dâorigine juive en Pologne. Câest pourquoi je parle ici de folie, et cette folie peut se retourner contre nâimporte quel groupe selon les circonstances.
Aux Etats-Unis, dans les annĂ©es 1950, on se sentait cernĂ© par les communistes, alors mĂȘme quâil nâexistait aucun danger que le pays soit totalement infiltrĂ© par le communisme. Quand la folie dâun individu sâallie Ă celle des autres, quand elles commencent Ă coĂŻncider, cela donne facilement naissance Ă une hystĂ©rie collective. La structure paranoĂŻde qui sâest dĂ©veloppĂ©e pendant lâenfance a besoin de se raccrocher Ă quelque chose, sauf si la personne parvient Ă comprendre lâorigine de cette structure et, Ă partir de lĂ , travaille Ă la dissoudre peu Ă peu. Lorsquâun ĂȘtre humain parvient Ă ressentir Ă quel point il a eu peur de ses parents dans sa petite enfance, il ne trouve plus nĂ©cessaire de craindre des minoritĂ©s ou les Ă©trangers. Le besoin de stigmatiser des minoritĂ©s sociales comme Ă©trangĂšres et de les persĂ©cuter disparaĂźt. Lâindividu qui prend enfin conscience de lâabsurditĂ© des persĂ©cutions subies de la part de ses parents devient capable de dĂ©celer en lui-mĂȘme une folie identique et de la neutraliser progressivement. Ce nâest peut-ĂȘtre pas possible absolument dans tous les cas, mais, le plus souvent, cette façon de faire pourrait fonctionner. Beaucoup de gens comprendraient alors Ă quel point leurs parents, de leur cĂŽtĂ©, avaient peur de lâenfant quâils Ă©taient alors, de sa vitalitĂ©, des besoins quâil exprimait, besoins Ă lâorigine tout Ă fait vitaux. Ils sâapercevraient quâils ont eux-mĂȘmes Ă©tĂ© littĂ©ralement poussĂ©s Ă la folie par cette peur irrationnelle que leurs parents Ă©prouvaient Ă cause de leur propre enfance.
Jâai lâimpression quâil doit ĂȘtre possible de dĂ©couvrir une folie personnelle chez nâimporte quel dictateur. Il est clair que le fascisme et sa variante allemande, le nazisme, Ă©taient des idĂ©ologies qui ne visaient pas Ă libĂ©rer, mais Ă exercer un pouvoir et Ă opprimer. Le communisme sous ses diffĂ©rentes formes sâest prĂ©sentĂ© comme venant libĂ©rer les pauvres et les opprimĂ©s. Il y avait Ă cela des motifs bien rĂ©els. Mais ensuite, on en revient toujours au sadisme. Dans la Chine de Mao TsĂ©-Toung, les intellectuels et les gens instruits, et plus particuliĂšrement les jeunes, justement, ont Ă©tĂ© envoyĂ©s de force Ă la campagne pour travailler la terre pendant des annĂ©es. Dâinnombrables vies ont Ă©tĂ© ainsi gĂąchĂ©es.
Jâaimerais citer ici une dĂ©claration de Mao TsĂ©-Toung faite devant un journaliste dans les annĂ©es 1930 : âQuand jâavais environ treize ans, une dispute a Ă©clatĂ© entre mon pĂšre et moi en prĂ©sence dâun grand nombre de personnes quâil avait invitĂ©es. Mon pĂšre mâa rĂ©primandĂ© publiquement, me traitant de paresseux et dâinutile. Cela mâa mis en colĂšre. Je lâai maudit et jâai quittĂ© la maison. Ma mĂšre a couru aprĂšs moi pour essayer de me faire revenir. Mon pĂšre mâa suivi lui aussi en jurant et en mâordonnant de rentrer. ArrivĂ© au bord dâune mare, jâai menacĂ© de mây jeter sâil faisait un pas de plus vers moi. Dans cette situation, les nĂ©gociations ont commencĂ©, chacun prĂ©sentant ses exigences pour mettre fin Ă cette guerre civile. Mon pĂšre insistait pour que je mâexcuse et que je fasse un kotou [rĂ©vĂ©rence] en signe de soumission. Jâai acceptĂ© de mettre un genou en terre sâil promettait de ne pas me battre. La guerre sâest terminĂ©e ainsi, et cela mâa appris que si je dĂ©fendais mon droit dans une rĂ©volte ouverte, mon pĂšre cĂ©dait, alors que si je restais humble et obĂ©issant, il ne ferait que me maudire et me frapper davantage.â (CitĂ© dâaprĂšs Grimm.) Mao avait donc un pĂšre tyrannique. On sait aussi quâĂ dix-sept ans, il a dĂ» lutter Ăąprement pour avoir le droit dâentrer dans une Ă©cole contre la volontĂ© dĂ©clarĂ©e de son pĂšre (source : Grimm). Le besoin de se dĂ©fendre contre lâinjustice peut aussi avoir sa source dans lâenfance. Mais ensuite, ce combat contre une injustice rĂ©elle se transforme en autre chose.
Mao est un bon exemple. Dâabord, le fils se rĂ©volte contre la cruautĂ© du pĂšre, il veut mobiliser le peuple tout entier contre lâinjustice quâil a subie, mais Ă peine est-il au pouvoir quâil reprend les mĂ©thodes dâoppression de son pĂšre, parce que, enfant, il nâa appris que la violence et la force. Avec de tels dirigeants, le combat pour la justice ne peut quâĂ©chouer, et câest ce qui sâest passĂ© dans tous ces cas. On est bien sĂ»r toujours surpris de voir aussi souvent des paranoĂŻaques non seulement parvenir au pouvoir, mais le conserver aussi longtemps, mĂȘme des annĂ©es aprĂšs avoir Ă©tĂ© frappĂ©s de dĂ©mence sĂ©nile, comme cela a Ă©tĂ© le cas de Mao et dâautres dictateurs. DerriĂšre chaque pouvoir se cachent toutes sortes dâintĂ©rĂȘts et de groupes, mais il paraĂźt clair que les souffrances de lâenfance restĂ©es inconscientes libĂšrent une Ă©norme Ă©nergie destructrice. Une Ă©nergie qui sera en permanence utilisĂ©e par lâadulte pour ne jamais ressentir ces souffrances.
Ce quâon a pu observer sous une forme attĂ©nuĂ©e dans la Chine de Mao au cours de la âRĂ©volution culturelleâ a atteint un summum sous les Khmers rouges au Cambodge. Pol Pot a fait assassiner presque tous les intellectuels. On ne pouvait plus tolĂ©rer ni mĂ©decins, ni enseignants, ni ingĂ©nieurs. Les porteurs de lunettes Ă©taient dâemblĂ©e suspects, on les abattait au rĂąteau pour Ă©conomiser les munitions. Il me semble quâil sâagissait lĂ dâune conception dĂ©lirante qui a conduit les rĂ©volutionnaires Ă se faire du mal Ă eux-mĂȘmes, la lutte de libĂ©ration des pauvres se transformant en destruction totale de la sociĂ©tĂ©. Au Cambodge, lâargent a Ă©tĂ© interdit, les villes Ă©vacuĂ©es. Personne ne devait plus rien possĂ©der (source : Chandler). A partir du moment oĂč lâautodestruction devient aussi Ă©vidente, touchant mĂȘme ceux qui sont au pouvoir, on ne peut plus justifier ce qui se passe par la seule idĂ©ologie. Il me semble plutĂŽt que cette idĂ©ologie naĂźt dâune obsession prĂ©existante, ou encore quâelle se soumet Ă cette obsession, se transforme en elle.
Je le crois aussi. Les futurs dictateurs prennent dans lâair du temps ce qui peut le mieux les servir. Ils utilisent les idĂ©ologies comme un masque pour couvrir leur propre folie. On se demande comment un homme peut en venir Ă se reprĂ©senter comme un paradis un endroit oĂč il nây a plus ni mĂ©decins, ni enseignants pour les enfants. Je suppose quâil serait possible de rĂ©pondre Ă cette question si on en savait davantage sur lâenfance de Pol Pot. Jâai seulement pu apprendre que le dictateur Ă©tait issu dâune famille nombreuse, qui nâĂ©tait pas tout Ă fait dans la misĂšre, mais suffisamment pauvre pour que lâenfant ait Ă©tĂ© confiĂ© Ă une parente qui vivait Ă la cour comme danseuse du corps de ballet de la famille royale. Ces femmes nâavaient rien dâautre Ă faire que danser le soir pour le roi et sâennuyer le reste de la journĂ©e. Elles servaient aussi de prostituĂ©es aux hommes de la famille royale, et elles ont pris ce garçon sous leur protection (source : Chandler). Ces faits sont trop partiels pour quâon puisse en tirer des conclusions, mais ils tĂ©moignent assurĂ©ment dâune enfance catastrophique. Pol Pot prĂ©sente une apparence extĂ©rieure vraiment surprenante, câest un dictateur qui sourit constamment, et beaucoup de gens ont tĂ©moignĂ© de sa douceur et de sa gentillesse. Mais il finit toujours par laisser tomber le masque. Une autre chose Ă©tonnante avec lui est quâaprĂšs le triomphe de la ârĂ©volutionâ, alors quâil aurait pu quitter la clandestinitĂ©, il a continuĂ© Ă se cacher dans la jungle, Ă chercher Ă effacer ses traces, Ă ne pas se montrer en public, ce qui est trĂšs peu typique des dictateurs. En mĂȘme temps, il fait tuer ses opposants lâun aprĂšs lâautre, se sentant menacĂ© par eux. Il efface aussi les traces de sa propre existence, alors mĂȘme que cela ne paraĂźt plus nĂ©cessaire pour le mettre Ă lâabri des complots. Longtemps, on nâa pas su qui Ă©tait Pol Pot, son nom Ă©tait un pseudonyme, on ne connaissait pas ses origines, sa famille. Il souriait, tenait des discours aimables depuis sa cachette, et ordonnait des massacres (source : Chandler). Dans son essai sur le dictateur, David Chandler affirme mĂȘme quâil est exclu que Pol Pot ait Ă©tĂ© traumatisĂ© dans son enfance et donc quâil soit psychiquement perturbĂ©. Mais, quelques lignes plus loin, il nous apprend que Pol Pot a Ă©tĂ© confiĂ©, enfant, Ă la garde de prostituĂ©es, et, dans tout son livre, il dĂ©crit le comportement bizarre de cet homme comme si on rencontrait cela tous les jours. Câest trĂšs caractĂ©ristique de ce genre de biographie. On sait que Pol Pot, comme le souligne Chandler, avait Ă©tĂ© extĂ©rieurement un enfant trĂšs doux et gentil. Mais que se passait-il dans sa tĂȘte dâenfant ? On voit sâesquisser malgrĂ© tout un vague portrait de cet homme chez qui, derriĂšre le masque, la haine et le dĂ©sir de vengeance ont bouillonnĂ© jusquâĂ le pousser Ă la folie.
On peut finalement comprendre que les dictatures redoutent tout particuliĂšrement les gens cultivĂ©s, parce que ces gens seraient davantage capables de penser par eux-mĂȘmes et de percer Ă jour le systĂšme. Mais cette haine Ă la fois brutale et, me semble-t-il, insensĂ©e du savoir, de lâinstruction, du potentiel humain, de la crĂ©ativitĂ©, me rappelle fortement les tĂ©moignages sur ce qui se passe dans de nombreuses familles. Beaucoup de gens ont eu des parents qui ont cherchĂ© Ă torpiller leurs dons. Idi Amin Dada a dĂ©clarĂ© : âJe nâai jamais eu aucune instruction formelle, pas mĂȘme un diplĂŽme dâĂ©cole maternelle. Mais jâen sais parfois plus quâun diplĂŽmĂ© dâuniversitĂ©, parce que je suis un militaire et que je sais agir.â (Source : Post.) En six ans, cet homme a fait exĂ©cuter jusquâĂ 600 000 personnes, dont la plupart Ă©taient des gens instruits.
Jerrold Post attire aussi notre attention sur lâĂ©norme besoin de respect et dâadmiration quâil a rencontrĂ© chez tous les despotes. Il parle de leur âmoi blessĂ©â (âwounded selfâ). Ce besoin peut aller jusquâĂ les pousser Ă des actes grotesques. Ainsi, Amin Dada sâest confĂ©rĂ© Ă lui-mĂȘme le titre pompeux de âSon Excellence le MarĂ©chal PrĂ©sident Ă vie Al Hadj Dr. Idi Amin Dada, Seigneur des bĂȘtes de la terre et des poissons de la mer, ConquĂ©rant de lâEmpire britannique en Afrique en gĂ©nĂ©ral et en Ouganda en particulierâ (source : Post).
Bien sĂ»r, on ne peut sâempĂȘcher de rire quand on lit cela, mais on cesse de rire en lisant quelques lignes plus loin quâIdi Amin a fait exĂ©cuter des milliers dâintellectuels. On a affaire ici Ă la folie des grandeurs dĂ©jĂ dĂ©crite â beaucoup de gens en seraient dâaccord, mais trĂšs peu se demandent comment cette folie a pu naĂźtre dans lâenfance Ă force dâhumiliations concrĂštes et durables, comment a pu se dĂ©velopper un sentiment dâenvie qui, parce quâil reste inconscient, prend des formes extrĂȘmes. Le dictateur se confĂšre Ă lui-mĂȘme un titre pittoresque de docteur, mais il fait tuer les vrais universitaires. On nâa pas cherchĂ© Ă en savoir davantage sur son enfance.
A propos du dictateur portugais Antonio de Oliveira Salazar, on raconte lâhistoire suivante. A lâĂąge de 79 ans, Salazar a subi une opĂ©ration [Ă la suite dâun accident vasculaire cĂ©rĂ©bral] qui lui a laissĂ© des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales irrĂ©parables. Les dirigeants portugais lâont laissĂ© croire quâil dirigeait encore seul le pays. âSeule sa gouvernante, ĂągĂ©e elle aussi, lui parle parfois de dĂ©mission et de repos. âCâest impossible, ronchonne-t-il alors. Personne ne peut me remplacer.â Il ne sâaperçoit pas non seulement quâil nâest plus rien, mais quâil ne fait plus rien. Cet Ă©tat dure prĂšs de deux ans, jusquâĂ sa mort le 27 juillet 1970. [âŠ] Il laisse un bas de laine de 900 tonnes dâor.â (Source : Accoce/Rentchnick.)
Bien sĂ»r, les gens comme Salazar sont Ă proprement parler de pauvres types. Le dictateur espagnol Francisco Franco y Bahamonde a souffert toute sa vie dâavoir Ă©tĂ©, paraĂźt-il, le plus petit soldat que lâarmĂ©e espagnole ait jamais eu, presque un nain (source : Accoce/Rentchnick). Pourtant, je trouve trop simple de se contenter de dire que ces dictateurs Ă©taient des fous. Je constate (sans compassion) quâil existait en eux un immense vide, un besoin jamais satisfait et qui nâa fait que grandir dĂ©mesurĂ©ment avec le temps. Comment ce âtrouâ qui ne peut ĂȘtre comblĂ© que par la folie des grandeurs apparaĂźt-il chez un ĂȘtre humain ?
Je dirais que, chez un ĂȘtre humain qui, enfant, a Ă©tĂ© gravement humiliĂ© et nâa jamais eu aucune chance de pouvoir se dĂ©fendre, il sâagit lĂ moins dâun âtrouâ que dâune bombe Ă retardement. Lorsque cette personne arrive au pouvoir, elle peut sâen dĂ©charger sur des innocents. Les bombes sont prĂȘtes Ă exploser Ă tout moment. Chez de tels humains, les buts de la vie sont pervertis. Pour eux, le vrai sens de la vie devient la vengeance quâils pourront accomplir en arrivant au pouvoir. La joie, la joie de vivre sont exclues, remplacĂ©es par le dĂ©sir dâexercer un pouvoir sur lâexistence des autres, et cela de façon cruelle. Ils sont poussĂ©s intĂ©rieurement par des reprĂ©sentations, des images, des pensĂ©es qui trouvent leur origine dans lâenfance.
La plupart des auteurs de biographies de dictateurs mentionnent des pĂšres despotiques ou en tout cas âsĂ©vĂšresâ, selon lâexpression consacrĂ©e, et des mĂšres qui, dâune façon ou dâune autre, rejettent lâenfant. Le pĂšre de Saddam Hussein est mort avant sa naissance, ainsi que son frĂšre aĂźnĂ©, tous deux du cancer. A la suite de cela, sa mĂšre, enceinte de lui, fait une tentative de suicide. Cette tentative ayant Ă©chouĂ©, elle essaie de se faire avorter⊠au huitiĂšme mois de grossesse. Saddam naĂźt malgrĂ© tout, et il est aussitĂŽt abandonnĂ©. Ce nâest quâĂ lâĂąge de trois ans quâil revient chez sa mĂšre, oĂč il se trouve alors confrontĂ© Ă un beau-pĂšre qui le bat et lâhumilie. Saddam Hussein a dĂ» se battre pour avoir le droit dâaller Ă lâĂ©cole (source : Post). Ces quelques faits ne suffisent-ils pas Ă dresser le tableau du monde de cruautĂ© dans lequel cet enfant a dĂ» grandir ? Je rappelle quâil ne sâagit pas ici dâexpliquer quels sont les facteurs politiques et Ă©conomiques qui portent de tels hommes au pouvoir, quels intĂ©rĂȘts se cachent derriĂšre cela ou quelles conditions historiques et sociales encouragent des ĂȘtres humains Ă devenir des terroristes, mais, au-delĂ de ces facteurs, de nous interroger sur ce qui fait naĂźtre une telle personnalitĂ©. Ce dont nous venons donc de parler. Il me paraĂźt dĂ©cisif que ces personnes qui ont dĂ» grandir dans un environnement de cruautĂ© le recrĂ©ent elles-mĂȘmes plus tard, mais cette fois pour faire souffrir les autres.
Oui, et la biographie de Hitler le montre jusque dans les moindres dĂ©tails â contrairement Ă celles de beaucoup dâautres criminels dont le dĂ©but de la vie nous est malheureusement Ă peu prĂšs inconnu. (Quand jâai Ă©crit mon dernier livre, âNotre corps ne ment jamaisâ [2004], oĂč je parle de Saddam Hussein, jâignorais encore un certain nombre dâĂ©lĂ©ments de la biographie de ce dictateur.) Mais il y a aussi les millions dâĂȘtres humains qui nâaspirent pas Ă la toute-puissance, mais qui retournent contre eux-mĂȘmes la violence destructrice quâils ont subie, tombent gravement malades, meurent jeunes ou se suicident. Beaucoup de gens recourent Ă une image dâeux-mĂȘmes malsaine ou dĂ©lirante pour Ă©viter dâavoir Ă prendre conscience de la rĂ©alitĂ© de leur enfance, de leur vie, de leurs sentiments. En se protĂ©geant de la vĂ©ritĂ©, ils prolongent en quelque sorte le bras de leurs parents. Le plus souvent, ils ne ruinent que leur propre vie, mais ils peuvent aussi dĂ©truire lâexistence de toute une nation.
© 2022 Alice Miller - all
rights reserved - Mentions légales
Tout d'abord, bonjour Ă toutes et tous. Et un
grand merci pour vos questions. Elles sont fines et me touchent avec
justesse. J'ai été agréablement surprise.
Pour mes romans jeunesse je travaille avec des classes d'enfants
qui ont entre 6 et 11 ans, mais travailler avec des Ă©tudiants
sur un poĂšme est une premiĂšre pour moi, et c'est
vraiment un grand plaisir.
1- Pourquoi est-ce vous vous défendez
contre le monde?
2- Est-ce que vous ĂȘtes plus heureuse
maintenant que vous ĂȘtes "morte"?
3- Quelle est la signification du titre
"Leitmotiv"?
4- Quand avez-vous su que vous vouliez
devenir poĂšte?
LĂ , deux pistes s'offrent Ă moi, soit
démentir, soit abonder... Je vous donne la clé, ce
poĂšme n'est pas une fiction, "Je", est bien l'auteur. .. Mais
ce n'est pas tout le temps le cas avec mes autres poĂšmes.
1) Je suis surprise par cette premiĂšre question ! En
général, je suis souriante, ouverte aux contacts, pas
sur la "défensive". Je me demande si l'étudiante a
pensé particuliÚrement à ce vers "Plus personne
ne peut", ou si c'est l'ambiance générale du
poÚme qui l'a inspirée...
Je me "défends contre le monde", uniquement lorsque je me
sens agressée, ce qui était le cas, le jour de
l'Ă©criture de ce poĂšme.
Quelqu'un a écrit : "Toute inquiétude engendre
l'agressivité".
Pour moi, toute agressivité se transforme en une naissance
de texte, roman, nouvelle, ou poĂšme.
2) Non, absolument pas. Je suis "autre". Je voudrais ĂȘtre
vivante, entiÚre. Mais alors je serais différente,
et moins, ou pas, productrice d'Ă©crits. J'aurais une
conscience en sommeil, et une sensibilité avec d'autres
centres d'intĂ©rĂȘts.
3) Leitmotiv, d'aprĂšs mon dictionnaire, signifie : phrase
ou formule qui revient Ă plusieurs reprises dans une oeuvre
littéraire, dans un discours.
Leitmotiv, est le mot qui s'est imposé à moi. Pas
Ă cause d'une "reprise" de vers. Mais parce que ce
poĂšme m'Ă©voque une rengaine, un thĂšme Ă
me chantonner, la totalité à me réciter
plusieurs fois. Dans ce cas précis, c'était pour me
convaincre de la force que je voulais/voudrais avoir, une
imperméabilité face à l'assaut d'une personne me
dépréciant.
4) ...Je ne sais pas si je suis poĂšte !
On est boulanger en apprenant à pétrir, musicien en
travaillant son solfĂšge, ou en ayant une oreille absolue,
etc... Je pratique la poésie d'instinct, sans jamais l'avoir
apprise. A 14 ans, j'écrivais déjà des vers...
Alors suis-je poĂšte ?
Si ma formation, et mon parcours, sont artistiques , je suis
Ă©crivain autodidacte. J'aime les mots, j'aime jongler avec,
les effleurer et les caresser. Je tente de les apprivoiser lorsque
sur une émotion, une inspiration je me précipite vers
mon clavier, ou une feuille.
Si je suis poĂšte, c'est involontairement, comme je dois
respirer, boire, ou comme j'aime aimer. Le mot "poĂšte" m'effraie un peu, car on fait des amalgames
faciles, comme 'poÚte maudit qui écrit des vers de mirliton'... C'est déplaisant. Pourtant je ris en pensant joyeusement que je veux bien écrire des "peau-aime mots dits" !
1- Pourquoi est-ce que vous préférez la
mort à la méchanceté?
2- Est-ce que vous pouvez expliquer le titre du poĂšme s'il
vous plaĂźt?
3- Nous aimons beaucoup ce poĂšme. Est-ce que vous pouvez
nous envoyer d'autres poĂšmes?
4- Pourquoi est-ce que vous avez décidé de partager
des poĂšmes sur Internet?
1) Non, je ne préfÚre pas la m
Salope qui aime la double péné
Trois mecs ùgés se partagent une salope
Un mec qui aime parier