[MATERNITÉ, ÉDUCATION, FOYER MUSULMAN : pour une communauté pragmatique et intelligente | Épisode 3]
Sister
BismiLlah !
ÉPISODE 3 : Un autre regard.
Un autre regard est nécessaire sur la mère au foyer.
Comme vous le savez maintenant, on considère en France qu'elle est en vacances : pas de financement de la garde d'enfants par la CAF contrairement à une maman salariée, pas de place en crèche si les 2 parents ne "travaillent pas", comme si on avait pas besoin de répit et comme si on ne faisait rien de nos journées.
Cela étant, la reconnaissance sociale et financière de ce travail n'étant pas au rendez-vous, il est à mes yeux impératif que notre communauté : nos savants, nos conférenciers, nos hommes comme nos femmes soient au courant des efforts consentis par elles. Car les actes et les paroles adaptés découleront de consciences éveillées.
Et la mère au foyer est loinn d'être en vacances.
Chaque foyer a ses particularités mais on peut dire que ses missions tournent principalement autour des tâches suivantes :
-préparation des repas
-entretien de la maison
-gestion de l'enfant : besoins primaires, surveillance
-gestion de l'enfant : éducation
-rôle d'épouse
-administratif
-courses
-spiritualité
-familial
-social
-(associatif..)
-+- réveils la nuit
- (projets personnels.. lol)
-etc.. (le reste que j'ai oublié)
2 rappels islamiques que j'ai visionnés ont conforté mon choix de m'exprimer et d'inviter les mères au foyer à faire de même, au moins au sein de la communauté pour faire connaître l'ampleur de notre tâche.
En effet, ils m'ont paru très incomplets et je vais détailler pourquoi dans cet article. Je voudrais aborder ainsi la question de l'aide que peut recevoir une mère au foyer.
Le premier rappel avait pour titre "les femmes se sont rebellées". En résumé il sous-entendait que les femmes musulmanes de nos jours s'étaient rebellées car elles n'acceptaient pas de supporter seules les tâches ménagères par exemple, alors que Fatima radiaLlahou 3anha le faisait, et que le Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam avait refusé de lui donner une servante et lui avait plutôt conseillé un dhikr particulier avant de dormir car il était préférable pour elle.
J'ai donc trouvé ce premier rappel très incomplet (c'est celui qui a déclenché l'envie de rédiger mes premiers articles) car sous-entendre que notre religion préconisait de souffrir sans chercher de solution et en dissuadant de recourir à des aides ne me paraissait pas compatible avec la logique islamique. Surtout que les exemples ne manquent pas à l'époque du Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam d'entraide, de recours à des tiers pour la gestion des foyers, pour élever les enfants. Il était à l'époque NORMAL, BANAL de se faire aider et de pas tout assumer seule.
En voici des exemples :
- Anas ibn Mâlik radiaLlahou 3anhou raconte ainsi qu' "Ibrâhîm, le fils du Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam, était allaité par l’épouse du forgeron Abû Sayf dont la maison se trouvait sur les hauteurs de Médine ; le Prophète avait l'habitude d'aller le voir en notre compagnie. [...]"
On voit ici que le propre fils du Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam n'était pas allaité par sa mère Marya la copte radiaLlahou 3anha mais par une Médinoise qui le faisait pour elle.
- Il a été rapporté de façon sûre qu’Aïcha radiaLlahou 3anha donna à son esclave Dhakwan l’ordre de lui diriger la prière surérogatoire du Ramadan et Dhakwan lisait dans le Coran..
Aïcha radiaLlahou 3anha elle-même avait une personne à son service. Va-t-on l'accuser de faiblesse, de rébellion ?
- Oum Waraqa al Ansariyya avait une servante et un domestique tandis qu'elle s'adonnait à la lecture du Coran et que sa maison était un foyer lumineux de science, et de piété.
Ce n'est qu'une infime partie des exemples mais oui, on peut être pieuse et recourir à des aides pour les tâches ménagères ou pour la gestion des enfants.
En ce qui concerne le refus du Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam de donner un captif du butin de guerre à sa fille, il est intéressant de connaître la suite du hadith, extrait de l'article du site Maison-Islam :
" Fâtima, fille du Prophète et épouse de 'Alî, moulait le grain et elle vint un jour demander à son père de lui donner un serviteur parmi les captifs. Le Prophète ne put cependant honorer sa demande, et dit : "Je ne peux pas vous en donner et laisser affamés les pauvres de As-Suffa parce que je n'ai rien à leur donner. Je retirerai de l'argent de ces captifs, et le dépenserai sur ces pauvres" (rapporté par Ahmad). "
Ainsi, d'autres sites vont eux développer des paragraphes pour expliquer que le Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam a refusé cette aide à sa fille et sous entendent que ce dhikr suffit comme aide pour toutes les femmes pour leurs tâches ménagères, sans expliquer dans ces articles les motifs de cette décision. Laissant ainsi à penser qu'on doit encourager les femmes à subir la difficulté sans se sentir légitimes pour trouver des solutions, de l'aide. On les fait se sentir moins bonnes musulmanes si elles venaient à demander cette aide..
Dans le même article de l'excellent site Maison Islam, on note par exemple que le devoir de fournir une aide à sa femme "pour l'Imam Mâlik dépend de la situation financière du mari : s'il est de situation modeste, l'épouse doit effectuer les travaux ménagers (puisqu'il est absent à cause de son travail et n'a pas les moyens de payer les services d'une femme de ménage). C'est à cause de ce genre de difficultés financières que Fâtima et Asmâ effectuaient les tâches ménagères pour leur mari. At-Tahâwî écrit de même que le mari doit payer les services de quelqu'un pour faire le ménage, et ce dans la mesure où on a besoin de cette aide extérieure."
Selon l'Imam Malik, l'époux a donc le devoir, quand il en a les moyens, de financer une aide à sa femme pour les tâches ménagères.
Le second rappel, intitulé "être mère au foyer", était d'un prêcheur qui animé de la plus belle des intentions a voulu donner des conseils aux mères au foyer tout en valorisant leur statut.
J'ai écouté le début puis j'ai vite déchanté en écoutant la suite.
En résumé : "la mère au foyer a un grand statut etc.". Puis "mes chères soeurs si je peux vous donner des conseils : "ne restez pas toute la journée sur vos téléphones à regarder des séries, PROFITEZ de ce temps libre pour lire des livres, PROFITEZ-en pour faire des formations en ligne, etc."
Lire des livres ???
Franchement j'ai bien rigolé. Je ne lui en veux pas hein. Mais j'ai bien rigolé.
C'est gentil de croire que j'ai tout ce temps libre..
Mais en fait il se trouve que je ne trouve pas le temps de prendre une douche (je suis incapable de changer de pièce sans une crise de pleurs donc je dois amener mon enfant dans TOUS les endroits où je vais chez moi, et ce toute la journée), ma vie tourne autour de mon enfant et pas autour du temps libre.
Ce mot "profites-en pour" revenait tellement dans cette vidéo.. je me suis rerendue compte à quel point la vision sociétale et communautaire de la maternité était décalée de la réalité. Pas par malveillance mais par ignorance encore une fois. Raison pour laquelle je rédige ces articles.
D'ailleurs l'un des principaux renoncements en tant que mère au foyer ainsi que plusieurs de mes amies mamans concerne nos objectifs spirituels.
Lire beaucoup le Coran, l'apprendre, prier en plus, nécessite de la concentration et de la force mentale comme physique. Et avec un enfant à surveiller + la fatigue (des nuits coupées, l'hypervigilance la journée) il est très compliqué de se poser et de profiter de ces moments avec concentration à commencer par les simples prières obligatoires. J'ai dû revoir de nombreux objectifs à la forte baisse. En tous cas actuellement.
Et si je suis sur mon téléphone c'est peut-être que je suis mentalement fatiguée pour faire autre chose et que mon enfant ne me laisse pas dormir. Une sorte d'échappatoire.. et c'est par exemple dans ces moments que j'écris ces articles pour celles et ceux qui se poseraient la question.
C'est assez difficile à accepter quand on a eu l'habitude de faire plus, d'avoir tout son temps disponible pour soi et de ne plus avoir l'énergie pour ces activités spirituelles. N'ajoutons pas à cette culpabilité que les mamans s'infligent déjà, ces jugements de comment elles gèrent leur temps et ce qu'elles devraient arriver à accomplir avec l'état d'hypervigilance et de fatigue qui est le leur.
Il est grand temps que les mentalités changent. Une mère n'a pas besoin de sacrifier sa santé pour avoir le statut de mère. La propre mère du Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam l'a mis entre de bonnes mains et ne l'a pas gardé elle-même pendant plusieurs années ni allaité elle-même. A-t-elle pour autant perdu sa valeur de mère, son statut ? Non. Bien sûr, c'est magnifique de pouvoir le faire. Mais Dieu ne nous impose pas de sacrifier notre santé physique ni psychique, il ne nous impose pas une charge supérieure à nos capacités. Pour celles qui y parviennent sans dommages, tant mieux alhamdouliLlah. Mais une bonne partie le fait avec beaucoup de difficulté wAllahoua3lam.
Et faire ressentir à une mère en difficulté qu'elle est mauvaise car elle n'arrive pas à tout assumer seule est injuste et contraire à la logique du Prophète sallaLlahou 3alayhi wa sallam, qui choississait la facilité dès qu'il le pouvait tant qu'elle était licite et qui ne s'infligeait pas de souffrances inutiles. Quel bel exemple !
Encore une fois, on se rend compte que l'Islam est déjà parfait et qu'il n'a pas besoin d'un quelconque féminisme.
WAllahoua3lam
En bonus le témoignage d'une mère qui explique un peu son (notre) quotidien :
L'article du site Maison-Islam : "La femme musulmane est-elle tenue de réaliser les tâches ménagères ?" : https://www.maison-islam.com/articles/?p=231