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Le colonel Kadhafi est reparti de France pleinement satisfait, jugeant sans doute qu'il avait atteint tous ses objectifs. Il a été reçu par le président Pompidou, comme il l'avait souhaité ; mieux, l'entretien devrait favoriser le renforcement de la coopération franco-libyenne dans les domaines économique, technique et peut-être même militaire. Le colloque organisé par les quatre journaux européens s'est déroulé sans incident, lui donnant ainsi la possibilité d'engager le dialogue espéré. Enfin, il a tenu dimanche une conférence de presse à laquelle assistaient les représentants de la presse internationale.
L'entretien avec le président Pompidou - qui s'est prolongé pendant deux heures quinze - a été, dit-on, particulièrement " fructueux ". Certes, les deux chefs d'État n'ont pas discuté des types d'armements que le colonel Kadhafi désire acquérir ni des aspects techniques de la coopération entre les deux pays dans les divers domaines. Mais ils ont abordé les grandes lignes d'une politique qui serait susceptible de favoriser le rapprochement dans un cadre à la fois méditerranéen et arabo-européen. La volonté commune de résister à l'" hégémonie des deux Super-Grands ", de maintenir et d'intensifier l'afflux du pétrole vers les pays réputés amis des pays arabes, a favorisé sans doute une entente qui pourrait se traduire à l'avenir par des accords plus concrets.
Le colonel Kadhafi a fait preuve de suffisamment de réalisme pour ne pas demander la modification de l'attitude française à l'égard du conflit palestinien. Chacun, à cet égard, est resté sur ses positions. Paris continuera à soutenir la résolution 242 du Conseil de sécurité en faveur d'une paix israélo-arabe ; Tripoli ne renonce pas à sa politique visant à démanteler l'État " sioniste ".
Décidé à séduire plutôt qu'à exercer des pressions, le chef de l'État libyen s'est abstenu - tant au cours de son entretien avec le président
Pompidou qu'au cours du colloque et de la conférence de presse qui l'ont suivi - de formuler des menaces. Il a évité d'émettre le moindre jugement défavorable sur la politique française, d'aborder des sujets, tel celui de l'armement, qui risqueraient d'embarrasser ou de mettre en difficulté le gouvernement français. À l'exception de deux brèves allusions au comportement du président Sadate et du roi Fayçal, il n'a pas non plus lancé de violentes attaques contre les pays arabes avec lesquels la France entretient de bonnes relations et a esquivé nombre de questions sur le " sommet " d'Alger et sur la crise pétrolière.
Le " bouillant " colonel s'est comporté, à plus d'une reprise, en habile diplomate. Tout au long du colloque, comme au cours de la conférence de presse, il a résisté à toutes les tentatives qui consistaient à lui faire admettre explicitement qu'il cherchait à détruire l'État d'Israël. Se réfugiant derrière le paravent de l' " idéologie " ou de la " philosophie ", il a préféré parler de l'authenticité du nationalisme (arabe, bien entendu, et palestinien, en particulier), des droits imprescriptibles des peuples à se défendre par tous les moyens, y compris celui de la violence, de la tolérance inhérente et des principes égalitaires de l'Islam (à l'ombre desquels, affirme-t-il, les " juifs arabes ", à l'exception de ceux venant d'Europe, pourraient très bien vivre), et a offert de convaincre tous les pays " frères " à réintégrer leurs anciens citoyens juifs qui ont émigré en Israël. Le colonel Kadhafi, qui a voulu se présenter comme une sorte de champion de la paix, puisqu'elle serait fondée sur la justice, n'a pas hésité à accuser M. Mendès France, qui venait de prêcher avec émotion la cause de la réconciliation israélo-arabe, d'être, par la logique de ses conceptions politiques, un homme de guerre.
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