Siri perforée par un homme noir
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Siri perforée par un homme noir
JMPhil
Livres
juin 2, 2011
3 Minutes
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Des petits riens
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Je viens juste de refermer Un été sans les hommes , de Siri Hustvedt (Actes Sud), dans un état d’euphorie que j’éprouve rarement dans des occasions semblables.
Dans ces 200 pages, Mia, la narratrice d’une cinquantaine d’années, poétesse venant d’être larguée par son mari pour une « Autre » et sortant de l’HP où l’avait plongé sa douleur, fait une pause dans une bourgade du Minnesota, pur morceau du Middle West, où sa mère finira ses jours dans une maison de retraite. Elle se lie avec un groupe, qu’elle appelle Les Cygnes , composé de quelques amies de sa mère, fragiles et piquantes veuves encore très vivantes. Elle donne des cours de poésie à des adolescentes nouées de contradictions et de perversité. Elle devient amie de sa voisine, Lola, jeune mère flanquée d’un mari instable et violent mais amoureux. Aucun autre homme dans ce roman (je me demande si c’est vraiment un roman) si ce n’est un mystérieux Mr Personne qui lui envoie des messages d’abord vaguement menaçants puis plus empathiques ; et Boris, le mari volage, qui ne quitte pas les pensées de Mia. Ne pas oublier Daisy, leur fille, brillante et belle actrice qui réussit à New York City.
Deux cent pages d’une exceptionnelle densité : plongées répétées dans le subconscient des unes et des autres, déroulé de l’histoire d’un sauvetage chaotique, réflexions caustiques et profondes sur les hommes et les femmes, sur la vieillesse et la mort, sur la jeunesse et la construction d’une personnalité. « Dépouillés d’intimité et vus d’une distance considérable, nous sommes tous des personnages comiques, de risibles bouffons qui allons trébuchant dans nos vies en créant de beaux désordres en chemin, mais si l’on se rapproche, le ridicule vire rapidement au sordide, au tragique o à la simple tristesse. » (page 93). Ce n’est pas vraiment l’univers de Oui-Oui !
Pourtant, nulle trace de misanthropie dans ce livre ! Cette humanité si compliquée n’est pas clouée au pilori. Elle n’est pas méprisée, mais est observée avec précision, sans indulgence, sans recherche d’un enchantement sauf celui qui vient du regard porté sur l’autre. La complexité de l’être humain, ses contradictions, y sont clairement acceptées, développées, analysées. On comprend alors pourquoi Siri Hustvedt fait plusieurs fois allusion à Kierkegaard qui n’a eu de cesse d’essayer d’éclaircir les différentes facettes contradictoires de l’être humain. Siri Hustvedt fait de même, dans un contexte où le conformisme ne résiste pas longtemps aux pulsions de jeunes adolescentes et aux secrets savamment enfouis de vieilles femmes qui ne veulent pas mourir rapidement.
Malgré ton titre, Un été sous les hommes n’est pas un pamphlet contre les hommes. Ce n’est pas un plaidoyer féministe mais une réflexion sur la différenciation sexuelle, sur ce qui distingue femmes et hommes. Réflexion menée au travers des vies des nombreux personnages du livre, les Cygnes, Léa, la jeune voisine, Mia elle-même. Menée aussi dans des pages à la fois savoureuses et très étayées sur les évolutions selon les époques et les civilisations de la représentation et du rôle imparti à chacun des deux sexes et les avancées récentes dans ce domaine dues aux progrès récents de la neurophysiologie : » (…) les gènes s’expriment au travers de l’environnement, (…) le cerveau est plastique et dynamique, (…) il se développe et se transforme avec le temps en fonction de ce qui se trouve dehors. » (page 156).
Pour autant, Un été sans les hommes n’est pas un livre pédant rempli de réflexions philosophiques. C’est une sorte de comédie humaine où se retrouvent surtout des femmes de tous âges avec certains personnages particulièrement fascinants, comme Abigail, dont l’enterrement clôt le livre. Tout ceci dans une prose d’une subtile et pénétrante ironie et une construction de la narration à vitesse variable, surprenante, avec une bonne dose d’humour sur certaines habitudes du roman américain – la recherche à tout prix de l’action – et des adresses directes au lecteur qui, dans mon cas, a été rapidement acquis à la cause de l’auteur.
Prenez le temps d’écouter et regarder Siri Hustvedt parler de son livre : c’est très intéressant et, de plus, elle dit qu’elle continuera d’approfondir les sujets évoqués dans « Un été sans les hommes ». Voici une excellente nouvelle !
Pour partager ma passion pour les livres et tout ce qu'ils peuvent faire naître dans nos imaginaires, et changer incidemment notre vision du monde
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Babel, Actes Sud mai 2013, Siri Hustvedt
Où comment parler de folie, d'attachement, de séparation et du temps qui passe avec humour et finesse. Regard tendre, écorché et attentif pour écrire la solidarité entre femmes.
Mia la poétesse était mariée à Boris le neuroscientifique. Mais celui-ci s'est mit en mode "pause" avec une jeune française. Immense choc. Mia traverse alors un épisode de folie et décide à sa sortie d'hôpital de se réfugier près de sa mère pour l'été. Pendant cette saison lumineuse, elle va côtoyer différentes générations de femmes et doucement retrouver un équilibre. Entre les pensionnaires de la maison de retraite où elle rend visite à sa mère, le groupe d'adolescentes pour qui elle anime un atelier de poésie et sa jeune voisine, mère dévouée au mari difficile, Mia écoute, oberve et tisse des liens, elle devient de plus en plus consistante, elle retrouve des certitudes. Elle se retrouve en s'ouvrant aux autres.
La narratrice alterne les moments de récits, les appartés directes au lecteur, la conversation en pointillés avec son mari qui n'a pas dit son dernier mot, des extraits d'un récit sur sa vie sexuelle, les séances téléphoniques avec sa psy, le contact avec sa fille ou un mystérieux correspondant anonyme. Ce mélange déjà étourdissant s'alourdit encore de digressions. Le texte comprent en effet de nombreux extraits littéraires, poétiques, philosophiques ou même scientifiques. Mais la conversation reste éveillée, directe, et l'auteur est attentive à garder le lecteur à ses côtés avec des détours inattendus par l'humour et l'irrévérence. On se pose avec elle des questions sur les répétitions, les romans de Jane Austen et la pression paternelle. On joue à la poupée. On s'attache à ses vieilles dames émouvantes qui font face à la vieillesse ou à des jeunes filles fragiles, cruelles et pleines d'espoirs à la fois. On accompagne Mia dans son parcours jalonné dans le texte de quatre illustrations comme autant d'étapes dans la reconstruction. On touche du doigt le pouvoir consolateur de l'écriture et du soutien entre femmes.
Si l'on n'abandonne pas la lecture, si l'on n'abandonne pas Mia en cours de route, l'histoire finit bien, le lecteur (la lectrice?) est ravi, voire apaisé. Et même si parfois je sentais mes épaules bien lourdes devant tant de pistes, je n'ai pas abandonné! ;) (Mais je conseille du temps et du calme à ceux qui tentent l'aventure, et j'imagine bien que les digressions peuvent lasser.)
Siri Hustvedt est une féministe qui a elle-même été professeur d'écriture dans un établissement psychiatrique, qui a étudié les neurosciences, la philosophie et la poésie. Qui est aussi la femme d'un homme célèbre (qui lui fait peut être de l'ombre?) C'est surtout ici l'auteur d'un roman d'abord blessé puis optimiste sur une résurrection au carrefour de différentes générations, dans le sein des femmes.
"rien n'est répété exactement, même les mots, parce que quelque chose a changé dans celui qui parle et dans celui qui écoute, parce qu'une fois les mots dits et puis redits encore, la répétition elle-même les altère "
Babel, Actes Sud mai 2013, Siri Hustvedt
Où comment parler de folie, d'attachement, de séparation et du temps qui passe avec humour et finesse. Regard tendre, écorché et attentif pour écrire la solidarité entre femmes.
Mia la poétesse était mariée à Boris le neuroscientifique. Mais celui-ci s'est mit en mode "pause" avec une jeune française. Immense choc. Mia traverse alors un épisode de folie et décide à sa sortie d'hôpital de se réfugier près de sa mère pour l'été. Pendant cette saison lumineuse, elle va côtoyer différentes générations de femmes et doucement retrouver un équilibre. Entre les pensionnaires de la maison de retraite où elle rend visite à sa mère, le groupe d'adolescentes pour qui elle anime un atelier de poésie et sa jeune voisine, mère dévouée au mari difficile, Mia écoute, oberve et tisse des liens, elle devient de plus en plus consistante, elle retrouve des certitudes. Elle se retrouve en s'ouvrant aux autres.
La narratrice alterne les moments de récits, les appartés directes au lecteur, la conversation en pointillés avec son mari qui n'a pas dit son dernier mot, des extraits d'un récit sur sa vie sexuelle, les séances téléphoniques avec sa psy, le contact avec sa fille ou un mystérieux correspondant anonyme. Ce mélange déjà étourdissant s'alourdit encore de digressions. Le texte comprent en effet de nombreux extraits littéraires, poétiques, philosophiques ou même scientifiques. Mais la conversation reste éveillée, directe, et l'auteur est attentive à garder le lecteur à ses côtés avec des détours inattendus par l'humour et l'irrévérence. On se pose avec elle des questions sur les répétitions, les romans de Jane Austen et la pression paternelle. On joue à la poupée. On s'attache à ses vieilles dames émouvantes qui font face à la vieillesse ou à des jeunes filles fragiles, cruelles et pleines d'espoirs à la fois. On accompagne Mia dans son parcours jalonné dans le texte de quatre illustrations comme autant d'étapes dans la reconstruction. On touche du doigt le pouvoir consolateur de l'écriture et du soutien entre femmes.
Si l'on n'abandonne pas la lecture, si l'on n'abandonne pas Mia en cours de route, l'histoire finit bien, le lecteur (la lectrice?) est ravi, voire apaisé. Et même si parfois je sentais mes épaules bien lourdes devant tant de pistes, je n'ai pas abandonné! ;) (Mais je conseille du temps et du calme à ceux qui tentent l'aventure, et j'imagine bien que les digressions peuvent lasser.)
Siri Hustvedt est une féministe qui a elle-même été professeur d'écriture dans un établissement psychiatrique, qui a étudié les neurosciences, la philosophie et la poésie. Qui est aussi la femme d'un homme célèbre (qui lui fait peut être de l'ombre?) C'est surtout ici l'auteur d'un roman d'abord blessé puis optimiste sur une résurrection au carrefour de différentes générations, dans le sein des femmes.
"rien n'est répété exactement, même les mots, parce que quelque chose a changé dans celui qui parle et dans celui qui écoute, parce qu'une fois les mots dits et puis redits encore, la répétition elle-même les altère "
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La narratrice alterne les moments de récits, les appartés directes au lecteur, la conversation en pointillés avec son mari qui n'a pas dit son dernier mot, des extraits d'un récit sur sa vie sexuelle, les séances téléphoniques avec sa psy, le contact avec sa fille ou un mystérieux correspondant anonyme. Ce mélange déjà étourdissant s'alourdit encore de digressions. Le texte comprent en effet de nombreux extraits littéraires, poétiques, philosophiques ou même scientifiques. Mais la conversation reste éveillée, directe, et l'auteur est attentive à garder le lecteur à ses côtés avec des détours inattendus par l'humour et l'irrévérence. On se pose avec elle des questions sur les répétitions, les romans de Jane Austen et la pression paternelle. On joue à la poupée. On s'attache à ses vieilles dames émouvantes qui font face à la vieillesse ou à des jeunes filles fragiles, cruelles et pleines d'espoirs à la fois. On accompagne Mia dans son parcours jalonné dans le texte de quatre illustrations comme autant d'étapes dans la reconstruction. On touche du doigt le pouvoir consolateur de l'écriture et du soutien entre femmes.
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Siri Hustvedt est une féministe qui a elle-même été professeur d'écriture dans un établissement psychiatrique, qui a étudié les neurosciences, la philosophie et la poésie. Qui est aussi la femme d'un homme célèbre (qui lui fait peut être de l'ombre?) C'est surtout ici l'auteur d'un roman d'abord blessé puis optimiste sur une résurrection au carrefour de différentes générations, dans le sein des femmes.
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