S'étouffer sur deux queues

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S'étouffer sur deux queues
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Après une semaine intense où nous avons noué des liens avec les acteurs mondiaux de # MeToo et #WeToo Japan ウィートゥー・ジャパン et diffusé des informations sur l’amnésie traumatique liée à des violences sexuelles dans le monde entier, retour en France avec le témoignage d’Isabelle, 48 ans, dont 20 ans d’amnésie traumatique. Elle avait 11 ans lorsqu’elle a été violée par le curé de son village. Par la suite, l’omerta de la petite commune et le déni total de son entourage l’ont enfermée dans le silence et la souffrance jusqu’à la résurgence des souvenirs en 2000. Elle a porté plainte en 2017, une plainte classée sans suite pour cause de prescription. Aujourd’hui, Isabelle a décidé de se battre pour faire “éclater la vérité”.
J’ai 48 ans et je suis demandeuse d’emploi depuis quatre ans. Je suis née en 1970 et j’ai grandi dans un petit village du Centre-Est de la France. Mon grand-père était le maire du village.
Le nouveau curé est arrivé en 1976. A l’époque, il avait 57 ans. A première vue, il semblait calme, voire même gentil. Mais il était très solitaire et n’avait pas d’ami dans le village.
Mon premier contact avec lui a eu lieu au catéchisme. Je me souviens bien de ma tante qui m’avait mise en garde sans me dire pourquoi. Elle m’avait juste dit “au catéchisme, ne quitte ni ton cousin, ni ta cousine”. Je n’ai pas suivi ses conseils car je n’avais pas d’affinités avec eux. J’étais avec mes copines. Et un jour, le curé m’a demandée de rester seule avec lui dans la salle de cours pendant la récréation.
Au début, il ne s’est rien passé. Il discutait avec moi. Et puis une fois, j’avais 10 ans, il m’a demandée de toucher ses parties intimes par-dessus son pantalon et a touché mes parties intimes aussi. Je n’aimais pas du tout cela, je me sentais coincée. Mes camarades étaient dehors. Et à la fois, je croyais que c’était normal.
La fois d’après, il a appelé une de mes copines qui portait une jupe car il n’était pas content que je n’en porte pas. Je savais ce qu’elle allait subir. J’ai culpabilisé. Je n’ai plus revu cette amie par la suite.
Un an plus tard en 1981, toujours lors d’une récréation, il m’a fait entrer dans un cagibi où il y avait un petit lit. Il m’a demandée d’enlever mon pantalon et il m’a violée. La catéchiste a alors tambouriné à la porte. Il lui a ouvert. Elle lui a demandé “pourquoi t’as fermé la porte?”. Je me souviens qu’elle criait, qu’elle était en colère. Je suis sûre qu’elle a compris ce qu’il s’était passé et qu’elle s’était rendue compte des choses. A la récréation, elle comptait toujours l’ensemble des filles, presque obsessionnellement.
Mais dans le village, les gens étouffaient les choses. Si de tels actes se produisaient, il ne fallait pas que cela se sache. Et c’est ce qui m’a fait le plus de mal, les réactions des gens, plus que les actes en eux-mêmes.
Après le viol, on a continué le catéchisme. J’étais assise et c’est tout. Une voisine est venue me chercher. Elle aussi semblait au courant. Elle m’a dit “ne dis rien du tout, c’était juste un jeu”…Ni elle, qui m’a clairement manipulée, ni la catéchiste n’ont jamais rien dénoncé. Je ne comprenais pas ce que me disait la voisine. J’étais juste mal. Et elle régulièrement me disait de ne rien dire.
Puis, je suis tombée en dépression. Je n’aimais pas la vie, je voulais mourir. Ma mère me grondait en me disant que je faisais tout le temps la tête. J’étais renfermée, je me sentais différente des autres. J’avais un manque de confiance en moi et j’étais incapable de me concentrer. J’ai pris deux ans de retard dans ma scolarité.
Au départ, je pense que mon grand-père n’était pas au courant. Par la suite, je suis presque sûre qu’il l’était. J’en veux pour preuve le fait qu’un ou deux ans après le viol, le curé n’a plus donné les cours de catéchisme et ma sœur n’a pas été au catéchisme avec lui. Je me suis toujours souvenue vaguement qu’il me touchait. Cela n’était pas totalement occulté mais je n’arrivais pas à mettre des mots sur les faits. Quand je tombais en dépression, je me disais qu’il était encore là et qu’il dirigeait ma vie. C’est comme si cette histoire est restée bloquée quelque part entre mon conscient et mon inconscient.
En 1990, j’ai 19 ans et je ne vais pas très bien, je suis renfermée sur moi-même et parfois agressive. Ma mère pense que je me drogue. Un jour, j’ai jeté mon petit chat par la fenêtre sous les yeux de ma mère qui se trouvait en bas. C’était ma façon à moi de lui “crier au secours”. Elle m’a amenée voir une psychologue qui m’a diagnostiquée une dépression. Elle a aussi conclu que je devais avoir refoulé certaines choses sans me dire quoi. Elle m’a juste dit que c’était à moi de le découvrir et que je pourrais m’en souvenir “dans 20 ou 30 ans”. Elle m’a recommandée d’aller voir un psychiatre.
C’était obscur, je n’arrivais pas à comprendre ce que j’avais pu oublier. Mes parents non plus ne comprenaient pas et nous avons alors pensé qu’elle s’était trompée. Je ne suis donc pas allée voir de psychiatre. Mon agresseur est resté vivre en toute impunité dans mon village, où il est décédé fin 1990.
En 1998, je ne vais pas très bien et je commence à faire une dépression. Petit à petit je deviens insomniaque et ne je ne dors que deux heures au petit matin. J’ai l’impression qu’il y a des choses à l’intérieur de moi qui me dérange mais je n’arrive pas à savoir de quoi il s’agit.
En 2000, j’ai alors 30 ans. Je viens d’être embauchée dans une nouvelle entreprise. Je remonte la pente mais j’ai toujours cette impression qu’il y a des choses en moi que je n’arrive pas à exprimer.
Un jour, je regarde une émission sur les agressions sexuelles au travail. Il y a cette femme qui pleure, elle avait les cheveux courts et là je me suis dit : “cette femme à 50 ans et elle pleure! pourtant moi j’étais petite et on m’a dit que cela n’était rien du tout !”.
À partir de ce moment-là, je me demande ce qui m’arrive. Une explosion dans ma tête!!! Dans les heures qui ont suivi, cela a été horrible, horrible…. J’ai l’impression de devenir folle, j’ai des flash-backs avec la sensation que je revis ces moments. Je ressens les émotions de l’époque mais avec ma conscience d’adulte, alors je suis encore plus horrifiée qu’à l’époque. A vrai dire, j’aurais été en possession d’une arme à feu, je ne serais plus de ce monde tellement la douleur psychologique était importante.
J’avais peur car on n’entendait pas parler d’amnésie traumatique à l’époque. Ça a duré plusieurs jours. Au début c’était intense. J’ai été plusieurs fois chez le médecin. J’étais agressive au travail. J’en ai parlé à mes parents, ils n’ont pas voulu en entendre parler. J’en ai parlé à mes collègues. Mes chefs le savaient. J’avais du mal à dormir, j’avais pris du poids. Je me faisais vomir.
J’ai commencé une thérapie en 2001. Je suis restée avec cette psychiatre jusqu’en 2010 mais je ne me sentais pas prête à parler de ces souvenirs. J’avais du mal à croire que l’on puisse oublier ces choses. J’avais également peur de parler car peur de me retrouver en hôpital psychiatrique. J’ai donc été très brève sur le sujet. Le fait d’avoir vécu les viols dans un petit village où tout le monde m’a fait croire que cette histoire n’avait officiellement pas existé m’a enfermée encore davantage dans mon problème.
En 2015, je suis retournée à l’université faire une licence. Je me retrouvais souvent dans des relations toxiques. Je subissais et j’explosais. Je savais que les viols du passé me minaient de l’intérieur, il fallait que j’en parle. J’ai alors rencontré une nouvelle psychiatre à qui j’ai fait part de ma volonté d’aller jusqu’au bout du problème. Au bout d’un an, elle m’a dit “passez à autre chose, vous êtes en train de perdre votre temps”…J’ai arrêté de la voir.
J’ai essayé de me débrouiller toute seule. J’ai vu “Spotlight” au cinéma. Cela été un déclencheur. Puis j’ai découvert l’association “la Parole libérée”. J’ai témoigné. Cela m’a beaucoup aidée que la parole se libère. Ils ont fait avancer les choses. Et qu’on parle maintenant d’amnésie traumatique m’aide aussi.
Au niveau judiciaire, j’ai écrit au parquet juste après mes flash-backs en 2000. Quelques semaines plus tard, j’ai été convoqué au commissariat. Je n’ai pas osé déposer plainte. J’ai réécrit au parquet en 2017 et ma plainte a été classée sans suite du fait de la prescription.
J’ai besoin de reconnaissance car ce qui m’est arrivée a été étouffé. C’est comme si cela n’avait pas existé, comme s’il ne s’était rien passé. Il faudrait que l’amnésie post-traumatique soit prise en compte dans la loi et que les viols sur mineurs soient imprescriptibles. Il faut aussi agir pour que des adultes arrêtent de manipuler des enfants pour les contraindre à ne pas révéler les crimes et punir ceux qui ont su mais qui n’ont rien dit.
Parler à ma famille, c’est impossible ! Certaines personnes sont au courant et n’ont rien pu faire, d’autres ont su à l’époque et ont tout fait pour que cette histoire ne sorte pas. Il y a aussi ceux qui n’ont rien su ou qui sont dans un déni total. Bref, je suis seule avec mon problème!
Aujourd’hui, je fais partie d’un groupe de parole, je ne suis plus seule. J’ai décidé de faire un blog et j’ai l’impression de me libérer un peu plus. Le travail n’est pas terminé car j’ai bien l’intention de tout faire pour faire éclater la vérité, briser l’omerta du village et avoir enfin une certaine forme de reconnaissance.
Récemment, j’ai retrouvé un dessin de petite fille que j’avais fait pendant le catéchisme sur la pénitence. On y voit un lit devant la pénitence et une petite fille sans bras à droite, en petite culotte, moi… Mon agresseur est là aussi. Il est plus petit que moi comme une victoire imaginaire sur la triste réalité.
Ce dessin me fait du bien. C’est la preuve que ce que j’ai vécu, a bien existé…
Le dessin d’Isabelle sur la pénitence
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Quand Cédric entre dans sa vie, Elodie craque pour cet athlète ultra-sexy, sans imaginer que son désir va les mener très loin, trop loin.
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Lorsque j’ai quitté Cédric, j’ai mené une vraie vie de nonne. Pendant des mois, mon plus grand plaisir a été de rester pelotonnée chez moi, avec ma tasse de thé, mon pull informe et mes grosses chaussettes de ski. Je ne sortais plus de la maison sauf pour aller chercher ma fille à l’école. Et Dieu merci ! je n’avais aucun homme dans ma vie. Dans mon appartement de Honfleur, je passais mon temps à regarder la mer. Parfois, même en plein hiver, j’ouvrais la fenêtre et je prenais une grosse bouffée d’air frais. Enfin, j’arrivais à respirer. Je n’avais plus cette angoisse du moment où Cédric allait rentrer à la maison. Ce petit cliquetis dans la serrure avait fini par me terroriser. Je savais ce qu’il signifiait : dans l’heure qui suivait, je passerais à la casserole. Mon ex était un accro au sexe. Le genre à ne pas vous laisser une journée de répit. C’est bien simple : tous les soirs, il voulait faire l’amour. Et tous les matins aussi. Sept jours sur sept. En fait, il n’avait que ça en tête, tout le temps. Pendant toutes les années que nous avons passées ensemble, son appétit sexuel n’a jamais faibli. Je l’excitais terriblement. Un vrai enfer.
Pourtant, ça avait très bien commencé entre nous. Quand je l’ai rencontré, Cédric m’avait tout de suite attirée. J’aimais sa taille haute, sa carrure ciselée par la pratique intensive de la natation et ses fossettes canailles. Tout son univers culturel me fascinait : j’admirais les disques pointus qu’il collectionnait, ses connaissances encyclopédiques en ésotérisme. Il fourmillait d’idées, il avait des projets qui allaient dans tous les sens, et tout ce qu’il touchait se transformait en or. Il avait écrit un roman en quelques semaines, qu’il avait réussi à faire publier. Et quand il s’était mis à la photo, il avait trouvé un agent immédiatement. Sexuellement, on était aussi complètement raccord. J’avais toujours considéré que le sexe, c’était simple, ludique et léger. A consommer sans modération. Et Cédric était comme moi, toujours partant pour un cinq à sept. Il habitait en Normandie, où il avait dégoté une vieille longère dont il avait su faire un cocon sublime et lumineux. Très vite, j’ai décidé de quitter Paris pour venir m’installer avec lui. Même au fin fond de la campagne, pensais-je, la vie à ses côtés s’annonçait trépidante.
Sans attaches ni amis là-bas, nous passions tout notre temps ensemble. On travaillait tous les deux à notre compte, de chez nous. J’écrivais mes articles, il bidouillait ses photos. Souvent, au milieu de la journée, il nous arrivait de monter dans la chambre pour faire des galipettes. Comme tous les nouveaux couples d’amoureux, on faisait l’amour tout le temps. Cédric était sans cesse en train de me répéter que j’étais belle, qu’il était fou de moi. Il m’avait mise sur un piédestal. Au début, c’était assez grisant. Mais, au fil des mois, c’est devenu un tantinet oppressant. Il avait un besoin de fusion permanent avec moi. Quand on ne faisait pas l’amour, il me sollicitait tout le temps, pour discuter, échanger, débattre. Il aurait aimé que nos esprits et nos corps soient en permanence connectés entre eux, à tel point qu’il meublait tous nos silences, et venait systématiquement me chercher lorsque je m’étais volontairement mise à l’écart. Il me voulait totalement à lui. Physiquement, mentalement. Un vrai vorace.
Quand je montais me coucher avant lui, j’entendais une pointe de frayeur dans sa voix lorsqu’il me disait : « Tu ne t’endors pas, chérie, hein ? Surtout tu me préviens quand tu éteins, que je n’arrive pas trop tard… » Le jour de mon accouchement, il a même demandé aux sages-femmes de combien de temps j’aurais besoin pour me remettre. Devant leur réponse, il a paniqué : « Quoi ? Trois semaines ? Mais vous n’y pensez pas ! C’est beaucoup trop ! » Moi, sur le moment, je n’ai pas relevé. Mais, petit à petit, toutes ses réflexions ont mûri dans ma tête, et j’ai eu l’impression diffuse de manquer d’air, de m’être engagée dans une course sans fin. Il ne me laissait plus le temps d’avoir envie de lui, sans cesse il devançait mon désir. J’ai fini par négocier deux soirées off par semaine. Deux soirées pour moi, dans mon lit, avec mon bouquin et mon vieux pyjama, sans avoir ses mains baladeuses qui viennent me tripoter avec insistance sous la couette. Plusieurs fois, j’ai essayé de lui dire que son désir m’étouffait, qu’il ne laissait aucun espace pour le mien. Mais lui ne voyait pas le problème. « Au contraire, me répondait-il, tu devrais être heureuse d’être autant aimée. Et puis, mon amour, on n’est pas des colocataires non plus… » Quand je me risquais à lui répondre que cela faisait tout de même beaucoup, il me sortait l’argument massue : « Dites donc, mademoiselle la frigide, il faudrait peut-être songer à consulter… »
Nos discussions s’arrêtaient généralement à ce stade, parce que ses piques suffisaient à me faire chanceler. Et s’il avait raison ? Et si je n’étais qu’une fille coincée et rabat-joie qui n’avait rien à faire avec un type fringant comme lui ? Je n’allais quand même pas le quitter pour ça. C’était le père de ma fille, et j’aimais sa personnalité… J’ai passé des nuits à tenter de me raisonner : « Ma petite Elodie, l’homme parfait n’existe pas. Il faut savoir faire des concessions dans un couple. » J’ai eu beau essayer de me convaincre, mon corps a fini par dire stop. Il était à bout de souffle, beaucoup trop sollicité. J’étais épuisée, comme l’ont révélé mes examens de sang. Pendant des mois, j’ai passé mon temps chez le médecin, pris des antibiotiques, changé quatre fois de pilule, sans que l’on sache ce que j’avais précisément. Je n’ai compris que plus tard pourquoi je somatisais : parce que, pendant ce temps-là, mon corps avait la paix.
Quand, à force de traitements de cheval, j’ai fini par aller mieux, le rythme de ses sollicitations a repris. En pire. J’avais beau m’habiller comme un sac et éviter ses regards, on aurait dit qu’il cherchait à rattraper
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