Quelle importance si on est dans le couloir
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Quelle importance si on est dans le couloir
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InfoKara Numéro 2002/1 (Vol. 17) Le soutien de couloir: un soutien...
Le soutien de couloir: un soutien informel destiné aux soignants [*]
Prise en charge par une Ă©quipe mobile de soins palliatifs en milieu hospitalo-universitaire
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Marie-France Bouglé
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InfoKara
2002/1 (Vol. 17) , pages 16 Ă 19
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Correspondance: SĂ©verine Gaudron, UnitĂ© Mobile de Soins Palliatifs, CHU de Tours, HĂŽpital de lâErmitage, 2 allĂ©e Gaston PagĂšs, F-37100 Tours.
En 2001, lâĂ©quipe sâest Ă©toffĂ©e dâune aide soignante, dâune infirmiĂšre et dâune psychologue.
RĂ©sidente: La Roche, Esvres sur Indre
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Psychologue: Unité Mobile de Soins Palliatifs, CHU de Tours
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MĂ©decin Praticien Hospitalier: UMSP, CHU de Tours
Les mots et le désordre des choses
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2006
https://doi.org/10.3917/inka.021.0016
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1 L a souffrance des soignants Ă lâhĂŽpital est dĂ©crite depuis le dĂ©but des annĂ©es 70. Les principaux facteurs incriminĂ©s sont: la charge de travail, le nombre dâaccompagnements et de dĂ©cĂšs, le manque de soutien, lâinsuffisance de formation et dâinformations, le manque de cohĂ©rence des soins, lâincertitude concernant les traitements administrĂ©s, les conflits Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©quipe ou avec lâadministration, le manque de reconnaissance du rĂŽle ou du travail effectuĂ©, etc. [1, 2]
2 Soutenir les soignants dans leur difficile travail dâaccompagnement est indispensable, afin de prĂ©venir le risque dâĂ©puisement professionnel, de les aider Ă toujours soigner et soulager au mieux les besoins des patients en phase terminale et Ă Ă©couter les familles tout au long de la maladie. Ce soutien est dâautant plus nĂ©cessaire que lâintensitĂ© Ă©motionnelle de la situation est grande (Ăąge des patients, proximitĂ© relationnelle) et que la durĂ©e de la prise en charge est longue.
3 Nous ne rappellerons pas ici les différents types de soutien que nous proposons et animons, tels que les groupes de parole réguliers et ponctuels (type débriefing), au sujet desquels une large littérature existe déjà .
4 Ă partir de notre expĂ©rience dâUnitĂ© Mobile de Soins Palliatifs (UMSP) en centre hospitalo-universitaire (composĂ©e Ă Tours dâune infirmiĂšre et dâun cadre infirmier, dâune assistante sociale, dâune psychologue et dâun mĂ©decin [1] [1] En 2001, lâĂ©quipe sâest Ă©toffĂ©e dâune aide soignante, dâune⊠), nous avons la possibilitĂ©, grĂące Ă notre mobilitĂ©, notre transversalitĂ© et notre pluridisciplinaritĂ©, dâapporter un soutien dâun tout autre genre aux soignants [3]. Nous lâappelons «soutien de couloir» [4], en raison du lieu oĂč il prend naissance. Ce type de soutien prĂ©sente la particularitĂ©, grĂące Ă son informalitĂ©, de ne pas avoir de cadre en apparence. En rĂ©alitĂ©, celui-ci existe et possĂšde des caractĂ©ristiques bien prĂ©cises que nous allons essayer de dĂ©finir, notamment sa souplesse, paradoxalement nĂ©cessaire Ă lâexistence de ce type de soutien.
5 Dans la littĂ©rature, bien que la souffrance des soignants soit largement dĂ©crite, leur demande dâaide pour eux-mĂȘmes est rare par rapport aux besoins [1]. Nous pensons que le soutien de couloir, grĂące Ă son informalitĂ©, est une possibilitĂ© pour ceux-ci dâĂȘtre aidĂ©s. Nous proposons ici une analyse du cadre original de ce type de soutien.
6 Nous venons de rendre visite Ă une patiente en service dâoncologie et en discutons, dans la salle de soins, avec lâinterne la prenant en charge. Une fois cet Ă©change terminĂ©, une autre interne vient nous parler, sans prĂ©ambule, dâun de ses patients. Sa dĂ©marche spontanĂ©e est possible parce que nous sommes connus du service. Lâinterne nous cite le diagnostic, nous parle du symptĂŽme de la douleur qui la met mal Ă lâaise, du traitement antalgique quâelle a mis en place, et de ses doutes quant Ă la validitĂ© de ce traitement.
7 Pendant toute la conversation, elle sâadresse essentiellement au mĂ©decin de lâUMSP. Il nây a pas de demande de prise en charge, la discussion sâentame sur le traitement antalgique du patient. Quelle est cette demande de la part de lâinterne?
8 Nos hypothĂšses sont les suivantes. Dans ce service, les pathologies sont graves. Lâinterne peut raconter son action, verbaliser son malaise devant le symptĂŽme qui nâa pas encore cĂ©dĂ©. Ses questions implicites sont: Mes prescriptions sont-elles adaptĂ©es? Dois-je attendre que le traitement agisse ou bien dois-je le changer sans tarder? Cette demande informelle dâĂȘtre Ă©coutĂ©e pourrait ĂȘtre une façon, pour lâinterne, de se protĂ©ger contre la peur dâĂȘtre jugĂ©e incompĂ©tente (ou trop Ă©motive) si ses doutes Ă©taient formulĂ©s explicitement. Elle sâadresse Ă un mĂ©decin plus expĂ©rimentĂ© dont lâimage la rassure, et dont elle va pouvoir juger la rĂ©action en racontant sa stratĂ©gie antalgique. Elle la remettra en question si cette stratĂ©gie semble discutable.
9 Cette dĂ©marche peut ĂȘtre qualifiĂ©e dâĂ©coute et donc de soutien, car elle a des fonctions de rĂ©assurance, de validation de ses prescriptions et de reconnaissance par un mĂ©decin plus ancien.
10 Monsieur D., 61 ans, insuffisant respiratoire chronique, est hospitalisĂ© en Pneumologie pour des douleurs dâun cancer bronchique en phase palliative. Les diffĂ©rents traitements antalgiques mis en place posent des problĂšmes, soit dâinsuffisance dâefficacitĂ©, soit dâeffets secondaires trop importants, avec lâapparition notamment, dâun coma hypercapnique dĂ» Ă lâaugmentation des doses de morphine. La douleur le rend rapidement grabataire, alors quâil Ă©tait jusquâĂ prĂ©sent autonome. Le symptĂŽme devenu rĂ©fractaire soulĂšve la question de la sĂ©dation.
11 Lors dâun de nos passages quotidiens, lâinfirmiĂšre et lâaide-soignante qui le prennent en charge nous racontent la pression quâexerce sur elles la famille par ses demandes dâinformation et de soutien, en raison de son anxiĂ©tĂ© devant la douleur physique et la dĂ©gradation rapide de lâĂ©tat gĂ©nĂ©ral du patient. Elles ajoutent que la charge de travail est par ailleurs importante en ce moment dans le service.
12 Si nous analysons cette situation, nous nous rendons compte que les facteurs de stress sont trĂšs nombreux: surcharge de travail, nombre important dâaccompagnements et de dĂ©cĂšs, souffrance du patient, de sa famille, Ă©chec thĂ©rapeutique, symptĂŽme rĂ©fractaire, incohĂ©rence des soins, problĂšme Ă©thique (la sĂ©dation). Certains soignants se plaignent des conditions de travail du moment et semblent fatiguĂ©s; une infirmiĂšre pleure.
13 Devant ces constats, nos passages deviennent plus frĂ©quents (biquotidiens) et nous restons longtemps Ă chaque fois. Notre action est de prendre part au soutien de la famille et du patient, dâĂ©couter les soignants raconter leur vĂ©cu, de proposer une discussion sur le problĂšme Ă©thique.
14 Nos interventions auprĂšs des patients ou de leur famille nĂ©cessitent, pour mieux connaĂźtre leurs symptĂŽmes subjectifs (douleur, anxiĂ©tĂ©, souffrance psychologique, etc.) de demander lâavis des soignants sur lâexistence, lâintensitĂ©, la nature de ces symptĂŽmes [5]. Nous demandons aussi leur impression sur la cohĂ©rence des soins; nous discutons Ă©galement avec eux des problĂšmes Ă©thiques posĂ©s par certaines situations [1]. Cet Ă©change prenant naissance dans le couloir semble intĂ©resser parfois dâautres soignants qui se joignent au groupe. Des questions sont posĂ©es, des ressentis Ă©voquĂ©s, comparĂ©s, tĂ©moignage dâun besoin de parler. Dâautres fois, un soignant Ă lâĂ©cart Ă©voque les problĂšmes quâil vit dans une situation similaire avec un de ses proches.
15 En partant dâun Ă©change sur la prise en charge palliative dâun patient, les propos glissent trĂšs souvent (voire presque systĂ©matiquement) sur les ressentis des soignants. Nous recevons alors certaines paroles qui peuvent tĂ©moigner de leur souffrance.
16 Comment optimiser cette relation dâaide aux soignants? Peut-on dĂ©finir de façon prĂ©cise un cadre Ă ce soutien informel?
17 Quatre conditions sont, à notre avis, nécessaires pour que débute le soutien de couloir:
18 Notre mobilitĂ© est un confort pour le soignant qui nâa pas Ă se dĂ©placer. Ce soutien ne doit pas ĂȘtre Ă©noncĂ© comme tel. En effet, le soignant a du mal Ă exprimer son besoin dâaide (afficher ouvertement sa souffrance personnelle est difficile pour soi et vis-Ă -vis dâautrui).
19 De plus, le soutien de couloir est optimisĂ© par une intervention en binĂŽme, Ă plus forte raison sâil est formĂ© de professionnels diffĂ©rents, ce qui permet au soignant dâavoir le choix de son interlocuteur. Le petit groupe qui se crĂ©e est propice Ă lâĂ©change, plus convivial. Invitant Ă la confidence, la parole peut ĂȘtre interrompue Ă tout instant sous «prĂ©texte» de retourner dans les soins. Les soignants se livrent, se dĂ©chargent, tout en se questionnant et rĂ©flĂ©chissant, sans confrontation au reste de lâĂ©quipe (cette derniĂšre Ă©tant le plus souvent un frein pour lâexpression des ressentis).
20 De façon non spĂ©cifique, il leur apporte selon nous, une Ă©coute, un partage des Ă©motions, mais aussi une valorisation personnelle et professionnelle. En effet, le ressenti des soignants vis-Ă -vis des symptĂŽmes subjectifs des patients ou de la description dâune situation dĂ©licate est primordial pour notre prise en charge globale du patient. Les soignants ont donc un rĂŽle dâinformateur, ce qui les valorise. Cette valorisation est amplifiĂ©e par notre extĂ©rioritĂ© car, alors reconnue, leur pratique est validĂ©e au-delĂ des frontiĂšres du service. De plus, ces discussions interdisciplinaires limitent lâincohĂ©rence des soins, source potentielle de stress pour les soignants. [1, 5]
21 Cette reconnaissance du soignant a donc lieu Ă plusieurs niveaux:
22 Les soignants expriment parfois des signes de nervositĂ©, de fatigue, des pleurs⊠Ils peuvent, Ă dâautres moments, manifester le besoin de parler dâune situation de crise actuelle, se souviennent dâune situation antĂ©rieure professionnelle ou personnelle, le plus souvent douloureuse, etc. AlertĂ©s par ces indices, nous percevons dans leurs comportements et leurs paroles des signes certains de souffrance. Nous pouvons
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