Pincer son petit clito
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Pincer son petit clito
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Clients de prostituées : le choc de la réalité
© Yann Levy
La RĂ©daction
18/02/2018 Ă 08:55 , Mis Ă jour le 18/02/2018 Ă 08:33
François Roques anime des stages dâinformation sur le «âmĂ©tierâ».
©
Yann Levy
Stéphanie Caradec
©
Yann Levy
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Depuis le 13âŻavril 2016, sâoffrir les services dâune prostituĂ©e est un dĂ©lit, puni dâuneamende de 1â500âŻeuros. Dissuasive, la loi nâa pas pour autant stoppĂ© le recours au sexe tarifĂ©. Elle lâa rendu plus risquĂ©. Pour éviter la rĂ©cidive, la justice a mis en place des stages de sensibilisation trĂšs rĂ©alistes. Paris Match y a assistĂ©. Rencontre avec huit clients tiraillĂ©s entre dĂ©ni, mauvaise foi et⊠évidence.Â
GĂ©rant dâun commerce, agent de supermarchĂ©, technicien commercial, retraitĂ© du BTP⊠De la vingtaine Ă la soixantaine⊠Tous propres sur eux, tous pourraient dĂ©crocher un rendez-vous galant sans trop de difficultĂ©s. Les huit gaillards entrent, penauds, dans la morne salle de lâAssociation pour le contrĂŽle judiciaire en Essonne (ACJE) dâEvry-Courcouronnes. Le regard baissĂ©, honteux dâaffronter leur reflet dans celui des autres «âacheteurs dâactes sexuelsâ». A la tĂȘte de lâACJE, chargĂ©e de sâassurer que les peines donnĂ©es par le procureur sont bien exĂ©cutĂ©es, François Roques rapporte un tĂ©moignageâ: «âMessieurs, jâai Ă©tĂ© prostituĂ©e pendant plus de vingt ans. Dans la pĂ©nombre des bars, jâai Ă©tĂ© soumise au âbon plaisirâ des clients. Jây ai subi leurs insultes, leurs exigences humiliantes. [âŠ] Leur souvenir me poursuitâ: des mains me touchent, des ventres tous plus gros les uns que les autres, des peaux rugueuses et salesâŠâ»
Alain(1) gaine sa bedaine. Michel se recroqueville sur sa chaise. Son voisin, un gĂ©ant en survĂȘtement noir, accĂ©lĂšre le battement de son pied. Les mots, prononcĂ©s par un homme, sont de Rosen Hicher, ancienne pĂ©ripatĂ©ticienne. Ils glacent ces hors-la-loi dâun nouveau genre. «âLâidĂ©e est dâamener les clients Ă se mettre dans la peau des prostituĂ©esâ», justifie François Roques.
Câest lĂ le but des stages de «âsensibilisation contre lâachat dâacte sexuelâ» ajoutĂ©s Ă la contravention. La partie «âprĂ©vention de la rĂ©cidiveâ» de la loi du 13âŻavril 2016 qui punit les clients. Elle remplace le dĂ©lit de racolage quâencouraient jusquâalors les prostituĂ©esâ: celles-ci ne peuvent plus ĂȘtre arrĂȘtĂ©es, comme câest arrivĂ© Ă 1â129 dâentre elles en 2013â(2). La peur a changĂ© de camp.
StĂ©phanie Caradec, prĂ©sidente du Mouvement du Nid, association de lutte contre les causes et les consĂ©quences de la prostitution, qui coanime des stages de sensibilisation, rappelle quâ«âune prostituĂ©e qui souhaite se rĂ©orienter professionnellement en passant des concours administratifs ou en travaillant dans le secteur de la santĂ© et du soin en est empĂȘchĂ©e sâil y a un dĂ©lit de racolage passif inscrit Ă son casier judiciaireâ». Et Maud Olivier, ancienne dĂ©putĂ©e PS de lâEssonne qui a travaillĂ© avec François Roques sur cette loi, de renchĂ©rirâ: «âInverser la charge pĂ©nale Ă©tait nĂ©cessaire. Il est anormal quâune victime soit punie par la loi vu ce quâelle endure dĂ©jĂ .â»
DâavrilâŻ2016 Ă septembreâŻ2017, 1â661 clients ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s(3). Câest peu. En plein Ă©tat dâurgence, ce nâest clairement pas la prioritĂ© des forces de lâordre. Dans la salle de stage, Alain, grande gueule, sâemporte. «âCâest une loi hypocrite crĂ©Ă©e par des gens qui veulent se donner bonne conscience avant de passer leur week-end au Carlton de Lille.â» Du tac au tac, le directeur de lâACJE rectifieâ: «âAu Carlton ou Ă la forĂȘt de SĂ©nart, câest la mĂȘme chose, on nâa plus le droit dâacheter des actes sexuels.â»
«âJe suis conscient de leur prĂ©caritĂ©, jâai une copine⊠Ma copine, câest une ancienne prostituĂ©eâ», lĂąche Patrick, aux allures de vieux loup de mer avec sa mariniĂšre. Les sept paires dâyeux se braquent sur les siens, dâun bleu doux. Comme la plupart des clients qui se sont fait pincer, il affirme y ĂȘtre allĂ© une seule fois, en 2013. «âJâĂ©tais dĂ©primĂ©. Je me suis connectĂ© Ă un site de rencontresâ», minimise le sexagĂ©naire. Sauf que lâannonce le mĂšne tout droit dans un hĂŽtel dâEvry avec une Congolaise de 21âŻans. Dâailleurs, plus de six pĂ©ripatĂ©ticiennes sur dix se prostituent via Internet, trois sur dix dehors, et moins dâune sur dix dans des bars à «âhĂŽtessesâ» ou «âsalons de massageâ»(2). Il se prend dâaffection pour la jeune femme de trente-cinq ans sa cadette et lui demande dâarrĂȘter le tapin, en Ă©change dâune cohabitation.
LâĂ©lĂšve en Ă©cole de commerce qui vendait son corps pour payer ses Ă©tudes quitte les bas rĂ©sille et emmĂ©nage chez lui. «âIl nây a plus la flamme dâavant, nous sommes surtout copainsâ», reconnaĂźt Patrick. Plus en couple, doncâ? «âSi, si, en couple, mais en couple trĂšs libreâ», rectifie-t-il. DâoĂč la tolĂ©rance de la jeune fille quand il voit ses anciennes consĆursâ? «âJe nây vais plusâ», affirme-t-il sans sourciller. Pourtant câest bien pour achat dâacte sexuel quâil sâest fait alpaguer Ă Tigery en maiâŻ2017, prĂšs de la forĂȘt de SĂ©nart, spot de la prostitution en Essonne. Les huit clients du stage se sont tous fait interpeller au sortir des fourrĂ©s. «âMa copine a gardĂ© des amies dans le milieu, je suis allĂ© les voir pour rĂ©cupĂ©rer ses affaires et câest lĂ que je me suis fait prendreâ», tente-t-il, regard fuyant. Et au prochain coup de dĂ©prime, que fera-t-ilâ? «âJâirai voir un psyâ», rĂ©torque-t-il.
Son voisin de tablĂ©e jure nây ĂȘtre allĂ© quâune seule fois, lui aussi. Et lui aussi avait une bonne raison. Il a subi trois opĂ©rations coronaires en un an et demi. Depuis, fini les Ă©rections. «âĂa ne fonctionnait plus avec ma femme, je me suis dit quâune professionnelle saurait la remettre en route. Quand on a un problĂšme mĂ©canique avec sa voiture, on va voir un garagiste. Quand on a un souci avec sa⊠On va voir une prostituĂ©e, ose-t-il. Mais ça nâa pas marchĂ©, en fait, câĂ©tait Ă cause des mĂ©dicaments, le toubib ne mâavait rien dit. Sans cela, je nây serais pas allĂ©âŠâ»
InouĂŻe loi des sĂ©ries ou du dĂ©ni, assis face Ă lui, Michel nây est allĂ© quâune fois, lui aussi. «âPris dâune pulsionâ», alors quâil Ă©tait «âen pleine dĂ©pressionâ», aprĂšs cinq ans Ă faire lit sĂ©parĂ© avec sa compagne, qui lâa quittĂ© depuis. «âJe me suis fait prendre comme un bleu au moment oĂč jâentrais dans ma voiture avec la filleâ», admet-il. Il avait vaguement entendu parler de cette nouvelle loi. Il fait des recherches sur Internet et se rend compte quâil encourt jusquâĂ 1â500âŻeuros dâamende. «âQuel couillonâ! Heureusement que le procureur a Ă©tĂ© comprĂ©hensifâ», souffle-t-il. Oui, en Essonne, lâaccent est mis sur la pĂ©dagogie. Le magistrat est bien conscient que la loi, faute de campagne dâinformation, est mal comprise. Il pourrait condamner les clients Ă payer leur amende, point. Et y ajouter le financement dâun stage, comme câest le cas dans dâautres juridictions, en Seine-et-Marne par exemple, avec deux jours de sensibilisation au menu. Mais, gĂ©nĂ©ralement, il requiert juste le paiement du stageâ: 65âŻeuros et une demi-journĂ©e de congĂ© Ă poser. Une chose est sĂ»re, en Essonne, les clients arrivent bien disposĂ©s Ă la sĂ©ance, et une demi-journĂ©e dâattention nâest pas trop leur demander. Pendant ces trois heures, lâauditoire semble rĂ©ceptif.
Au bout dâune heure de prĂ©sentation de la loi, il est temps de passer aux questions-rĂ©ponses sur la duretĂ© des conditions dâexercice des filles. Le butâ? Susciter lâempathie. Pour que leur prise de conscience de la rĂ©alitĂ© de la prostitution les fasse hĂ©siter avant dây aller une nouvelle «âpremiĂšreâ» fois. En plus dâune amende qui peut grimper jusquâĂ 30â000âŻeuros et le passage du statut de contrevenant Ă celui de dĂ©linquant en cas de rĂ©cidive. Bon nombre dâentre eux prĂ©fĂšrent retenir le message du Strass (Syndicat du travail sexuel) qui les dĂ©culpabiliseâ: certaines prostituĂ©es manifestent contre la loi de pĂ©nalisation dâachat dâacte sexuel, le visage sous un masque Ă paillettes. «âNous sommes des travailleuses du sexe, indĂ©pendantes, pas des prostituĂ©es ni des victimesâ», assure Axelle, porte-parole du Strass. PlutĂŽt des femmes dâaffaires Ă qui le lĂ©gislateur a mis des bĂątons dans les roues, en effrayant la clientĂšle. Sauf quâen rĂ©alitĂ© elles reprĂ©sentent une infime minoritĂ© des 30â000âŻprostituĂ©es de France2.
Michel sâinterrogeâ: «âEt pourquoi ne pas lĂ©galiser la prostitution, pour mieux les protĂ©gerâ?â» François Roques rĂ©agit par un quizâ: «âQuel est le nombre de passes par jour pour chaque prostituĂ©e, en moyenne, dans les bordels allemandsâ?â» Michel se ravise devant le chiffreâ: «âTrenteâ!â» Impensable pour ces messieurs. Le plus jeune du groupe montre enfin un premier signe de compassion. Il a la vingtaine, un corps que lâon devine athlĂ©tique sous un tee-shirt rouge du PSG. Le powerpoint dĂ©file. «âA quel Ăąge, en moyenne, les filles commencent-elles Ă se prostituerâ?â» 19âŻansâ? 17âŻansâ? 21âŻansâ? La rĂ©ponse est loin du compteâ: 14âŻans. StupĂ©faction gĂ©nĂ©rale. Sâil est pris en flagrant dĂ©lit avec une adolescente de moins de 15âŻans, le client risque une amende de 100â000âŻeuros (45â000âŻeuros si elle a entre 15 et 18âŻans ou si elle est dite «âvulnĂ©rableâ», enceinte ou handicapĂ©e, par exemple). En moyenne, celles qui exercent «âle plus vieux mĂ©tier du mondeâ» ne dĂ©passent pas les 40âŻansâ: une vie Ă©courtĂ©e de moitiĂ©. Un chiffre corrĂ©lĂ© Ă leur taux de suicide, douze fois plus Ă©levĂ© que celui de la population gĂ©nĂ©rale4.
«âLe sexe est-il un besoin vital pour lâhommeâ? â Evidemmentâ», assurent en chĆur les clients. Un seul, le grand timide, sort de son mutismeâ: «âPour vivre, on a besoin de boire, manger et dormir, câest toutâŠâ» «âOn nâa jamais vu un homme mourir de ne pas avoir Ă©jaculĂ©â», provoque François Roques.
Lâautre jeune homme de lâassemblĂ©e, cheveux gominĂ©s, col blanc impeccable, semble dĂ©couvrir un monde. Mais que faisait ce commercial alsacien au physique de mannequin, caleçon baissĂ©, dans la forĂȘt de SĂ©nart lâĂ©tĂ© dernierâ? En mission deux mois loin du cocon familial, il a craquĂ©. Parmi les huit participants, câest le plus reconnaissant envers la dĂ©licate attention de lâACJE dâenvoyer les convocations par texto et non par courrier, afin dâĂ©viter de mettre le feu dans les foyers. Câest aussi le plus fuyant du groupe. Il jette un Ćil Ă sa Rolex Ă la fin de la sĂ©ance. 12âhâ30. Il sâenfuit littĂ©ralement. Sa femme et son bĂ©bĂ© lâattendent Ă Strasbourg(5).Â
1. A leur demande, les noms des clients ont Ă©tĂ© modifiĂ©s. 2. Selon lâOffice central pour la rĂ©pression de la traite des ĂȘtres humains (Ocreth). Le Mouvement du Nid estime que 95â% dâentre elles sont prostituĂ©es contre leur grĂ©. 3. Selon le ministĂšre de lâIntĂ©rieur (chiffres actualisĂ©s au 18 dĂ©cembre 2017). 4. Selon lâĂ©tude Prostcost menĂ©e par le Mouvement du Nid en 2015. 5. La ville a Ă©tĂ© modifiĂ©e.
PrĂ©sidente du Mouvement du Nid, association de lutte contre les causes et consĂ©quences de la prostitution. Elle coanime les stages de sensibilisation envers les clients et regrette que le gouvernement diminue lâaide aux femmes qui sortent de la prostitution.
Paris Match. Quel est lâimpact sur le terrain de lâinterdiction de lâachat dâacte sexuelâ? StĂ©p
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