Ne pas jouer avec la nourriture

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Ne pas jouer avec la nourriture

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La diversification alimentaire est un sujet qui préoccupe beaucoup les nouveaux parents. Quand commencer ? Quels aliments proposer ? En quelles quantités ? En purée ou en morceaux ? Etc., etc.
À toutes ces questions, les manuels de puériculture et les professionnels de santé ont des réponses qui, par leur précision minutieuse, engendrent en fait plus d’inquiétude que de confiance chez les parents : que faire si mon bébé refuse les 50 g de purée de carottes qu’il est censé absorber à son âge ? Et a contrario , que faire s’il veut manger ce que mange son grand frère mais qui n’est pas encore « de son âge » ?
Ne serait-il pas plus simple, plus logique, moins « prise de tête » et finalement plus efficace, de se laisser mener par l’enfant ? D’attendre qu’il soit prêt ? D’attendre qu’il demande lui-même à goûter autre chose que le lait (souvent en mettant la main dans l’assiette du père ou de la mère !) ? De le laisser découvrir les solides à son rythme, selon son goût, dans les quantités qu’il souhaite et dans les textures qu’il préfère ?
C’est ce que propose de faire La Leche League [2] depuis plus de cinquante ans. Et c’est ce que propose le mouvement pour une « diversification menée par l’enfant » (en anglais, baby-led weaning ), qui prend de l’ampleur dans les pays anglo-saxons et commence à se répandre aussi en France.
Comme l’exprime le site français sur la DME [3] , « les enfants nés à terme et en bonne santé, qu’ils soient allaités ou pas, sont parfaitement aptes, pour peu que leurs parents les assistent comme il le faut, à apprendre à s’alimenter de manière indépendante et cela sans que les aliments leur soient présentés sous forme de purée ou de compote à la cuillère […]. Ils sont à même de porter seuls les aliments à leur bouche, de les mastiquer et enfin de les digérer lorsque leur développement le leur permet ».
En plus d’être beaucoup plus simple pour les parents et agréable pour tout le monde, cette façon de faire engendre chez l’enfant un rapport à la nourriture beaucoup plus sain, et a des conséquences bénéfiques pour sa vie future. C’est ainsi qu’une étude faite sur près de 300 enfants âgés de 18 à 24 mois [4] a montré que ceux qui avaient profité d’une DME avaient une meilleure sensibilité à la satiété, et étaient moins susceptibles d’être en surpoids.
Laisser l’enfant découvrir les solides par lui-même n’est pas toujours très « propre ». Mais là aussi, cela s’avère utile pour son développement.
Des chercheuses américaines ont appris à des enfants de 16 mois [5] les mots pour désigner des aliments comme du sirop, du yaourt ou de la gelée. Un peu plus tard, elles les ont testés pour voir s’ils connectaient ces noms avec les aliments correspondants, de couleurs et textures un peu différentes. Résultat ? Les enfants décrits comme les plus désordonnés à table par leurs parents ont montré les meilleures capacités d’apprentissage, une fois assis sur leur chaise haute pour manger. Conclusion : le mangeur « sale » fait travailler son cerveau, et crée des catégories lexicales. Un enfant qui a fait quantité de choses avec son dessert a compris ce qu’était ce dessert, parce qu’il a acquis un faisceau de données en l’explorant. Selon Roberta Michnick Golinkoff, professeur en sciences de l’éducation, « ils goûtent littéralement le monde en mettant des choses dans leur bouche, en fabriquant des sons, en secouant tout [6] ».
Goûter le monde, c’est pas beau, ça ?!
[1] Acronyme pour « diversification menée par l’enfant ».
[2] Voir sur le site de LLL France le dossier Diversification alimentaire
[3] diversificationalimentaire.com
[4] Brown A. et Lee M. D., Early influences on child satiety-responsiveness: the role of weaning style, Pediatric Obesity , 2013 (en ligne le 17 décembre 2013).
[5] Perry L. K. et al., Highchair philosophers: the impact of seating context-dependent exploration on children’s naming biases, Developmental Science , 2013, en ligne le 1er décembre 2013.
[6] Cité dans un billet du blog du New York Times du 23 décembre 2013 « To Smoosh Peas Is to Learn ».
Cette chronique est parue dans le numéro 48 de Grandir autrement.
Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !"
Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.
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C’est l ’heure du petit-déjeuner ! Vous avez disposé sur la table des fruits, du pain, des yaourts, bref tout ce qu’il faut pour bien commencer la journée. Et à peine avez-vous tourné le dos que votre enfant décide de se transformer en petit scientifique. Il triture et décortique la nourriture dans tous les sens et la lance contre les murs... Ce qui vous agace (il va falloir tout nettoyer), voire vous répugne (du pain dans l’eau ?). Comment réagir ? Devez-vous le laisser faire ? Dans son livre « Pour ou contre ? Les grands principes de l’éducation à la lumière des connaissances scientifiques », Héloise Junier pèse le pour et le contre le fait de jouer avec la nourriture. 
L’enfance est une période de découvertes ! Les petits explorent le monde qui les entoure, et la nourriture en fait partie. Dans son livre, Héloïse Junier l'affirme : “ Les enfants ne jouent pas, ils expérimentent. Il découvre les différentes matières (tiens tiens, la banane s’écrase plus facilement que la pomme), les lois de la physique (Waouh ! la banane qui est plus lourde, tombe plus vite que la mie de pain, qui est plus légère), sa motricité fine (dis donc, cette miette de pain n’est pas simple à attraper !). Ces activités lui permettent de se construire une connaissance du monde physique, des lois élémentaires qui le régissent, et ainsi développer son intelligence ”. Ce qui pour vous s’apparente à un jeu, ne l’est donc pas du tout. La preuve, il n’est pas mort de rire quand il fait ses expériences.
Les enfants n’ont pas la même perception du monde que nous. Christine Zalejski, consultante en alimentation infantile et auteure du site Cube et Petits-pois , explique : “ Le bébé ne fait pas la différence entre un jouet et un aliment. Il va regarder un morceau de bois, une petite voiture, ou un brocoli de la même manière”. Il ne comprend pas le caractère "spécial" de la nourriture, son côté nourricier, son utilité pour l’organisme. Et confirme les dires de Héloïse Junier : " C’est notre regard d’adulte qui va nous faire penser qu’il s’amuse, mais il est juste dans l’observation ”. Vous aurez d’ailleurs remarqué qu’à un certain âge, votre petit touche à tout ce qu'il trouve, à commencer par porter les objets à sa bouche, pour s’approprier son environnement. Concernant la nourriture, le degré d’importance du toucher est encore plus élevé, puisque c’est quelque chose qu’il doit ingérer !
Décortiquer son morceau pain, faire de la purée avec ses petits pois et une œuvre d’art avec son yaourt permettrait à l'enfant d’avoir une meilleure connaissance des aliments, et ainsi développer une relation plus saine avec la nourriture . Et si vous le laissez faire ses petites expériences lorsqu’il est petit, il n’aura pas besoin de les faire plus tard. “ Manipuler les aliments avec les doigts, surtout si cela s’inscrit dans une dimension ludique et de plaisir, permet de créer une relation plus positive à la nourriture ”, confirme Héloise Junier. Le fait "d'interagir" avec les aliments, lui permet aussi de mieux retenir leur nom. Donc, en manipulant les choses, il arrive mieux à comprendre et retenir de quoi il s’agit, la parole ne suffit pas. En conclusion, mieux vaut le laisser faire ! Et à l'inverse, une réprimande poussée à l’extrême peut d’ailleurs conduire à certains troubles alimentaires : “ Ces problématiques peuvent apparaître plus tard. En grandissant, ils auront peut-être du mal à toucher la nourriture, et auront des problématiques de satiété, suite à une méconnaissance des aliments”, explique la consultante en alimentation infantile. " Cela reste très rare, ce n’est pas la majorité des cas !”, rassure la spécialiste.
Le phénomène de la néophobie alimentaire survient généralement vers l’âge de 2 à 3 ans. Il s’agit de la peur de certains aliments, “néo” signifiant “nouveau”, et “phobie” la peur. Or, si l’enfant a pu au préalable triturer la nourriture, au moment de la diversification alimentaire , il en aura moins peur, puisqu’il y aura déjà été confronté. Dans son livre, Héloise Junier cite une recherche publiée en 2015 dans le Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics : “Jouer avec les aliments qui sont contenus dans l’assiette tend à aider les jeunes enfants à moins appréhender les nouvelles saveurs (...). Les auteurs ont constaté que les enfants qui présentaient une faible appréhension des nouvelles saveurs avaient beaucoup de plaisir à mettre les mains dans la purée et à jouer avec la nourriture . Cette recherche confirme l’idée que la manipulation des aliments favorise l’acceptation de nouvelles saveurs”.
Si les adultes sont aussi réticents au fait que les bébés touchent la nourriture, c’est aussi pour lutter contre le gaspillage alimentaire . Il a étalé son yaourt sur la table, mis de la purée plus sur le sol que dans sa bouche, et son pain a totalement trempé dans l’eau… Vous voyez là beaucoup de nourriture gâchée. Héloise Junier tempère : “ Ils comprendront bien assez vite que la nourriture à un caractère “spécial". Ce n’est pas parce qu’ils manipulent la nourriture à deux ans qu’ils seront adeptes du gaspillage alimentaire à 45 ans”. De plus, il y a fort à parier que sa génération soit très sensible à cette cause. Mieux vaut donc essayer de "lâcher prise" ou de fermer les yeux, le temps de cette phase de découvertes.  
En Occident, manger avec les doigts est plutôt mal vu, mais cela reste une question de culture. En effet, saviez-vous que plus de trois milliards de personnes dans le monde mangent sans couverts ? C’est aussi notre vision du monde, et d’adulte, qui nous fait penser que toucher la nourriture reste mal élevé. Pour
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