Mère et fils coquins comme d'habitude

Mère et fils coquins comme d'habitude




🔞 TOUTES LES INFORMATIONS CLIQUEZ ICI 👈🏻👈🏻👈🏻

































Mère et fils coquins comme d'habitude
Ce livre, écrit au cours des années 1908 et 1909 à Someries,
Aldington (Kent) parut d’abord sous le titre de Some Reminiscences , dans
l’« English Review » (du numéro de décembre 1908 au numéro de juin
1909 inclusivement). Lors de cette publication, l’ouvrage était divisé en deux
parties : la première se terminant avec le chapitre IV . Cette
division fut abandonnée par la suite. En 1911, l’auteur écrivit l’introduction
intitulée A Familiar Preface . En 1912, ces Souvenirs parurent en un volume,
à Londres, chez l’éditeur Eveleigh Nash, sous le litre de Some Reminiscences ,
et, la même année, à New York, chez Harpers & Bros, sous celui de A Personal
Record , titre qui fut adopté par l’auteur pour toutes les éditions
suivantes aussi bien en Angleterre qu’aux États-Unis.
Une réédition de cet ouvrage par J.-M. Dent & Sons,
à Londres, en 1919, fut l’occasion de la Note de l’Auteur que l’on
trouvera également ici.
La plus grande partie de cette traduction avait
déjà passé sous les yeux de Joseph Conrad qui prenait particulièrement à cœur la
version française de ses œuvres : nous lui en portions les derniers
feuillets le jour même où survint soudainement sa mort, le 3 août dernier.
Son amitié s’était plu à en relire avec nous toutes les
pages : il avait lui-même choisi le titre sous lequel paraît ce volume. C’est
à ses côtés que nous avons, mot à mot, revécu ces « Souvenirs » qui
révèlent l’esprit et le cœur de cet homme admirable : on pourra donc
comprendre avec quel sentiment nous les livrons aujourd’hui au public français.
La réimpression de ce livre sous une nouvelle forme ne réclame
pas à proprement parler une autre Préface. Mais puisque des remarques
personnelles sont ici parfaitement à leur place, je saisis l’occasion, dans cette
« Note », de relever deux assertions qui ont récemment paru dans la
Presse, à mon sujet.
L’une d’elles a trait à la langue dont je me sers. J’ai
toujours eu l’impression que l’on me considérait comme une sorte de phénomène :
c’est là une situation qui ne me paraît souhaitable que dans un cirque. Il faut
être doué d’un tempérament spécial, pour se complaire à commettre des actes
singuliers, et cela, par pure vanité.
Le fait que je n’écris pas dans ma langue maternelle a
été naturellement l’occasion de fréquents commentaires dans les comptes-rendus que
l’on a publiés de mes différents ouvrages ou dans les articles plus étendus qui
m’ont été consacrés. Je suppose que c’était inévitable : et ces
commentaires étaient, d’ailleurs, des plus flatteurs pour la vanité. Il n’y a
toutefois, en cette affaire, place pour aucune vanité. Je n’en saurais avoir. Et
le premier objet de cette Note est de décliner le mérite d’avoir
accompli là un acte de volonté délibéré.
L’impression s’est répandue que j’avais choisi entre deux
langues, – le français et l’anglais –, qui m’étaient toutes deux étrangères. Cette
impression est inexacte. Elle a pris naissance, me semble-t-il, dans un article
écrit par Sir Hugh Clifford et publié, je crois, au cours de l’année 1898. Quelque
temps auparavant, Sir Hugh Clifford était venu me voir. Il est, sinon le
premier, du moins l’un des deux premiers amis que mon œuvre m’a faits, l’autre
est M. Cunninghame Graham qu’avait séduit l’un de mes premiers contes :
« L’avant-poste du progrès » . Ces amitiés qui ne se sont
jamais démenties depuis lors comptent parmi mes biens les plus précieux.
M. Hugh Clifford (il n’avait pas encore de titre à
cette époque) venait de publier son premier volume d’Esquisses malaises. Je fus
naturellement ravi de le voir et très touché des choses aimables qu’il trouva à
me dire sur mes premiers romans et sur quelques-uns de mes contes dont la scène
se passe dans l’Archipel malais. Je me rappelle qu’après m’avoir dit nombre de
choses capables de faire rougir jusqu’à la racine des cheveux ma modestie
outragée, il finit par me déclarer, avec l’assurance ferme et pourtant aimable d’un
homme habitué à dire d’amères vérités même à des potentats orientaux (dans leur
intérêt, cela va sans dire) – que, somme toute, je ne connaissais rien aux
Malais. Je ne l’ignorais certes pas. Je n’avais jamais prétendu le moins du
monde posséder pareille connaissance et je lui répliquai (je m’étonne encore
aujourd’hui de mon impertinence) : « Bien sûr que je ne connais rien
aux Malais. Si je savais seulement la centième partie de ce que vous et Frank Swettenham
savez des Malais, je ferais tomber tout le monde à la renverse. » Il jeta
vers moi un regard aimable (mais ferme) et nous éclatâmes de rire tous les deux.
Au cours de cette très agréable visite qui eut lieu il y a vingt ans, mais est restée
très présente à mon esprit, nous abordâmes de nombreux sujets : entre
autres, les caractères particuliers à diverses langues et c’est ce jour-là que
mon ami partit avec l’impression que j’avais exercé un choix délibéré entre le
français et l’anglais. Par la suite, lorsque l’amitié (qui n’est pas pour lui
un mot vide de sens) le poussa à écrire sur Joseph Conrad une étude dans la « North
American Review », il communiqua cette impression au public.
Je suis probablement responsable de ce malentendu, car ce
n’est rien d’autre. J’ai dû mal m’exprimer au cours d’un de ces entretiens
amicaux et intimes, où l’on ne surveille pas ses phrases avec soin. Ce que je
voulais dire, je m’en souviens bien, c’était que si j’avais été dans la
nécessité de faire un choix entre les deux langues, et quoique je connusse
assez bien le français et que cette langue me fût familière depuis l’enfance, j’aurais
appréhendé d’avoir à m’exprimer dans une langue aussi parfaitement « cristallisée ».
Ce fut, je crois, le mot que j’employai. Puis nous passâmes à autre chose. Il
me fallut lui parler un peu de moi, et ce qu’il me raconta de son œuvre en
Extrême-Orient, son Extrême-Orient dont je n’avais eu, moi, qu’un aperçu rapide
et nuageux, était du plus vif intérêt. Le gouverneur actuel de la Nigérie ne se
rappelle peut-être pas aussi bien que moi notre conversation, mais je suis sûr
qu’il ne se formalisera pas de me voir apporter ce que dans le langage diplomatique
on appelle une « rectification », à une opinion qui lui fut exprimée par
un écrivain obscur dont sa généreuse sympathie l’avait poussé à se faire un ami.
La vérité est que la faculté d’écrire en anglais m’est
aussi naturelle que toute autre aptitude que je peux posséder de naissance. J’ai
le sentiment étrange et pénétrant qu’elle a toujours fait partie inhérente de
moi-même. L’anglais n’a jamais été pour moi une question de choix ni d’adoption.
La simple idée d’un choix ne m’est jamais venue à l’esprit. Et quant à une
adoption, eh bien, certes, il y a eu adoption : mais c’est moi qui ai été adopté
par le génie de la langue : celui-ci, dès que j’eus franchi la période des
bégaiements, s’empara de moi à tel point que ses idiomes mêmes, je le crois
fermement, ont exercé une action directe sur mon tempérament et façonné mon
caractère, encore plastique à cette époque.
Ce fut une action très intime et, par là-même, très
mystérieuse. Il serait aussi difficile de l’expliquer que de tenter d’expliquer
un amour à première vue. Cette rencontre eut le caractère d’une re-connaissance
exaltée, presque physique, où une sorte d’abandon ému se mêlait à l’orgueil de la
possession, tout cela réuni dans l’émerveillement d’une grande découverte :
mais il ne s’y trouvait pas cette ombre du terrible doute qui s’étend jusque
sur la flamme de nos périssables passions. Tout y donnait l’assurance que c’était
pour toujours.
Objet d’une découverte et non d’un héritage, l’infériorité
même du titre ne rend la faculté que plus précieuse, impose à celui qui la
possède l’obligation perpétuelle de demeurer digne de sa magnifique fortune. Mais
on dirait que je tente ici une explication, – tâche que j’ai précisément
déclarée impossible. Si l’on peut encore admettre que, dans le domaine de l’action,
l’Impossible recule devant l’esprit indomptable des hommes ; l’Impossible,
dans le domaine de l’analyse, tiendra toujours bon sur un point ou un autre. Tout
ce que je puis demander, après avoir pendant tant d’années fait usage de cette
langue avec dévotion, et non sans que des doutes, des imperfections, des
hésitations vinssent accumuler l’angoisse dans mon cœur, c’est le droit qu’on me
croie quand je dis que si je n’avais pas écrit en anglais, je n’aurais pas
écrit du tout.
L’autre remarque que je désire faire ici est également une
rectification, mais d’un genre moins direct. Elle n’a rien à voir avec le mode
d’expression. Elle a trait d’une autre façon à ma qualité d’auteur. Il ne m’appartient
pas de critiquer mes juges, d’autant plus que j’ai toujours eu l’impression d’en
obtenir plus que justice. Mais il me semble que leur constante sympathie a
attribué à des raisons de race et à des influences historiques, une bonne part
de ce qui, je crois, n’appartient simplement qu’à l’individu. Rien n’est plus étranger
que ce qu’on appelle dans le monde littéraire « l’esprit slave », au
tempérament polonais avec sa tradition de « self-government », son
sentiment chevaleresque des contraintes morales et son respect exagéré des
droits individuels : sans parler du fait important que toute la mentalité
polonaise, occidentale par nature, a été éduquée par l’Italie et la France, et,
historiquement, n’a jamais cessé, même en matière religieuse, de demeurer en
sympathie avec les courants les plus libéraux de la pensée européenne. Une vue
impartiale de l’humanité à ses divers degrés de splendeur ou de misère, jointe
à des égards spéciaux pour les droits de ceux qui ne sont pas les privilégiés
de ce monde, – et cela non pas pour des raisons mystiques, mais par simple solidarité
et en vue d’une entraide honorable –, tel fut le caractère dominant de l’atmosphère
mentale et morale des maisons qui abritèrent ma hasardeuse enfance : objets
d’une conviction calme et profonde, à la fois durable et conséquente, et aussi
éloignée qu’il se peut de cet humanitarisme qui ne semble être qu’une affaire
de nerfs exaspérés ou de conscience morbide.
L’un des plus bienveillants d’entre mes critiques a cru
devoir attribuer certains caractères de mon œuvre au fait que je suis, à ce qu’il
dit, « le fils d’un révolutionnaire ». Aucune épithète ne pourrait
moins s’appliquer à un homme doué d’un sentiment aussi profond de la responsabilité
dans le domaine des idées, et aussi indiffèrent aux suggestions de l’ambition
personnelle que l’était mon père. Pourquoi a-t-on, dans toute l’Europe, appliqué
l’épithète « révolutionnaire » aux soulèvements polonais de 1831 et de
1863, je ne peux vraiment pas le comprendre. Ces soulèvements ont été purement et
simplement des révoltes contre une domination étrangère. Les Russes eux-mêmes, les
ont appelés des « rébellions », ce qui, à leur point de vue, était l’exacte
vérité. Parmi les hommes qui prirent part aux préliminaires de l’insurrection
de 1863, mon père n’était pas plus « r évolutionnaire »
que les autres, si par « être r évolutionnaire »
on entend : travailler à détruire un système politique et social. C’était
simplement un patriote, au sens où un homme, pénétré de l’esprit d’une existence
nationale, ne peut supporter de voir cet esprit asservi.
Évoquée ici publiquement pour tenter de justifier l’œuvre
de son fils, que cette figure de mon passé ne se dissipe pas avant que j’ajoute
encore quelques mots. Durant mon enfance j’ai assurément fort peu connu les travaux
de mon père, car je n’avais pas tout à fait douze ans quand il est mort. Ce que
j’ai vu de mes propres yeux, ce furent les funérailles publiques, les rues
dégagées, la foule silencieuse : mais je comprenais parfaitement bien que
c’était là une manifestation de l’esprit national qui saisissait une occasion
favorable. Cette foule de gens du peuple, tête nue, ces jeunes gens de l’Université,
ces femmes aux fenêtres, ces écoliers sur les trottoirs, ne savaient peut-être
rien de positif à son sujet, si ce n’est la renommée de sa fidélité à cette
émotion même qui guidait tous leurs cœurs. Moi-même alors je ne savais que cela :
et cette grande démonstration silencieuse me semblait le tribut le plus naturel
du monde, rendu non pas à l’homme, mais à l’Idée.
Ce qui m’avait beaucoup plus intimement impressionné, ç’avait
été d’avoir vu brûler ses manuscrits quinze jours à peu près avant sa mort. Cela
avait été fait sous sa surveillance. J’entrai par hasard dans sa chambre un peu
plus tôt que de coutume ce soir-là, et, à son insu, je restai à regarder la
religieuse qui alimentait le feu dans la cheminée. Mon père était assis dans un
grand fauteuil et soutenu par des oreillers. Ce fut la dernière fois que je le
vis hors de son lit. Il me donna l’impression non pas tant d’un homme
désespérément malade que d’un homme mortellement las, – d’un vaincu. Cet acte
de destruction m’affecta profondément par son air de reddition. Non pas à la
mort pourtant. Pour un homme d’une aussi forte conviction, la mort ne pouvait
pas être une ennemie.
Pendant bien des années j’avais cru que tous ses écrits
avaient été brûlés, mais en juillet 1914, le Bibliothécaire de l’Université de Cracovie
qui me rendait visite durant notre court séjour en Pologne, mentionna l’existence
de quelques manuscrits de mon père et spécialement d’une série de lettres
adressées, avant et durant l’exil, à son plus intime ami qui en avait fait don
à l’Université pour qu’on les y conservât. Je me rendis aussitôt à la
Bibliothèque, mais je n’eus le temps que d’y jeter un coup d’œil. Je me
proposais de revenir le lendemain et de faire copier toute cette correspondance.
Mais le jour suivant fut celui de la déclaration de la Guerre. Ainsi peut-être
ne saurai-je jamais ce qu’il écrivait à son plus intime ami à l’époque de son bonheur
domestique, de sa récente paternité, de ses vives espérances, – et plus tard, aux
heures de désillusion, d’affliction, de chagrin.
Je croyais aussi qu’il était complètement oublié, quarante-cinq
ans après sa mort. Mais il n’en était rien. Quelques jeunes écrivains l’avaient
découvert, surtout comme un remarquable traducteur de Shakespeare, de Victor Hugo
et d’Alfred de Vigny : en tête de sa traduction de « Chatterton »
il avait écrit une éloquente préface pour défendre l’humanité profonde du poète
et son idéal de noble stoïcisme. On rappelait aussi le côté politique de sa vie :
car des hommes de son époque, qui avaient avec lui collaboré à maintenir
fermement la foi nationale dans l’espoir d’une indépendance future, avaient sur
leurs vieux jours publié leurs mémoires, où se révélait publiquement pour la
première fois le rôle qu’il avait joué. J’appris alors sur sa vie des choses
que j’avais ignorées jusque-là, des choses que tout le monde ignorait hormis un
petit groupe d’initiés, si ce n’est peut-être ma mère. Ce fut ainsi que par un
volume posthume de Mémoires qui traitaient de ces années amères, j’appris que
la première conception du Comité National, secrètement formé pour organiser la
résistance morale contre l’oppression accrue du Russianisme, était due à l’initiative
de mon père, et que ses premières réunions s’étaient tenues dans notre maison
de Varsovie, dont je ne me rappelle rien qu’une seule pièce, blanc et cramoisi,
probablement le salon. L’un de ses murs ouvrait sur un corridor extrêmement élevé.
Où il conduisait, cela reste pour moi un mystère : mais aujourd’hui encore
je ne puis échapper à l’impression que les proportions de tout cela étaient
énormes, et que ceux qui apparaissaient et disparaissaient dans cet immense espace
étaient d’une stature supérieure à celle de l’humanité que je devais connaître par
la suite. Parmi eux je revois ma mère, figure plus familière à mes yeux que les
autres, tout habillée de noir en signe de deuil national et en dépit de féroces
règlements de la police. J’ai aussi conservé de cette époque particulière le sentiment
craintif de sa mystérieuse gravité qui, pourtant, savait parfois sourire. Car
je me rappelle ses sourires : oui, aussi. Peut-être que pour moi elle
pouvait toujours trouver un sourire. Elle était jeune alors, elle n’avait
certainement pas encore trente ans. Elle mourut quatre ans plus tard en exil.
Dans les pages qui suivent j’ai rappelé la visite qu’elle
fit à son frère un an environ avant sa mort. Je parle aussi un peu de mon père
tel que je me le rappelle durant les années qui suivirent la perte qui fut pour
lui le coup mortel. Et maintenant, après avoir été ainsi évoquées pour répondre
aux paroles d’un critique amical, qu’il soit permis à ces Ombres de retourner, à
leur lieu de repos où les formes qu’elles eurent durant la vie persistent
encore, atténuées mais poignantes, et où elles attendent le moment où leur
obsédante réalité, dernière trace de leur passage sur la terre, s’effacera à
jamais avec moi de ce monde.
L’on n’a pas, d’ordinaire, besoin de beaucoup d’encouragement
pour parler de soi. Pourtant ce petit livre est né de la suggestion d’un ami, et
même d’une amicale insistance. Je me défendis avec une certaine vivacité, mais,
avec une ténacité caractéristique, la voix amicale insista : « Vous
savez, il faut vraiment ». Ce n’était pas là un argument, mais je me
soumis aussitôt. Du moment qu’il faut…
Vous voyez là la puissance d’un mot. Celui qui veut convaincre
doit se fier non pas à l’argument juste, mais au mot juste. Le son a toujours
eu plus de pouvoir que le sens. Je ne dis pas cela par manière de dénigrement. Mieux
vaut pour l’espèce humaine être impressionnable que réfléchie. Rien d’humainement
grand (par grand, j’entends qui puisse affecter un ensemble d’existences humaines)
n’est né de la réflexion. On ne peut, d’ailleurs, manquer de constater le pouvoir
de simples mots, de mots comme gloire , par exemple, ou pitié . Je
n’en veux pas citer d’autres. Point n’est besoin de les chercher bien loin. Prononcés
avec persévérance, avec ardeur, avec conviction, ces deux mots-là, rien que par
leur son, ont mis en mouvement des nations entières et soulevé l’aride et dur
terrain sur lequel repose tout notre édifice social. Il y a aussi le mot vertu
si vous voulez… Naturellement, il faut y mettre l’accent. L’accent juste. C’est
très important. La force des poumons, les cordes vocales tonnantes ou tendres. Ne
me parlez pas du levier de votre Archimède. C’était un distrait doué d’imagination
mathématique. Les mathématiques ont droit à tout mon respect, mais je n’ai
aucunement besoin de machines. Qu’on me donne le mot juste et l’accent juste et
je remuerai le monde.
Quel rêve, – pour un écrivain ! Car les mots écrits ont
eux aussi leur accent. Oui ! laissez-moi seulement trouver le mot juste. Il
doit sûrement se trouver quelque part parmi les épaves de toutes les plaintes
et de tous les enthousiasmes jaillis des cœurs humains depuis ce premier jour
où l’immortelle espérance est descendue sur la terre. Peut-être est-il là, tout
près de moi, dédaigné, invisible, à portée de la main. Mais à quoi bon ! Il
y a, paraît-il, des gens capables de trouver du premier coup une aiguille dans une
botte de foin. Quant à moi, je n’ai jamais eu pareille bonne fortune.
Et puis il y a cet accent. Autre difficulté. Car qui peut
dire si l’accent est juste ou non avant que le mot ne soit lancé sans réussir à
se faire entendre peut-être, et ne soit emporté par le vent avant d’émouvoir le
monde. Il y avait une fois un empereur qui était en même temps un sage et
quelque peu un homme de lettres. Il notait, sur des tablettes d’ivoire, des pensées,
des maximes, des réflexions que le hasard a conservées pour l’édification de la
postérité. Entre autres pensées, – je cite de mémoire, – je me rappelle ce
conseil solennel : « Que toutes tes paroles aient l’accent de la
vérité héroïque. » L’accent de la vérité héroïque ! C’est très beau, mais
je pense que c’
Une mère apprend à sa fille comment faire
Une MILF blonde qui prend deux queues
Des milfs plantureuses dans un quator

Report Page