Mon mari est enfin parti
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Mon mari est enfin parti
Moro Dominique Arlette Ursula dit :
Le deuil du conjoint nâĂ©pargne aucun aspect de lâexistence, absolument tout est bouleversĂ© aprĂšs la mort de son compagnon : de son identitĂ©, Ă son projet de vie, en passant par les finances, ou encore la sexualitĂ©.
Pour parler de lâimmense tĂąche que constitue la reconstruction aprĂšs un tel tsunami, je suis allĂ© Ă la rencontre de Marie-NoĂ«l Damas auteur de lâouvrage Phares dans la tempĂȘte du deuil .
Câest sous la forme un peu spĂ©ciale dâun article en hommage Ă son amie Jocelyne quâelle aborde les questions qui jalonnent le chemin de deuil de chaque conjoint survivant. (Les textes en italiques viennent du journal de deuil de Jocelyne. Le temps aprĂšs le dĂ©cĂšs de son mari est indiquĂ© aprĂšs les extraits)
Lorsque Yacine mâa proposĂ© dâĂ©crire un article sur le deuil du conjoint, je me suis prĂ©cipitĂ©e sur Internet pour chercher des statistiques sur le nombre de veuves et de veufs, sur la survie du conjoint, sur les maladies dĂ©clenchĂ©es suite Ă un dĂ©cĂšs, etc.
Par ce type de recherche je tentais de me rassurer sur le futur contenu de mon article.
En effet, les statistiques en appellent Ă la raison pour tenter dâapaiser les Ă©motions. Câest exactement ce que les endeuillĂ©s tentent de faire dans les premiers temps du deuil : se rassurer sur leur normalitĂ© face Ă lâintensitĂ© des Ă©motions ressenties. Mais bien que tous les deuils aient des caractĂ©ristiques communes, le deuil reste avant tout un processus individuel. Les statistiques ne reprĂ©sentent pas ces histoires si particuliĂšres et uniques que les patients viennent me raconter dans mon cabinet.
Nous entrons dÚs lors dans la premiÚre caractéristique de tout deuil : le paradoxe.
Nous voudrions nous sentir normal par rapport Ă ce que nous vivons mais nous revendiquons lâunicitĂ© de notre souffrance, son caractĂšre exceptionnel.
Nous voudrions aller mieux car la souffrance quotidienne est insupportable mais nous ne voulons pas quitter notre chagrin. Nous avons lâimpression de trahir lâautre en allant mieux.
Nous voudrions que les gens arrĂȘtent de nous solliciter Ă sortir de chez nous mais nous souffrons de solitude. Une fois dehors nous voudrions ĂȘtre dedans et vice versa.
Une partie de nous sait exactement ce qui est en train de se passer. Lâautre partie refuse dâadmettre que lâautre est mort (ou se meurt). Bien que ce dĂ©ni soit le tout dĂ©but du deuil , nous refuserons encore longtemps que ce soit arrivĂ©. Nous restons coincĂ©s entre souhaits et rĂ©alitĂ©.
Le combat entre ces deux parties de nous prend son origine dans les deux hĂ©misphĂšres de notre cerveau : lâhĂ©misphĂšre gauche, rationnel, logique, attachĂ© aux dĂ©tails et lâhĂ©misphĂšre droit, Ă©motionnel, symbolique, avec une vue globale.
Nous avons appris depuis tout petit Ă donner la prioritĂ© Ă notre logique, notre rationalitĂ©Â au dĂ©triment de nos Ă©motions. Nous croyons que les Ă©motions doivent se gĂ©rer, se contrĂŽler, voire nâavoir pas le droit dâexister.
« En fait, je me sens pleine de contradictions. Il y a comme deux personnes en moi : lâune qui pense quâil mâest dĂ©sormais impossible de faire autrement ou de revenir en arriĂšre et quâil faut aller de lâavant, coĂ»te que coĂ»te, ne serait-ce pour vivre et profiter de ces annĂ©es qui lui ont Ă©tĂ© volĂ©es, et une autre, si seule et de plus en plus dĂ©sespĂ©rĂ©e, qui craint lâoubli et la trahison, qui trouve que tout cela commence Ă ressembler Ă lâĂ©bauche dâune nouvelle vie dont elle ne veut pas entendre parler. » 14 Ăšme mois du journal de deuil â Jocelyne
Le deuil ouvre en grand la forteresse dans laquelle elles étaient enfermées. Nous sommes submergés, envahis, débordés par des vagues de chagrin, de colÚre, de culpabilité, de peur.
« La vie sans toi commence. Dans la souffrance, les larmes, la douleur, le dĂ©sespoir, le manque, le vide, lâabsence. Dans la rage aussi, la rĂ©volte, la colĂšre, le doute. Les questionnements. Je me retrouve dans la confusion la plus totale, face Ă une route que je vais devoir continuer sans toi. » 1 er mois.
Nous sommes donc dĂ©chirĂ©s en deux. Câest dâailleurs cette sensation de dĂ©chirement, dâarrachement qui brĂ»le le corps et lâesprit dans les premiers moments aprĂšs le dĂ©cĂšs. Nous avons perdu notre moitiĂ©. Câest souvent ainsi quâon qualifie le conjoint : notre moitiĂ©.
Chaque deuil est unique car il dĂ©pend de trois facteurs : la personnalitĂ© de lâendeuillĂ©, les circonstances du dĂ©cĂšs et le lien que nous avons avec le dĂ©funt. De plus, lâĂąge auquel le deuil intervient change une partie des donnĂ©es. Quel que soit le type de deuil vĂ©cu, il y aura toujours des gens pour nous donner des conseils et câest souvent difficile de garder son calme devant ces personnes qui manifestement ne comprennent rien Ă ce que nous vivons.
« Je suis dans une phase agressive. Cela ne me ressemble pas et pourtant, certaines personnes mâĂ©nervent. Peut-ĂȘtre essaient-elles de mâaider mais elles sây prennent mal. Je voudrais quâon me laisse tranquille. « EnlĂšve tes photos, câest malsain » â « Cesse dâaller au cimetiĂšre, tu ne tâen sortiras jamais » â Inscris-toi dans des clubs (!), rencontre quelquâun, ne reste pas seule » â Câest la meilleure celle-lĂ . Comme si on reprenait un homme, un compagnon comme on reprend un chien. Comme si jâavais la tĂȘte et le reste à ça. Câest nâimporte quoi. Depuis que je nâĂ©coute que moi, que je laisse parler mon cĆur, je fais de bons choix. Je sais mieux que quiconque ce qui me fait du bien ou du mal. » 3 Ăšme mois
« Je pensais que ce veuf ressentirait les mĂȘmes choses que moi, quâil traverserait les mĂȘmes Ă©preuves que moi et je mâattendais Ă le retrouver aussi dĂ©sespĂ©rĂ© que moi. Mais il a une autre façon de voir les choses et donc, de rĂ©agir. Jâai dĂ©jĂ commis la mĂȘme erreur avec dâautres personnes. Quand lâune dâelle me disait quâelle Ă©tait passĂ©e par lĂ , je me croyais en pays de connaissance. Or, ce nâest pas nĂ©cessairement le cas. Votre chagrin Ă©tonne, vos idĂ©es noires Ă©tonnent, votre apathie surprend. DâoĂč cette impression tellement tenace que je nâarrive pas Ă mâen dĂ©barrasser : je ne suis plus normale car je suis la seule Ă ressentir ce que je ressens. » 8 Ăšme mois
Bien que chaque deuil soit unique, nous pouvons retrouver des caractéristiques communes aux deuils de conjoints.
Qui sommes-nous sans lâautre ? Depuis le dĂ©but de notre relation, nous avons appris Ă nous identifier dans les yeux de lâautre. « Que tu es beau, belle ! » â « Quâest-ce que je ferais sans toi ? ». Nous avons existĂ© dans le regard de notre conjoint et soudain personne ne nous dĂ©sire plus, ne nous fait plus de compliment, ne nous manifeste plus de tendresse complice.
« Ce nâest pas ainsi que ça devait se passer. Nous Ă©tions si sereins Ă la pensĂ©e de vieillir ensemble. Voir les cheveux blanchir, le visage se rider, la peau se parcheminer et lire encore et toujours dans les yeux de lâautre lâexpression de lâamour et de la tendresse. » 11 Ăšme mois
Au niveau social, câest un changement important. Nous Ă©tions un couple officiellement, lĂ©galement ou non. Nous devenons une veuve, un veuf. Avec les peurs gĂ©nĂ©rĂ©es dans lâentourage par la rĂ©putation dâune femme seule, menace pour les couples. Des hommes, mĂȘme mariĂ©s ne se gĂȘnent pas pour faire des propositions. Les dĂ©marches administratives enfoncent le clou : il faut modifier le nom des abonnements des fournisseurs dâĂ©nergie ou dâeau. RĂ©pĂ©ter que le conjoint est dĂ©cĂ©dĂ©. Et mĂȘme si nous demandons Ă un proche dâeffectuer les dĂ©marches, lorsque le courrier arrivera, il reprĂ©sentera ce changement de statut social avec la mention « veuf, veuve » ou la suppression du nom de notre aimĂ©e(e).
Lorsque nous serons invitĂ©s par nos amis, nous serons seul(e ), parmi les couples, avec cette impression dâĂȘtre la cinquiĂšme roue de la charrette. Sans savoir oĂč se mettre Ă table.
Nous sommes nostalgiques de lâavenir que nous nâaurons pas ensemble. Autant pour lâautre qui nâaura pas la chance de vivre ce que celui qui reste vivra que pour nous-mĂȘmes, condamnĂ©s Ă un avenir sans lâautre. Un avenir que nous ne voulons pas vivre.
« Lâautre jour, jâai parlĂ© Ă Ălise. Je lui disais Ă quel point jâĂ©tais dĂ©sespĂ©rĂ©e Ă lâidĂ©e quâil ne pouvait plus profiter de rien, de le savoir privĂ© de tout ce quâil aimait. Plus respirer, plus rire, plus manger, plus voyager, plus aimĂ©. » 4 Ăšme mois
Les voyages prévus qui ne seront jamais réalisés. Ou qui seront faits avec tant de chagrin en mémoire de celui qui est parti.
« Lorsque je voyais ce que Pedro avait laissĂ© dâinachevĂ© dans son atelier, jâavais les larmes aux yeux. Son tracteur, son bateau, sa locomotive, les outils quâil aimait tellement avaient lâair dâattendre son retour ». 13 Ăšme mois
Quand notre conjoint dĂ©cĂšde, la vie quotidienne semble devenir une montagne : les femmes se retrouvent avec les problĂšmes techniques de lâentretien de la maison, les hommes avec lâorganisation mĂ©nagĂšre. Aucun des deux nâa lâhabitude de gĂ©rer cette part du quotidien, surtout si ils avaient lâhabitude de se rĂ©partir le travail. Câest peut-ĂȘtre moins difficile lorsque les conjoints partageaient les tĂąches communes.
Par exemple, il faut dĂ©cider rapidement (pensent les autres) de se dĂ©barrasser des affaires du conjoint dĂ©cĂ©dĂ© . Le peignoir et les produits de toilette Ă la salle de bain, le manteau et les chaussures dans lâentrĂ©e, les vĂȘtements dans la garde-robe. Que faire avec ces objets qui sont Ă la fois une ultime trace de celui qui est parti et le rappel douloureux de son dĂ©part ?
« Câest Ă croire que les objets sont animĂ©s dâune vie propre. Ils doivent sentir lâabsence du maĂźtre et ils me jouent des tours pendables. Pourquoi le tambour de la machine Ă laver ne tourne-t-il plus ? Pourquoi le spot qui vient de rendre lâĂąme a-t-il fait sauter les fusibles ? Et si jâavais le feu ? Et cette eau qui est apparue du jour au lendemain sur le sol de la salle de bain, dâoĂč vient-elle ? Qui va dĂ©sormais faire lâentretien de la chaudiĂšre et nettoyer les gouttiĂšres ? Le voisin mâa gentiment demandĂ© dâĂ©laguer les branches de lâĂ©norme cerisier. Comment vais-je grimer lĂ -haut. Pedro faisait tout, tout et je ne sais pas Ă qui mâadresser maintenant. » 4 Ăšme mois
Pour certains, réintégrer le lit conjugal est une épreuve de force.
Le grand lit est vide et il faut parfois du temps pour retourner dormir dans le lit conjugal. Paradoxalement, nous nous emmitouflons dans le peignoir ou le pyjama de lâautre. Et plus tard lorsque lâĂ©nergie de la vie reprendra nous ne saurons que faire de notre dĂ©sir sexuel.
« Jâai rĂ©intĂ©grĂ© notre chambre. Il mâen a fallu du courage. Les deux premiĂšres nuits, je nâai pas fermĂ© lâĆil mais je me suis obstinĂ©e et maintenant, je dors dans ce grand lit que je nâaurais jamais dĂ» quitter. Mais je reste bien sagement dans mon coin. Je me garde bien dâempiĂ©ter sur SON cĂŽtĂ©. Comme sâil allait monter Ă son tour et sâinstaller prĂšs de moi. » 8 Ăšme mois
Alors que dâautres y passent la majoritĂ© de leur temps de solitude.
Les finances peuvent devenir un vĂ©ritable problĂšme et mettre la sĂ©curitĂ© de la famille en pĂ©ril : peut-ĂȘtre va-t-il falloir vendre la maison, dĂ©mĂ©nager. Comment sâen sortir avec un seul salaire ? De ce fait, on va devoir faire le deuil dâendroits oĂč lâautre a vĂ©cu, oĂč on a Ă©tĂ© heureux.
Lorsque le deuil intervient dans un jeune couple (en dessous de 55 ans) avec des enfants Ă la maison, le parent restant est prĂ©occupĂ© par la gestion des Ă©motions des enfants en plus des siens. Souvent, les enfants vont devenir la seule raison pour lâendeuillĂ© de se lever et de continuer Ă vivre. Il va peut-ĂȘtre manquer de relation avec des adultes, coincĂ© dans lâorganisation quotidienne et la fatigue de son deuil.
Le temps va passer et la question de se rĂ©investir dans une nouvelle relation va se poser. Il est souvent compliquĂ© de se rĂ©engager Ă©motionnellement aprĂšs le dĂ©cĂšs du conjoint. Les statistiques (revenons-y) montrent que les femmes restent plus longtemps seules que les hommes. Sans doute pour sâoccuper des enfants alors que les hommes sont plus dĂ©munis face au quotidien et ont besoin dâune « maman » pour tenir le foyer. Certains hommes ont besoin de leur sexualitĂ© pour se reconnecter au flux de la vie et souffrent de cette abstinence forcĂ©e alors que câest moins important pour les femmes dans un premier temps. Les femmes, elles, sont plus en manque de tendresse et de rĂ©confort.
Le sentiment de trahir le conjoint dĂ©cĂ©dĂ© en se rĂ©engageant est trĂšs vif. Continuer Ă vivre alors que lâautre est mort gĂ©nĂšre souvent de la culpabilitĂ©, dâautant plus sâil sâagit de vivre heureux et de revivre des moments de plaisir. Dâautres questions beaucoup plus pragmatiques apparaissent aussi : comment les proches vont-ils rĂ©agir, notamment la belle-famille ? Comment prĂ©senter ce nouveau conjoint aux enfants ? Comment ne pas comparer avec celui ou celle qui est parti ?
Parfois, le nouveau compagnon, la nouvelle compagne, sâils sont rencontrĂ©s dans lâannĂ©e suivant le dĂ©cĂšs servent Ă soulager voire Ă remplacer le travail de deuil. Le deuil pourtant se fait doucement en arriĂšre-plan de la conscience et lorsquâon ira mieux, on se rendra compte que lâattachement nâest pas aussi important que ce quâon croyait au dĂ©part. Le nouveau conjoint, lui, a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© satisfait par son rĂŽle de soignant et lorsque lâautre va mieux, le sens de la relation est parfois remis en question et doit ĂȘtre revu. Ou bien, comprĂ©hensif dans un premier temps, le nouveau conjoint peut commencer Ă se lasser de ce deuil qui sâĂ©ternise et met fin Ă la relation, replongeant lâendeuillĂ© dans la mĂ©moire douloureuse de la perte, Ă lâendroit mĂȘme oĂč il avait cru enterrer sa souffrance.
« Une de mes connaissances a trouvĂ© la solution Ă tous mes maux : reprendre quelquâun. Cela devient une obsession, ma parole. Mais vous ne comprenez rien ! Jâai vĂ©cu 37 ans sous un soleil gĂ©nĂ©reux, le seul soleil qui ne brĂ»le pas, nâaveugle pas, ne file pas le cancer mais qui me galvanisait, faisait de moi un ĂȘtre on ne peut plus vivant. Aux cĂŽtĂ©s de mon homme, jâai connu la plus belle chose qui soit au monde : aimer et ĂȘtre aimĂ©e, en investissant tout ce que lâon a, tout ce que lâon est, dans une relation tellement intense que lâon se rend compte au fil du temps quâelle restera unique. Et on voudrait que je me contente maintenant dâune lampe Ă bronzer ? Câest quoi ce dĂ©lire ? » 11 Ăšme mois
« Aimer comme je lâaime ne vous est offert quâune fois. La semaine derniĂšre, quelquâun mâa demandĂ© que lâon se voie. Il a perdu sa compagne il y a six mois et se verrait bien continuer la route en ma compagnie. Pas moi. Mes visions ne sont pas de cet ordre-lĂ . Comme dâhabitude, la rĂ©ponse a Ă©tĂ© sans Ă©quivoque, jâaime les choses claires, cela Ă©vite bien des malentendus. Pourquoi irais-je mâencombrer dâun bonhomme alors que le souvenir de Pedro commence Ă me tenir le cĆur plus au chaud ? Au moment oĂč jâarrive peu Ă peu Ă lâaccueillir en moi, Ă le retrouver dâune autre façon que par les larmes ou la dĂ©tresse ? » 19 Ăšme mois
Le deuil du conjoint est à la fois semblable et différent des autres types de deuils. Néanmoins, ce sont des humains qui le vivent et activent le fond commun de notre humanité. Les émotions sont semblables bien que les circonstances qui les provoquent soient différentes. Elles embarquent notre raison dans des montagnes russes terrifiantes auxquelles nous pensons ne pas pouvoir survivre.
Pourtant, il existe des solutions pour les rĂ©Ă©quilibrer mĂȘme momentanĂ©ment, histoire de prendre un peu de repos avant de reprendre notre souffle.
Voici pour apaiser votre cerveau gauche, une image globale du parcours du deuil, quel quâil soit.
Le jour oĂč vous apprenez la mort de celui ou celle que vous aimez, câest comme si vous Ă©tiez prĂ©cipitĂ© dâune falaise dans la mer. Une haute falaise, avec une petite plage inaccessible Ă ses pieds. La mer est violente mĂȘme par beau temps. La mer de vos Ă©motions.
Votre premier rĂ©flexe, un geste de survie, est de nager tant que vous pouvez vers le rivage, Ă contre-courant, malgrĂ© la force des vagues, jour et nuit⊠pour ne pas sombrer, ne pas ĂȘtre emportĂ© au large.
Voici plusieurs mois maintenant que vous nagez, espĂ©rant toujours pouvoir rejoindre la plage, la falaise de votre passĂ©. Une petite voix en vous commence Ă perdre lâespoir. Vous ĂȘtes fatiguĂ© de lutter contre ces courants violents. Vous ĂȘtes seul au milieu de la tempĂȘte. Et le rivage sâĂ©loigne petit-Ă -petit. Vous ĂȘtes impuissant devant la force de la vie. MalgrĂ© vous, elle vous emporte. Vous devez quitter des yeux lâimage de votre bonheur passĂ©, de votre vie « dâavant ».
Il nây a rien Ă faire, vous ĂȘtes emportĂ©, Ă©puisĂ© par cette lutte.
Vous lĂąchez prise contraint et forcĂ©. ObligĂ© malgrĂ© vous de laisser sâĂ©loigner le territoire du passĂ©. Pour aller oĂč ? Vers quelle nouvelle terre invisible et peut-ĂȘtre inexistante ? Les jours semblent des semaines, les semaines des mois et les mois des annĂ©es. Pourtant, câĂ©tait hier. Le jour oĂč vous ĂȘtes tombĂ© dans la mer. Votre continent vous manque tant. Il a disparu Ă lâhorizon. Vous en rĂȘvez parfois encore.
Un jour, un rocher Ă©merge devant vous. Un tout petit rocher. Vous y grimpez. Il nây a pas encore beaucoup de vie mais vous pouvez vous y poser quelques instants. Les vagues vous obligent Ă quitter votre point de repos. Jusquâau prochain rocher, un peu plus grand. La mer vous emporte chaque fois un peu plus loin de votre passĂ©. Un matin, debout sur le dernier rocher, il vous semble apercevoir un Ăźlot.
Câest bien un petit bout dâĂźle, câest le dĂ©but dâun archipel, câest la pointe dâun nouveau continent.
Un continent inconnu, qui accueille un naufragé, un inconnu. En chemin vous avez perdu des certitudes, de la confiance, des amis. Vous avez trouvé une certaine philosophie, un autre ordre du monde, fragiles.
Enfin, vous arrivez sur une plage et vous recommencez Ă vivre.
Jâaimerais finir par un extrait du journal de Jocelyne, 20 mois aprĂšs la mort de son mari.
« Je commence Ă me rendre compte que ce passĂ© dans lequel je mâefforçais de vivre doit, au contraire, ouvrir la voie de mon avenir. Depuis peu, je me sens pleine de tout ce que jâai vĂ©cu. Loin dâĂȘtre une entrave ou une source de regrets, cela me donne une force incroyable et me pousse Ă avancer encore et encore.
DâoĂč me vient, Ă certains moments, cette paix que je nâattendais plus ? Cette sensation dâĂȘtre en osmose avec moi-mĂȘme ; cette assurance qui mâhabite face Ă mon quotidien solitaire et non dĂ©nuĂ© de soucis ? Cette distance bienfaisante que je suis capable de prendre vis Ă vis de tous les polluants de lâesprit ? Quâest-ce qui me motive et me change Ă ce point, sinon cette certitude ancrĂ©e en moi que nul ne pourra jamais me reprendre ce qui fut et que je pourrai, autant et quand je le voudrai, puiser dans ce trĂ©sor pour aller plus loin encore ?
Faire Ă©tape sur mon Ăźle et repartir dâun cĆur plus lĂ©ger. Jâai parfois lâimpression dâĂȘtre intĂ©rieurement intouchable, forte que je suis de tout ce qui mâhabite aujourdâhui.
Je porte dĂ©sormais mon homme comme jadis jâai portĂ© notre enfant. Pourtant câest de moi que la vie fait un ĂȘtre en devenir. Et si accouchement il y a, ce sera de ce que je suis vraiment.
Jâai cessĂ© de faire les choses comme il les aurait faites, de me demander si ce serait son choix, sâil aurait approuvĂ© mes dĂ©cisions ou ce quâil penserait de ceci ou de cela. Câest de ma vie quâil sâagit et pour la premiĂšre fois, je ne dois tenir compte que de moi. Tout est Ă construire et Ă entreprendre selon ce que je suis. » â 20 Ăšme mois
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Bonjour,
je pourrais choquer tout le monde car câest un soulagement que mon mari ( un Ă©rotomane, Ă©gocentrique et manipulateur, trĂšs gentil, et que tout le monde admiraitâŠetc⊠)âŠ
mais non , ca ne se passe
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