Les yeux grands ouverts
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Les yeux grands ouverts
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Bienvenue aux Curieux et Curieuses de Voyages
E nvie de suivre des aventures, voici un petit havre de bonheur partagĂ©. A vĂ©lo, vous pourrez dĂ©couvrir lâaventure au fil de lâeau et au fil du temps par les
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J-19: Fin heureuse Nous avons convenu de tous nous arrĂȘter Ă Avignon. Nous profitons donc de nos derniĂšres heures de plein air, de libertĂ©, cheveux au vent. Nous restons assez silencieux, chacun se remĂ©morant les paysages traversĂ©s et les rencontres et partages.La ViaRhĂŽna est illĂ©gale, parfois inexistante. Nous dĂ©passons Mondragon et Caderousse par la nouvelle⊠Lire la Suite â
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by Laure Schortgen
19/01/2019
0 comment
Lâhumour fĂ©minin : malaise, friendzone et sexisme intĂ©grĂ©
Ăvolution des normes amoureuses dans les films dâĂric Rohmer
Ce blog nâaura pas la prĂ©tention dâĂȘtre autre chose quâune plateforme de rĂ©flexion libre.
« Au
dĂ©but jâĂ©tais contre. Je me disais : « Quâest-ce que câest que ces
bonnes femmes qui viennent lĂ et qui essayent de remplacer les
gynĂ©cosâŠÂ ». Mais quand je vous ai vu Ă lâĆuvre, alors là ⊠jâai changĂ©
dâavis. »
           Film historique ou relique, le documentaire Regarde, elle a les yeux grands ouverts de Yann Le Masson sortit en 1982 et rĂ©alisĂ© avec le MLAC [ 1] dâAix-en-Provence
se regarde aujourdâhui encore comme un prĂ©cieux aide-mĂ©moire. Il
rappelle que chaque combat nâest jamais rĂ©ellement remportĂ©, que tout
acquis doit ĂȘtre sans cesse revisitĂ© et questionnĂ©.Â
          Â
Pendant presque 7 ans, de 1975 à 1982, Yann Le Masson, accompagné de
nombreux autres techniciens, filme de lâintĂ©rieur la vie et les
activitĂ©s du MLAC dâAix-en-Provence. Ce groupe de femmes se rĂ©unit pour Ă©changer sur leurs corps, sur leurs dĂ©sirs et pour envisager de vivre autrement leurs Ă©vĂ©nements dâaccouchement et dâavortement.
Le film commence 9 mois aprĂšs lâadoption de la Loi Veil, qui dĂ©pĂ©nalise
et encadre pour la premiĂšre fois lâavortement en France. Les MLAC
se dissolvent alors peu Ă peu. Pourtant, celui dâAix perdure. En effet,
la particularité de ce groupe réside dans leurs pratiques qui dépassent
leur revendication initiale. Si lors des avortements et accouchements,
un médecin assiste les femmes du MLAC ,
ce sont elles qui mĂšnent nĂ©anmoins lâintervention. Cette autonomie se
place au centre de leur lutte : assister, apprendre, transmettre mais
surtout agir pour soi-mĂȘme et pour les autres. Câest ce qui leur vaudra,
pour six dâentre elles, dâĂȘtre inculpĂ©es puis jugĂ©es dans le procĂšs
dâAix le 10 mars 1977[2].
A cette occasion, Yann Le Masson filme longuement lâambiance
extraordinaire qui rĂšgne Ă lâextĂ©rieur du tribunal : une alliance
joyeuse dâhommes et de femmes venus crier et chanter leur soutien aux « filles du MLAC ».
          Â
Cette notion de préoccupation collective est ce qui transparaßt en
premier dans lâĆuvre. Si le film se concentre sur le combat des femmes
du groupe, les hommes sont aussi présents et impliqués dans les
discussions qui parcourent le documentaire. Au delĂ du propos, pas moins
de « cinq groupes dâhommes et de femmes ont conçu et rĂ©alisĂ© le film Ă des degrĂ©s divers [ 3] ». Le film alterne des sĂ©quences prises sur le vif des interventions du MLAC
avec des scÚnes parfois reconstituées, souvent relatives au procÚs
dâAix. Il dĂ©voile aussi le quotidien de ces femmes qui tentent de faire
coĂŻncider, parfois difficilement, leur espace domestique et leur espace
de lutte.
          Â
Lors de lâune des nombreuses discussions de groupe, une femme raconte
comment trÚs jeune, elle vécut un premier avortement aussi douloureux
que destructeur. AprĂšs lâintervention, pour la punir et lui faire « comprendre » ses actes, elle est enfermĂ©e toute la nuit avec le fĆtus. Elle explique comment, dĂ©s son arrivĂ© au MLAC , elle a pu enfin « regarder en face » lâacte dâavorter et dâen prendre conscience. Un peu plus tĂŽt dans le film, Fabienne et Nadine arrivent au MLAC
pour se faire avorter. Les femmes du groupe les interrogent sur leurs
moyens de contraception. Leurs rĂ©ponses surprennent autant quâelles
révÚlent une distance que la femme peut prendre au regard de son propre
corps. Quand Fabienne se dĂ©crit extĂ©rieure à son corps « je pensais ĂȘtre stĂ©rile », Nadine dit quâelle ne parvenait pas Ă avaler cette pilule qui lui Ă©tait pourtant prescrite, sans pouvoir se lâexpliquer : « Jâaimerais mieux comprendre », annonce t-elle.
          Â
Les explications quâon leur donne, notamment sur le processus
dâavortement, sont simples et dĂ©taillĂ©es, attestant dâune connaissance
sur lâanatomie fĂ©minine bien trop mĂ©connue des femmes elles-mĂȘmes.
Surtout, câest la mise Ă contribution de la femme pendant lâintervention
sur son propre corps qui interpelle. Nadine introduit le spéculum,
dĂ©couvre son col de lâutĂ©rus, ralentit le processus quand la douleur est
trop vive. En se regardant dans le miroir posé entre ses jambes, elle
se voit pour la premiĂšre fois non seulement en face, mais en profondeur.
Autour dâelle, câest un chĆur de femmes qui lâaccompagne : des
indications, des gestes de bienveillance, de précision aussi dans les
mots tout comme dans les mouvements. La question du regard se révÚle
alors ĂȘtre au centre de la mise en scĂšne mais aussi du propos :
regarder, câest dĂ©jĂ comprendre. Regarder le corps des autres, câest
regarder son propre corps, câest lâĂ©duquer, le questionner pour au
final, en reprendre possession.
« Prendre trop de plaisir câest aussi trop comprendre quâon a un corps et lâassumer »
          Â
Une séquence capitale vient couper le film en son milieu, permettant au
spectateur de reprendre du recul sur le contexte et surtout sur le
dĂ©placement historique de la lutte. Assises en cercle dans un jardin, Ă
lâombre dâun soleil brĂ»lant, les femmes du MLAC se concertent Ă tour de rĂŽle sur lâavenir de leur mobilisation et tentent de rĂ©pondre Ă cette question qui parcours le film : « Faut-il continuer ? ».
Certaines femmes veulent arrĂȘter les permanences pour reprendre une
pleine place dans leur foyer quand dâautres pensent que le combat
continue mais quâil vaut mieux faire valider leur pratique dans les
institutions médicales reconnues. Certaines expriment leurs
interrogations, voire leur mĂ©fiance quand aux rĂ©els acquis suite Ă
lâadoption de la Loi Veil. Elles dĂ©noncent un accompagnement balbutiant
pour ne pas dire inexistant dont rĂ©sulte encore et toujours lâisolement
des femmes. Lâune dâelle clame avec force : « Un
avortement, câest quelque chose de dur mais câest tout sauf ĂȘtre
malade. De voir une femme dans cet Ă©tat, assise dans une chaise roulante
avec une petite chemise, Ă attendre complĂštement seule dans un
couloir⊠Je vois pas ce que lâon a gagnĂ© lĂ -dedans, toutes ! ».
Un triste constat qui en devient mĂȘme inquiĂ©tant quand il rĂ©sonne
encore avec certains témoignages presque quarante ans plus tard.
           A lâaune du retour de dĂ©bats que lâon pensait dĂ©passĂ©Â sur le corps des femmes et leur libertĂ© Ă en disposer, Regarde, elle a les yeux grands ouverts
nous rappelle avec autant de douceur que de fureur les petites
histoires dâune lutte qui perdure entre encore aujourdâhui. Le film joue
un rĂŽle salvateur pour toute construction dâune rĂ©flexion sur le droit Ă
lâavortement, mais aussi de lâaccouchement Ă domicile, qui bien que
trÚs encadré et maßtrisé, reste encore souvent méprisé et considéré
comme exagéré, rétrograde ou encore une lubie de certaines classes
privilĂ©giĂ©es. Il faut comprendre que le cĆur des revendications de ces
femmes ne rĂ©side pas tant dans lâappropriation de pratiques relevant de
la mĂ©decine lĂ©gale mais avant tout dâune pleine rĂ©appropriation de son
corps, qui commencerait par la transmission et qui sâincarnerait Ă terme
dans une confiance active en celui-ci.
          Â
Le film se termine comme il a commencé, par une mise au monde. Nicole,
la force vive du groupe, accouche chez elle entourée de tous ses
proches. Il est filmé comme un événement intime mais pourtant toujours
collectif. Lâattente est tranquille, les enfants dĂ©jeunent dans la
cuisine et plaisantent avec les amis des parents. Dans la piĂšce
principale de la maison, Nicole dirige son accouchement comme elle
lâentend : tantĂŽt concentrĂ©e ou relĂąchĂ©e, changeant de position,
maĂźtrisant son souffle quand les autres le retienne, mobilisant ceux qui
lâentourent pour lâaider aux diffĂ©rentes Ă©tapes.
          Â
Ce nâest pas tant un idĂ©al dâaccouchement qui transparaĂźt dans cette
ultime scĂšne, mais plutĂŽt une dĂ©monstration que lâaccouchement est une
expĂ©rience oĂč câest bien la femme, seule, qui exalte toute sa force au
monde. Â
[1]    Mouvement pour la libertĂ© de lâavortement et de la contraception.
[2]Â Â Â Â Elles
sont accusées de pratique illégale de la médecine et de tentative
dâavortement sur une mineure de 17 ans, sans le consentement de ses
parents. Voir lâarticle de Paul Choveron « Jugement modĂ©rĂ© pour les six militantes du MLAC accusĂ©es dâinfraction Ă la loi Veil » paru le 12 mars 1975 dans le journal Le Monde.
[3]    Propos issus du générique de fin.
Charlotte BienaimĂ©, lâĂ©pisode « Nos corps, nos choix » de lâĂ©mission Grande traversĂ©e : Womenâs power, les nouveaux fĂ©minismes, France Culture, 2016
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