Les machines nous remplaceront
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Les machines nous remplaceront
Câest le titre traduit dâun excellent article de la MIT Technology Review que lâon trouve en ligne: Will Machines Eliminate Us? Jâen fournis ici une traduction tant je trouve quâil vient contrebalancer lâavalanche de promesses et dâexubĂ©rance mĂ©diatiques et scientifiquesâŠ
par Will Knight â le 29 janvier 2016
Yoshua Bengio dirige lâun des groupes de recherche les plus avancĂ©s dans un domaine de lâintelligence artificielle (AI) en fort dĂ©veloppement et connu sous le nom dâapprentissage profond ou « deep learning » (voir fr.wikipedia.org/wiki/Deep_learning ). Les capacitĂ©s surprenantes que le deep learning a donnĂ©es aux ordinateurs au cours des derniĂšres annĂ©es, de la reconnaissance vocale de qualitĂ© humaine Ă la classification des images jusque des compĂ©tences de conversation de base, ont gĂ©nĂ©rĂ© des avertissements menaçants quant au progrĂšs que lâAI fait vers lâintelligence humaine, au risque peut-ĂȘtre de mĂȘme de la dĂ©passer. Des personnalitĂ©s comme Stephen Hawking et Elon Musk ont mĂȘme averti que lâintelligence artificielle pourrait constituer une menace existentielle pour lâhumanitĂ©. Musk et dâautres investissent des millions de dollars dans la recherche sur les dangers potentiels de lâAI, ainsi que sur les solutions possibles. Mais les dĂ©clarations les plus sinistres semblent exagĂ©rĂ©es pour nombre de gens qui sont en fait directement impliquĂ©es dans le dĂ©veloppement de la technologie. Bengio, professeur de sciences informatiques Ă lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, met les choses en perspective dans un entretien avec le rĂ©dacteur en chef de la MIT Technology Review pour lâAI et la robotique, Will Knight.
Faut-il se soucier de la rapiditĂ© des progrĂšs de lâintelligence artificielle ?
Il y a des gens qui surestiment grossiĂšrement les progrĂšs qui ont Ă©tĂ© accomplis. Il y a eu beaucoup, beaucoup dâannĂ©es de petits progrĂšs derriĂšre un grand nombre de ces choses, y compris des choses banales comme plus de donnĂ©es et plus de puissance de lâordinateur. Le battage mĂ©diatique nâest pas de savoir si les choses que nous faisons sont utiles ou pas â elles le sont. Mais les gens sous-estiment combien la science doit encore faire de progrĂšs. Et il est difficile de sĂ©parer le battage mĂ©diatique de la rĂ©alitĂ© parce que nous voyons toutes ces choses Ă©patantes qui, Ă premiĂšre vue, ont lâair magiques.
Y a t-il un risque que les chercheurs en AI « libérent le démon» accidentellement, comme Musk le dit ?
Ce nâest pas comme si quelquâun avait tout Ă coup trouvĂ© une recette magique. Les choses sont beaucoup plus compliquĂ©es que lâhistoire simple que certaines personnes aimeraient raconter. Les journalistes aimeraient parfois raconter que quelquâun dans son garage a eu cette idĂ©e remarquable, et puis quâune percĂ©e a eu lieu, et tout Ă coup nous aurions lâintelligence artificielle. De mĂȘme, les entreprises veulent nous faire croire Ă une jolie histoire : « Oh, nous avons cette technologie rĂ©volutionnaire qui va changer le monde â lâAI est presque lĂ , et nous sommes lâentreprise qui va la fournir. » Ce nâest pas du tout commet cela que les choses fonctionnent.
Quâen est-il de lâidĂ©e, au centre de ces prĂ©occupations, que lâAI pourrait en quelque sorte commencer Ă sâamĂ©liorer dâelle-mĂȘme et alors devenir difficile Ă contrĂŽler?
Ce nâest pas comme cela que lâAI est conçue aujourdâhui. Lâapprentissage automatique ou « machine learning » (voir fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage_automatique ) est un processus lent et laborieux dâacquisition dâinformation Ă travers des millions dâexemples. Une machine sâamĂ©liore, oui, mais trĂšs, trĂšs lentement, et de maniĂšre trĂšs spĂ©cialisĂ©e. Et les algorithmes que nous utilisons ne ressemblent en rien Ă des virus qui sâauto-reproduiraient. Ce nâest pas ce que nous faisons.
Quels sont quelques-uns les grands problĂšmes non rĂ©solus de lâAI?
Lâapprentissage non supervisĂ© est vraiment, vraiment important. En ce moment, la façon dont nous enseignons aux machines Ă ĂȘtre intelligentes est que nous devons dire Ă lâordinateur ce quâest une image, mĂȘme au niveau du pixel. Pour la conduite autonome, lâhomme Ă©tiquette des quantitĂ©s gigantesques dâimages de voitures pour montrer quelles parties sont des piĂ©tons ou des routes. Ce nâest pas du tout comme cela que les humains apprennent, et ce nâest pas comme cela que les animaux apprennent. Il nous manque quelque chose de fondamental. Câest lâune des choses les plus importantes que nous faisons dans mon laboratoire, mais il nây a pas dâapplication Ă court terme â cela ne va probablement pas ĂȘtre utile pour construire un produit demain. Un autre grand dĂ©fi est la comprĂ©hension du langage naturel. Nous avons fait des progrĂšs assez rapides au cours des derniĂšres annĂ©es, câest donc trĂšs encourageant. Mais ce nâest toujours pas au niveau oĂč nous pourrions dire que la machine comprend. Ce serait vrai si nous pouvions faire lire un paragraphe Ă la machine, puis lui poser une question Ă ce sujet, et la machine rĂ©pondrait dâune maniĂšre raisonnable, comme le ferait un humain. Nous sommes encore loin de cela.
Quelles approches au-delĂ de lâapprentissage profond seront nĂ©cessaires pour crĂ©er une vĂ©ritable intelligence de la machine ?
Les efforts traditionnels, y compris le raisonnement et la logique â nous avons besoin de marier ces choses avec lâapprentissage profond afin dâavancer vers lâAI. Je suis lâune des rares personnes qui pensent que les spĂ©cialistes de lâapprentissage automatique, et en particulier les spĂ©cialistes de lâapprentissage profond, devraient accorder plus dâattention aux neurosciences. Les cerveaux fonctionnent, et nous ne savons toujours pas pourquoi Ă bien des Ă©gards. LâamĂ©lioration de cette comprĂ©hension a un grand potentiel pour aider la recherche en AI. Et je pense que les gens en neurosciences gagneraient beaucoup Ă sâintĂ©resser Ă ce que nous faisons et Ă essayer dâadapter ce quâils observent du cerveau avec les types de concepts que nous dĂ©veloppons en apprentissage automatique.
Avez-vous jamais pensĂ© que vous auriez Ă expliquer aux gens que lâAI nâest pas sur le point de conquĂ©rir le monde? Cela doit ĂȘtre Ă©trange.
Câest en effet une prĂ©occupation nouvelle. Pendant de nombreuses annĂ©es, lâAI a Ă©tĂ© une dĂ©ception. En tant que chercheurs, nous nous battons pour rendre la machine un peu plus intelligente, mais elles sont toujours aussi stupides. Je pensais que nous ne devrions pas appeler ce domaine celui de lâintelligence artificielle, mais celui de la stupiditĂ© artificielle. Vraiment, nos machines sont idiotes, et nous essayons juste de les rendre moins idiotes. Maintenant, Ă cause de ces progrĂšs que les gens peuvent voir avec des dĂ©mos, nous pouvons maintenant dire: « Oh, ça alors, elle peut effectivement dire des choses en anglais, elle peut comprendre le contenu dâune image. » Eh bien, maintenant que nous connectons ces choses avec toute la science-fiction que nous avons vue, cela devient, « Oh, jâai peur! »
Dâaccord, mais câest tout de mĂȘme important de penser dĂšs maintenant aux consĂ©quences Ă©ventuelles de lâAI.
Absolument. Nous devons parler de ces choses. La chose qui me rend le plus inquiet, dans un avenir prĂ©visible, ce nâest pas que des ordinateurs prennent le pouvoir dans le monde entier. Je suis plus prĂ©occupĂ© par une mauvaise utilisation de lâAI. Des choses comme de mauvaises utilisations militaires, la manipulation des gens par le biais de publicitĂ©s vraiment intelligentes; aussi, lâimpact social, comme beaucoup de gens perdant leur emploi. La sociĂ©tĂ© a besoin de se rĂ©unir et de trouver une rĂ©ponse collective, et ne pas laisser la loi de la jungle arranger les choses.
Will Knight est le rĂ©dacteur en chef pour lâAI de la MIT Technology Review. Il couvre principalement lâintelligence des machines, les robots, et lâautomatisation, mais il est intĂ©ressĂ© par la plupart des aspects de lâinformatique. Il a grandi dans le sud de Londres, et a Ă©crit sa premiĂšre ligne de code sur un puissant Sinclair ZX Spectrum. Avant de rejoindre cette publication, il travaillait comme Ă©diteur en ligne au magazine New Scientist. Si vous souhaitez entrer en contact, envoyer un e-mail Ă will.knight@technologyreview.com .
CrĂ©dit â Illustration par Kristina Collantes
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Les robots ont été dans les océans les plus profonds et ils sont allés sur Mars.
Ils ont été dans tous ces endroits, mais ils commencent tout juste à entrer dans votre salon.
Pour les robots, votre salon est la derniĂšre frontiĂšre.
Adolescent, je dĂ©vorais les romans de science-fiction dâIsaac Asimov qui montraient Ă quoi pourrait ressembler le futur une fois que lâhumanitĂ© se mettrait Ă crĂ©er des machines Ă son image. Ce qui me troublait le plus dans ces lectures Ă©tait que les robots mâapprenaient plus sur les humains que les humains eux-mĂȘmes. Comme si nous avions toujours besoin de nous confronter au non-humain pour parvenir Ă nous comprendre.
Aujourdâhui, jâai lâimpression de vivre Ă lâintĂ©rieur dâun de ses romans. Nous vivons en effet le moment prĂ©cis oĂč le monde dĂ©crit par Asimov est en train de devenir rĂ©alitĂ©Â :
Terry Gou, le prĂ©sident de FoxConn, ironise ainsi sur le fait que le lorsquâil aura enfin remplacĂ© les enfants qui travaillent dans ses usines par des robots, on cessera de lâaccuser dâesclavagisme et les occidentaux Ă©quipĂ©s dâiPhone pourront enfin dormir du sommeil du juste. Il ne prĂ©cise pas, cependant, quelle est son opinion sur le devenir du million de personnes quâil envisage de licencier.
Ces signaux Ă©conomiques Ă©mergents montrent en tous cas que, pour la premiĂšre fois dans lâhistoire de lâhumanitĂ©, les machines deviennent si complexes et intelligentes quâelles sont susceptibles de se substituer Ă une large Ă©chelle au travail fourni par les ĂȘtres humains, y compris pour accomplir des tĂąches spĂ©cialisĂ©es.
Cette rĂ©volution va avoir un impact sans prĂ©cĂ©dent sur le monde travail. Selon les Ă©tudes les plus rĂ©centes de lâOCDE et de France StratĂ©gie (2016), jusquâĂ 20% des emplois sont appelĂ©s Ă disparaĂźtre dâici 2025. Autant de nouveaux mĂ©tiers vont apparaĂźtre alors quâil nâexistera aucune formation initiale correspondante. Quant aux mĂ©tiers qui vont continuer Ă exister, ils vont se restructurer entiĂšrement pour faire appel Ă de nouveaux types de compĂ©tences.
Les machines, en effet, ne dorment jamais, ne se plaignent jamais et nâont pas de problĂšmes existentiels qui affectent leurs performances. Sauf si, bien sĂ»r, une machine dotĂ©e de conscience finissait par apparaĂźtre, auquel cas les machines pourraient rĂ©clamer des congĂ©s afin de se consacrer Ă des choses vĂ©ritablement utiles, comme calculer Pi jusquâĂ un quintillion de dĂ©cimales, ou encore se dĂ©barrasser de lâhumanitĂ©Â !
Reste que cette mécanisation massive de la force de production économique soulÚve, auprÚs du grand public, des interrogations, pour ne pas dire des angoisses.
Exposons tout de suite le scĂ©nario nĂ©gatif : une sociĂ©tĂ© oĂč les machines prennent le travail des gens, provoquant un chĂŽmage de masse et un accroissement exponentiel des inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques et sociales. En rĂ©ponse, les dĂ©mocraties Ă©voluent en Etats policiers oĂč les robots sont utilisĂ©s pour assurer lâordre et juguler le mĂ©contentement populaire. Sans parler des technologies qui permettent dâamĂ©liorer les ĂȘtres humains et qui provoquent une scission sociale sans prĂ©cĂ©dent entre les « normaux » et les « augmentĂ©s »âŠ
Il est difficile de trouver un homme compĂ©tent qui ne cherche pas Ă travailler le moins possible tout en cherchant Ă convaincre son employeur quâil fait le maximum. (âŠ)
Dans le passĂ©, lâhomme venait en premier. A prĂ©sent, câest le systĂšme qui doit venir en premier.
Quand nous sommes en face de lâinconnu, une part de nous est toujours tentĂ©e de sâaccrocher au passĂ©. Une façon de reproduire le passĂ© est de projeter une vision nĂ©gative du changement, ce qui nous entretient dans la nostalgie et attĂ©nue la violence du systĂšme dans lequel nous vivons.
Pour ma part, je vois dans le bouleversement en cours la possibilitĂ© que les machines, paradoxalement, nous rendent enfin notre propre humanitĂ©, jusquâici largement confisquĂ©e par lâidĂ©ologie matĂ©rialiste et scientiste qui a dominĂ© toute lâĂšre moderne.
Lâorganisation actuelle est nĂ©e avec la rĂ©volution industrielle. Elle a cherchĂ© Ă reproduire le plus fidĂšlement possible le modĂšle de la machine, instrumentalisant les ĂȘtres humains pour quâils fonctionnent comme des rouages bien huilĂ©s destinĂ©s Ă accomplir une tĂąche spĂ©cialisĂ©e. Le taylorisme, tout en apportant lâefficacitĂ© de la mĂ©thode scientifique Ă lâentreprise, a aussi enfermĂ© les ĂȘtres humains dans un carcan de contraintes, de mĂ©fiance et de contrĂŽle.
Cette mĂ©canisation des organisations est allĂ©e de pair avec la financiarisation Ă outrance de lâĂ©conomie, jusquâau point oĂč nous avons fini par considĂ©rer que les ĂȘtres humains Ă©taient des actifs de lâentreprise mobilisables au mĂȘme titre que lâargent, et gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©s comme bien moins importants que ce dernier. Câest ainsi que lâon parle des ressources humaines au mĂȘme titre que les ressources financiĂšres ou immobiliĂšres.
Mais plus profondĂ©ment encore que cela, ce qui aura fait la singularitĂ© de lâĂ©poque moderne est quâelle reprĂ©sente le seul moment de lâhistoire oĂč lâhomme sâest cru totalement affranchi de la nature, au point de sâen rendre maĂźtre et de la plier complĂštement Ă sa volontĂ©.
A ce stade, un petit dĂ©tour par lâhistoire de la philosophie peut se rĂ©vĂ©ler Ă©clairant. Du 16 Ăšme au 18 Ăšme siĂšcle, le programme original de la science moderne est dĂ©fini par les penseurs de la Renaissance puis par les philosophes des LumiĂšres. Il porte principalement sur lâobjet . A travers une lecture mĂ©caniste des phĂ©nomĂšnes, il sâagit de comprendre â et donc de maĂźtriser â ce qui se passe dans le monde naturel. Lâesprit humain, de par son caractĂšre transcendant, est donc exclu de ce champ.
Cette ligne de dĂ©marcation permet de mettre en parallĂšle le processus de mĂ©canisation de la nature et lâaccroissement du bien-ĂȘtre et de la libertĂ© humaine, selon lâĂ©quation suivante : plus la maĂźtrise des forces techniques permet Ă lâhumanitĂ© de remodeler son environnement Ă sa guise, et plus son bonheur augmente.
Or, si lâon rejoue Ă grande vitesse le film de ces derniers siĂšcles, il devient vite Ă©vident quâen rĂ©alitĂ©, lâaccroissement de notre puissance technique a abouti Ă lâeffet inverse : plus notre maĂźtrise technique a gagnĂ© en ampleur, et plus nous avons perdu jusquâĂ la capacitĂ© Ă ĂȘtre heureux. A place du schĂ©ma bien ordonnĂ© du dĂ©part oĂč la science devait libĂ©rer lâhumanitĂ©, sâest substituĂ©e une rĂ©alitĂ© oĂč tout a semblĂ© se confondre : la frontiĂšre entre homme et machine, en particulier, nâa pas arrĂȘtĂ© de se redĂ©finir, chaque nouvelle dĂ©couverte tendant un peu plus Ă appliquer Ă lâesprit humain la grille rĂ©ductionniste qui devait ĂȘtre rĂ©servĂ©e Ă lâobjet.
Ainsi, ce sont dâabord les Ă©toiles qui se sont transformĂ©es en machines, puis les Ă©lĂ©ments naturels, puis les plantes, puis les animaux, puis le corps de lâhomme, puis son cerveau, puis â enfin â son Ăąme elle-mĂȘme. Cette sĂ©rie de concessions sâest alors fort logiquement achevĂ©e au moment oĂč nous nous sommes mis Ă considĂ©rer que lâĂȘtre humain Ă©tait lui aussi un simple produit de forces aveugles, et quâen agissant sur elles, il devait ĂȘtre possible de le dĂ©composer, de le rĂ©former et de lâamĂ©liorer au mĂȘme titre que le reste de la nature.
Le transhumanisme est la derniĂšre Ă©tape logique de ce processus de rĂ©ification. Il consiste Ă pousser jusquâau bout la logique de contrĂŽle en pliant une nature perçue comme irrationnelle et dĂ©ficiente (notamment puisquâelle nous force Ă mourir) afin « dâaugmenter » de toutes les façons possibles notre corps, voire de nous affranchir ainsi de la mort elle-mĂȘme.
Or, plus la puissance de lâhomme sur la nature a augmentĂ©, et plus son impuissance interne Ă elle aussi augmentĂ©, ce qui interroge le sens profond de cette quĂȘte dâimmortalitĂ©.
Et sâil valait mieux vivre une existence courte mais riche dâamour, dâamitiĂ© et dâapprentissages quâune existence trĂšs longue et vide de sens ? Et si la mort nâĂ©tait pas forcĂ©ment un nĂ©ant, mais un mystĂšre qui donne sa profondeur Ă la vie ?
La tĂąche principale de lâhomme dans la vie est de se donner naissance Ă lui-mĂȘme, de devenir ce quâil est potentiellement. Le produit le plus important de son effort est sa propre personnalitĂ©.
VoilĂ pourquoi je ne dĂ©fends pas le monde du travail actuel « contre » lâarrivĂ©e des machines. Le problĂšme auquel nous devons rĂ©pondre, ce nâest pas que les machines vont remplacer le travail de lâhomme. Le problĂšme auquel nous devons rĂ©pondre, câest que le travail a Ă©tĂ© organisĂ© depuis plus de deux siĂšcles de sorte Ă transformer les ĂȘtres humains en machines.
Sous ses dehors humanistes, la sociĂ©tĂ© actuelle nous conditionne Ă rĂ©pondre Ă trois impĂ©ratifs principaux : obĂ©ir, consommer, contrĂŽler . Ces impĂ©ratifs conditionnent lâĂ©ducation, la formation et le travail.
Nous sommes Ă ce point devenus coupĂ©s de nos propres Ă©motions et de nos dĂ©sirs profonds que nous vivons dans une impuissance intĂ©rieure plus grande que jamais. Nous compensons alors cette impuissance intĂ©rieure par une recherche de puissance extĂ©rieure. Ce processus nous amĂšne Ă exercer notre contrĂŽle sur dâautres ĂȘtres humains. Cela donne naissance aux organisations avec leurs innombrables querelles dâegos, leurs hiĂ©rarchies, leur manipulations sans fin pour acquĂ©rir plus de pouvoir et plus de sĂ©curitĂ©. Dans combien de CoDir dâentreprise les comportements se sont automatisĂ©s au point quâon pourrait remplacer les dirigeants par des robots sans que personne ne le remarque ?
Nous travaillons toujours plus vite pour produire toujours plus. Ce cercle vicieux donne naissance Ă une civilisation en accĂ©lĂ©ration constante, ivre de sa propre puissance, mais qui ne sait plus oĂč elle va ni mĂȘme pourquoi elle existe.
La vitesse et la puissance sont terriblement dangereuses car elles donnent une illusion de sens. Il est possible dây consumer sa vie entiĂšre sans sâen apercevoir.
Est-ce quâil existe une issue ? Je pense que oui. La voie nous est montrĂ©e par toutes les organisations qui ont remis le sens au cĆur de tout, par exemple celles dĂ©crite dans lâouvrage de FrĂ©dĂ©ric Laloux, Reinventing Organizations . Quand lâenvironnement de travail procĂšde dâune raison dâĂȘtre profondĂ©ment ancrĂ©e, que les dirigeants sont en paix avec eux-mĂȘmes, que lâactivitĂ© suit un rythme naturel en accord avec les besoins biologiques et psychiques des ĂȘtres, lâorganisation peut retrouver un Ă©quilibre, voire une fonction rĂ©para
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