Les jouets ne sont pas assez

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Les jouets ne sont pas assez



FĂ©minisme


Genre et jouets : l’avis d’une sociologue




Lady Dylan

19 sep 2013


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madmoizelle



Société



FĂ©minisme



Mona ZegaĂŻ est doctorante en sociologie, spĂ©cialiste du genre et des jouets pour enfants. Lady Dylan l’a interrogĂ©e sur son sujet de prĂ©dilection.
Publié le 19 septembre 2013 à 18h37

J'ai pas compris si la fin de l'article était premier degré ou sarcastique.
Si l’on disait aux gens que leur destin est tout tracĂ© parce qu’ils sont noirs ou blancs, ou qu’ils seront forcĂ©ment ouvriers parce que leurs parents sont ouvriers, ça choquerait davantage, car on a dĂ©naturalisĂ© ces catĂ©gories.

Bon j'ai pas fait de sociologie de facon trĂšs poussĂ©e mais la faible mobilitĂ© sociale, c'est assez averĂ© non? Le fait que si on vient d'une famille ouvrier, on aura moins de chance de devenir cadre qu'un enfant de cadre. Tout comme on a plus de "chance" de se marier avec quelqu'un de la mĂȘme catĂ©gorie socio-professionnelle que soi, et donc reproduire les mĂȘmes modĂšles.

Et pour les personnes de couleur, je n'ai jamais rien lu là dessus, mais si on observe un peu autour de soi la proportion de personnes de couleur/d'origine étrangÚre dans les postes à responsabilités, ils sont souvent en grande minorité.



Du coup je comprends pas trop cette phrase, apart si c'Ă©tait sarcastique, ce que je peux comprendre aussi. Ce serait pas la premiĂšre injustice mise en Ă©vidence par la sociologie.
Bonjour !

La reproduction sociale (ou, en termes statistiques par rapport aux grilles de mobilité, "l'immobilité sociale" intergénérationnelle calculée à partir des CSP) existe bien entendu, et il ne s'agit pas de la nier. Bourdieu l'a notamment bien étudiée et a montré que ce qu'il appelle le capital culturel (niveau de diplÎme des parents, livres possédés, visite de musées, etc., et plus généralement la proximité de l'univers culturel des parents avec celui de l'Ecole, ce qui est enseigné au sein de l'institution scolaire) joue un rÎle fondamental dans la réussite des enfants à l'école et leur insertion dans la société (et donc, en particulier, dans la sphÚre professionnelle). Il n'y a qu'à voir les statistiques des étudiants de l'ENA (école nationale d'administration) qui forme les futurs hauts-fonctionnaires : alors que la société française compte environ 16% de cadres et professions intellectuelles supérieures, les étudiants de l'ENA issus de cette CSP représentent 60% des effectifs, ce qui laisse bien peu de place pour les enfants d'ouvriers et d'employés, en particulier.

De la mĂȘme maniĂšre, l'homogamie, c'est-Ă -dire le fait de se marier avec quelqu'un de la mĂȘme CSP, est toujours trĂšs Ă©levĂ©e. D'ailleurs, une publicitĂ© pour Meetic a rĂ©cemment jouĂ© avec ces codes : http://www.dailymotion.com/video/xne4zw_pub-meetic-2012-realisee-par-maiwenn_lifestyle

Cependant, il n'existe pas non plus de fatalitĂ©. Pour reprendre la phrase d’Élise, on ne peut en effet pas parler de "destin tout tracĂ©". Certes, les probabilitĂ©s d'obtenir une place Ă©levĂ©e dans la hiĂ©rarchie sociale sont plus importantes lorsqu'on est issu d'une famille de milieu social favorisĂ©, et inversement, mais ce n'est pas systĂ©matiquement le cas non plus, et heureusement, mĂȘme si l'on ne peut que dĂ©plorer que l'idĂ©ologique mĂ©ritocratique (pour faire vite : on rĂ©ussira dans la vie si on s'en donne les moyens, qu'on travaille, il n'y aurait pas de dĂ©terminisme social et sa rĂ©ussite ne serait due qu'Ă  soi-mĂȘme et Ă  ses mĂ©rites) ne tienne pas ses promesses.

Bref, le déterminisme social existe mais on ne peut pas parler de "destin tout tracé". Effectivement, les gens ne sont pas toujours conscients des déterminismes sociaux, et le fait de leur en faire prendre connaissance peut choquer puisqu'elle peut remettre en question le mérite des individus à occuper certaines places (pour faire vite, encore : j'ai réussi, non uniquement parce que j'ai travaillé, mais parce que mes parents étaient cadres) ou le peu de probabilité de certains autres à occuper certaines places (finalement, à quoi sert de travailler puisqu'en étant issu-e des classes populaires je n'aurais aucune chance).

Ce qui est frappant, c'est que si le déterminisme social lié aux CSP choque, celui lié au sexe ne choque pas, ou choque moins, puisque souvent, les gens ne voient pas (ou pas assez) la construction sociale des genres. D'un cÎté, un argument récurrent sera le déterminisme biologique (les goûts, aspirations, choix, seraient déterminés par les différences biologiques), et de l'autre cÎté, il y aura l'argument de la volonté, des choix, sous-entendu exempts de toute empreinte sociale (j'ai choisi cette filiÚre, personne ne m'y a obligé-e).

Alors le parallÚle avec les CSP est intéressant. On peut observer par exemple que la grande majorité des étudiants des filiÚres professionnelles sont issus des classes populaires. Est-ce à dire que les personnes issues des classes populaires sont moins faites pour l'école, moins intelligentes, moins capables, moins "douées", sont intrinsÚquement et naturellement dans l'action, le manuel, non dans la réflexion, etc. ? Et si ces étudiants ont choisi ces filiÚres (en dehors des mécanismes de tri de l'institution scolaire, qui existent), pourquoi ont-ils, plus souvent que leurs camarades des classes favorisées, choisi (lorsque c'est le cas) cette voie-là ? Difficile de renvoyer à la biologie aujourd'hui pour expliquer ces mécanismes. Pourtant, certains le font tous les jours pour la différence des sexes.

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Si vous lisez madmoiZelle rĂ©guliĂšrement, le marketing genrĂ© ne vous est pas inconnu. Emilie Laystary vous avait notamment parlĂ© dans ses Petits Reportages des jouets genrĂ©s et de la Maison Barbie . Cette fois-ci nous avons rencontrĂ© Mona ZegaĂŻ, doctorante en sociologie Ă  l’universitĂ© de Paris 8, qui Ă©tudie les jouets pour enfants au regard du genre.
Le titre de ta thĂšse c’est PerformativitĂ© des discours sexuĂ©s sur les jouets dans la socialisation de genre . ConcrĂštement, ça veut dire quoi ?
J’analyse les discours liĂ©s au jouet, surtout ceux venus du marketing, par exemple dans les catalogues ou les magasins. Une Barbie toute seule, sans discours, rien ne nous dit que c’est adressĂ© aux filles . Ce qui va nous le dire, ce sera les discours autour. Un discours en sociologie ce n’est pas forcĂ©ment un texte : je m’intĂ©resse aux discours linguistiques comme les descriptions, les mises en situation ludiques du genre « fais comme maman », mais aussi aux images, aux illustrations, aux logos.
Il y a des choses qui se voient au premier regard : par exemple les logos de marques adressĂ©es aux filles vont avoir des lettres rondes, roses, des cƓurs, des rĂ©fĂ©rences Ă  l’interpersonnel (« You&Me », la marque de poupons de Toys’R’Us ). À l’inverse les marques pour garçons vont souvent ĂȘtre Ă©crites en italique pour reprĂ©senter la vitesse, on aura des flammes

J’ai aussi eu recours aux statistiques pour des analyses plus fines. L’ñge minimum conseillĂ©, par exemple, est en moyenne plus Ă©levĂ© pour les garçons. La plupart des jouets pour filles sont accessibles Ă  partir d’un Ăąge assez jeune, tandis que les jouets pour garçons sont rĂ©partis plus largement en terme d’ñge.
Il en ressort que les jouets pour filles sont moins complexes, tandis que ceux pour garçons accompagnent leur développement.
Que penses-tu des initiatives comme celle de Toys’R’Us Royaume-Uni de limiter le marketing genré ?
Il faut voir ce que ça va donner. Il y a dĂ©jĂ  eu plusieurs initiatives de ce genre avant, dans des magasins en France, en Angleterre ou en SuĂšde, et j’ai remarquĂ© que ce ne sont pas les enseignes qui se disent « il y a trop de stĂ©rĂ©otypes », ça vient Ă  chaque fois de critiques trĂšs fortes des clients.
La marque de vĂȘtements Vert Baudet s’était par exemple excusĂ©e pour un dĂ©pliant sexiste Ă  NoĂ«l dernier et s’était engagĂ©e Ă  agir contre le sexisme, mais il faut suivre ce qu’ils ont fait depuis. En gĂ©nĂ©ral les enseignes changent lorsqu’elles sont critiquĂ©es sur un point prĂ©cis, mais il n’y a pas de rĂ©flexion gĂ©nĂ©rale.
Il se passe quand mĂȘme des choses, 2012 a notamment Ă©tĂ© une annĂ©e assez riche. A NoĂ«l dernier les supermarchĂ©s U ont fait le buzz en proposant un catalogue moins sexiste, oĂč l’on pouvait voir des petits garçons jouer Ă  la poupĂ©e et des petites filles avec des voitures.
Mais ce n’était pas non plus la rĂ©volution qu’ont annoncĂ© les mĂ©dias : le catalogue contenait toujours des pages garçons et des pages filles, majoritaires, comme les autres enseignes. À NoĂ«l 2012 les trois quarts des catalogues de distributeurs avaient des rubriques filles et garçons, prenant en moyenne Ă  elles deux plus d’un tiers du catalogue.
Dans les avancĂ©es, La Grande RĂ©crĂ© a aussi crĂ©Ă© sa marque il y a quelques annĂ©es pour les jouets d’imitation – le mĂ©nage, le bricolage, la cuisine
 Elle s’appelle « Tim & Lou », donc un garçon et une fille, les deux enfants sont dessinĂ©s Ă  chaque fois et les jouets sont beaucoup moins sexuĂ©s, avec des couleurs plus neutres que le bleu et le rose.
Pas forcĂ©ment. J’ai analysĂ© des vieux catalogues de jouets, datant de divers moments du XXĂšme siĂšcle, et la diffĂ©rence sexuelle est de plus en plus marquĂ©e avec le temps.
Pendant longtemps seuls les grands magasins avaient les moyens de faire des catalogues, bien plus fins que ceux que nous avons aujourd’hui et dont les jouets n’étaient qu’une partie. Il y avait donc beaucoup plus de jouets par pages, moins d’images, moins de texte Ă  part des descriptions factuelles de l’objet, peu de mises en situation et de reprĂ©sentations d’enfants. Les jouets Ă©taient donc prĂ©sentĂ©s de maniĂšre plus neutre.
C’est dans les annĂ©es 80 et 90, avec le dĂ©veloppement du marketing, que les distributeurs ont commencĂ© Ă  vraiment cibler leurs clients avec des rubriques filles et garçons.
L’omniprĂ©sence du rose date du dĂ©but des annĂ©es 90, celle du bleu date d’un peu plus tard, fin 90 dĂ©but 2000. La remise en question des stĂ©rĂ©otypes qui Ă©merge depuis deux ou trois ans est donc doublĂ©e d’une accentuation de la diffĂ©renciation sexuelle sur le long terme.
Est-ce que les enfants jouent avec des jouets « de filles » ou « de garçons » parce qu’ils sont des filles ou des garçons, ou est-ce qu’inversement ce sont les jouets qui construisent leur genre ?
C’est un peu la poule et l’Ɠuf ! L’influence des jouets est difficile Ă  estimer car les enfants sont des ĂȘtres vivants, il faudrait les kidnapper et les enfermer dans un laboratoire avec uniquement des jouets pour pouvoir sĂ©parer les diffĂ©rentes influences.
La sociĂ©tĂ© nous apprend ce qu’est un homme ou une femme, les enfants apprennent qui fait quoi par les jouets mais aussi par plein d’autres biais.
Ce que l’on sait c’est que le jeune enfant attribue un sexe aux personnes selon des indices socio-culturels : si quelqu’un a les cheveux longs, c’est une femme, s’il a les cheveux courts, c’est un homme. Pour un jeune enfant, si une personne se coupe les cheveux elle peut changer de sexe.
Dans sa tĂȘte, un-e enfant qui joue avec une voiture, c’est un garçon, un-e enfant qui joue avec une poupĂ©e, c’est une fille. Du coup ils sont trĂšs soucieux de respecter les rĂŽles de genre sinon ça remet en question leur sexe, donc leur identitĂ©.
Une objection qui revient souvent quand on parle de l’influence des jouets c’est « les enfants ne sont pas stupides ». Qu’est-ce que tu rĂ©pondrais, toi qui Ă©tudies le sujet ?
Il n’y a pas de fatalitĂ© mais il y a un dĂ©terminisme social. On voit que ça a un grand impact mĂȘme si, comme je l’expliquais tout Ă  l’heure, on ne peut pas l’isoler des autres influences.
Les jouets diffusent des modĂšles, des normes que l’on intĂšgre – et qui sont diffusĂ©es aussi par d’autres biais. Ils construisent des goĂ»ts, des pratiques. Parfois la contrainte est tellement intĂ©grĂ©e qu’on ne la ressent plus, mais ça ne veut pas dire qu’elle n’existe pas.
Bourdieu disait « les goĂ»ts et les couleurs, ça se discute » : certes, beaucoup de petites filles aiment sincĂšrement les poupĂ©es, mais ce goĂ»t ne sort pas de nulle part. Et en grandissant les garçons dĂ©veloppent par exemple un intĂ©rĂȘt pour la technique, car leurs jouets sont beaucoup plus complexes, et les filles un « instinct » maternel car on leur a mis un bĂ©bĂ© dans les bras.
Est-ce que tu as observĂ© un lien entre ce Ă  quoi jouent les enfants (par exemple une petite fille qui n’aime pas les poupons aurait plus de chance de ne pas vouloir d’enfants plus tard) ou est-ce que ce sont simplement des prĂ©jugĂ©s ?
Je pense que le fait d’avoir eu des pratiques qui sortent de la norme peut amener Ă  se poser des questions, Ă  remettre en question les injonctions et les normes et donc Ă  construire sa propre identitĂ©. Bien sĂ»r, beaucoup d’autres paramĂštres rentrent en compte.
Selon toi, cette socialisation est-elle un problÚme ?
Au niveau politique, on peut considĂ©rer qu’il y a un problĂšme si on estime que la libertĂ© individuelle est importante. Comme la classe sociale, le genre est un dĂ©terminisme sociologique, qui borne le champ des possibles .
Si tu nais avec un pĂ©nis ou un vagin, ta vie ne sera pas du tout la mĂȘme. Si l’on disait aux gens que leur destin est tout tracĂ© parce qu’ils sont noirs ou blancs, ou qu’ils seront forcĂ©ment ouvriers parce que leurs parents sont ouvriers, ça choquerait davantage, car on a dĂ©naturalisĂ© ces catĂ©gories.
Merci à Mona Zegaï pour son temps et ses réponses !
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