Les gouines sont des tueuses

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Les gouines sont des tueuses
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Multitudes Numéro 2012/3 (n° 50) TumulTueuses






TumulTueuses


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Multitudes
2012/3 (n° 50) , pages 204 à 209








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Texte de fondation des TumulTueuses : www.tumultueuses.com/Pourquoi-nous-sommes-feministes
Les TumulTueuses , groupe féministe qui se considère comme radical et anti raciste. Elles fonctionnent en non-mixité. Seules les personnes considérées ou se considérant comme des femmes dans la Société et opprimées du fait de leur appartenance à cette catégorie sociale peuvent les rejoindre. Les membres n’ont pas à réassigner à une personne une identité autre que celle qu’elle s’attribue par auto-définition. Les TumulTueuses n’ont pas de statut juridique officiel mais sont guidées par l’envie de se rassembler. Elles sont autogestionnaires et n’ont pas de hiérarchie dans le groupe. Il n’y a pas de système d’adhésion officiel. Toute femme souhaitant appartenir ou connaître le groupe est libre de venir participer à une réunion.





Mis en ligne sur Cairn.info le 19/09/2012



https://doi.org/10.3917/mult.050.0204










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1 E n 2008 se forme un collectif visant à organiser un « 8 mars alternatif », dont le cortège serait distinct de la « manifestation officielle », suite à la marginalisation, les années précédentes, de femmes voilées et prostituées : ces dernières devaient, en effet, participer aux mobilisations dans des conditions éprouvantes, étant tantôt prises à partie, tantôt reléguées en fin de cortège, tantôt exclues des listes de signataires, voire des manifestations.
2 Initialement, le dit collectif visait surtout à coordonner diverses organisations, afin de promouvoir la visibilité d’un discours non excluant vis-à-vis des prostituées et femmes voilées, et de permettre à ces dernières de manifester aussi sereinement que possible, protégées en dépit des heurts survenant lors de la jonction des cortèges. Progressivement, les personnes continuant à participer au collectif sont venues plutôt à titre individuel qu’en tant que porte-parole de leurs organisations respectives, et quelques-unes ont décidé de fonder les TumulTueuses [1] [1] Texte de fondation des TumulTueuses :… .
3 Les médias nous ont souvent présentées comme appartenant à une nouvelle vague de « féministes rigolotes », notamment à la suite de nos actions piscines qui consistaient à entrer seins nus dans les piscines municipales, pour dénoncer le double standard en vigueur : le traitement discriminatoire des corps « masculins » et « féminins » et la contrainte faite aux femmes, à montrer et cacher leur anatomie.
4 Pourtant, cette lecture est biaisée, disqualifiante et fausse. D’abord, parce que nous ne sommes pas plus nouvelles que d’autres groupes féministes, le féminisme ayant toujours été un essaim, un assemblage de groupes divers aux fonctionnements, positionnements et modes d’action très différents. Nous considérer comme nouvelles du fait de notre usage de l’humour militant est un non-sens : l’affiche de la suffragette A.D. Miller, expliquant doctement pourquoi il était souhaitable que les hommes n’aient pas le droit de vote [2] [2] Why we Oppose Votes for Men :… , l’action inaugurale du MLF, consistant à déposer une gerbe sur la tombe de la femme du soldat inconnu, le questionnaire, du MLF toujours, demandant s’il faut s’adresser à une femme en parlant à ses seins, à son cul ou aux deux, ne sont pas moins dépourvus d’humour que nos actions piscines ! Nous nous reconnaissons pleinement dans la radicalité du MLF, du FHAR, des Gouines Rouges…
5 Nos différences et dissensions avec les groupes, mouvements, mobilisations du passé ne sont pas plus intenses, ni plus importantes, qu’avec les autres mouvements actuels. Nous ne sommes pas plus nouvelles que Ni Putes Ni Soumises, ou Osez le féminisme, et pourtant nous nous positionnons très différemment vis-à-vis de certaines questions comme le voile et le racisme, ainsi que vis-à-vis du pouvoir, des partis de droite comme de gauche. Bref, nous qualifier de « nouvelles féministes rigolotes » pourrait signifier au choix :
6 Entre copines, on rit beaucoup de la mauvaise foi, du paternalisme, de la condescendance de ceux (et celles) qui nous donnent des leçons sur nos modes d’action, qui nous disent « pro-voile », « pro-prostitution » parce qu’on écoute et qu’on se soucie de la vie des putes et de celle des personnes voilées. On rigole de ceux qui nous disent d’aller nous rhabiller à la piscine, parce qu’on est des « terroristes » et qu’ils vont « appeler la police », « parce qu’on pourrait faire peur aux enfants », parce qu’on devrait « penser à nos parents », parce qu’on est « moches » pour certainEs, parce qu’après « tout le monde va vouloir faire n’importe quoi », qu’il s’agit d’une « question de décence », que « les seins des femmes : c’est sacré, c’est fait pour allaiter ». Notre humour défoule et soulage, mais il ne s’agit pas d’être « rigolotes » et indulgentes, d’être sympa, et de rire avec ceux (et celles) qui travaillent dur à la perpétuation des inégalités et de l’oppression. Il s’agit, au contraire, de rendre visibles leur ridicule, leur condescendance, bref, de les clouer au pilori.
7 En plus des actions spécifiques aux TumulTueuses, décrites sur notre site, nous nous investissons dans diverses mobilisations, participons et/ou co-organisons, en tant que groupe ou individus, à des événements comme les TEUFF (temps et espace ultra-féministe et festif), des débats comme celui contre l’instrumentalisation des luttes LGBT et féministes à des fins racistes et sexistes en mars 2011 avec et auprès d’autres organisations militantes.
8 Participant, via diverses mobilisations et manifestations, à des mouvements sociaux dits « traditionnels », nous luttons également contre le sexisme sévissant au sein de ces derniers, par exemple via la rédaction de communiqués, tracts, articles… expliquant notre présence dans des luttes sociales, les pink-blocs LGBT-féministes dans les manifestations, notamment celles du 1 er mai, et celles de l’automne 2010, où y en avait marre de voir un cortège de têtes syndicales masculines qui nous vantent l’union syndicale et laissent plein de questions de côté, qui considèrent souvent que ces questions sont périphériques, minoritaires ou secondaires, parce que pour beaucoup à la gauche de la gauche, il y a les classes sociales et pas vraiment des classes de genres, de sexes, de races. Comme s’il n’y avait pas des gouines, lesbiennes, femmes hétéras, pédés, homos, qui étaient syndiquéEs, précaires, isoléEs, harceléEs, sous payéEs, en CDD mal payés, massivement à temps partiel et qui finissent avec des retraites de misère ; comme si les partenaires de ces militants, syndicalistes et représentants de gauche n’avaient pas souvent des femmes qui gardent les gosses et font tourner la maison pendant que leurs copains/maris/partenaires passent du temps à s’écouter parler en réunion – ce qu’ils aiment voir et penser comme un boulot « digne et noble ».
9 Dans ces manifs, on n’est pas que contre les gouvernements successifs ; on se retrouve parfois contre nos frères de lutte, qui nous expliquent comment penser, comment se battre, dont les services d’ordre bombent le torse ou dispersent « les jeunes soi-disant casseurs » à coups de matraque, comme en 2006 dans les manifestations anti-CPE. Ces frères de lutte qui ne se soucient que très très peu, voire pas du tout, de leurs pratiques et du peu d’hétérogénéité, donc de représentativité en termes de genre et de sexualités au sein de leurs organisations. Pour nous, le mouvement social, c’est pas ça !
10 Prônant un féminisme de non-exclusion, nous soutenons des luttes de femmes voilées ou de travailleuses du sexe. Nous nous investissons dans les rencontres et le soutien (logistique et humain) d’autres organisations autonomes sur des questions spécifiques (que ce soit la prostitution en soutenant le STRASS, syndicat du travail sexuel, ou contre les discriminations et exclusions envers les filles et les mères voilées auprès de Mamans Toutes Égales). Si nous ne sommes pas une organisation de prostituées ou de racisées, nous considérons néanmoins que nous avons à nous positionner politiquement contre des lois, projets et décrets (comme la loi de sécurité intérieure qui interdit le « racolage passif », la loi de 2004 contre le port des signes religieux à l’école, celle contre l’interdiction de la burqa, le projet de pénalisation des clients, celui contre la présence des mères voilées lors de sorties scolaires cette année) que nous considérons toutes sexistes et/ou racistes et anti-sociales. Nous jugeons ces lois rétrogrades, discriminantes et dangereuses.
11 Nos positions, et notre travail avec les organisations sus-citées (et quelques autres), nous ont valu d’être catégorisées par certains et certaines de « pro-voile », « pro-prostitution », « pro-sexe ». Ces termes sont des plus flous pour nous, et nous ne sommes pas certaines qu’ils signifient les mêmes choses pour tou.t.e.s. Il semblerait que cela signifie pour certain.e.s que nous érigeons certains comportements en modèles à suivre. Ce n’est évidemment pas le cas ; nous pensons juste que l’émancipation des femmes est l’œuvre des femmes elles-mêmes, et qu’une lutte qui vise la revendication de droits, d’égalité, de liberté de choix de la part de dominées est une lutte que les TumulTueuses soutiendront. De surcroît, nous restons persuadées que la parole des premières concernées ne peut ni ne doit être occultée, ni dénigrée. Pour citer l’un de nos pochoirs : « ne me libérez pas, je m’en charge ». Bref, nous sommes en désaccord théorique avec certaines féministes (par exemple les féministes dites « essentialistes »), mais ne considérons pas comme légitime de leur confisquer la parole ou de les exclure des marches unitaires.
12 En tant que féministes, nous refusons les argumentaires qui prétendent justifier le bien fondé des lois liberticides au nom du féminisme et du progressisme. Seules les femmes sont véritablement susceptibles de savoir quelle est leur situation, ce qu’elles vivent et ce dont elles ont besoin pour le vivre le mieux possible. De même, nous refusons de stigmatiser les pratiques et comportements d’autres femmes. Nous sommes toutes féministes comme nous le pouvons, nous débattant avec notre éducation, notre socialisation, notre parcours, notre entourage, notre appartenance à une classe ou une « race ». Nous sommes persuadées qu’il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises féministes, certaines plus dignes et légitimes que d’autres à pouvoir se revendiquer comme telles, qu’il n’y a pas « les pures et les traîtresses », qu’il est contre-productif de distribuer des bons points de conduite féministe. Qui sommes-nous pour infliger à certaines femmes « la double peine », pour reprocher à une femme déjà oppressée par les normes patriarcales de n’être pas assez émancipée ? Nous ne reprocherons jamais à une femme de s’épiler : si elle s’automutile pour répondre à des schémas qui lui ont été imposés depuis la petite enfance, on ne va pas en plus la culpabiliser !
13 Pour comprendre ce qui lie exactement les TumulTueuses et ce qui fait la spécificité de cette organisation féministe, il faut revenir un peu sur le parcours de ses membres et les attentes qu’elles avaient au moment où elles ont créé ou décidé de rejoindre ce groupe. Certaines d’entre nous, assez nombreuses, ont milité au sein d’organisations d’extrême gauche ou libertaires et de syndicats étudiants et de salariés dans différents coins de France. Au bout d’un moment plus ou moins long, ces filles ont en eu assez des comportements machos ou des discours sexistes voir homophobes de certain-e-s camarades, parfois en complète contradiction avec les revendications féministes de ces mêmes organisations.
14 D’autres ont milité dans des organisations féministes plus ou moins structurées, et ont été parfois
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