Les Campeuses De St Tropez Torrent
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Les Campeuses De St Tropez Torrent
En Bentley entre Saint-Albion et Saint-Tropez⊠1 avril 2020 23 minutes de lecture 5.7K vues
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En Bentley, on voyage avec soi-mĂȘme, histoire dâĂȘtre en bonne compagnie, parfaitement loin de la masse âquolibĂšteuseâ par vilaine nature⊠et des vulgaires exhortations policiĂšresâŠ, mon Blacky et moi sommes entre familiers de bonne compagnie⊠sâil mâest besoin de lâappeler, câest du bout des doigts⊠et sâil veut sâexclamer câest exclusivement un aboiement au subjonctif en accordant les participes. Seulement, dans lâoccurrence son enthousiasme est par trop fort pour sâexprimer ainsi bassement, il ne peut pas ĂȘtre simultanĂ©ment discret et frĂ©nĂ©tique⊠force mâest alors dâaccepter une grande et formidable gueulĂ©eâŠ, un exploit ! Je suis entrĂ© dans les annales comme dâautres que je connasse entrent dans les anus⊠à chaque sortie de mes publications la populace et mes dĂȘvots sâusent la peau des paumes Ă mâapplaudirâŠ
On mâenvoie des baisers, des doigts dâhonneur, des programmes dâinvestissements, des slips encore humides, des fruits confits et des pourris, des fleurs et parfois les pots⊠on scande mon nom, celui de Chromes&Flammes, GatsbyOnline aussi⊠on les âlocomotivesâ de plus en plus vite et fortâŠ, alors que moi, simple, vous me connassez mes chers Popus, jâai le triomphe modeste. Toutefois, force mâest de devoir mâĂ©ponger face et pĂ©nis, calmement, sous les yeux enivrĂ©s des demoiselles qui voudraient boire ma sueur et ma semence dâĂ©diteur/chroniqueur, comme un Ă©lixir de longue vis. Des fans se prĂ©cipitent souvent en gambadant comme des faons, me demandent des autographes, lâheure quâil est⊠on me palpe, on sâassure de moi, on se repaĂźt de ma personne, on se lâimprime dans la mĂ©moire, on la rĂ©alise, on la dĂ©votionne, on sâen persuadeâŠ, câest alors que je daigne descendre lentement de mon char/piĂ©destal/Bentley comme une statue blanche vaincue par des diarrhĂ©es pigeonesques⊠sans toutefois accorder plus dâattention quâil nâen faut Ă la plĂšbeâŠ, ne suis-je la voix de Jupiter sanctionnant les fautes malgrĂ© les prouesses ?
Toutefois, chaque barreau dĂ©gravi de mon âtabourescabeauâ me rĂ©humanise⊠car un Jupiter Ă terre nâest plus quâun quidam, mais je reste distinguĂ© ! En descendant sur la CĂŽte dâAzur, je nâai certes pas souscrit aux dĂ©risoires tentations dâune vie facile, jâai voulu seulement y prendre une retraite assez simple avec mon Blacky⊠piscine (chauffĂ©e les mois de froid), mon canard gĂ©ant fĂ©tiche, et quelques caisses de PĂ©trus 1949 Ă dĂ©guster de temps Ă autre, câest Ă dire en regardant le soleil sâĂ©teindre en artifices de nuages⊠Certes, lorsque la pĂ©riode dâĂ©tĂ© darde ses rayons, force nous est, Blacky et moi, de nous rendre compte de ce que sont ces fameuses, ces sempiternelles vacances qui dĂ©vorent mes contemporain(e)s et leurs animaux de compagnie que âces gensâ parfois, abandonnent misĂ©rablement en bord de routes oĂč dans un boisâŠ, les gueuxâŠ, les affreux, misĂ©rables cloportesâŠ
DĂšs juin, mais en aoĂ»t câest la folie, ils dĂ©bordent, investissent lâexistence des âlocauxâ quâon surnomme indigĂšnes, ils les mettent en grĂšve, les endettent, les syndiquent et leur font oublier un peu plus chaque jour et nuit les joies pourtant tonifiantes du travail prĂ©caire. A travers les enthousiastes souvenirs de vacances de mes relations lointaines, je flaire confusĂ©ment que ces pĂ©riodes de relĂąchement sont Ă©crasĂ©es par lâennui et que leur seul intĂ©rĂȘt est de fournir aux gueux de quoi alimenter leurs conversations des 11 autres mois de lâannĂ©e, une possibilitĂ© de briller Ă bon compte auprĂšs de plus misĂ©rables quâeux, encore, et pour tout dire briĂšvement, dâinterprĂ©ter des personnages quâils ne seront jamais mais quâils sâimaginent avoir Ă©tĂ© sur les plages et les routes engorgĂ©es des Ă©tĂ©s prĂ©cĂ©dents. Les souvenirs de vacances doivent macĂ©rer quelques mois avant de rendre tout leur fumet⊠jâai ainsi remarquĂ© que des vacanciers pris au retour de leurs Ă©quipĂ©es ne racontaient pas celles-ci avec autant de lyrisme et de dĂ©tails quâils le font six mois plus tardâŠ, car leurs vacances ont besoin dâĂȘtre dĂ©cantĂ©es, repensĂ©es, vernies par leur imaginationâŠ, ils doivent les vivre pour sâen dĂ©barrasser⊠et nous de mĂȘme⊠il sâagit en somme dâaccumuler du matĂ©riel, câest au retour que tout reste Ă faireâŠ, lâhomme dâaujourdâhui prend ses vacances entre juin et septembre, mais il ne part vraiment en vacances quâĂ compter dâoctobre, car il ne jouit bien de ses vacances quâau soir dâune journĂ©e de travail, et seulement en compagnie de gens qui nâont pas pris les leurs avec eux !
Mais, je cause, je cause⊠et achevant ma pensĂ©e (ci-dessus Ă©crite), une ravissante rousse Ă lâaspect peu farouche, furieusement comestible dans son ensemble de plage lĂ©ger comme la brise du soir, pique droit sur notre table et roule une pelle au vioque que je deviendou peu Ă pneu, la frontiĂšre des soixante et onze printemps devant ĂȘtre franchie le 16 mai de cette annĂ©e 2020.
â âEh benâ , quâelle mâexclame Ă voix perçante, â tu tâes remis de tes Ă©motions ! Oh ! dis donc, quâest-ce que tu trimbalais, câte nuit ! Ah ! jâte reverrai toujours faire la danse hawaĂŻenne sur la table Ă quatre heures. TâĂ©tais complĂštement nazebroque, chĂ©ri ! Ce matin, quand je mâai barrĂ© de ton Palace, tu ronflais comme un moulin Ă cafĂ© Ă©lectrique. Tâas drĂŽlement rĂ©cupĂ©rĂ©, on dirait ! Câest vrai que tĂ©zigue, pour pouvoir avoir mal aux tifs, faudra pâtet que tu tâfasses faire une moumoute dans quĂške zans, hein, mon petit Ćuf coque ?â⊠Un vrai tringloman, selon elle, avec des capacitĂ©s Ă nâen plus finir, des initiatives osĂ©es, des combinaisons pas racontables, des dĂ©fis aux bourgeoises lois de lâĂ©quilibre, un tĂ©mĂ©raire infatigable, un inventif aux trouvailles bouleversantes connaissant tout le systĂšme glandulaire, tout le rĂ©seau nerveux, les recoins oĂč jaillit le pathĂ©tique et la cyprine⊠un sens tactile branchĂ© sur la haute tension !
Ouaihhhh, je suisse le Paganini aux vingt-quatre Caprices de lâamour, je joue de la femme comme le virtuose jouait du GuarnĂ©rius⊠voilĂ pourquoi, malgrĂ© notre diffĂ©rence dâĂąge, elle me tient en considĂ©ration, affirmant Ă ses copines, bĂ©ates, quâun archet comme le mien, ça ne se rencontre pas souvent⊠et que ça force lâestime et impressionne. VoilĂ sans doute pourquoi certaines gens sâobstinent Ă me haĂŻr, Ă me rĂ©pudier, me dĂ©nigrer : trop vulgaire, trop vulgarisĂ©, je tire trop gros, jâĂ©cris trop gras, jâinsupporte⊠certains customizeux affirment quâon a vu des âceussesâ avoir des crises dâurticaire spontanĂ©ment provoquĂ©es par la prise en main de mes magazines⊠elle serait microbienne, ma prose, elle flanquerait la courante aux constipĂ©s⊠Et puis dans les Forums, ils osent des remarques : âCâest qui ce, ce personnage dĂ©jantĂ©Â ? Il est vraiment pour ou tout Ă fait contre le Kustomizing ? Il cache quoi donc dans son garage/loft ? Y serait pas dingo ? Il est plein de manies suspectes, vivement quâon le chĂątie, quâon le chĂątre, quâon promulgue des ordonnances contre lui, faut le bannir, lâexpurger Ă lâhuile de vidange, faut lui confisquer lâusage de tout ordinateur, le dĂ©noncer, le dĂ©crĂ©ter intolĂ©rable, le rendre honteux dâexister⊠faut lui Ă©masculer le style pour quâil arrĂȘte de faire ses bĂątards de nĂ©ologismesââŠ
En fait, je suis coupable de fignoler des Ă©pithĂštes rares, dâexhumer des locutions adverbiales inusitĂ©es, de forger des nĂ©ologismes, de tresser en hĂąte des lauriers neufs, de me rĂ©fĂ©rer Ă dâillustres exemples⊠je suis la trousse de secours de la pensĂ©e populaire, le poĂšte de la philosophie quotidienne⊠le sandwich de lâesprit destinĂ© Ă calmer les fringales urgentes⊠tant quâĂ faire et dâexister, existons ensemble, la vie, faut y passer⊠comme disait Icare : âImpossible de vivre sans ailesâ⊠Vivant Ă Saint-Tropez⊠je me spermet de tĂ©moigner que durant la pĂ©riode des vacances populaires, la traversĂ©e de nâimporte quelle route de bord de mer constitue un exploit⊠câest le gros dĂ©luge de bagnoles sports bourrĂ©es de viandes dorĂ©es⊠des amoncellements de cuisses et de nichons⊠des entrelacs de jambes⊠câest un fourmillement de couleurs, un Ă©claboussement de chromes, dâodeurs cancĂ©rigĂšnes dâessence, de diesel et de goudron surchauffé⊠le tout macĂ©rant dans le soleil, sous des palmiers gris de poussiĂšre dont beaucoup crĂšventâŠ
Il faut les voir, les touristes, prendre lâaffĂ»t Ă lâorĂ©e dâun passage piĂ©taille, prĂȘts Ă foncer Ă la premiĂšre dĂ©chirureâŠ, tout ce monde est environnĂ© dâautres piĂ©tons provisoires qui tentent eux-aussi⊠hĂ©roĂŻquement, de regagner leurs voitures pour aller dans leurs campings⊠des extra-utĂ©riens qui nâauraient jamais dĂ» quitter le bocal de leur jeunesse, des guenons piailleuses musclĂ©es comme des Ă©crevisses, avec des chapeaux de paille enrubannĂ©s qui les maintiennent dans une ombre vĂ©nĂ©neuse.
Faut les voir Ă lâouvrage, les âzautresâ, dans leurs moches tutures, pare-chocs contre pare-chocs, gavĂ©s de poussiĂšre et de âradioconneriesâ, car, au plus fort de ce torrent âpĂ©taradeurâ , comme il Ă©coutent âVintageâ, on reconnaĂźt des bouts dâorgane de Claude François, des dĂ©bris amygdaliens de lâHallyday⊠et des âsusseriesâ Ă -la-Sheila qui continue bravement de batifoler de la glotte Ă 89 ans (si pas plus), cette grande fifille, au milieu du vacarme⊠Ăa dĂ©file, toujoursâŠ, des jeunes femmes aux seins nus laissant pendouiller leurs masses glandulaires⊠il y a les congĂ©s payĂ©s aussi, ceux qui viennent de dĂ©bouler de lâhomicide route NapolĂ©on voire de lâautoroute aux 1000 pĂ©ages⊠et qui sont abrutis par la chaleur, avec des chaises longues arrimĂ©es sur la galerie, ainsi que des voitures dâenfants, des matelas, des cages Ă serins, des skis nautiques, des bidets Ă©maillĂ©s, des vĂ©los japonais, des boutanches de butane⊠les hommes pilotent en tricot de corps Ă trous-trous⊠avec mĂ©mĂšre toute congestionnĂ©e par le voyage⊠avec, sur ses genoux, un minet en laisse oĂč un MĂ©dor qui aboie par la fenĂȘtre dâune portiĂšre. Il y a aussi les mouflets au bord de lâasphyxie, belle-maman quâa dĂ©grafĂ© son corsage et qui sâĂ©vente lâentre cuisse avec les guiboles (moches) sur le tableau de bordâŠ, avec un regard de moribonde implorant le ciel trop bleu, trop vide pour abriter un Bon Dieu compatissant qui fait ce quâil peut, tandis que les connards de vacanciers troupeaudent le long de la mer, y pissent et y chientâŠ
Il y a aussi les touristes zâĂ©trangers⊠les belges en sueur, impavides, Ă la recherche dâune baraque Ă frites⊠les anglais qui ne sâimpatientent pas et ne regardent nulle part⊠les Allemands calmes et doux, un peu prĂ©occupĂ©s⊠les Suisses soucieux de ne pas Ă©gratigner la carrosserie de leurs rutilantes autos de luxe et qui hasardent des coups de klaxon en multipliant les appels de phare⊠et les dindes Ă fourrer, les Scandinaves blondasses, fadasses, connasses, qui distribuent des rires au grĂ© des regards⊠Faut savoir se battre, ça sâorganise une traversĂ©e de route de bord de mer en pleine saison⊠ceusses qui ne prennent pas de risque et sont condamnĂ©s Ă tourner en rond autour dâun mĂȘme bloc de maisons pendant la durĂ©e de lâĂ©té⊠ce petit monde se malaxe sur la chaussĂ©e en un formidable frotti-frotta international⊠se piĂ©tine⊠sâimbrique⊠les gens sâĂ©changent leur sueur⊠se baignent dans des vapeurs dâessence et dâeffluves humains⊠Des mĂ©nages se dĂ©font ainsi dans les traversĂ©es⊠en Ă©té⊠des tumeurs malignes sây rĂ©chauffent⊠des fausses couches sây organisent⊠des vices assoupis sây rĂ©veillent⊠des graisses y fondent⊠des ecchymoses y violissent⊠les petites filles y devinent lâhomme qui pĂ©nĂštre Ă donf⊠et les petits garçons, la pĂ©dĂ©rastie⊠câest une formidable Ă©mulsion de conneries qui gazouille Ă bloc⊠une moche chenille processionnaire quâarrive mal Ă processionnerâŠ
Sur la plage, une inhumanitĂ© dĂ©nudĂ©e prend son fade avec PhĆbus⊠tout ce monde, tout ces beaufs sont consciencieusement alignĂ©s en une parfaite ordonnance, ces âembrocationnĂ©sâ de chaud confient leur denrĂ©e putrescible au soleil pour quâil lui donne une apparence comestible⊠ils rissolent en silence, stoĂŻques⊠le soleil leur dĂ©colle la couenne, leur rĂŽtit les jambons, leur crĂšve les yeux, fout la pagaĂŻe dans leurs flores microbiennes⊠et eux, magistraux comme des gisants, subissent les coups de lardoire avec ferveur. Il y a des bien cuits et des saignants, des Ă point et des carbonisĂ©s⊠ils se barbouillent de chaleur, ils sâen oignent lâoigne⊠ils pourraient se faire dorer les intĂ©rieurs, ils se dĂ©balleraient aussi sec la tripaille sur le sable brĂ»lant, se distendraient les meules pour se laisser brunir le trĂ©sor jusquâau fond de leurs culs. En 1958, mon oncle qui Ă©tait antiquaire au Sablon Ă Bruxelles, a achetĂ© cette Bentley S1 Continental Fastback 1958âŠ, en mĂȘme temps que la voiture, la firme britannique lui a envoyĂ© un technicien chargĂ© dâexpliquer le maniement et lâentretien au chauffeur français chargĂ© de la piloter⊠au cours de son sĂ©jour, il est tombĂ© amoureux de la femme de chambre espagnole de mon oncle et est restĂ© Ă Bruxelles en tant que chauffeur et majordome⊠à la mort de mon oncle, jâai reçu la Bentley et la femme de chambre mâa appris diverses dĂ©viances, dont le tourniquet et la toupie!
Câest la plus solennelle, la plus hĂ©raldique, la plus compassĂ©e, la plus vĂ©nĂ©rable automobile quâil mâait jamais Ă©tĂ© donnĂ© de possĂ©der, noire comme la nuit des temps, anguleuse comme la Grande-Bretagne, sĂ©vĂšre comme un dimanche londonien, formidable, impressionnante, haute sur pattes, elle faisait et fait toujours songer Ă un monument historique magnifiquement conservĂ©. Rarement piĂšce de musĂ©e ne sâest offerte Ă lâadmiration des foules dans un meilleur Ă©tat de fraĂźcheur⊠imaginez donc que cette merveille tourne dĂ©licatement ses pneumatiques quasiment ouvragĂ©s sur les routes du sud de la Franchouille⊠en la voyant la plouquesque sâĂ©carte prudemment, comme les techniciens de Cap Carnaval lors de la mise Ă feu dâun autobus interplanĂ©taire⊠Blacky et moi y sommes installĂ©s comme dans un salon⊠il y fait frais, les siĂšges sont moelleux⊠une odeur doucereuse et vieillotte de cuir ancien et de fleur fanĂ©e nous glisse dans lâĂąme de je ne sais quelle nostalgie olfactive⊠Je vous fais le tour du propriĂ©taireâŠ, un bar dâacajouâŠ, un poste de radio-tĂ©lĂ©vision⊠un tĂ©lĂ©phone, un Frigidaire⊠bref, la fin des fins, le super-luxe, le raffinement⊠de surcroit, non seulement le moteur est dâorigine, mes chers zami(e)s, mais je vous donne ma parole dâhonneur quâon nâa jamais parlĂ© de lui depuis 1958⊠aucune bougie, aucune vis platinĂ©e nâont Ă©tĂ© remplacĂ©es.
Parler du moteur dâune Bentley de cette Ă©poque, câest comme parler de lâinfortune conjugale dâun cocu en sa prĂ©sence ou comme traiter de lâinceste dans un couvent de carmĂ©lites⊠le moteur dâune Bentley est une espĂšce de mythe quâil est de bon ton de ne pas Ă©voquer⊠une pauvre nĂ©cessitĂ© qui fut palliĂ©e une fois pour toutes il y a longtemps. Savez-vous que mon chauffeur a failli me quitter le jour oĂč je lui ai demandĂ© sâil nây avait pas comme un bruit bizarre en provenance du moteur ? VĂ©rification faite, il sâagissait dâun ivrogne qui sâĂ©tait jetĂ© avec sa bicyclette sous nos roues et que nous avons traĂźnĂ© sur une dizaine de kilomĂštres⊠Effectivement, tout est silence dans cette voitureâŠ, mon chauffeur la pilote avec prĂ©cision et souplesse⊠il survole ma masse des plĂ©bĂ©iens, contourne les bouchons pour aller chercher des routes calmes⊠et la silhouette sombre de son dos ne bronche pas dâun pouceâŠ, il me revient Ă cette description, un amusante annecdote/souvenir :
A un rĂ©trĂ©cissement de la chaussĂ©e, nous sommes brusquement obligĂ©s de ralentir du fait dâun vieux teuf-teuf, un Hot-Rod bourrĂ© de voyous hirsutes qui ahanent misĂ©rablement⊠Mon chauffeur rĂ©clame le passage dâun klaxon impĂ©ratif dont le timbre est aux avertisseurs modernes ce que la voix dâun tĂ©nor dâopĂ©ra est Ă celle de Renaud⊠il en rĂ©sulte un concert de protestations et une volĂ©e de poings brandisâŠ. et loin de serrer le bas-cĂŽtĂ©, les âblousons noirsâ se mettent Ă zigzaguer sur la route ce qui est, en pareil cas, la façon la plus Ă©loquente de dire merde. La voix impavide de mon chauffeur retentit dans le parlophone. â Puis-je ? â Jâallais vous le conseiller ! â Merci, Monsieur⊠Et mon chauffeur avance la main sur son tableau de bord Ă cĂŽtĂ© duquel celui dâun Airbus paraĂźtrait plus sommaire que celui dâune 2 cv⊠et enclenche un bouton dâĂ©bonite noir⊠aussitĂŽt le dĂ©ferlement dâun vieil avion de chasse en piquĂ© retentit Ă lâavant de la Bentley, câest cataclysmique comme bruit⊠aucune trompe dâeustache ne saurait rĂ©sister Ă cet aigre mugissement⊠les sonotones explosent en recevant cette dĂ©charge dâondes⊠les tympans saignentâŠ
Lâeffet est magique : le tacot des petites gouapes dĂ©crit une embardĂ©e, escalade le talus et stoppe, les deux roues droites dans une terre labourĂ©eâŠ, fin de la sirĂšne⊠imperturbable nous doublons, lâair digne⊠tandis quâune giclĂ©e dâinsultes part de lâĂ©paveâŠ, constatez que jâai le sens de lâhumour raffinĂ©, celui du pittoresque et de la fantaisieâŠ. et, pour fĂȘter lâĂ©vĂ©nement, Ă gestes dĂ©gagĂ©s je me sert un orange-vodka, plus exactement un vodka-orange. Cette 1958 Bentley S1 Continental Fastback chĂąssis no. BC4LDJ, mâest trĂšs relaxante avec son intĂ©rieur en cuir beurrĂ© et ses finitions en noyer, elle est en superbe Ă©tat, tant sur le plan esthĂ©tique que mĂ©canique, et dispose toujours du manuel du propriĂ©taire original, un ensemble de six piĂšces de valises ajustĂ©es, dâoutils, dâun manuel de rĂ©paration et de nombreux documents fascinants qui racontent son histoire et valident sa provenance exceptionnelle. Le manuel est particuliĂšrement intĂ©ressant, car il sâagit de lâoriginal numĂ©rotĂ© pour cette voiture et comporte sept pages dactylographiĂ©es dâinstructions spĂ©cifiques, fournies par lâusineâŠ., câest une grande classique Ă couper le souffle, lâune des 22 exemples de conduite Ă gauche produits pour ce modĂšle.
Josefina Tarafa, hĂ©ritiĂšre du magnat du sucre cubain, Oscar B. Cintas, mâa plusieurs fois proposĂ© quelques millions de dollars pour cette raretĂ© initialement conçue avec un moteur Ă compression 8:1 haute performance Ă grosses soupapes et gros compresseur, ainsi que dâun systĂšme de freinage Ă double maĂźtre-cylindre⊠il sâagissait de la premiĂšre S1 Continental Fastback Ă direction assistĂ©e. De nombreux accessoires avaient Ă©tĂ© spĂ©
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