L'enfermement l'a conduite à la prostitution

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Claire
Garnier Candidate au doctorat, histoire, Université de Montréal Université Blaise-Pascal, Clermont-F.
Un article de la revue
Cahiers d'histoire 
Tous droits réservés © Cahiers d'histoire, 2012
Sorti en 2002, et récompensé en septembre de la même année, le film de Peter Mullan,
The Magdalene Sisters , met en scène la vie des
femmes, enfermées en 1964 en Irlande dans une institution religieuse et morale, tenue par
des religieuses, pour leur mode de vie déviant. Dans cette Magdalene House , les pensionnaires font fonctionner une entreprise de
blanchisserie, qui permet l’enrichissement de la communauté religieuse, tout en leur
permettant de laver symboliquement leurs péchés. Les trois héroïnes de Peter Mullan sont
respectivement enfermées dans cette prison pour avoir accouché d’un enfant sans être
mariée, été violée par son cousin, échangé des regards avec les garçons de l’école
voisine. Ces maisons, dont la dernière a fermé ses portes en Irlande en 1996, sont des
institutions venues directement du xvii e siècle.
C’est ici des Refuges, et autres lieux d’enfermement des « filles de mauvaise vie »
dont il sera question. Le xvii e siècle a été caractérisé par Michel Foucault dans
l’ Histoire de la Folie à l’âge Classique [1] comme le siècle du Grand Renfermement : l’État, dans
le but d’organiser la société, selon une volonté de purification morale expliquée
notamment par Norbert Elias dans la Civilisation des
Moeurs [2] , met en place toute une structure
hospitalière et carcérale destinée à l’enfermement et au soin de tous les « déviants ».
Selon cette théorie, les hôpitaux généraux qui fleurissent en France aux xvii e et xviii e siècles sont des prisons
morales destinées à l’enfermement des déviants de la société. Cette théorie est
aujourd’hui largement remise en cause [3] , le caractère
coercitif des hôpitaux généraux n’étant pas toujours établi dans les faits, nombre d’entre
eux se trouvant être des hospices pour vieillards plutôt courus [4] . En revanche, une institution, souvent connexe à l’hôpital général, se
spécialise dans la prise en charge des femmes de mauvaise vie. Sous ce terme, on retrouve,
pêle-mêle, prostituées, mères célibataires, épouses infidèles, c’est-à-dire une palette
assez large des comportements féminins déviants au regard de la norme de la société
française d’Ancien Régime.
Nous nous appuyons ici sur un corpus de sources issu des archives départementales du
Puy-de-Dôme [5] . Le fond 90 de la série H (hôpitaux) concerne
le refuge de la ville de Clermont. Des 12 cartons, peu organisés, non inventoriés, j’ai
extrait 29 lettres et billets demandant ou entérinant au total l’enfermement de 31 femmes
au Refuge de Clermont entre 1709 et 1728. Le corpus de sources se compose de 28 documents
issus de la série 90 H, plus précisément des cartons 90H8 et 90H5. Ils abordent l’entrée
de 31 femmes au Refuge de la ville de Clermont entre 1709 et 1728. 16 de ces documents
sont des décisions de justice, six des ordres d’enfermement ne faisant pas appel au
système judiciaire, trois concernent des enfermements relativement volontaires. On trouve
enfin deux documents uniques en leur genre. Le premier est un certificat d’un chirurgien
adressé à la directrice du Refuge, l’autre une réponse de l’administrateur du Refuge de
Riom à la directrice du refuge de Clermont concernant le motif d’enfermement d’une de ses
pénitentes.
Il s’agit ainsi des documents variés : certains sont des dossiers d’enfermement, ou
des pièces desdits dossiers. La plupart sont incomplets. Afin de traiter notre sujet, nous
allons diviser en deux grandes catégories les femmes qui sont enfermées dans cette
institution : les femmes marginales, et les femmes insérées dans la société clermontoise
du xviii e siècle.
C’est à travers trois axes que nous allons ici interroger ces sources, pour comparer
les filles « locales » et « étrangères » et ainsi répondre au titre de cette
communication : s’inscrire dans un réseau familial, paroissial, est-il une protection
contre l’enfermement au Refuge [6] ?
Pour 22 des femmes de ce corpus, la décision
d’enfermement est motivée. Que révèle l’examen de ces motifs ?
La prostitution est un motif d’enfermement fréquent. Il est parfois explicite, comme
pour Anne-Marie Coupon et Caterine Pioton, dont le curé de la paroisse du Port certifie
qu’elles « se prostituent publiquement [7] ».
Dans les cas d’une Marion, ou d’une « fille » anonyme, arrêtées dans l’écurie du
régiment de cavalerie de la ville où elles se trouvaient en compagnie de soldats, on
oscille entre les motifs de prostitution et de débauche. Cette notion de débauche demeure
floue : des quelques indices disponibles dans les sources on peut décider qu’il s’agit
d’un synonyme de prostitution ou d’un euphémisme de viol. Dans un cas comme dans l’autre,
la sanction demeure la même, et destinée à la femme.
Ces femmes, arrêtées pour prostitution, ou parfois débauche, ne semblent disposer
d’aucun réseau, familial ou social. Elles sont étrangères à la ville comme Isabelle Larré
qui, arrêtée à Clermont pour prostitution [8] , se dit
originaire de Rouen ; ou sont des marginales connues de la ville où elles sont arrêtées :
Antoinette Bourdieu est étrangère et « assurée de troubles et mauvais commerces dans son
quartier [9] ».
Si les troubles à l’ordre public constituent les motifs d’enfermement les plus
visibles, certains paraissent relever de l’ordre privé. Anne Varzeille, habitante de
Montferrand, est accusée de débauche et du refus de vivre avec son mari [10] . Gilberte Chaler est arrêtée à Sauxillange, ville où elle
réside, dans les environs de Clermont-Ferrand. Elle est accusée d’avoir eu un enfant avec
un homme par ailleurs marié. Une Magdeleine est chassée de sa paroisse, puis enfermée au
Refuge, parce qu’elle a elle aussi eu un enfant sans être mariée. Marie Savignier est
quant à elle enfermée pour « ses égarements qui ne sont que corps public [11] ».
Les comportements qui peuvent entraîner un enfermement au Refuge sont donc variés.
Ils ont tous en commun de sanctionner un comportement sexuel féminin déviant [12] . Toutefois, si l’on observe ces motifs d’enfermement sous ce
prisme défini au départ – les femmes insérées versus les marginales – on remarquera que si les étrangères ou marginales ne
sont arrêtées que pour prostitution, les femmes bénéficiant d’une famille, ou étant
insérées dans un « réseau » paroissial, sont quant à elles susceptibles d’être enfermées
pour des débauches publiques, mais aussi pour avoir dérangé l’ordre familial ou marital.
Leur mode de vie instable est susceptible d’être remarqué, et condamné, par un nombre plus
important de personnes.
Recenser les signatures au bas des demandes et décisions d’enfermements fait
apparaître la présence, pêle-mêle, des représentants de la ville, de l’autorité
judiciaire, des administrateurs, des membres du clergé, et de quelques membres des
familles des enfermées. Toutefois, l’aspect disparate de ce corpus de sources, ainsi que
le peu de travaux ayant été à ce jour faits sur les Refuges, ne nous permet pas d’en tirer
beaucoup de conclusions, ni de répondre à des questions telles que « qui décide au final
de l’enfermement ? », « quelles sont les possibilités d’appel ? », « Y-a-t-il seulement un
procès ? ». En revanche, on peut voir avec ces documents qui peut faire la demande, et
obtenir, l’enfermement d’une femme dans un Refuge.
Là encore, la division entre femmes isolées et femmes « insérées » est pertinente.
Les femmes les plus isolées et marginales, des étrangères pauvres, sont arrêtées par les
membres du régiment de cavalerie. Extérieures aux réseaux locaux, elles ne peuvent être
condamnées que par des instances officielles et sans liens de personnes.
Des femmes marginales, mais moins isolées sont quant à elles condamnées par leur
paroisse. C’est par exemple le cas de Gilberte Chaler. Arrêtée à Sauxillange, elle est
enfermée au Refuge de Clermont à la suite d’une supplique, formulée par un groupe de
femmes dévotes de la ville. Informées du mode de vie de la jeune femme (mère d’un enfant
qu’elle a eu avec un homme marié dont elle était la servante, elle élève seule son enfant
tout en entretenant, sans discrétion particulière, sa liaison avec le père de cet
enfant.), « les suppliantes pour faire cesser un scandale si notoire et sy criant ont vu
qu’estoit de leur devoir a en oster l’occasion par l’éloignement nécessaire de ladite
Chaler et par la séparation de son suborneur [13] ».
On retrouve ce même discours – sauver la femme du péché en lui imposant la pénitence
– chez par exemple le curé de la paroisse de St Genest de Clermont-Ferrand, dont la
demande d’enfermement est aussi claire que concise :
Je certifie à monsieur le lieutenant général que la nommée Manon, estrangère, a vécu
depuis longtemps et vit actuellement dans une prostitution la plus honteuse et la plus
scandaleuse, et que l’honneur de Dieu et l’édification publique demandent qu’elle soit
mise en pénitence dans le refuge, fait le vingt-deux décembre 1721. [14]
Les représentants d’une ville, d’une paroisse, se chargent ainsi de maintenir un
ordre moral dans le territoire dont ils ont la responsabilité.
Enfin, la troisième catégorie de personnes qui demande l’enfermement pour une femme
sont les membres masculins de leur famille. Claude Savignier, praticien demeurant dans la
ville de Clermont « déclare que c’est par son consentement et même par son ordre que Marie
Savignier, sa fille, est entrée dans ladite maison du Refuge en qualité de pénitente, en
cause de ses égarements qui ne sont que corps publics [15] ».
François Donnat est lui vigneron, et est autorisé par le lieutenant de la police des
faubourgs de la ville à « faire conduire dans une maison de correction sa femme, Anne
Varzeille, qui refuse d’habiter avec lui par débauche, ce qui a duré très longtemps, sans
pouvoir y remédier [16] »
Ainsi, si être marginale ou isolée fait risquer l’enfermement pour avoir dérangé
l’ordre public, être insérée dans la société n’est pas une garantie d’immunité : le
contrôle social des groupes auxquels elles appartiennent s’exerce à plein.
Ici, une fois les voies de l’enfermement au Refuge décrites, il serait extrêmement
intéressant de pouvoir passer à l’intérieur des murs de l’institution. Le fonctionnement
de ce refuge pourrait nous informer sur des différences de traitements entre les femmes
incarcérées par simple décision judiciaire, et celles enfermées par leur famille.
Malheureusement, les sources étant lacunaires, le corpus précédemment décrit ne permet pas
de passer ces murs. Cependant, dans ces demandes et décisions d’enfermement, on trouve
quelques indications sur la durée des séjours. Cela ne concerne pas toutes les demandes,
et, sur un échantillon aussi réduit que celui-ci, limite d’autant la portée des
conclusions.
On peut toutefois noter que, dans certains cas, on prend la peine, dès la décision
rédigée, de mentionner la durée de l’incarcération. Ainsi, Jeanne Boyer, arrêtée à
Pontaumur [17] , conduite « en la maison de force du refuge de
Clermont », et condamnée à y rester deux mois, après lesquels elle devra quitter la ville.
L’examen du corpus de sources révèle que seules les étrangères/marginales peuvent voir
leur peine ainsi prédéfinie.
En revanche, pour les femmes enfermées à la demande de leur père ou époux, la durée
de la sanction n’est pas donnée. Pour Marie Savignier [18] ,
dont on a parlé tout à l’heure, son père laisse à la discrétion des administrateurs du
Refuge la durée de son incarcération. Avec le dossier d’Antoinette Delaval [19] , on peut saisir que c’est le mari — ou le père — qui est le
seul responsable de la fin de la pénitence « La femme dudit Blanchet [… sera…] conduite
dans une maison de pénitence de laquelle son mary pourra la retirer si bon lui semble sans
qu’il soit besoin d’autre ordonnance ».
Il ne s’agit ici que de traces, mais cette petite différence de traitement — durée
limitée ou illimitée de la peine —, ainsi que la différence de vocabulaire — maison de force pour les enfermées temporaires, maison de pénitence pour les autres – laisse supposer que
la double fonction du refuge, à la fois lieu de pénitence et de coercition, s’illustre de
manière concrète dans l’organisation du Refuge.
De plus, l’idée même de pénitence dépasse la simple idée de punition : il s’agit,
dans l’esprit de la Réforme catholique, de permettre aux pauvres et aux déviants
d’accepter leur pénitence, de manière à devenir des « vrais pauvres », c’est-à-dire ceux
qui, en choisissant la voie de la pénitence, font le choix de sauver leur âme [20] . C’est en effet d’une institution religieuse qu’il s’agit.
Ainsi, on peut voir, dans les décisions des familles une volonté de protection envers
leurs femmes, leurs filles : les protéger d’elles-mêmes, leur offrir, ou, selon le regard
que l’on porte sur la situation, leur imposer, la possibilité de racheter leur
salut.
D’après l’étude de ces sources, disposer d’un réseau familial ne protège pas, en
Auvergne, d’un enfermement au Refuge. Être insérée dans un réseau paroissial, dans une
ville, n’est pas non plus une protection. Bien que les villes d’Ancien Régime répriment en
premiers lieux les pauvres et marginaux étrangers, dans le cas des Refuges, s’exerce la
question du contrôle social.
En effet, le Refuge, comme toute structure relevant du maillage hospitalier d’Ancien
Régime, est une institution religieuse, et comporte ainsi une dimension morale,
s’adressant dans ce cas précis spécifiquement aux femmes. Ainsi, s’appliquent à elles à la
fois le contrôle de la ville, et celui des groupes sociaux auxquels elles
appartiennent.
Cette rapide analyse des billets d’enfermement met en lumière, on l’a vu, la double
nature du Refuge : à la fois une prison moderne pour les étrangères ou marginales qui
dérangent l’ordre public, et, pour les femmes appartenant à une famille, une paroisse, un
lieu destiné principalement au redressement de leurs âmes.
Cette introduction au monde des Refuges gagnerait à être complétée par l’étude des
lettres de cachet. En effet, ces missives royales permettent sous l’Ancien Régime
l’emprisonnement immédiat, et sans procès, de n’importe quel individu. Elles ne
s’adressent pas uniquement aux femmes, et leur étude éclairerait ainsi de manière
intéressante ce monde de l’enfermement. D’autre part, ce sont aussi des lettres de cachet
qui permettent parfois à certains ou certaines enfermés des hôpitaux généraux d’Ancien
Régime de recouvrer leur liberté [21] . À l’origine
d’enfermements arbitraires et de libérations tout aussi soudaines, ces lettres royales
apparaissent comme une très intéressante source complémentaire.
Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique , Paris, Gallimard,
1972.
Norbert Elias, La civilisation des moeurs, Paris, Calmann-Levy, 1991 [1939].
Andrew Scull, « Michel Foucault, crépuscule d’une idole », Books , n. 8, sept. 2009, p. 48-52, première publication dans le Times Literary Supplement , 23 mars 2007.
Marie-Claude Dinet-Lecomte, « Faux semblants et avatars de l’enfermement à l’époque moderne », communication au
colloque Enfermements. Le cloître et la prison
( vi e - xviii e) , communication au Colloque
international , Troyes, Clairvaux, Bar-sur-Aube, 22-23-24 Octobre 2009.
Élise Chopin-Tufel, « les demandes d’enfermements dans la généralité de Rouen au
xviii e siècle : le récit de
vie comme objet d’Histoire », L’Atelier du Centre de
recherches historiques , 05-2009, page consultée en ligne le 6 juillet 2010
( http://arch.revues.org/index1570.html ).
AD63-90H8 - enfermement de Marie Anne Coupon et Caterine Pioton.
AD63-90H8-enfermement Isabelle Larré et Madeleine Martin.
AD63-90H8-enfermement antoinette Bourdieu.
AD63-90H8-enfermement de Anne Varzeille.
AD63-90H8-enfermement de Marie Savignier.
Christophe Regina, « Brimer les corps, contraindre les âmes : l’institution du
Refuge au xviii e siècle. », Genre
& Histoire , no 1 (Automne 2007), page consulté en ligne le 5 novembre 2010
( http://genrehistoire.revues.org/index97.html ).
AD63-90H5-liasse 5 – enfermement de Gilberte Chaler.
AD63-90H8-enfermement de Manon de St Genest.
AD63-90H8-enfermement de Marie Savignier.
AD63-90H8-enfermement de Anne Varzeille.
Commune de l’actuel département du Puy-de-Dôme, situé à une quarante de kilomètre à
l’ouest de Clermont-Ferrand.
AD63-90H8-enfermement de Marie Savignier
AD63-90H8-enfermement de Antoinette
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