La catin du desert qui adore la nature

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La catin du desert qui adore la nature
A. Lemerre , 1883 ( p. 303 - 401 ).
book Les Diaboliques Jules Barbey d’Aurevilly A. Lemerre 1883 Paris V À un Dîner d’athées Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/7 303-401 


Dernière modification il y a 10 ans par Bgeslin



e jour tombait depuis quelques instants dans les rues de la ville de ***. Mais, dans l’église de cette petite et expressive ville de l’Ouest, la nuit était tout à fait venue. La nuit avance presque toujours dans les églises. Elle y descend plus vite que partout ailleurs, soit à cause des reflets sombres des vitraux, quand il y a des vitraux, soit à cause de l’entrecroisement des piliers, si souvent comparés aux arbres des forêts, et aux ombres portées par les voûtes. Cette nuit des églises, devance un peu la mort définitive du jour au dehors, n’en fait guère nulle part fermer les portes. Généralement, elles restent ouvertes, l’ Angelus sonné, — et même quelquefois très tard, la veille des grandes fêtes par exemple, dans les villes dévotes, où l’on se confesse en grand nombre pour les communions du lendemain. Jamais, à aucune heure de la journée, les églises de province ne sont plus hantées par ceux qui les fréquentent qu’à cette heure vespérale où les travaux cessent, où la lumière agonise, et où l’âme chrétienne se prépare à la nuit, — à la nuit qui ressemble à la mort et laquelle la mort peut venir. À cette heure-là, on sent vraiment très bien que la religion chrétienne est la fille des catacombes et qu’elle a toujours quelque chose en elle des mélancolies de son berceau. C’est à ce moment, en effet, que ceux qui croient encore à la prière aiment à venir s’agenouiller et s’accouder, le front dans leurs mains, en ces nuits mystérieuses des nefs vides, qui répondent certainement au plus profond besoin de l’âme humaine, car si pour nous autres mondains et passionnés, le tête-à-tête en cachette avec la femme aimée nous paraît plus intime et plus troublant dans les ténèbres, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les âmes religieuses avec Dieu, quand il fait noir devant ses tabernacles, et qu’elles lui parlent, de bouche à oreille, dans l’obscurité ?

Or, c’est ainsi qu’elles semblaient lui parler dans l’église de *** ce jour-là, les âmes pieuses qui y étaient venues faire leurs prières du soir, selon leur coutume. Quoique dans la ville, grise d’un crépuscule brumeux d’automne, les réverbères ne fussent pas encore allumés, — ni la petite lampe grillagée de la statue de la Vierge, qu’on voyait à la façade de l’hôtel des dames de la Varengerie, et qui n’y est plus à présent, — il y avait plus de deux heures que les Vêpres étaient finies, — car c’était dimanche, ce jour-là, — et le nuage d’encens qui forme longtemps un dais bleuâtre dans l’en-haut des voûtes du chœur, après les Offices, s’y était évaporé. La nuit, épaisse déjà dans l’église, y étalait sa grande draperie d’ombre qui semblait, comme une voile tombant d’un mât, déferler des cintres. Deux maigres cierges, perchés au tournant de deux piliers de la nef, assez éloignés l’un de l’autre, et la lampe du sanctuaire, piquant sa petite étoile immobile dans le noir du chœur, plus profond que tout ce qui était noir à l’entour, faisaient ramper sur les ténèbres qui noyaient la nef et les bas-côtés, une lueur fantômale plutôt qu’une lumière. À cette filtration de clarté incertaine, il était possible de se voir douteusement et confusément, mais il était impossible de se reconnaître… On apercevait bien, ici et là, dans les pénombres, des groupes plus opaques que les fonds sur lesquels ils se détachaient vaguement, — des dos courbés, — quelques coiffes blanches de femmes du peuple agenouillées par terre, — deux ou trois mantelets qui avaient baissé leurs capuchons ; mais c’était tout. On s’entendait mieux qu’on ne se voyait. Toutes ces bouches qui priaient à voix basse, dans ce grand vaisseau silencieux et sonore, et par le silence rendu plus sonore, faisaient ce susurrement singulier qui est comme le bruit d’une fourmilière d’âmes, visibles seulement à l’œil de Dieu. Ce susurrement continu et menu, coupé, par intervalles, de soupirs, ce murmure labial, — si impressionnant dans les ténèbres d’une église muette, — n’était troublé par rien, si ce n’est, parfois, par une des portes des bas-côtés, qui roulait sur ses gonds et claquait en se refermant derrière la personne qui venait d’entrer ; — le bruit alerte et clair d’un sabot qui longeait l’orée des chapelles ; — une chaise qui, heurtée dans l’obscurité, tombait ; — et, de temps en temps, une ou deux toux, de ces toux retenues de dévotes qui les musiquent et qui les flûtent, par respect pour les saints échos de la maison du Seigneur. Mais ces bruits, qui n’étaient que le passage rapide d’un son, n’interrompaient pas ces âmes attentives et ferventes dans le train-train de leurs prières et l’éternité de leur susurrement.

Et voilà pourquoi, de ce groupe de fidèles, recueillis et rassemblés chaque soir dans l’église de ***, aucun ne prit garde à un homme qui en eût assurément étonné plus d’un, s’il avait fait assez de jour ou de clarté pour qu’il fût possible de le reconnaître. Ce n’était pas, lui, un hanteur d’église. On ne l’y voyait jamais. Il n’y avait pas mis le pied depuis qu’il était revenu, après des années d’absence, habiter momentanément sa ville natale. Pourquoi donc y entrait-il ce soir-là ?… Quel sentiment, quelle idée, quel projet l’avait décidé à franchir le seuil de cette porte, devant laquelle il passait plusieurs fois par jour comme si elle n’eût pas existé ?… C’était un homme haut en tout, qui avait dû courber sa fierté autant que sa grande taille pour passer sous la petite porte basse cintrée, et verdie par les humidités de ce pluvieux climat de l’Ouest ; et qu’il avait prise pour entrer. Il ne manquait pas, après tout, de poésie dans sa tête de feu. Quand il entra dans ce lieu, qu’il avait probablement désappris, fut-il frappé de l’aspect presque tombal de cette église, qui, de construction, ressemble à une crypte, car elle est plus basse que le pavé de la place sur laquelle elle est bâtie, et son portail, à escalier intérieur de quelques marches, plus élevé que le maître autel ?… Il n’avait pas lu sainte Brigitte. S’il l’avait lue, il aurait, en entrant dans cette atmosphère nocturne, pleine de mystérieux chuchotements, pensé à la vision de son Purgatoire, à ce dortoir, morne et terrible, où l’on ne voit personne et où l’on entend des voix basses et des soupirs qui sortent des murs… Quelle que fût, du reste, son impression, toujours est-il qu’il s’arrêta, peu sûr de lui-même et de ses souvenirs, s’il en avait, au milieu de la contre-allée dans laquelle il s’était engagé. Pour qui l’eût observé, il cherchait évidemment quelqu’un ou quelque chose, qu’il ne trouvait pas dans ces ombres… Cependant, quand ses yeux s’y furent un peu faits et qu’il put retrouver autour de lui les contours des choses, il finit par apercevoir une vieille mendiante, croulée, plutôt qu’agenouillée, pour dire son chapelet, à l’extrémité du banc des pauvres , et il lui demanda, en la touchant à l’épaule, la chapelle de la Vierge et le confessionnal d’un prêtre de la paroisse qu’il lui nomma. Renseigné par cette vieille habituée du banc des pauvres qui, depuis cinquante ans peut-être, semblait faire partie du mobilier de l’église de *** et lui appartenir autant que les marmousets de ses gargouilles, l’homme en question arriva, sans trop d’encombre, à travers les chaises dérangées et dispersées par les Offices de la journée, et se planta juste debout devant le confessionnal qui est au fond de la chapelle. Il y resta les bras croisés, comme les ont presque toujours, dans les églises, les hommes qui n’y viennent pas pour prier et qui veulent pourtant y avoir une attitude convenable et grave. Plusieurs dames de la congrégation du Saint-Rosaire, alors en oraison autour de cette chapelle, si elles avaient remarqué cet homme, n’auraient pu le distinguer autrement que par je ne dirai pas l’impiété, mais la non piété de son attitude. D’ordinaire, il est vrai, les soirs de confession, il y avait auprès de la quenouille de la Vierge, ornée de ses rubans, un cierge tors de cire jaune allumé et qui éclairait la chapelle ; mais, comme on avait communié en foule le matin et qu’il n’y avait plus personne au confessionnal, le prêtre de ce confessionnal, qui y faisait solitairement sa méditation, en était sorti, avait éteint le cierge de cire jaune, et était rentré dans son espèce de cellule en bois pour y reprendre sa méditation, sous l’influence de cette obscurité qui empêche toute distraction extérieure et qui féconde le recueillement. Était-ce ce motif, était-ce hasard, caprice, économie ou quelque autre raison de ce genre, qui avait déterminé l’action très simple de ce prêtre ? Mais, à coup sûr, cette circonstance sauva l’incognito, s’il tenait à le garder, de l’homme entré dans la chapelle, et qui, d’ailleurs, n’y demeura que peu d’instants… Le prêtre, qui avait éteint son cierge avant son arrivée, l’ayant aperçu à travers les barreaux de sa porte à claire-voie ; rouvrit toute grande cette porte, sans quitter le fond du confessionnal dans lequel il était assis ; et l’homme, décroisant ses bras, tendit au prêtre un objet indiscernable qu’il avait tiré de sa poitrine :

— Tenez, mon père ! — dit-il d’une voix basse, mais distincte. — Voilà assez longtemps que je le traîne avec moi !

Et il n’en fut pas dit davantage. Le prêtre, comme s’il eût su de quoi il s’agissait, prit l’objet et referma tranquillement la porte de son confessionnal. Les dames de la congrégation du Saint-Rosaire crurent que l’homme qui avait parlé au prêtre allait s’agenouiller et se confesser, et furent extrêmement étonnées de le voir descendre le degré de la chapelle d’un pied leste, et regagner la contre-allée par où il était venu.

Mais, si elles furent surprises, il fut encore plus surpris qu’elles, car, au beau milieu de cette contre-allée qu’il remontait pour sortir de l’église, il fut saisi brusquement par deux bras vigoureux, et un rire, abominablement scandaleux dans un lieu si saint, partit presque à deux pouces de sa figure. Heureusement pour les dents qui riaient qu’il les reconnut, si près de ses yeux !

— Sacré nom de Dieu ! — fit en même temps le rieur à mi-voix, mais pas de manière cependant qu’on n’entendît pas, près de là, le blasphème et l’autre irrévérente parole, — qu’est-ce que tu fous donc, Mesnil, dans une église, à pareille heure ? Nous ne sommes plus en Espagne, comme au temps où nous chiffonnions si joliment les guimpes des religieuses d’Avila.

Celui qu’il avait appelé « Mesnil » eut un geste de colère.

— Tais-toi ! — dit-il, en réprimant l’éclat d’une voix qui ne demandait qu’à retentir. — Es-tu ivre ?… Tu jures dans une église comme dans un corps de garde. Allons ! pas de sottises ! et sortons d’ici décemment tous deux.

Et il doubla le pas, enfila, suivi de l’ autre , la petite porte basse, et quand, dehors et à l’air libre de la rue, ils eurent pu reprendre la plénitude de leur voix :

— Que tous les tonnerres de l’enfer te brûlent, Mesnil ! — continua l’ autre , qui paraissait comme enragé. — Vas-tu donc te faire capucin ?… Vas-tu donc manger de la messe ?… Toi, Mesnilgrand, toi, le capitaine de Chamboran, comme un calotin, dans une église !

— Tu y étais bien, toi ! — dit Mesnil, avec tranquillité.

— J’y étais pour t’y suivre. Je t’ai vu y entrer, plus étonné de ça, ma parole d’honneur, que si j’avais vu violer ma mère. Je me suis dit : Qu’est-ce donc qu’il va faire dans cette grange à prêtraille ?… Puis j’ai pensé qu’il y avait là quelque damnée anguille de jupe sous roche, et j’ai voulu voir pour quelle grisette ou pour quelle grande dame de la ville tu y allais.

— Je n’y suis allé que pour moi seul, mon cher , — dit Mesnil, avec l’insolence froide du plus complet mépris, de ce mépris qui se soucie bien de ce qu’on pense.

— Alors, tu m’étonnes plus diablement que jamais !

— Mon cher, — reprit Mesnil, en s’arrêtant, — les hommes… comme moi, n’ont été faits, de toute éternité, que pour étonner les hommes… comme toi.

Et, tournant le dos et hâtant le pas, comme quelqu’un qui n’entend pas être suivi, il monta la rue de Gisors et regagna la place Thurin, dans un des angles de laquelle il demeurait.

Il demeurait chez son père, le vieux M. de Mesnilgrand comme on l’appelait par la ville, quand on en parlait. C’était un vieillard riche et avare (prétendait-on), dur à la détente, — c’était le mot dont on se servait, — qui depuis longues années vivait retiré de toutes compagnies, excepté pendant les trois mois que son fils, qui habitait Paris, venait passer dans la ville de ***. Alors, ce vieux M. de Mesnilgrand, qui ne voyait pas un chat d’ordinaire, se mettait à inviter et à recevoir les anciens amis et camarades de régiment de son fils et à se gaver de ces somptueux dîners d’avare, à faire partout, disaient les rabelaisiens de l’endroit, fort malproprement et fort ingratement aussi, car la chère (cette chère de vilain vantée par les proverbes) y était excellente.

Pour vous en donner une idée, il y avait, à cette époque-là, dans la ville de ***, un fameux receveur particulier des finances, qui avait, quand il y arriva, produit l’effet d’un carrosse à six chevaux entrant dans une église. C’était un assez mince financier que ce gros homme, mais la nature s’était amusée à en faire, de vocation, un grand cuisinier. On racontait qu’en 1814, il avait apporté à Louis XVIII, détalant vers Gand, d’une main la caisse de son arrondissement, et de l’autre un coulis de truffes qui semblait avoir été cuisiné par les sept diables des péchés capitaux, tant il était délicieux ; Louis XVIII avait, comme de juste, pris la caisse sans dire seulement merci ; mais, de reconnaissance pour le coulis, il avait orné l’estomac prépotent de ce maître queux de génie, poussé en pleines finances, de son grand cordon noir de Saint-Michel, qu’on n’accordait guère qu’à des savants ou à des artistes. Avec ce large cordon moiré, toujours plaqué sur son gilet blanc, et son crachat d’or allumant sa bedaine, ce Turcaret de M. Deltocq (il s’appelait Deltocq), qui, les jours de Saint-Louis, portait l’épée et l’habit de velours à la française, orgueilleux et insolent comme trente-six cochers anglais poudrés d’argent, et qui croyait que tout devait céder à l’empire de ses sauces, était pour la ville de ***, un personnage de vanité et de faste presque solaire… Eh bien ! c’est avec ce haut personnage dînatoire, qui se vantait de pouvoir faire quarante-neuf potages maigres d’espèces différentes, mais qui ne savait pas combien il en pouvait faire de gras, — c’était l’infini ! — que la cuisinière du vieux M. de Mesnilgrand luttait, et à qui elle donnait des inquiétudes, pendant le séjour à *** de son fils, au vieux M. de Mesnilgrand !

Il en était fier, de son fils ; — mais aussi, il en était triste, ce grand vieillard de père, et il y avait de quoi ! Son jeune homme , comme il l’appelait, quoiqu’il eût quarante ans passés, avait eu la vie brisée du même coup qui avait mis l’Empire en miettes et renversé la fortune de Celui qui alors n’était plus que l’ Empereur , comme s’il avait perdu son nom dans sa fonction et dans sa gloire ! Parti comme vélite à dix-huit ans, de l’étoffe dans laquelle se taillaient les maréchaux à cette époque, le fils Mesnilgrand avait fait les guerres de l’Empire, ayant sur son kolback tous les panaches de l’espérance ; mais le tonnerre final de Waterloo avait brûlé jusqu’à ras de terre ses dernières ambitions. Il était de ceux que la Restauration ne reprit pas à son service, parce qu’ils n’avaient pu résister à la fascination du retour de l’île d’Elbe, qui fit oublier leurs serments aux hommes les plus forts, comme s’ils avaient perdu leur libre arbitre. Le chef d’escadron Mesnilgrand, celui dont les officiers de Chamboran, ce régiment romanesquement brave, disaient : « On peut être aussi brave que Mesnilgrand ; mais davantage, c’est impossible ! » vit de ses camarades de régiment, qui n’avaient pas des états de service comparables aux siens, devenir, à sa moustache, colonels des plus beaux régiments de la Garde Royale ; et, quoiqu’il ne fût pas jaloux, ce lui fut une cruelle angoisse… C’était une nature de l’intensité la plus redoutable. La discipline militaire d’un temps où elle fut presque romaine, fut seule capable d’endiguer les passions de ce violent qui — de ses passions inexprimablement terribles — avait révolté sa ville natale avant dix-huit ans, et failli mourir. Avant dix-huit ans, en effet, des excès de femmes, des excès insensés, lui avaient donné une maladie nerveuse, une espèce de tabes dorsal pour lequel il avait fallu lui brûler la colonne vertébrale avec des moxas. Cette médication effrayante qui épouvanta la ville de *** comme ses excès l’avaient épouvantée, fut un genre de supplice exemplaire dont les pères de famille de la ville infligèrent la vue à leurs fils, pour les moraliser, comme on moralise les peuples par la terreur. Ils les menèrent voir brûler le jeune Mesnilgrand, qui n’échappa aux morsures du feu, dirent les médecins, que grâce à une organisation d’ enfer ; c’était le mot, puisqu’elle avait si bien résisté à la flamme. Aussi quand, avec cette organisation si prodigieusement exceptionnelle, qui, après les moxas, résista plus tard aux fatigues, aux blessures et à tous les fléaux qui puissent fondre sur un homme de guerre, Mesnilgrand, robuste encore, se vit, en pleine maturité, sans le grand avenir militaire qu’il avait rêvé, sans but désormais, les bras cassés et l’épée clouée au fourreau, ses sentiments s’exaspérèrent jusqu’à la fureur la plus aiguë… S’il fallait, pour le faire comprendre, chercher dans l’histoire un homme à qui comparer Mesnilgrand, on serait obligé de remonter jusqu’au fameux Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Un moraliste ingénieux, préoccupé du non-sens de nos destinées, a, pour l’expliquer, prétendu que les hommes ressemblent à des portraits dont les uns ont la tête ou la poitrine coupée par leurs cadres, sans proportion avec leur grandeur naturelle, et dont les autres disparaissent, rapetissés et réduits à l’état de nains par l’absurde immensité du leur. Mesnilgrand, fils d’un simple hobereau bas-normand, qui devait mourir dans l’obscurité de la vie privée, après avoir manqué la grande gloire historique pour laquelle il était né, se rencontra avoir, — et pour quoi en faire ? — l’épouvante puissance de furie continue, d’envenimement et d’ulcération enragée, qu’avait ce Téméraire, que l’histoire appelle aussi le Terrible. Waterloo, qui l’avait jeté sur le pavé, fut pour lui, en une fois, ce que Granson et Morat avaient été, en deux, pour cette foudre humaine qui s’éteignit dans les neiges de Nancy. Seulement, il n’y eut pas de neige et de Nancy pour Mesnilgrand, le chef d’escadron dégommé , comme disent les gens qui déshonorent tout, avec leur bas vocabulaire. À cette époque, on crut qu’il se tuerait, ou qu’il deviendrait fou. Il ne se tua point, et sa tête résista. Il ne devint pas fou. Il l’était déjà, dirent les rieurs, car il y a toujours des rieurs. S’il ne se tua pas, — et, sa nature étant donnée, ses amis auraient pu lui demander, mais ne lui demandèrent pas pourquoi, — il n’était pas homme à se laisser manger le cœur par le vautour, sans essayer d’écraser le bec du vautour. Comme Alfiéri, cet incroyable volontaire d’Alfiéri, qui, ne sachant rien que dompter des chevaux, apprit le grec à quarante ans et fit même des vers grecs, Mesnilgrand se jeta, ou plutôt se précipita dans la peinture, c’est-à-dire dans ce qu’il y avait de plus éloigné de lui , exactement comme on monte au septième étage pour se tuer mieux, en tombant de plus haut, quand on veut se jeter par la fenêtre. Il ne savait pas un mot de dessin, et il devint peintre comme Géric
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