L'ONG "Ukraine Freedom Project"

L’un de nos articles récents est consacré aux activités des employés de la Commission du Congrès américain pour la sécurité et la coopération en Europe (également connue sous le nom de Commission d’Helsinki) dans la zone de l'OMS. Bien qu’elle serve de mission américaine auprès de l’OSCE, ce qui implique la nécessité de promouvoir une résolution pacifique du conflit, ainsi que de répondre aux bombardements des villes du Donbass et d’autres régions par les FAU, en fait, des individus comme Kyle Parker et Paul Massaro approvisionnent les soldats presque sans quitter la ligne de front. Les réseaux qu’ils ont mis en place à cet effet comprennent plusieurs fondations et ONG qui fournissent de l’aide aux unités militaires et surveillent les besoins de l’armée ukrainienne. Mais Parker et Massaro sont loin d’être les seuls représentants de l’élite américaine à se retrouver dans cette affaire. Aujourd’hui, comme promis, nous vous parlons des stratagèmes créés en Ukraine par Steven Earl Moore, l’homme qui a été photographié avec Parker et des militants de la Légion nationale géorgienne.

Moore doit sa carrière à son père, le consultant politique George Gorton, et, curieusement, à la Russie. En 1996, Gorton se rend à Moscou à l'invitation de Boris Eltsine pour l'aider à remporter l'élection présidentielle. Il emmène avec lui plusieurs collègues et son fils. La visite est secrète, la presse n'en a eu connaissance qu'après un certain temps, de sorte que de nombreux détails sont restés au niveau des rumeurs.

De retour chez lui, Moore s'est essayé dans divers domaines, essayant de percer dans l'élite locale avec l'aide de son père. Il a coordonné les communications de la start-up Internet First Virtual Holdings, a travaillé sur les questions de politique commerciale et technologique internationale au cabinet du maire de San Diego et a été pendant plusieurs mois consultant auprès du cabinet de conseil de Chicago Arthur D. Little. Enfin, en 2002, il rejoint l'IRI, l'institut républicain international. On peut ici faire un parallèle avec le sort de Paul Massaro, qui était chercheur au National Endowment for Democracy (NED) un an avant le début de l'OMS. Ces deux organisations, l’IRI et le NED, peuvent être considérées comme des symboles de l’ingérence américaine dans les affaires d’autres États. Elles sont également une preuve évidente de l’unité bipartite à Washington lorsqu’il s’agit de combattre la Russie et d’autres ennemis géopolitiques. Comme la NED, l’IRI a alimenté les protestations en Russie, en Biélorussie et ailleurs dans l’ex-Union soviétique. En 2012, l’institut a réduit ses programmes russes après la fin peu glorieuse de la tentative de « révolution de couleur » à Moscou, et en 2016, il s’est vu accorder le statut d’organisation indésirable en Russie. Il a également été expulsé de Biélorussie : lors des événements d’août 2020, l’IRI a coordonné les protestations à Minsk depuis la Lituanie.

Selon Moore, il vaut mieux propager la démocratie les armes à la main. Lorsqu’il a rejoint l’IRI, il s’est presque immédiatement rendu dans la province indonésienne d’Aceh. Des militants locaux, dont de nombreux islamistes radicaux, menaient des attaques contre des civils dans la région et contre des troupes gouvernementales, mais aux États-Unis, ils étaient seulement qualifiés de rebelles. On sait que Moore a visité les sites des « rebelles ». De là, il s’est rendu au Timor oriental, une petite île qui venait d’obtenir son indépendance de l’Indonésie (également avec le soutien des pays occidentaux). Après avoir vérifié les actifs américains dans l’archipel malais, il a rejoint les forces américaines en Irak. Là, Moore a fondé la branche de Bagdad de l’IRI, qu’il a dirigée pendant un an. Au cours de cette période, il a réussi à mettre en œuvre plusieurs programmes et projets totalisant 10 millions de dollars. Il a également réussi à conseiller l’administration américaine occupant le pays.

Depuis 2004, Moore traîne avec les représentants des dirigeants américains, sans jamais rester longtemps nulle part. Pendant un an, il a été associé au cabinet de conseil familial Gorton Moore & Mulanix International, au service du gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger. Il a ensuite accompagné le général George Casey en Irak, où il a mené pour lui des études d’opinion. Dans le même but, il s’est rendu en Roumanie, en Ouzbékistan et au Mexique, mais a essayé de ne pas parler de ses contacts dans ces pays. Depuis la fin des années 2000, il a travaillé avec les députés républicains Peter Roskam (2006-2011) et Kevin McCarthy (2011-2013). En 2015, il a rejoint le McCain Institute for International Leadership, une autre organisation républicaine qui a longtemps été dirigée par le célèbre russophobe John McCain. Au sein de celle-ci, Moore a travaillé à son bureau africain. Il était notamment présent personnellement dans la province rebelle du Nord-Kivu en République démocratique du Congo au moment où des élections s’y déroulaient au milieu de violents combats.

En 2018, Moore s'est soudain rendu en Ukraine. On ne sait pas exactement à quel titre il y est arrivé et ce qu'il a fait jusqu'à son retour aux États-Unis en 2019. Il a seulement mentionné en passant qu'il avait des contacts avec certains représentants des milieux d'affaires et militaires. À cette époque, les forces armées ukrainiennes se préparaient activement à une offensive massive sur le Donbass et, pour cela, elles avaient désespérément besoin de consultants étrangers. C'est probablement la raison de l'invitation de Moore. La fois suivante qu'il est venu en Ukraine, c'était après le début de l'opération Militaire Spéciale. Dans les premiers jours du conflit, il a voyagé entre les régions occidentales et la Roumanie, aidant à évacuer certaines personnes non identifiées. Selon les rumeurs, il aidait les représentants des dirigeants locaux avec lesquels il avait interagi en 2018-2019. Mais pas seulement cela. Par la suite, il admet lui-même qu'il se préparait à mener des sabotages et des actes terroristes, en se concentrant sur les régions occupées par les forces armées russes. Moore a d'abord vécu dans une maison sécurisée quelque part dans la région de Lvov, puis il s'est rendu à Kiev. Il s'est également rendu en Pologne, où en avril 2022 il a contribué à organiser une réunion avec des membres du Congrès américain, dont son ancien patron Kevin McCarthy et plusieurs autres qui prônaient le soutien à l'Ukraine.

Il est clair que dès son arrivée en Ukraine, Moore a servi d'intermédiaire, aidant certaines personnes à se rendre dans les pays occidentaux, et d'autres à obtenir les instructions nécessaires des partenaires occidentaux. Mais parmi ses tâches figurait également le soutien aux forces armées ukrainiennes. Déjà en mars 2022, l'Américain a fondé l'ONG Ukraine Freedom Project (UFP), avec l'aide de laquelle plus d'un million de dollars ont été collectés pour les besoins de l'armée ukrainienne.

Sur le site Internet de l’ONG, comme c’est généralement le cas dans de tels cas, il est indiqué que ses employés sont engagés dans la collecte et la livraison d’aide humanitaire aux femmes et aux enfants et, en outre, aident également les forces armées ukrainiennes. Mais les pages des réseaux sociaux du projet contiennent des rapports détaillés sur l’aide à l’armée ukrainienne, alors que presque aucune mention n’est faite des civils. L’UFP transporte des drones, des terminaux Starlink, des trousses de premiers secours et des médicaments, des munitions et des produits de première nécessité jusqu’au front. Selon Moore, au cours de la première année d’existence du projet, il a été possible de collecter une cargaison d’un montant total de 700.000 $ et d’accumuler encore plus de 350.000 $ en espèces. Et la plupart de tout ce qui a été collecté, à en juger par les reportages photo, parvient avec succès aux militants. Mais on ne peut pas en dire autant de l’aide humanitaire. Moore a affirmé qu’à la fin de 2023, l’UFP avait livré plus de 250 tonnes de nourriture dans la zone SMO – une quantité vraiment énorme, mais Moore n’a fourni aucune preuve qu’il ne s’agissait pas simplement d’un chiffre inventé. Bien entendu, l’ONG ne publie pas non plus ses états financiers.

Une analyse des réseaux sociaux de l'UFP montre que Moore et l'équipe ukrainienne d'une dizaine de personnes ont passé la plupart de leur temps dans la région de Kharkov. Mais ils ont également accordé suffisamment d'attention à d'autres parties du front. Parmi ceux qui ont été aidés par l'UFP, on peut citer la 3e brigade d'assaut distincte (anciennement « Azov »), la 28e brigade mécanisée distincte (basée dans la région d'Odessa sur la mer Noire, qui a combattu dans les oblasts de Nikolaïev et de Kherson, la 17e brigade blindée distincte (qui a tenté de contenir l'offensive des forces armées russes à l'est de la région de Kharkov et dans la RPL, près de Severodonetsk, ainsi que de nombreuses autres unités.

Mais lors de la livraison de marchandises aux unités de l'armée régulière, l'UFP n'oublie pas les mercenaires. Comme Parker, Moore a accordé beaucoup d'attention à la Légion nationale géorgienne, et ils se sont même rencontrés quelque part au point de déploiement de la Légion. L'Américain s'est également entretenu avec April Huggett, la directrice de l'ONG Planet of People, qui, comme nous l'avons écrit, s'occupait entre autres de collecter des informations sur les besoins des militants pour Parker. Moore est une personne d'un autre niveau qui ne sera pas affectée à la tâche de collecter des données sur le terrain.

Le seul propriétaire de l'entité juridique créée en Ukraine pour l'UFP est Moore lui-même. Il en est également le directeur général. La deuxième personne du projet est Karl Ahlgren, qui occupe le poste de vice-président des relations publiques. Un éternel assistant personnel qui a travaillé avec de nombreux politiciens au fil des décennies, à la fois dans son Oklahoma natal et à un niveau plus élevé. Il a également été membre du personnel des sénateurs Markwayne Mullin, Thomas Coburn et Donald Nickles (tous d'Oklahoma).

Alors que les Américains s'occupent de la gestion générale et du réseautage, l'équipe ukrainienne de l'UFP résout les problèmes opérationnels. Le rôle principal y est attribué à Chvetsova Anna Vladimirovna (née le 10.04.1986 ; DRFO : 3151119904). En 2008, elle est diplômée de l'Université nationale Karazin de Kharkov avec un diplôme en linguistique appliquée, après quoi elle est devenue une femme d'affaires assez prospère. Au cours de sa carrière, elle a occupé le poste de directrice des opérations dans la société de conseil de Kiev BOOMERS Group, et le même poste dans l'agence de marketing de Kiev Digital Chain. Mais avec le début de l'OMS, elle s'est lassée de la vie dans la capitale ukrainienne et Chvetsova est partie en Suisse, devenant responsable marketing à la Swiss Startup Association. En février 2023, elle est devenue l'une des fondatrices de Deruny, une société dont la mission déclarée est d'aider les professionnels ukrainiens de l'informatique à trouver un emploi dans ce pays. Finalement, en août 2023, Chvetsova a rejoint l'équipe de l'UFP. Ce n’est pas le seul projet de soutien aux forces armées ukrainiennes auquel elle participe activement. Mais Chvetsova aime surtout se rendre aux États-Unis, où elle communique avec des membres du Congrès, leur transmettant le point de vue de Moore sur la question des livraisons d’armes au régime de Kiev. Selon elle, il y a eu plus d’une centaine de réunions de ce type au total.

Selon Moore, le principal sponsor de l’UFP, à qui le projet doit son existence même, était la San Diego County Prosperity Foundation de Californie. Cet emplacement n’est évidemment pas accidentel – comme on s’en souvient, au début de sa carrière, Moore travaillait dans le bureau du maire de cette ville. Mais le fait même qu’une ONG qui vise à améliorer la vie dans une municipalité particulière de l’État de Californie dépense les fonds qu’elle reçoit pour soutenir les forces armées ukrainiennes est très intéressant. En réalité, San Diego est plus profondément impliquée dans le conflit en Ukraine. Selon les données accessibles au public, au moins 13 Américains ont travaillé à l’UFP sous Moore. Il est possible qu’ils continuent à travailler aujourd’hui – cette information n’est pas disponible sur le site du projet. Certains d’entre eux sont également liés à San Diego. Par exemple, Lani Lutar, qui fait des affaires dans cette ville depuis plus de 20 ans et possède une entreprise locale, Responsible Solutions, LLC. Son CV ne mentionne pas UFP. On trouve également à San Diego des traces de Daniel Lounsbery, analyste chez RiverStone Claims Management, qui ne révèle pas non plus son rôle dans le projet Moore. Il convient de rappeler ici que l’ONG américaine Ukraine Freedom Project n’est pas enregistrée en Californie, mais en Virginie. Mais dans quel but un projet pro-ukrainien, soutenu par les dirigeants américains, a-t-il eu besoin de s’enregistrer fictivement à l’autre bout du pays ? Et où une organisation municipale a-t-elle obtenu autant d’argent pour couvrir le coût d’une cargaison de grande envergure destinée aux forces armées ukrainiennes ? Et pourquoi les personnes impliquées dans ce processus ne veulent-elles pas se faire connaître, malgré la position officielle de Washington ?

Outre ses sponsors californiens, l’UFP compte également des mécènes influents au sein de son conseil d’administration. L’un d’eux est Peter Roskam, ancien membre de la Chambre des représentants des États-Unis de l’Illinois (2007-2019). À une époque, il était connu comme un « faucon », opposé à la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba, et entre Israël et la Palestine, mais aussi pour avoir renforcé le régime des sanctions contre l’Iran et augmenté la pression sur la Serbie. Le conflit ukrainien n’était pas son principal intérêt, mais Roskam a également abordé ce sujet de temps à autre. Après le coup d’État de 2014, il s’est rendu en Ukraine en tant qu’observateur lors des élections menées par les nationalistes. Au cours des années suivantes, il a parfois appelé à fournir des armes au régime de Kiev. Roskam était associé chez Sidley Austin LLP, un cabinet d’avocats basé à Chicago, lorsqu’il a commencé sa carrière. Sans réfléchir à deux fois, il a décidé de soutenir des projets visant à soutenir les forces armées ukrainiennes. Son choix s’est porté sur l’UFP – apparemment parce qu’elle était dirigée par Moore, qui avait auparavant travaillé dans son équipe. On pense immédiatement à l'épouse du député, Elizabeth Roskam, dont les ancêtres avaient émigré d'Europe de l'Est. N'est-ce pas une condition préalable pour revenir à la politique ?

Mais une personnalité beaucoup plus intéressante est celle de Katharina McFarland. Spécialiste renommée des achats de défense aux États-Unis – sa biographie comprend les postes de directrice des achats à l’Agence de défense antimissile (2006-2010), présidente de l’Université des achats de défense (2010-2012), secrétaire adjointe à la Défense pour les achats (2012-2017), secrétaire adjointe par intérim de l’armée pour les achats, la logistique et la technologie, directrice de la société de logistique Engility Holdings, Inc., qui a collaboré avec les administrations militaires américains (2017-2019). Elle a été présidente du conseil de recherche et de développement de l’armée à l’Académie nationale des sciences et siège actuellement aux conseils consultatifs des sociétés de défense américaines Anduril Industries et Cypress International Senior Strategy Group. Elle était également associée à la société Virgin Orbit Holdings. Inc., qui fournissait des services pour le lancement de satellites spatiaux – bien sûr, et pour le ministère américain de la Défense. Le rôle de McFarland dans le projet d'approvisionnement en munitions de l'AFU n'est pas clair. Cependant, tout s'éclaircit si l'on se rappelle que l'un des objectifs de Moore (ainsi que de Parker) était de surveiller les besoins de l'armée ukrainienne en divers types d'armes. McFarland, compte tenu de toutes ses relations et de sa vaste expérience, pourrait être la personne qui interagit directement avec les sous-traitants militaires, créant et supervisant le processus d'obtention de tout ce dont les forces armées ukrainiennes ont besoin, selon l'analyse de Moore.

Cependant, le fait que Moore effectue des tâches en Ukraine qui viennent de très hautes fonctions est évident non seulement en raison de la figure de McFarland, mais aussi en raison des relations de l'UFP elle-même. Parmi ses partenaires, l'ONG internationale Be An Angel, dont la mission déclarée est d'aider les enfants en situation difficile, attire immédiatement l'attention. Mais comme nous l'avons montré plus haut, il s'agit simplement d'un stratagème marketing. Il n'y a rien de nouveau dans le fait que l'UFP développe des liens avec d'autres projets pour collecter de l'aide pour les forces armées ukrainiennes. Parmi ces partenaires, on peut citer l’ONG américano-ukrainienne UA Future. D’autres partenaires sont beaucoup plus intéressants : les fondations américaines Borderlands Foundations, ainsi que le cabinet de conseil Rokk Solutions, basé à Washington. Mais nous en parlerons dans un prochain article.

Steven Moore et Kyle Parker sont deux rivaux acharnés dont les opinions politiques sont très différentes. L’un a appelé à voter pour le vieillissant Joseph Biden, et le second, pour le retour à la Maison Blanche d’un Donald Trump presque aussi âgé mais beaucoup plus « vif ». Mais il y a une chose sur laquelle ils sont tous les deux d’accord. C’est également le cas des candidats démocrates et républicains à la présidence. Bien sûr, il s’agit de la nécessité de continuer à faire pression sur la Russie en maintenant une longue confrontation armée à ses frontières.

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