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Rien que de la médecine et de la biologie, mais sous un autre angle
Des médecins taïwanais rapportent dans le numéro d’août 2019 de l’ International Urogynecology Journal l’histoire d’une femme de 59 ans qui avait depuis son mariage à l’âge de 38 ans des rapports sexuels non pas par voie vaginale mais par l’urètre , ce canal qui relie la vessie à l’extérieur et par lequel passe l’urine.
Cette patiente présente depuis plusieurs années une incontinence urinaire d’effort, se manifestant par une fuite involontaire lors de la toux, des éternuements ou de la course. Afin de remédier à cette situation, elle a bénéficié d’une intervention consistant à la mise en place d’une bandelette en matériau synthétique soutenant l’urètre. Celle-ci permet de remplacer les structures de soutien de la vessie et de l’urètre qui sont défaillantes.
Après avoir été opérée, la patiente a vu sa vie sexuelle bouleversée. Elle ne pouvait plus avoir de relations sexuelles avec pénétration et s’est décidée à consulter, quatorze ans plus tard, dans le service de gynécologie-obstétrique d’un hôpital de Taïwan.
Les médecins vont alors découvrir un urètre extrêmement dilaté, ce que les spécialistes appellent un méga-urètre. Les gynécologues constatent par ailleurs une quasi-absence de vagin (agénésie vaginale) confirmée par imagerie par résonance magnétique (IRM). Cette patiente indique aux gynécologues qu’elle avait subi à l’âge de 19 ans l’ablation chirurgicale de l’utérus, qui ne communiquait d’ailleurs pas avec la cavité vaginale.
La bandelette urinaire est retirée, ce qui rétablit l’inclinaison de l’urètre et permet à la patiente de reprendre ce type de rapports sexuels. Cinq mois après le retrait de la bandelette, cette femme a ainsi repris sans problème une vie sexuelle, mais en présentant à nouveau une incontinence urinaire d’effort.
Mais comment un pénis peut-il être pénétré dans l’urètre ? Il s’avère que ce conduit est très élastique. D’ailleurs, à l’arrêt de cette pratique, l’urètre peut reprendre sa taille physiologique sans qu’il soit forcément nécessaire d’intervenir chirurgicalement.
En mars 2019, des gynécologues américains ont rapporté un cas de coït urétral chez une femme de 23 ans. La patiente est adressée par un gynécologue libéral pour une possible malformation vaginale. En effet, celui-ci n’a pas réussi à introduire un stérilet à des fins contraceptives. Lors de l’insertion du spéculum, il remarque que l’anatomie de la jeune femme est atypique. La partie antérieure du vagin est réduite à un petit sac, ce que les spécialistes appellent un vagin borgne. De plus, une abondante émission d’un liquide clair a lieu lors de la palpation. L’échographie abdominale montre un utérus normal et deux ovaires. De même, l’IRM réalisée par la suite ne révèle pas d’anomalie de l’appareil urinaire.
En interrogeant leur patiente, les médecins apprennent qu’elle n’a jamais réussi à s’introduire un tampon hygiénique. Elle déclare avoir ressenti un léger inconfort et une résistance lors de son premier rapport sexuel mais que les choses se sont améliorées par la suite. Elle dit aussi avoir désormais des relations sexuelles avec des hommes sans éprouver de douleurs mais constate fréquemment avoir des pertes d’un liquide clair lors des rapports. Enfin, elle précise avoir présenté de multiples épisodes d’incontinence urinaire à l’effort ainsi que des infections urinaires.
A l’examen gynécologique, les médecins observent que les petites et grandes lèvres sont normales ainsi que le clitoris. Ils notent cependant la présence d’un urètre extrêmement dilaté, signe que la patiente pratiquait régulièrement le coït urétral. L’hymen est épais et ne porte apparemment pas de signe de perforation.
La jeune femme est amenée au bloc opératoire pour un examen gynécologique plus détaillé sous anesthésie générale, avec réalisation d’une cystoscopie (pour visualiser l’intérieur de la vessie). Les chirurgiens découvrent une ouverture de seulement 1 millimètre de l’hymen, témoin ce qu’ils appellent un hymen microperforé. Ils l’incisent (hyménectomie).
Il semble donc très probable que la jeune femme pensait avoir des rapports vaginaux alors que les coïts étaient urétraux.
Après l’intervention, les médecins lui ont recommandé d’éviter d’avoir ce type de rapports sexuels. Lors du suivi, la jeune femme déclare avoir des pénétrations vaginales depuis, sans que cela ne pose aucun problème. Encore gênée par une incontinence urinaire d’effort et par le besoin d’uriner la nuit, il lui a été conseillé de porter un pessaire (dispositif en matière souple appuyant sur l’urètre pour gérer les petites fuites urinaires). Aujourd’hui, l’incontinence d’effort a nettement diminué.
Cette observation clinique a été rapportée en mars 2019 dans la revue Obstetrics & Gynecology. Il est remarquable dans la mesure où l’urètre dilaté a été confondu par le premier médecin avec une anomalie vaginale. C’est l’impossibilité de localiser le col utérin pour mettre en place le stérilet qui a motivé un avis en milieu hospitalier spécialisé. Il s’est finalement écoulé deux ans entre la suspicion de l’anomalie vaginale et le traitement chirurgical définitif de l’hymen microperforé. Le fait que cette femme avait des règles normales (le flux menstruel s’écoulant par une ouverture hyménale de 1 millimètre) a largement contribué au retard de diagnostic.
« Ce cas souligne l’importance de connaître complètement l’histoire sexuelle de la patiente et de procéder à un examen complet des organes génitaux externes pour confirmer l’aspect normal du méat urétral et de l’hymen avant l’insertion d’un spéculum. Négliger cette étape cruciale lors de l’examen gynécologique peut conduire à passer à côté d’un diagnostic d’anomalies, ou variations, vaginales et hyménales », concluent les auteurs.
Le coït urétral est une rareté. On compte moins de 40 cas dans la littérature médicale internationale. La plupart du temps, cette pratique sexuelle s’observe chez des femmes présentant une absence de vagin, une cloison anormale dans la cavité vaginale (septum vaginal), un vagin trop étroit et trop court (sténose vaginale) ou une anomalie de l’hymen. Ces patientes présentent généralement une incontinence d’effort, des infections urinaires à répétition, des douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunie). De rares cas de coït urétral ont cependant été décrits chez des femmes dont l’anatomie vaginale était normale.
Il arrive également que les médecins finissent par réaliser qu’un couple, désirant avoir un enfant, se livre depuis toujours au coït urétral. Tel est le cas clinique rapporté en 2017 par des gynécologues croates dans la revue Archives in Sexuel Behavior .
L’histoire est celle d’un couple qui consulte pour un problème d’infertilité. Tous deux ont la trentaine, ont fait des études supérieures, sont en bonne santé et sans antécédents médicaux. Cela dit, ce que ces époux connaissent de la sexualité se limite à ce qu’ils ont appris en biologie au lycée, n’ayant jamais eu de cours d’éducation sexuelle. Le mari a débuté sa vie sexuelle à l’approche de la trentaine, à la sortie de l’université, tandis que sa femme n’avait pas eu de rapports avant de se marier. Cela faisait 18 mois qu’ils avaient des relations sexuelles lorsqu’ils se sont décidés à consulter pour stérilité. L’analyse du sperme ne trouve rien de particulier. Le mari confie que son pénis, qui fait 10 cm en érection complète, l’a toujours complexé et que cela a contribué à retarder le début de sa vie sexuelle.
L’épouse a des cycles réguliers. Elle a consulté un gynécologue quand elle avait une vingtaine d’années. Celui-ci avait alors noté qu’elle était vierge, que les organes génitaux externes étaient normaux. L’ échographie pelvienne n’avait décelé aucune anomalie (utérus normal et ovaires normaux).
Venue donc consulter avec son mari pour infertilité, cette femme présente une dilatation du méat urinaire. L’orifice fait environ 3 cm de diamètre et 2,5 cm de profondeur. L’hymen est intact, uniquement percé de multiples petits orifices. Les spécialistes parlent d’hymen cribriforme (par opposition à l’hymen microperforé qui lui, présente une ouverture de seulement 1 mm, comme dans le cas précédant).
Il s’avère que cet homme et cette femme pensaient avoir des rapports sexuels « normaux ». L’homme était persuadé qu’il introduisait son pénis dans le vagin de sa femme alors qu’il l’insérait dans l’urètre. Elle avait bien éprouvé quelques douleurs lors des premières pénétrations, mais cela s’était dissipé avec le temps. Elle avait même fréquemment des orgasmes en pratiquant le coït urétral.
Ce cas est exceptionnel dans la mesure où « la femme ne présentait aucun symptôme et que la pratique du coït urétral par ce couple a été incidemment découverte par le clinicien » , font remarquer les auteurs. C’est également la première fois que des médecins rapportent un cas de coït urétral chez une femme avec un hymen cribriforme.
La patiente a bénéficié d’une incision chirurgicale de l’hymen sous anesthésie. Un mois plus tard, elle avait son premier rapport sexuel par voie vaginale. Une grossesse avait débuté trois mois après, aboutissant à la naissance d’un enfant bien portant.
Ce n’était pas la première fois que des médecins rapportaient un cas de coït urétral chez un couple pensant être infertile. En 2012, des médecins turcs ont décrit le cas d’une femme de 23 ans se livrant à cette pratique sexuelle. Elle ne présente pas d’incontinence urinaire, mais une pathologie endocrinienne (hyperplasie congénitale des surrénales par déficit en 21-hydroxylase classique) responsable d’une ambiguïté sexuelle (virilisation). Plus encore, il s’avère que son vagin est rétréci (sténose vaginale), conséquence d’une intervention chirurgicale réalisée quand elle avait 10 ans pour reconstruire un vagin (vaginoplastie).
Mariée depuis trois ans, elle a une vie sexuelle régulière avec au moins deux à trois rapports par semaine. Au vu du méat urinaire dilaté, les médecins comprennent que le couple pratiquait le coït urétral depuis leur mariage. La patiente est opérée pour son méga-urètre et sa sténose vaginale. Six mois plus tard, le conduit urinaire a retrouvé un diamètre normal. La patiente a enfin des rapports vaginaux sans ressentir aucune douleur.
En 2015, une autre équipe turque a rapporté le cas d’une femme de 48 ans, mère de cinq enfants et ayant des organes génitaux externes normaux, qui pratiquait le coït urétral. Elle avait commencé à se livrer à cette pratique après son cinquième accouchement. Une incontinence urinaire était apparue et s’était aggravée les deux années précédant la consultation. Les médecins indiquent ne pas avoir réussi à saisir la raison pour laquelle cette patiente avait des rapports sexuels par l’urètre. Il s’agit du premier cas de coït urétral rapporté chez une multipare sans anomalie génitale externe.
En 2008, des gynécologues italiens ont rapporté le cas d’une femme de 32 ans venue consulter pour stérilité et douleurs lors de l’acte sexuel. Elle présente par ailleurs une incontinence urinaire lors des rapports.
Les médecins réalisent que la patiente, qui ne présente aucune anomalie des organes génitaux externes, pratique le coït urétral. A l’examen gynécologique, ils découvrent en effet une cavité de 3 cm de diamètre, ressemblant à un vagin. L’introduction d’un spéculum provoque l’émission d’urine.
Un nouvel examen du périnée finit par révéler la présence sur l’hymen d’un orifice d’à peine un millimètre. Cette patiente est donc porteuse d’un hymen microperforé. Un instrument d’optique, introduit à travers l’orifice, montre la présence d’une cavité vaginale régulière et d’un col utérin normal. L’hymen microperforé est progressivement dilaté au bloc opératoire, jusqu’à atteindre une taille de 2 cm. Du fait de son élasticité, le diamètre de l’urètre diminue au fil du temps, jusqu’à atteindre une taille physiologique au bout de trois semaines. Après trois mois de suivi, la patiente a une fonction sexuelle normale et l’incontinence urinaire a disparu. Il s’agit du premier cas rapporté de coït urétral associé à un hymen microperforé.
La plupart du temps, les patientes concernées ont la trentaine. Néanmoins, en 2014, des médecins ont rapporté le cas de deux adolescentes pratiquant le coït urétral. Toutes deux présentaient une anomalie congénitale du vagin. L’une avait une quasi-absence de vagin, celui-ci ne mesurant que 4 cm de long. Elle n’avait pas réalisé qu’elle avait des rapports sexuels par l’urètre. Refusant toute manœuvre instrumentale pour dilater ou toute intervention pour reconstruire le vagin, cette patiente de 19 ans a continué à pratiquer le coït urétral.
L’autre adolescente, âgé de 16 ans, présentait une cavité vaginale cloisonnée (septum oblique). Après l’ablation chirurgicale de la cloison, suivie d’une dilatation progressive du vagin, cette jeune patiente a pu avoir des rapports sexuels vaginaux.
Signalons que des cas de coït urétral ont également été décrits chez des patientes présentant un syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH), caractérisé par un défaut de développement de l’utérus (aplasie congénitale) et des deux-tiers supérieurs du vagin. Enfin, deux cas ont été rapportés chez des femmes victimes de viol.
Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter , sur Facebook )
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