Elle enterre son visage dans la poitrine de cette nana

Elle enterre son visage dans la poitrine de cette nana




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Elle enterre son visage dans la poitrine de cette nana
G. Charpentier , 1881 ( p. 423 - 451 ).
book Nana (1880) Émile Zola G. Charpentier 1881 Paris T Chapitre XII Zola - Nana.djvu Zola - Nana.djvu/1 423-451 


DerniĂšre modification il y a 5 mois par Le ciel est par dessus le toit


Vers une heure du matin, dans le grand lit drapĂ© de point de Venise, Nana et le comte ne dormaient pas encore. Il Ă©tait revenu le soir, aprĂšs une bouderie de trois jours. La chambre, faiblement Ă©clairĂ©e par une lampe, sommeillait, chaude et toute moite d’une odeur d’amour, avec les pĂąleurs vagues de ses meubles de laque blanche, incrustĂ©e d’argent. Un rideau rabattu noyait le lit d’un flot d’ombre. Il y eut un soupir, puis un baiser coupa le silence, et Nana, glissant des couvertures, resta un instant assise au bord des draps, les jambes nues. Le comte, la tĂȘte retombĂ©e sur l’oreiller, demeurait dans le noir.

— ChĂ©ri, tu crois au bon Dieu ? demanda-t-elle aprĂšs un moment de rĂ©flexion, la face grave, envahie d’une Ă©pouvante religieuse, au sortir des bras de son amant.

Depuis le matin, elle se plaignait d’un malaise, et toutes ses idĂ©es bĂȘtes, comme elle disait, des idĂ©es de mort et d’enfer, la travaillaient sourdement. C’était parfois, chez elle, des nuits oĂč des peurs d’enfant, des imaginations atroces la secouaient de cauchemars, les yeux ouverts. Elle reprit :

— Hein ? penses-tu que j’irai au ciel ?

Et elle avait un frisson, tandis que le comte, surpris de ces questions singuliĂšres en un pareil moment, sentait s’éveiller ses remords de catholique. Mais, la chemise glissĂ©e des Ă©paules, les cheveux dĂ©nouĂ©s, elle se rabattit sur sa poitrine, en sanglotant, en se cramponnant.

— J’ai peur de mourir
 J’ai peur de mourir


Il eut toutes les peines du monde Ă  se dĂ©gager. Lui-mĂȘme craignait de cĂ©der au coup de folie de cette femme, collĂ©e contre son corps, dans l’effroi contagieux de l’invisible ; et il la raisonnait, elle se portait parfaitement, elle devait simplement se bien conduire pour mĂ©riter un jour le pardon. Mais elle hochait la tĂȘte ; sans doute elle ne faisait de mal Ă  personne ; mĂȘme elle portait toujours une mĂ©daille de la Vierge, qu’elle lui montra, pendue Ă  un fil rouge, entre les seins ; seulement, c’était rĂ©glĂ© d’avance, toutes les femmes qui n’étaient pas mariĂ©es et qui voyaient des hommes, allaient en enfer. Des lambeaux de son catĂ©chisme lui revenaient. Ah ! si l’on avait su au juste ; mais voilĂ , on ne savait rien, personne ne rapportait des nouvelles ; et, vrai ! ce serait stupide de se gĂȘner, si les prĂȘtres disaient des bĂȘtises. Pourtant, elle baisait dĂ©votement la mĂ©daille, toute tiĂšde de sa peau, comme une conjuration contre la mort, dont l’idĂ©e l’emplissait d’une horreur froide.

Il fallut que Muffat l’accompagnĂąt dans le cabinet de toilette ; elle tremblait d’y rester une minute seule, mĂȘme en laissant la porte ouverte. Quand il se fut recouchĂ©, elle rĂŽda encore par la chambre, visitant les coins, tressaillant au plus lĂ©ger bruit. Une glace l’arrĂȘta, elle s’oublia comme autrefois, dans le spectacle de sa nuditĂ©. Mais la vue de sa gorge, de ses hanches et de ses cuisses, redoublait sa peur. Elle finit par se tĂąter les os de la face, longuement, avec les deux mains.

— On est laid, quand on est mort, dit-elle d’une voix lente.

Et elle se serrait les joues, elle s’agrandissait les yeux, s’enfonçait la mĂąchoire pour voir comment elle serait. Puis, se tournant vers le comte, ainsi dĂ©figurĂ©e :

— Regarde donc, j’aurai la tĂȘte toute petite, moi.

Il la voyait dans une fosse, avec le dĂ©charnement d’un siĂšcle de sommeil ; et ses mains s’étaient jointes, il bĂ©gayait une priĂšre. Depuis quelque temps, la religion l’avait reconquis ; ses crises de foi, chaque jour, reprenaient cette violence de coups de sang, qui le laissaient comme assommĂ©. Les doigts de ses mains craquaient, il rĂ©pĂ©tait ces seuls mots, continuellement : « Mon Dieu
 mon Dieu
 mon Dieu. » C’était le cri de son impuissance, le cri de son pĂ©chĂ©, contre lequel il restait sans force, malgrĂ© la certitude de sa damnation. Quand elle revint, elle le trouva sous la couverture, hagard, les ongles dans la poitrine, les yeux en l’air comme pour chercher le ciel. Et elle se remit Ă  pleurer, tous deux s’embrassĂšrent, claquant des dents sans savoir pourquoi, roulant au fond de la mĂȘme obsession imbĂ©cile. Ils avaient dĂ©jĂ  passĂ© une nuit semblable ; seulement, cette fois, c’était complĂštement idiot, ainsi que Nana le dĂ©clara, lorsqu’elle n’eut plus peur. Un soupçon lui fit interroger le comte avec prudence : peut-ĂȘtre Rose Mignon avait-elle envoyĂ© la fameuse lettre. Mais ce n’était pas ça, c’était le trac, pas davantage, car il ignorait encore son cocuage.

Deux jours plus tard, aprĂšs une nouvelle disparition, Muffat se prĂ©senta dans la matinĂ©e, heure Ă  laquelle il ne venait jamais. Il Ă©tait livide, les yeux rougis, tout secouĂ© encore d’une grande lutte intĂ©rieure. Mais ZoĂ©, effarĂ©e elle-mĂȘme, ne s’aperçut pas de son trouble. Elle avait couru Ă  sa rencontre, elle lui criait :

— Oh ! monsieur, arrivez donc ! madame a failli mourir, hier soir.

Et, comme il demandait des détails :

— Quelque chose à ne pas croire
 Une fausse couche, monsieur !

Nana Ă©tait enceinte de trois mois. Longtemps elle avait cru Ă  une indisposition ; le docteur Boutarel lui-mĂȘme doutait. Puis, quand il se prononça nettement, elle Ă©prouva un tel ennui, qu’elle fit tout au monde pour dissimuler sa grossesse. Ses peurs nerveuses, ses humeurs noires venaient un peu de cette aventure, dont elle gardait le secret, avec une honte de fille-mĂšre forcĂ©e de cacher son Ă©tat. Cela lui semblait un accident ridicule, quelque chose qui la diminuait et dont on l’aurait plaisantĂ©e. Hein ? la mauvaise blague ! pas de veine, vraiment ! Il fallait qu’elle fĂ»t pincĂ©e, quand elle croyait que c’était fini. Et elle avait une continuelle surprise, comme dĂ©rangĂ©e dans son sexe ; ça faisait donc des enfants, mĂȘme lorsqu’on ne voulait plus et qu’on employait ça Ă  d’autres affaires ? La nature l’exaspĂ©rait, cette maternitĂ© grave qui se levait dans son plaisir, cette vie donnĂ©e au milieu de toutes les morts qu’elle semait autour d’elle. Est-ce qu’on n’aurait pas dĂ» disposer de soi Ă  sa fantaisie, sans tant d’histoires ? Ainsi, d’oĂč tombait-il, ce mioche ? Elle ne pouvait seulement le dire. Ah ! Dieu ! celui qui l’avait fait, aurait eu une riche idĂ©e en le gardant pour lui, car personne ne le rĂ©clamait, il gĂȘnait tout le monde, et il n’aurait bien sĂ»r pas beaucoup de bonheur dans l’existence !

Cependant, Zoé racontait la catastrophe.

— Madame a Ă©tĂ© prise de coliques vers quatre heures. Quand je suis allĂ©e dans le cabinet de toilette, ne la voyant plus revenir, je l’ai trouvĂ©e Ă©tendue par terre, Ă©vanouie. Oui, monsieur, par terre, dans une mare de sang, comme si on l’avait assassinĂ©e
 Alors, j’ai compris, n’est-ce pas ? J’étais furieuse, madame aurait bien pu me confier son malheur
 Justement, il y avait lĂ  monsieur Georges. Il m’a aidĂ©e Ă  la relever, et au premier mot de fausse couche, voilĂ  qu’il s’est trouvĂ© mal Ă  son tour
 Vrai ! je me fais de la bile, depuis hier !

En effet, l’hĂŽtel paraissait bouleversĂ©. Tous les domestiques galopaient Ă  travers l’escalier et les piĂšces. Georges venait de passer la nuit sur un fauteuil du salon. C’était lui qui avait annoncĂ© la nouvelle aux amis de madame, le soir, Ă  l’heure oĂč madame recevait d’habitude. Il restait trĂšs pĂąle, il racontait l’histoire, plein de stupeur et d’émotion. Steiner, la Faloise, Philippe, d’autres encore, s’étaient prĂ©sentĂ©s. DĂšs la premiĂšre phrase, ils poussaient une exclamation ; pas possible ! ça devait ĂȘtre une farce ! Ensuite, ils devenaient sĂ©rieux, ils regardaient la porte de la chambre, l’air ennuyĂ©, hochant la tĂȘte, ne trouvant pas ça drĂŽle. Jusqu’à minuit, une douzaine de messieurs avaient causĂ© bas devant la cheminĂ©e, tous amis, tous travaillĂ©s par la mĂȘme idĂ©e de paternitĂ©. Ils semblaient s’excuser entre eux, avec des mines confuses de maladroits. Puis, ils arrondissaient le dos, ça ne les regardait pas, ça venait d’elle ; hein ? Ă©patante, cette Nana ! jamais on n’aurait cru Ă  une pareille blague de sa part ! Et ils s’en Ă©taient allĂ©s un Ă  un, sur la pointe des pieds, comme dans la chambre d’un mort, oĂč l’on ne peut plus rire.

— Montez tout de mĂȘme, monsieur, dit ZoĂ© Ă  Muffat. Madame est beaucoup mieux, elle va vous recevoir
 Nous attendons le docteur qui a promis de revenir ce matin.

La femme de chambre avait dĂ©cidĂ© Georges Ă  retourner chez lui pour dormir. En haut, dans le salon, il ne restait que Satin, allongĂ©e sur un divan, fumant une cigarette, les yeux en l’air. Depuis l’accident, au milieu de l’effarement de l’hĂŽtel, elle montrait une rage froide, avec des haussements d’épaules, des mots fĂ©roces. Alors, comme ZoĂ© passait devant elle, en rĂ©pĂ©tant Ă  monsieur que cette pauvre madame avait beaucoup souffert :

— C’est bien fait, ça lui apprendra ! lñcha-t-elle d’une voix brùve.

Ils se retournĂšrent, surpris. Satin n’avait pas remuĂ©, les yeux toujours au plafond, sa cigarette pincĂ©e nerveusement entre ses lĂšvres.

— Eh bien ! vous ĂȘtes bonne, vous ! dit ZoĂ©.

Mais Satin se mit sur son séant, regarda furieusement le comte, en lui plantant de nouveau sa phrase dans la face :

— C’est bien fait, ça lui apprendra !

Et elle se recoucha, souffla un mince jet de fumĂ©e, comme dĂ©sintĂ©ressĂ©e et rĂ©solue Ă  ne se mĂȘler de rien. Non, c’était trop bĂȘte !

ZoĂ©, pourtant, venait d’introduire Muffat dans la chambre. Une odeur d’éther y traĂźnait, au milieu d’un silence tiĂšde, que les rares voitures de l’avenue de Villiers troublaient Ă  peine d’un sourd roulement ; Nana, trĂšs blanche sur l’oreiller, ne dormait pas, les yeux grands ouverts et songeurs. Elle sourit, sans bouger, en apercevant le comte.

— Ah ! mon chat, murmura-t-elle d’une voix lente, j’ai bien cru que je ne te reverrais jamais.
Puis, quand il se pencha pour la baiser sur les cheveux, elle s’attendrit, elle lui parla de l’enfant, de bonne foi, comme s’il en Ă©tait le pĂšre.

— Je n’osais pas te dire
 Je me sentais si heureuse ! Oh ! je faisais des rĂȘves, j’aurais voulu qu’il fĂ»t digne de toi. Et voilĂ , il n’y a plus rien
 Enfin, ça vaut mieux peut-ĂȘtre. Je n’entends pas mettre un embarras dans ta vie.

Lui, Ă©tonnĂ© de cette paternitĂ©, balbutiait des phrases. Il avait pris une chaise et s’était assis contre le lit, un bras appuyĂ© aux couvertures. Alors, la jeune femme remarqua son visage bouleversĂ©, le sang qui rougissait ses yeux, la fiĂšvre dont tremblaient ses lĂšvres.

— Qu’as-tu donc ? demanda-t-elle. Tu es malade, toi aussi ?

Elle le regarda d’un air profond. Puis, d’un signe, elle renvoya ZoĂ©, qui s’attardait Ă  ranger les fioles. Et, quand ils furent seuls, elle l’attira, en rĂ©pĂ©tant :

— Qu’as-tu, chĂ©ri ?
 Tes yeux crĂšvent de larmes, je le vois bien
 Allons, parle, tu es venu pour me dire quelque chose.

— Non, non, je te le jure, bĂ©gaya-t-il.

Mais, Ă©tranglĂ© de souffrance, attendri encore par cette chambre de malade oĂč il tombait sans savoir, il Ă©clata en sanglots, il enfouit son visage dans les draps, pour Ă©touffer l’explosion de sa douleur. Nana avait compris. Bien sĂ»r, Rose Mignon s’était dĂ©cidĂ©e Ă  envoyer la lettre. Elle le laissa pleurer un instant, secouĂ© de convulsions si rudes, qu’il la remuait dans le lit. Enfin, d’un accent de maternelle compassion :

Il dit oui de la tĂȘte. Elle fit une nouvelle pause, puis trĂšs bas :

Il dit oui de la tĂȘte. Et le silence retomba, un lourd silence dans la chambre endolorie. C’était la veille, en rentrant d’une soirĂ©e chez l’impĂ©ratrice, qu’il avait reçu la lettre Ă©crite par Sabine Ă  son amant. AprĂšs une nuit atroce, passĂ©e Ă  rĂȘver de vengeance, il Ă©tait sorti le matin, pour rĂ©sister au besoin de tuer sa femme. Dehors, saisi par la douceur d’une belle matinĂ©e de juin, il n’avait plus retrouvĂ© ses idĂ©es, il Ă©tait venu chez Nana, comme il y venait Ă  toutes les heures terribles de son existence. LĂ  seulement, il s’abandonnait dans sa misĂšre, avec la joie lĂąche d’ĂȘtre consolĂ©.

— Voyons, calme-toi, reprit la jeune femme en se faisant trĂšs bonne. Il y a longtemps que je le sais. Mais, bien sĂ»r, ce n’est pas moi qui t’aurais ouvert les yeux. Tu te rappelles, l’annĂ©e derniĂšre, tu avais eu des doutes. Puis, grĂące Ă  ma prudence, les choses s’étaient arrangĂ©es. Enfin, tu manquais de preuves
 Dame ! aujourd’hui, si tu en as une, c’est dur, je le comprends. Pourtant, il faut se faire une raison. On n’est pas dĂ©shonorĂ© pour ça.

Il ne pleurait plus. Une honte le tenait, bien qu’il eĂ»t glissĂ© depuis longtemps aux confidences les plus intimes sur son mĂ©nage. Elle dut l’encourager. Voyons, elle Ă©tait femme, elle pouvait tout entendre. Comme il laissait Ă©chapper d’une voix sourde :

— Tu es malade. À quoi bon te fatiguer !
 C’est stupide d’ĂȘtre venu. Je m’en vais.

— Mais non, dit-elle vivement. Reste. Je te donnerai peut-ĂȘtre un bon conseil. Seulement, ne me fais pas trop parler, le mĂ©decin l’a dĂ©fendu.

Il s’était enfin levĂ©, il marchait dans la chambre. Alors, elle le questionna.

— Je vais souffleter cet homme, parbleu !

Elle eut une moue de désapprobation.

— Ça, ce n’est pas fort
 Et ta femme ?

— Pas fort du tout, mon cher. C’est mĂȘme bĂȘte
 Tu sais, jamais je ne te laisserai faire ça.

Et, posĂ©ment, de sa voix faible, elle dĂ©montra le scandale inutile d’un duel et d’un procĂšs. Pendant huit jours, il serait la fable des journaux ; c’était son existence entiĂšre qu’il jouerait, sa tranquillitĂ©, sa haute situation Ă  la cour, l’honneur de son nom ; et pourquoi ? pour mettre les rieurs contre lui.

— Qu’importe ! cria-t-il, je me serai vengĂ©.

— Mon chat, dit-elle, quand on ne se venge pas tout de suite dans ces machines-là, on ne se venge jamais.

Il s’arrĂȘta, balbutiant. Certes, il n’était pas lĂąche ; mais il sentait qu’elle avait raison ; un malaise grandissait en lui, quelque chose d’appauvri et de honteux qui venait de l’amollir, dans l’élan de sa colĂšre. D’ailleurs, elle lui porta un nouveau coup, avec une franchise dĂ©cidĂ©e Ă  tout dire.

— Et veux-tu savoir ce qui t’embĂȘte, chĂ©ri ?
 C’est que toi-mĂȘme tu trompes ta femme. Hein ? tu ne dĂ©couches pas pour enfiler des perles. Ta femme doit s’en douter. Alors, quel reproche peux-tu lui faire ? Elle te rĂ©pondra que tu lui as donnĂ© l’exemple, ce qui te fermera le bec
 VoilĂ , chĂ©ri, pourquoi tu es ici Ă  piĂ©tiner, au lieu d’ĂȘtre lĂ -bas Ă  les massacrer tous les deux.

Muffat était retombé sur la chaise, accablé sous cette brutalité de paroles. Elle se tut, reprenant haleine ; puis, à demi-voix :

— Oh ! je suis brisĂ©e
 Aide-moi donc Ă  me relever un peu. Je glisse toujours, j’ai la tĂȘte trop basse.

Quand il l’eut aidĂ©e, elle soupira, se trouvant mieux. Et elle revint sur le beau spectacle d’un procĂšs en sĂ©paration. Voyait-il l’avocat de la comtesse amuser Paris, en parlant de Nana ? Tout y aurait passĂ©, son four aux VariĂ©tĂ©s, son hĂŽtel, sa vie. Ah ! non, par exemple, elle ne tenait pas Ă  tant de rĂ©clame ! De sales femmes l’auraient peut-ĂȘtre poussĂ©, pour battre la grosse caisse sur son dos ; mais elle, avant tout, voulait son bonheur. Elle l’avait attirĂ©, elle le tenait maintenant, la tĂȘte au bord de l’oreiller, prĂšs de la sienne, un bras passĂ© Ă  son cou ; et elle lui souffla doucement :

— Écoute, mon chat, tu vas te remettre avec ta femme.

Il se rĂ©volta. Jamais ! Son cƓur Ă©clatait, c’était trop de honte. Elle, pourtant, insistait avec tendresse.

— Tu vas te remettre avec ta femme
 Voyons, tu ne veux pas entendre dire partout que je t’ai dĂ©tournĂ© de ton mĂ©nage ? Ça me ferait une trop vilaine rĂ©putation, que penserait-on de moi ?
 Seulement, jure que tu m’aimeras toujours, parce que, du moment oĂč tu iras avec une autre


Les larmes la suffoquaient. Il l’interrompit par des baisers, en rĂ©pĂ©tant :

— Si, si, reprit-elle, il le faut
 Je me ferai une raison. Aprùs tout, elle est ta femme. Ce n’est pas comme si tu me trompais avec la premiùre venue.

Et elle continua ainsi, lui donnant les meilleurs conseils. MĂȘme elle parla de Dieu. Il croyait entendre M. Venot, quand le vieillard le sermonnait, pour l’arracher au pĂ©chĂ©. Elle, cependant, ne parlait pas de rompre ; elle prĂȘchait des complaisances, un partage de bonhomme entre sa femme et sa maĂźtresse, une vie de tranquillitĂ©, sans embĂȘtement pour personne, quelque chose comme un heureux sommeil dans les saletĂ©s inĂ©vitables de l’existence. Ça ne changerait rien Ă  leur vie, il resterait son petit chat prĂ©fĂ©rĂ©, seulement il viendrait un peu moins souvent et donnerait Ă  la comtesse les nuits qu’il ne passerait pas avec elle. Elle Ă©tait Ă  bout de forces, elle acheva, dans un petit souffle :

— Enfin, j’aurai la conscience d’avoir fait une bonne action
 Tu m’aimeras davantage.

Un silence rĂ©gna. Elle avait fermĂ© les yeux, pĂąlissant encore sur l’oreiller. Maintenant, il l’écoutait, sous le prĂ©texte qu’il ne voulait pas la fatiguer. Au bout d’une grande minute, elle rouvrit les yeux, elle murmura :

— Et l’argent, d’ailleurs ? OĂč prendras-tu l’argent, si tu te fĂąches ?
 Labordette est venu hier pour le billet
 Moi, je manque de tout, je n’ai plus rien Ă  me mettre sur le corps.

Puis, refermant les paupiĂšres, elle parut morte. Une ombre d’angoisse profonde avait passĂ© sur le visage de Muffat. Dans le coup qui le frappait, il oubliait depuis la veille des embarras d’argent, dont il ne savait comment sortir. MalgrĂ© des promesses formelles, le billet de cent mille francs, renouvelĂ© une premiĂšre fois, venait d’ĂȘtre mis en circulation ; et Labordette, affectant le dĂ©sespoir, rejetait tout sur Francis, disait qu’il ne lui arriverait plus de se compromettre dans une affaire, avec un homme de peu d’éducation. Il fallait payer, jamais le comte n’aurait laissĂ© protester sa signature. Puis, outre les nouvelles exigences de Nana, c’était chez lui un gĂąchis de dĂ©penses extraordinaires. Au retour des Fondettes, la comtesse avait brusquement montrĂ© un goĂ»t de luxe, un appĂ©tit de jouissances mondaines, qui dĂ©voraient leur fortune. On commençait Ă  parler de ses caprices ruineux, tout un nouveau train de maison, cinq cent mille francs gaspillĂ©s Ă  transformer le vieil hĂŽtel de la rue Miromesnil, et des toilettes excessives, et des sommes considĂ©rables disparues, fondues, donnĂ©es peut-ĂȘtre, sans qu’elle se souciĂąt d’en rendre compte. Deux fois, Muffat s’était permis des observations, voulant savoir ; mais elle l’avait regardĂ© d’un air si singulier, en souriant, qu’il n’osait plus l’interroger, de peur d’une rĂ©ponse trop nette. S’il acceptait Daguenet comme gendre de la main de Nana, c’était surtout avec l’idĂ©e de pouvoir rĂ©duire la dot d’Estelle Ă  deux cent mille francs, quitte Ă  prendre pour le reste des arrangements avec le jeune homme, heureux encore de ce mariage inespĂ©rĂ©.

Cependant, depuis huit jours, dans cette nĂ©cessitĂ© immĂ©diate de trouver les cent mille francs de Labordette, Muffat avait imaginĂ© un seul expĂ©dient, devant lequel il reculait. C’était de vendre les Bordes, une magnifique propriĂ©tĂ©, estimĂ©e Ă  un demi-million, qu’un oncle venait de lĂ©guer Ă  la comtesse. Seulement, il fallait la signature de celle-ci, qui elle-mĂȘme, par son contrat, ne pouvait aliĂ©ner la propriĂ©tĂ©, sans l’autorisation du comte. La veille enfin, il avait rĂ©solu de causer de cette signature avec sa femme. Et tout croulait, jamais Ă  cette heure il n’accepterait un pareil compromis. Cette pensĂ©e enfonçait davantage le coup affreux de l’adultĂšre. Il comprenait bien ce que Nana demandait ; car, dans l’abandon croissant qui le poussait Ă  la mettre de moitiĂ© en tout, il s’était plaint de sa situation, il lui avait confiĂ© son ennui au sujet de cette signature de la comtesse.

Pourtant, Nana ne parut pas insister. Elle ne rouvrait plus les yeux. En la voyant si pĂąle, il eut peur, il lui fit prendre un peu d’éther. Et elle soupira, elle le questionna, sans nommer Daguenet.

— On signe le contrat mardi, dans cinq jours, rĂ©pondit-il.

Alors, les paupiĂšres toujours closes, comme si elle parlait
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