Elle Prete Son Mec A Sa Copine

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Clotilde a la quarantaine. Elle nous raconte comment, dès le début de son mariage, son mari a imposé sa maîtresse. Une situation délicate qui a longtemps duré. Jusqu’au coup de théâtre final. Propos recueillis par Tatiana De Rosnay
Mon mari a quinze ans de plus que moi. Je l’ai connu à 30 ans, il en avait donc 45. Mais moi qui n’avais plus de père, je le trouvais sécurisant, fort. Un vrai mec. Je pouvais me reposer sur lui. J’étais comme sa petite fille. Alain s’occupait de tout, il prenait tout en charge. Moi, je me laissais faire. Je trouvais ça rassurant.
  Et puis, peu de temps après notre mariage, il y a eu Marie.  Je n’ai rien vu arriver. Avec Alain, c’était voyage sur voyage, fêtes, copains, retrouvailles. Il a une bande d’amis fidèles, ils se connaissent depuis le lycée. Et puis je me suis retrouvée enceinte. Notre fille est née. Alain en était gâteux. J’étais heureuse dans cette vie confortable, choyée. 
  Un soir, Alain m’a dit : « Ecoute, Clotilde, je dois te parler, c’est important. »  Il avait une voix grave. Nous étions assis tous les deux dans la cuisine, il m’a pris la main et m’a dit qu’il m’aimait plus que tout, que notre couple était ce qu’il y avait de plus essentiel dans sa vie. Mais voilà, il ne voulait pas me mentir, se cacher.  Je ne comprenais rien, je l’écoutais, le coeur battant. J’avais peur. « Je dois te parler de Marie. Tu sais que je la connais depuis que nous avons 16 ans. » 
Je connaissais parfaitement Marie, qui faisait partie de la fameuse bande d’Alain. Une petite brune aux yeux clairs, de l’âge de mon mari. Elle était divorcée et avait de grands enfants. Je savais aussi qu’elle était une ex d’Alain, et je la trouvais d’ailleurs collante avec lui.
« Marie et moi, c’est une histoire à part. Elle a été ma première histoire d’amour. Nous avons encore besoin l’un de l’autre. Depuis presque trente ans, nous ne pouvons pas faire autrement. Je préfère te le dire, même si je sais que cela va te surprendre, te blesser. Je préfère prendre ce risque plutôt que de te mentir. » « Tu la vois souvent ? » Ma voix était étranglée. J’étais littéralement assommée. « Non, dit-il, pas souvent, une fois par mois, on va dire. Voilà. Tu sais tout. On se voit chez elle. – Elle est amoureuse de toi ? – Mais non, elle sait très bien que c’est toi que j’aime. »
Je suis restée figée sur ma chaise. Qu’était-il en train de me faire comprendre ? Comment pouvait-on dire une chose pareille à sa femme ? Marie ferait désormais partie de notre couple, de notre vie ? J’allais devoir partager mon mari avec elle ? Je devais avoir l’air tétanisée, car il s’est empressé de me prendre dans ses bras. « Ne t’en fais pas, ma petite biche. C’est toi qui comptes. C’est toi l’amour de ma vie. Et si vraiment cela te fait trop de peine, j’arrêterai de la voir, d’accord ? »
Quelle gourde je faisais ! Leur complicité. Leur tendresse. Une histoire qui durait depuis leurs 16 ans. Leur façon endiablée de danser le rock. De délirer sur de vieux airs des Doors. Et moi qui n’avais rien vu. Je suis restée muette tout en préparant le biberon de la petite, et j’ai essayé de réfléchir. Alain avait eu l’honnêteté de me le dire. Même si c’était une vérité atroce à entendre. J’ai regardé autour de moi. Cette jolie maison, le jardin, les fleurs. Cette vie que j’aimais.
Allais-je faire une crise à cause de Marie ? Partir ? Perdre tout ce que j’avais ? Non ! Et si je ne disais jamais rien à personne ? Et si j’encaissais en silence ? Ce serait mon secret. Personne n’en saurait rien. Mais est-ce que j’allais en être capable ? Est-ce que je pourrais continuer à vivre avec ça ? Car, rien que de les imaginer en train de faire l’amour, ça me donnait envie de vomir, envie de tuer ! Le lendemain, après une nuit blanche, j’ai annoncé à Alain que je ne désirais plus rien savoir sur elle, sur leur couple. Que je ne voulais plus jamais me sentir bafouée. Qu’il ne devait plus jamais en parler. Ni avec moi ni avec la bande de copains qui devait tout savoir depuis le début. Je tenais à rester digne. Il m’a promis qu’il respecterait mes volontés.
La seule personne à qui j’en ai parlé, c’était maman. Elle m’a dit que j’avais fait le bon choix même si c’était un choix vieux jeu de femme soumise. Une femme moderne serait partie avec ses cliques et ses claques. Mais, moi, je n’étais pas une femme moderne. Enfin, pas à ce moment-là.
Au début, c’était épouvantable ! Marie se montrait discrète avec moi. Je n’étais pas sèche avec elle, mais indifférente. Je faisais comme si elle n’existait pas.
Très vite, dans ma vie, il y a eu Mathieu. Un collègue. De mon âge. Des soucis de couple, lui aussi. Un soir, lors d’un voyage de boulot, nous avons fini la soirée ensemble. Il est devenu mon amant. Ça m’a fait un bien fou. Son désir. Nos fous rires. L’impression d’avoir un petit jardin secret. De faire face à Marie et Alain. De vivre autre chose, de vivre un truc à part. Avec un mec de mon âge. Puis le temps a passé. Petit à petit.
Ce qui m’a sauvée, c’est plusieurs choses. D’abord mes enfants, trois, coup sur coup. Puis un essor formidable dans mon boulot. Je suis architecte d’intérieur. Après avoir longtemps stagné, j’ai obtenu un super chantier par un coup de pot et j’ai commencé à vraiment gagner ma vie. Alain se montrait amoureux, présent. Il s’est révélé un père attentionné et attendrissant. Mais je voyais toujours Mathieu. C’était ma façon de tenir. De cloisonner. Je ne pouvais pas faire autrement.
Un jour, à une fête, j’ai surpris le regard de Marie sur moi. Comme Alain, elle avait passé le cap de la cinquantaine. Avec moins de grâce et de bonheur. Elle s’était ratatinée sur elle-même. Elle a sourit, un sourire que je n’ai pas aimé. Plus tard, j’ai affronté Alain.
  La voyait-il toujours, cela faisait bien six ou sept ans, l’âge de notre première fille ? « Oui, on se voit toujours, avoua-t-il. Beaucoup moins, c’est vrai. Elle sait que je suis fier de toi, de la mère que tu es, de l’épouse que tu es, de ta carrière. » J’ai failli le gifler, le planter là. J’ai tenu pour mes filles. De toutes mes forces. Pendant un certain temps, j’ai tenu encore, en serrant les dents. J’étais si mal que j’ai tout avoué à ma meilleure amie, Juliette, qui a poussé les hauts cris. « Mais  comment peux-tu supporter ça depuis si longtemps ? souffla-t-elle. Pars, quitte-le ! » 
Tout ça me torturait. Combien de temps allait-il se passer avant que je ne m’écroule ? Pour faire face, je me jetais dans le travail, je réussissais, ça me portait, je m’occupais le plus possible des filles. Je me confiais à Mathieu et à Juliette, mes deux alliés.
C’était très dur. Et si ça durait toute notre vie ? Et si Marie allait s’incruster pour toujours ? Le plus difficile, c’est que j’aimais profondément Alain, j’aimais tout ce qu’il représentait, tout ce qu’il était. Tout. Sauf Marie. Alors, j’ai décidé, le jour de mes 40 ans, de faire face à Alain pour lui dire que c’était fini. Tout ça avait duré dix ans et je n’en pouvais plus.
Mais il s’est passé, ce soir-là, une chose inouïe. Après ma fête d’anniversaire avec la bande d’Alain, Marie est venue me parler dans la cuisine. Elle m’a dit les choses simplement. Qu’elle me rendait mon mari. Je l’ai regardée, abasourdie. « Il faut que tu saches qu’Alain et moi, on est devenus un vieux couple amer qui se dispute. Il n’y a plus rien de bien entre nous. On se connaît depuis trop longtemps, tu sais. On n’a plus rien à se dire. Je ne veux plus le voir. Toi, tu es jeune, tu as de l’énergie, du talent, il te respecte pour ça, il t’aime. Moi, je ne lui apporte plus rien, et lui ne m’apporte plus rien non plus. On a vieilli. C’est fini. »
C’est vrai qu’Alain avait vieilli. Il allait avoir 55 ans. Mais moi, ça me touchait. J’aimais prendre soin de lui, le laisser se reposer sur moi après avoir longtemps été celle qui avait eu besoin de soutien. C’était moi, la force du couple, à présent. C’était moi, celle sur qui il s’appuyait. J’ai remercié Marie, et c’est ainsi, du jour au lendemain, qu’elle est sortie de notre vie. Maintenant, je sais que c’est Marie et la situation étrange imposée par Alain qui m’ont obligée à prendre ma vie en main pour devenir la femme que je suis fière d’être aujourd’hui. Une femme moderne. Une vraie.
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