Deux femmes se touchent sur le desk
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Suisse Interview AVS: «Les femmes touchent des rentes plus élevées», selon Berset
Alain Berset, ici en décembre 2021. keystone
Devrons-nous bientôt travailler jusqu'à 67 ans et est-il jusitifé d'augmenter l'âge de la retraite des femmes? Le conseiller fédéral Alain Berset défend la réforme de l'AVS, sur laquelle on votera le 25 septembre.
27.08.2022, 07:55 27.08.2022, 09:22
Anna Wanner et Doris Kleck / ch media
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Monsieur Berset, votre collègue de parti et chef des syndicats Pierre-Yves Maillard vous a accusé dans plusieurs interviews de manipuler les chiffres de l'AVS. Que lui répondez-vous? Alain Berset: Non, bien sûr que non. Les prévisions AVS sont effectuées en toute âme et conscience.
En 2021, le résultat de l'AVS était nettement plus positif que prévu: 2,6 milliards de francs supplémentaires... Si l'AVS est dans les chiffres noirs, c'est surtout grâce au financement supplémentaire décidé avec la RFFA (réforme fiscale et financement de l'AVS). Deux milliards de francs supplémentaires sont désormais versés chaque année dans le premier pilier. Mais de très nombreuses personnes vont partir à la retraite:
Les opposants contredisent cet argument démographique. Selon eux, ce sont l'évolution des salaires et les gains de productivité qui sont déterminants pour l'AVS. Ces deux facteurs ont contribué à la solidité de l'AVS, même avant la réforme. Mais cela ne suffit plus. Lors de l'échec de la réforme des retraites de 2017, tout le monde admis que le trou dans l'AVS serait de 1,5 à 2 milliards de francs à partir de 2020. Les résultats négatifs n'ont pas eu lieu grâce à la RFFA. L'AVS est centrale pour la prévoyance vieillesse et doit rester financièrement saine.
On peut voir les choses autrement: personne ne va laisser l'AVS s'effondrer de toute manière. La population suisse sera toujours prête à injecter davantage d'argent dans l'AVS. C'est un avantage, non? Certes, mais l'AVS doit tout de même être modernisée.
Les gens souhaitent une transition en douceur, certains plus tôt, d'autres plus tard, ce qui est impossible aujourd'hui. Cette réforme permet d'introduire une retraite partielle.
Plus de flexibilité dans la retraite n'est pas le point contesté par vos opposants. La partie litigieuse concerne la rente des femmes, qu'on accuse de vouloir réduire de 26 000 francs... Aucune rente ne sera réduite, le but de la réforme est de garantir le niveau des pensions. Des recettes supplémentaires de 12 milliards de francs jusqu'en 2032 et des économies de 9 milliards de francs sont prévus avec le travail des femmes jusqu'à 65 ans. Et les compensations pour les femmes proches de la retraite et particulièrement touchées par le relèvement de l'âge de la retraite sont évidemment essentielles. Près de 3 milliards de francs seront consacrés à cet effet.
Lors du dernier relèvement de l'âge de la retraite, les femmes avaient reçu plus qu'aujourd'hui avec l'introduction de bonifications pour tâches d'assistance et d'éducation. Celles-ci ont massivement amélioré la situation des femmes en matière de retraite. Nous avons tous intérêt à ce que l'AVS soit stable, y compris pour les femmes. Je rappelle qu'un homme qui prend sa retraite à 65 ans a la perspective de toucher une rente pendant 20 ans. Une femme qui la prend à 64 ans touchera en moyenne une rente pendant 24 ans, soit plusieurs années supplémentaires.
Les femmes qui travaillent aujourd'hui volontairement jusqu'à 65 ans reçoivent pour la plupart une pension plus généreuse avec l'ajournement qu'avec la réforme, et ce malgré les compensations. Est-ce juste? Ce dont nous avons besoin, c'est d'une solution pour l'ensemble de la société. Lors de la dernière réforme de l'AVS, nous avons relevé l'âge de la retraite des femmes de deux ans, avec de grands progrès pour celles-ci. Aujourd'hui, les améliorations sont beaucoup plus difficiles à mettre en place.
Comprenez-vous tout de même que les femmes ne veulent pas céder tant que l'égalité salariale n'est pas atteinte? Après tout, le salaire a une influence sur la rente. Je comprends cet argument en ce qui concerne le deuxième pilier, mais pas pour l'AVS. Dans la prévoyance professionnelle, il est urgent d'apporter des améliorations en faveur de l'égalité. L'AVS, en revanche, offre de bonnes rentes pour les femmes. L'engagement pour l'égalité salariale est important, mais ce n'est pas juste de vouloir bloquer des réformes urgentes pour cette raison.
Les femmes reçoivent un tiers de pension de moins que les hommes. Elles ne se soucient pas de savoir de quel pilier provient cette rente... C'est exact. C'est pour cette raison que le Conseil fédéral avait présenté en 2017 une réforme commune du premier et du deuxième pilier. Mais elle a échoué, car elle était jugée trop complexe. En conséquence, nous réformons maintenant l'AVS et la LPP séparément.
Et la réforme de la LPP, réussira-t-elle? Les partenaires sociaux et le Conseil fédéral ont présenté un projet équitable et qui améliorera fortement la situation des femmes, qui a toutefois du mal à passer au Parlement . L'objectif est de parvenir à une réforme qui puisse recueillir une majorité.
La prévoyance professionnelle n'est pas très intéressante pour les petits revenus. Ne serait-il pas plus judicieux de consacrer davantage de pourcentage de salaire à l'AVS plutôt qu'à la LPP? Il s'agit du pilier central de notre système de prévoyance vieillesse et est financée de manière solidaire.
D'ailleurs, une initiative populaire qui demande une 13e rente AVS et une autre qui veut lier l'âge de la retraite à l'espérance de vie sont d'ores et déjà prévues.
Que pensez-vous de ces projets? Le Conseil fédéral rejette ces deux initiatives. Il est favorable à la réforme actuellement sur la table. Préparons l'AVS pour la prochaine décennie.
Votre parti a proposé plusieurs idées sur la manière dont on pourrait financer l'AVS. Par exemple, avec les bénéfices de la Banque nationale. Qu'en pensez-vous? L'année dernière, la BNS a enregistré un bénéfice de 26 milliards de francs, mais au premier semestre de cette année, il s'agit d'une perte de 95 milliards. Cela montre à quel point les bénéfices de la BNS sont volatils. Or, l'AVS a besoin d'un financement stable et solide.
L'AVS dit assurer une existence digne à la retraite. Peut-on vivre dignement avec 1800 francs par mois? Non, mais c'est pour cela que les prestations complémentaires existent. Le système fonctionne bien. Actuellement, le premier et le deuxième pilier assurent ensemble deux tiers du revenu à l'âge de la retraite. Le problème, c'est que depuis des années, les rendements font défaut dans le deuxième pilier.
Justement: les rentes baissent dans la LPP et nous sommes confrontés à des défis économiques ayant une influence sur l'AVS. Est-ce une bonne idée de faire des prévisions en matière de politique économique? C'est vrai, les perspectives sont incertaines. L'incertitude économique est un argument supplémentaire pour que le financement de l'AVS s'appuie sur des sources différentes, mais fiables. Le renchérissement est en hausse. Cela justifie une augmentation des rentes au 1er janvier. Grâce aux milliards supplémentaires issus de la RFFA, nous pouvons adapter les rentes sans problème. L'indice mixte composé du renchérissement et de l'évolution des salaires est déterminant pour une adaptation des rentes.
Que se passera-t-il si la réforme de l'AVS échoue dans les urnes? Le fonds de l'AVS se videra et nous serons en déficit à partir de 2025. Le politique se doit d'agir rapidement.
Le relèvement de l'âge de la retraite à 67 ans est-il le prochain objectif? Pas du tout: cela signifierait que ceux qui refusent la réforme proposée seraient prêt à approuver l'âge de la retraite à 67 ans? Ce serait absurde.
Les syndicats affirment que si nous acceptons la réforme, tout le monde devra bientôt travailler jusqu'à 67 ans... Non. Le Conseil fédéral a toujours dit qu'il voulait harmoniser l'âge de la retraite à 65 ans pour les hommes et les femmes. C'est sur ce point que nous votons. Mais il est vrai que la réforme propose une forme de flexibilisation. Ceux qui le souhaitent peuvent travailler jusqu'à 70 ans, avec une retraite partielle.
La réforme s'accompagne d'une augmentation de la TVA. Est-ce opportun en pleine période d'inflation? Nous parlons d'une augmentation très modérée, de 7,7 à 8,1%. C'est supportable, d'autant plus que la TVA avait déjà baissé de 8 à 7,7% en raison du rejet de la réforme des retraites en 2018. Pour les produits alimentaires, cela représente une augmentation de 10 centimes pour 100 francs d'achats.
La hausse des primes maladie va également contribuer à la baisse du pouvoir d'achat. Va-t-on arriver à juguler cette augmentation annuelle? Pour comprendre cette évolution, il faut jeter un coup d'œil à ces dernières années. Depuis 2019, les primes n'ont que peu augmenté, elles ont même légèrement diminué, récemment.
Mais quelle est l'alternative à une courbe de croissance plate en train de remonter? Ce serait une augmentation constante. Alors, quelle est la meilleure solution?
La solution serait une hausse régulière et plate... Dans ce cas, tout le monde aurait déjà dû payer des primes plus élevées ces dernières années. Mais la question ne se pose même pas: ce sont les assureurs qui calculent l'évolution des primes. Et celles-ci doivent correspondre aux coûts.
Oui, mais la réduction des réserves a été décidée par le Conseil fédéral. Le Conseil fédéral a modifié l'ordonnance sous la pression du Parlement. Pour rappel, les réserves s'élevaient à plus de 12 milliards de francs et seules 7 étaient nécessaires. C'est pourquoi cette réduction était adaptée. Il est facile de critiquer cela dans la perspective actuelle.
Avec la réduction des réserves, décidée de manière précipitée, le coussin d'amortissement a pourtant été perdu... Non, le tampon est toujours là. Et la réduction a profité à tous ceux qui paient des primes.
Alors pourquoi les primes continuent-elles d'augmenter? À cause des coûts. Nous avons passé des années très difficiles à cause de la pandémie.
En 2021, je pensais qu'ils continueraient de baisser. J'avais encore faux, c'était l'inverse. Ce que nous avons constaté, c'est un effet de rattrapage pour les personnes qui ont dû repousser leur opération ou pour celles qui ne sont même pas allées chez le médecin. Mais il y a aussi d'autres problèmes.
Lesquels? Le Conseil fédéral a épuisé sa marge de manœuvre. Il a baissé le prix des médicaments et corrigé le tarif médical. Des modifications supplémentaires ne sont possibles qu'avec l'aide du Parlement. Le Conseil fédéral a adopté un paquet de mesures de maîtrise des coûts. Mais ces mesures ont du mal à passer au Parlement. Un deuxième paquet arrive bientôt.
Il y a bien des réformes que le Conseil fédéral pourrait faire avancer, par exemple le nouveau tarif médical Tardoc, non? C'est trop facile de reprocher au Conseil fédéral de ne rien faire. Nous prouvons le contraire depuis dix ans.
Et donc, pour Tardoc? Un rapport d'audit a montré que Tardoc ne nous permettrait pas de réaliser des économies, mais qu'il coûterait au contraire plus cher. Malgré les progrès réalisés, les exigences légales de neutralité des coûts n'étaient donc pas remplies. Cela doit être adapté.
Y a-t-il des dossiers qui vous font encore plaisir, après dix ans de mandat? Bien sûr, mon travail m'apporte beaucoup de satisfaction. Pourquoi, avez-vous l'impression du contraire?
Non, non... Vous savez, en matière de réformes de la santé, les débats sont rudes et les enjeux sont considérables. Il faut beaucoup d'engagement pour faire un pas en avant.
Actuellement, la situation est bloquée. C'est difficile en ce moment, c'est vrai.
Nous les payons deux fois cher plus qu'à l'étranger. Le Parlement a rejeté le système de prix de référence pour des prix plus avantageux.
Mais aussi pour des raisons de sécurité d'approvisionnement... Et aujourd'hui, la Suisse manque de médicaments. C'est un élément que je conteste, et j'ajoute que des exceptions étaient prévues. Mais c'est l'argument qu'avancent les opposants à des prix plus bas...
Sur quels dossiers appréciez-vous travailler? Les réformes de la prévoyance vieillesse sont très importantes, mais aussi très coûteuses. J'y consacre beaucoup d'énergie. Mais nous avons amélioré pour la première fois l'assurance-invalidité et fait passer la plus grande réforme des prestations complémentaires. Nous avons également apporté des améliorations concrètes pour les citoyens, comme la rente transitoire pour les chômeurs âgés.
La rente transitoire n'est pas très demandée... N'est-ce pas beaucoup de bureaucratie pour rien? Cette nouvelle assurance sociale n'est en vigueur que depuis un an. Elle doit d'abord s'établir. En outre, la situation sur le marché du travail est bonne. Nous avons connu une évolution économique favorisée par des taux d'intérêt négatifs. Mais cela peut changer rapidement. Et c'est à ce moment-là que l'aide sera demandée...
Comptez-vous dessus? Oui, c'est un instrument qui permet de réparer une situation d'inégalité. La prestation transitoire aide les personnes qui ont travaillé toute leur vie et qui perdent leur emploi à 60 ans, puis touchent des allocations de chômage pendant deux ans et se retrouvent sans rien.
Êtes-vous encore motivé par votre fonction? Certains pensent que vous commencez à être fatigué. Si on croyait tout ce qu'on lit dans les journaux...
Vous ne comptez donc pas démissionner?
Allez-vous continuer à voler durant votre temps libre? J'ai déjà dit tout ce qu'il y avait à dire sur ce sujet.
Traduit et adapté par Alexandre Cudré
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