Cogne dur une argentine pervertie
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Cogne dur une argentine pervertie
Publié le 14/10/2010 à 17h57
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Vous lisez actuellement : David Cameron cogne dur
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C'est la guerre ! David Cameron ne porte ni fusil d'assaut ni casque lourd le 6 octobre, lorsqu'il prononce l'allocution de clôture de la conférence du Parti conservateur, la première depuis son arrivée à Downing Street. Mais, sous ses airs de post-adolescent lisse et bien né, le plus jeune Premier ministre britannique depuis près de deux siècles tient un discours on ne peut plus martial. Pour preuve, les glorieux aînés auxquels il se réfère : lord Kitchener, ministre de la Guerre durant le premier conflit mondial, et Winston Churchill, qui, en plein Blitz, n'avait rien d'autre à promettre que du sang, de la sueur et des larmes. De quoi rajeunir Harry Beckough, le doyen de l'assistance, un presque centenaire encarté depuis... 1929.
Cameron pourrait se contenter d'un monologue teinté d'autosatisfaction, lui qui a ramené les torys au pouvoir après treize ans de purgatoire. Il choisit, pourtant, de laisser le champagne au frigo et de s'adresser aux délégués entassés dans le palais des congrès de Birmingham sur un ton qui tient plutôt de la réunion d'état-major à la veille du D-Day. Après avoir désigné l'ennemi (la crise, les déficits, la menace de déclin), il ne cache pas que la victoire aura un coût : " Des emplois seront perdus, les budgets des ministères seront coupés de 25 % (...) j'aimerais qu'il y ait une autre solution mais il n'en existe pas de responsable. " Et ce n'est qu'un début : le 20 octobre, le chef du gouvernement détaillera le plan de rigueur le plus sévère depuis 1945.
Qui l'eût cru ? Il y a cinq mois, lorsque le Parti conservateur l'emporte sur les travaillistes de Gordon Brown, beaucoup s'attendent à découvrir une sorte de Tony Blair de droite, pragmatique, compassionnel et plus porté sur la communication que sur le dogme. Or le Royaume-Uni est en train de découvrir un leader thatchérien, par le radicalisme de la méthode plus que par la proximité idéologique. Une surprise de plus à mettre au compte d'un homme qui ne cesse d'étonner.
Force est d'admettre qu'il n'est pas responsable du premier coup de théâtre, il s'en serait même volontiers passé. Mais l'absence de majorité absolue au soir du 6 mai l'a contraint à former une coalition avec un partenaire bien peu naturel : le parti des Démocrates libéraux, qui, sur les questions de société et les dossiers de politique étrangère, défend des positions très éloignées des siennes. Nécessité faisant loi, tout ce petit monde a appris à composer et l'attelage, inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ne semble pas menacé à court terme.
" Big society ". C'est que les formations ont de l'économie une conception libérale assez proche. Et que David Cameron et Nick Clegg, le leader des " Lib Dem ", affichent une complicité générationnelle et font en sorte de mettre de l'huile dans les rouages. Ainsi le congrès de Birmingham s'est-il achevé sur un vieux tube de Marvin Gaye, " It Takes Two " (il faut être deux), façon élégante de rappeler à la vieille garde tory que ce mariage de raison n'est pas négociable. Mais c'est le petit parti centriste qui constitue la meilleure garantie de survie du couple. Il est à deux doigts d'obtenir ce dont il rêve depuis des décennies : une réforme du mode de scrutin qui lui permettrait de se poser définitivement en partenaire incontournable alors que le système actuel lui est très défavorable. Des crises de ménage surviendront, mais un divorce avant le référendum qui aura lieu en mai 2011 est exclu.
Qu'un quadragénaire qui n'a jamais été ministre puisse mener un gouvernement aussi atypique intriguait déjà les Britanniques. Ils ont été plus interloqués encore lorsque, à la mi-juillet, Cameron leur a exposé sa grande ambition : la création d'une " big society " , une grande société. Pour Margaret Thatcher, qui a eu droit à un hommage appuyé à Birmingham et qui fêtait mercredi 13 octobre son 85e anniversaire à Downing Street, la société n'existait pas ; seul comptait l'individu. Son lointain successeur est convaincu du contraire, et il entend, avec cette " big society ", " rendre le pouvoir aux gens " . En d'autres termes, responsabiliser les citoyens, leur confier, notamment via le secteur associatif, des tâches qui incombaient jusqu'alors à l'Etat ; par exemple dans les domaines de la santé et de l'éducation.
L'accueil est mitigé, entre incompréhension et franche hostilité. " Sa "grande société", c'est une grosse excuse, s'indigne Dave Prentis, secrétaire général d'Unison, le principal syndicat de la fonction publique. C'est pour le gouvernement une façon de se soustraire à son obligation de fournir des services publics décents en recourant à des volontaires comme alternative à prix cassés. " Le Conseil national des associations bénévoles n'est pas beaucoup plus enthousiaste, qui se dit intéressé par le principe mais redoute que " la volonté de réduire les dépenses se traduise par des coupes à brève échéance qui menaceraient le projet à long terme ".
Car le but est bien celui-là : l'Etat doit é-co-no-mi-ser. Du coup, la " grande société " se révèle être moins une fin en soi qu'un moyen au service de cet objectif prioritaire. Et ce n'est pas le seul. La nouvelle surprise du chef ne sera officiellement rendue publique que le 20 octobre, mais les grandes lignes en sont connues depuis que son grand argentier, George Osborne, les a ébauchées, fin juin. David Cameron, qui a hérité d'un déficit budgétaire abyssal (150 milliards de livres, soit 10,1 % du PIB), s'est juré de le ramener à zéro dans cinq ans. Les Britanniques, qui n'ont pas peur des mots, ont d'abord parlé de rigueur, puis d'austérité ; équarrissage pourrait également convenir.
Sacrifices. Car ça va saigner. Les ministères devront réduire leurs dépenses d'un quart en moyenne d'ici quatre ans. Et si certains sont épargnés (la santé) ou moins touchés (la défense), d'autres seront tenus de consentir des sacrifices à hauteur de 40 %. Les salaires des fonctionnaires seront gelés. A terme, 600 000 postes de la fonction publique pourraient être supprimés. La TVA, qui était de 17,5 %, passera à 20 % le 1er janvier. Les allocations familiales, qui étaient jusqu'à présent accordées à tous, seront supprimées aux personnes dont les revenus annuels sont supérieurs à 44 000 livres, " parce que ce sont ceux qui ont les épaules larges qui doivent porter la charge ", a justifié le Premier ministre. Heureux parents d'une petite Florence, née le 24 août, David et Samantha Cameron en seront donc privés.
L'entreprise est ambitieuse, mais son succès n'est pas garanti. En revanche, la grogne se fait déjà entendre, y compris au sein de la majorité. Certains ministres dont les portefeuilles seront dégarnis expriment leur mauvaise humeur, et Kenneth Clarke, qui fut chancelier de l'Echiquier (ministre des Finances) dans le gouvernement de John Major, a déclaré " ne pas exclure un risque de récession ". Voilà pour la partie économique ; reste la dimension sociale. " Si l'Etat n'est plus en mesure d'assurer le bon fonctionnement de ses services, la société, loin de se trouver agrandie, sera confrontée à davantage de difficultés, avec le risque de voir les plus faibles abandonnés à leur sort ", avertit l'économiste Anna Coote. Une crainte que l'opinion exprime à sa façon : les travaillistes, qui étaient au trente-sixième dessous au lendemain des législatives, viennent de repasser pour la première fois devant les conservateurs dans un sondage. L'état de grâce n'aura duré qu'un été.
Déficit budgétaire : 10,1 % du PIB, soit 150 milliards de livres (171 milliards d'euros).
Dette : 71,4 % du PIB, soit 43 milliards de livres en 2010 (49 milliards d'euros).
Croissance : 1,6 % (estimation 2010).
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