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Recherche en soins infirmiers Numéro 2014/3 (N° 118) Les difficultés/souffrances vécues...
Les difficultés/souffrances vécues par les infirmières : stratégies permettant de préserver leur santé mentale, leur sens au travail et leur performance au travail
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Camille Boivin-Desrochers ,
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Marie Alderson
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Recherche en soins infirmiers
2014/3 (N° 118) , pages 85 à 96
Remerciements Remerciements à Madame Marie Alderson et à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal pour leur soutien académique.
Infirmière, B.Sc., Étudiante à la maîtrise, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Québec, Canada
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Infirmière, Ph.D., Professeure agrégée, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Québec, Canada
Analyse dimensionnelle du construit « formation par la recherche » Avec Nicole Tanda , Laurent Soyer , Chantal Cara
Dans
Recherche en soins infirmiers
2020/3 (N° 142)
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/10/2014
https://doi.org/10.3917/rsi.118.0085
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1 L e personnel infirmier canadien représente un levier considérable à l’égard des différents défis du système de soins et de santé actuel (Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC), Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (RNAO), 2010) [1]. En ce sens, parmi ces nombreux défis se retrouvent celui de la sécurité des soins prodigués par ces professionnels de la santé, celui de la fatigue du personnel infirmier ainsi que celui de l’impact des milieux de travail sur la santé de ces professionnels (AIIC, RNAO, 2010) [1]. Les diverses souffrances et difficultés vécues par les infirmières et infirmiers à travers leur profession seront à présent traitées par le biais d’une recension d’écrits appuyée sur le cadre théorique de la psychodynamique du travail (PDT). Les stratégies défensives déployées par le personnel infirmier à l’égard de ces souffrances seront par la suite mises en lumière. En dernier lieu, diverses pistes de réflexion visant le maintien d’une santé mentale optimale des infirmières et infirmiers et dédiées au personnel infirmier ainsi qu’aux gestionnaires du système de la santé seront proposées. L’analyse de cette problématique permettra de concourir au développement et au rehaussement des connaissances propres à la discipline infirmière.
2 Il apparaît, à travers les écrits recensés, que la proportion du personnel infirmier canadien connaît une intensification d’année en année. Le nombre d’infirmières canadiennes ayant le droit de pratiquer a augmenté de 43,8 % depuis 1980 (Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), 2013) [2]. Plus récemment, le nombre d’infirmières règlementées au Canada occupant ou non un poste, incluant les infirmières autorisées, les infirmières praticiennes, les infirmières auxiliaires autorisées ainsi que les infirmières psychiatriques autorisées, a subi un accroissement d’environ 9 % des années 2008 à 2012 (ICIS, 2013) [2]. La santé psychologique au travail est une préoccupation internationale sur laquelle il est urgent d’agir afin de doter les organisations du travail de moyens leur permettant de considérer la souffrance vécue par les employés (Gagnon, 2006) [3]. Selon une étude d’approche quantitative réalisée auprès de différents groupes de travailleurs canadiens, les professionnels de la santé figurent parmi les groupes de travailleurs les plus à risque de présenter une faible santé mentale (Marchand, 2007) [4]. Parmi ces professionnels, la faible santé mentale est plus prononcée chez le personnel infirmier et est associée à la détresse psychologique, à la dépression et à l’épuisement professionnel (Marchand, 2007) [4]. Le personnel infirmier représente le groupe prédominant en termes de prestation des soins de santé (Santé Canada, 2007) [5], ce qui notamment justifie l’attention ici portée à leur état mental. En ce sens, il importe de constater et de mettre en évidence le fait que les infirmières et infirmiers canadiens qualifient leur état de santé mentale comme étant passable ou mauvais à une proportion de 6 % ; un taux plus élevé que celui des autres professionnels actifs (Statistique Canada, 2006) [6]. Selon Ohler, Kerr, Forbes, 2010, [7], la profession infirmière est exigeante émotionnellement, mentalement et physiquement. Il est à noter que le risque de dépression est présent et considérable chez le personnel infirmier vivant un stress au travail, un alourdissement de la charge de travail ainsi qu’un manque de respect (Ohler et al., 2010) [7]. Les organisations bénéficieraient donc d’offrir des environnements de travail moins stressants et davantage respectueux de la santé des infirmières dans le but de soutenir celles-ci au regard de la charge émotionnelle, physique et mentale associée à la profession infirmière (Ohler et al., 2010) [7].
3 L’état mental du personnel infirmier est central dans cette recension d’écrits, il est donc opportun et pertinent de définir ce concept. Selon Fountain, 2012, [8], la santé mentale est l’équilibre entre les sphères sociale, spirituelle, physique, financière et mentale. Pour l’optimiser, le personnel infirmier doit se doter de mécanismes et cette auteure est d’avis que la santé mentale est aussi cruciale que la santé physique et qu’elle est nécessaire au rôle de l’infirmière : celui de soigner (Fountain, 2012) [8]. Le rétablissement des patients est possible notamment grâce à la qualité des soins prodigués par le personnel infirmier. Le bien-être de ce dernier, quant à lui, est possible grâce à la création de milieux de travail de qualité (Ohler et al., 2010) [7]. Cette circularité illustre l’interrelation entre la santé mentale des infirmières et leur rôle décrit par Fountain, 2012, [8]. Il est concevable d’établir une similarité entre la conceptualisation de la santé mentale de Marchand, 2007, [4] présentée ci-dessus et celle de Morin, Gagné, 2009, [9], lesquels sont d’avis que la santé mentale d’un individu englobe deux états, soit l’absence de détresse psychologique et la présence d’un bien-être psychologique. La détresse psychologique suppose un état caractérisé par de l’irritabilité, de l’anxiété ou de la dépression (Marchand, Demers, Durand, 2005) [10] ; (Morin, Gagné, 2009) [9] et est complexe à définir (Beckers, 2010) [11]. Elle est liée à l’adaptation émotionnelle, à la tristesse, à la colère, à la dépression ou à l’anxiété (Beckers, 2010) [11]. Morin, Gagné, 2009, [9] ajoutent également la notion de dévalorisation personnelle afin de qualifier la détresse psychologique. Les facteurs de risque associés à la détresse psychologique sur lesquels doit porter la prévention sont notamment la surcharge de travail, le manque de contrôle sur le travail, le soutien organisationnel insuffisant, le manque de soutien de la part des collègues, le manque de reconnaissance ainsi que le manque d’autonomie (Morin, Gagné, 2009) [9]. Quant au bien-être psychologique, Morin, Gagné, 2009, [9] mentionnent qu’il se définit comme une harmonie entre le corps et l’esprit caractérisée par une maîtrise de soi et des événements ainsi que par un équilibre psychologique. À ces concepts de détresse psychologique et de bien-être psychologique s’ajoute aussi celui de l’épuisement professionnel qui, selon Marchand et al., 2005, [10], est essentiel lorsqu’il est question de la santé mentale au travail. Ce concept se définit comme une fatigue ou une incapacité à survivre dans le milieu de travail en raison de demandes trop élevées comparativement à la capacité de l’individu à fonctionner (Institut universitaire en santé mentale, 2013) [12].
4 Pour la province québécoise, les résultats probants d’une étude d’approche quantitative menée par Lavoie-Tremblay, Wright, Desforges, Gélinas, Marchionni, Drevniok, 2008, [13] auprès de 309 infirmières novices travaillant dans le secteur public permettent de constater que la santé mentale du personnel infirmier représente également une problématique et un véritable signal d’alarme pour les gestionnaires du système de la santé. Manifestement, les résultats de cette étude démontrent que 43,4 % des infirmières novices constatent qu’elles présentent une détresse psychologique élevée (Lavoie-Tremblay, Wright et al., 2008) [13], ce qui rejoint la définition du concept de la santé mentale énoncée précédemment, laquelle sous-tendait une absence de détresse psychologique (Morin, Gagné, 2009) [9]. Une étude d’approche quantitative menée auprès de 1 002 infirmières âgées de 24 ans et moins, travaillant dans le secteur public et ayant étudié au Québec démontre que 61,5 % d’entre elles émettent avoir l’intention de quitter leur unité de travail et 12,9 % d’entre elles songent à quitter la profession infirmière (Lavoie-Tremblay, O’Brien-Pallas, Gélinas, Desforges, Marchionni, 2008) [14]. Ces statistiques provinciales permettent de visualiser l’ampleur de l’enjeu relié à la santé mentale des infirmières et de l’impact de cette dernière sur leur maintien dans la profession infirmière. En ce sens, les gestionnaires du système de la santé québécois jouent un rôle crucial dans l’aménagement de milieux de travail sains et dans l’offre d’un soutien au personnel infirmier dans le but de limiter ou diminuer la proportion de novices présentant une détresse psychologique (Lavoie-Tremblay, Wright et al., 2008) [13]. Une notion d’urgence à l’égard de l’émergence de problèmes de santé mentale chez les nouvelles infirmières dès leur entrée dans la profession est donc soutenue.
5 La perception d’un individu à l’égard de son travail influence son implication, sa coopération et sa performance au travail (Morin, Gagné, 2009) [9]. Selon ces auteurs, le sens au travail peut être défini comme la concordance entre les valeurs personnelles de l’individu, le travail que ce dernier effectue ainsi que ses souhaits et attentes reliés à son emploi. Un individu ne percevant aucun sens à son travail risque de se retrouver dans un état psychologique détérioré (Morin, Gagné, 2009) [9]. Les stratégies personnelles utilisées lorsqu’un individu a une perception négative de son travail peuvent alors s’avérer inefficaces et entraîner une diminution de la performance au travail ainsi que des symptômes d’épuisement : absentéisme, volonté de changer d’emploi, perte d’intérêt envers le travail, conflits (Morin, Gagné, 2009) [9].
6 Cette recension des écrits se fonde sur l’enjeu d’éviter la détresse psychologique des infirmières en documentant les difficultés et souffrances vécues au travail, les stratégies permettant de préserver leur santé mentale ainsi qu’un sens et une performance au travail. Cette dernière s’articulera à travers l’utilisation du cadre théorique de la psychodynamique du travail (PDT). Ce cadre de référence vise « l’organisation du travail comme source de plaisir et de souffrance et comme lieu d’émergence de stratégies défensives permettant aux individus de transiger avec les exigences de leur situation de travail afin de demeurer en santé » (Alderson, 2004a, p. 243) [15]. Cette perspective s’avère alors pertinente à la problématique traitée. La recension des écrits vise aussi à fournir au personnel infirmier et aux gestionnaires du système de la santé des pistes de réflexion ainsi que des recommandations visant une santé mentale optimisée, un sens et une performance au travail.
7 La recension des écrits qui sera présentée ci-après a été effectuée par l’interrogation de différentes bases de données, soit CINAHL, PubMed, Google Scholar et Atrium. Les articles traitant des sources de difficultés ou de souffrances expérimentées par le personnel infirmier, de la PDT ainsi que des stratégies défensives employées par les infirmières ont été sélectionnés. Seuls les articles de langue française et anglaise et publiés majoritairement entre les années 2005 et 2014 ont été retenus. Au total, 57 documents ont été recensés. Afin de compléter la recherche effectuée dans les bases de données, les sites internet de Statistique Canada, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC), de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), de l’Institut universitaire en santé mentale, de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers (FCSII) et de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ont égale
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