Michel Forst : « Certaines actions illégales sont parfois légitimes »
Extraits d’un entretien avec Michel Forst, rapporteur spécial de Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, par le site Mediapart pour lui demander sa réaction aux événements de Sainte-Soline, et recueillir son analyse sur la situation des militants écologistes français.
Il y a eu ces dernières années un durcissement du ton de l’État français vis-à-vis des mouvements écologistes prônant des actions plus radicales, ou tout simplement la désobéissance civile. Au mois d’octobre dernier Gérald Darmanin parlait d’« écoterrorisme » à propos des Soulèvements de la Terre et le gouvernement s’attaque désormais ouvertement aux actions de « désobéissance civile ». Est-ce également une évolution que vous constatez ailleurs en Europe ?
C’est en effet une évolution que je vois dans beaucoup de pays. J’ai par exemple déjà entendu l’expression « écoterrorisme » dans la bouche d’un autre ministre. Pour, moi c’est comme une gifle donnée aux vraies victimes du terrorisme. Tout comme l’expression « Khmers verts » qui également pu être employée, qui est une insulte aux victimes des Khmers rouges. Et j’ai en tête d’autres noms d’oiseaux que j’ai pu entendre…
Sur la désobéissance civile, j’ai une position claire. Certaines actions illégales sont parfois légitimes. Et beaucoup d’avancées en matière de droits humains dans ce monde ont été obtenues grâce à des actes de désobéissance civile. Que l’on pense à Martin Luther King, au mouvement des suffragettes ou au Manifeste des 343 femmes revendiquant avoir avorté.
La désobéissance civile doit cependant répondre à certains critères. Elle doit notamment être non-violente et viser à remettre en cause une loi ou une situation injuste. Et, dans la mesure où l’on a conscience que l’on viole la loi, il y a également l’acceptation d’une éventuelle condamnation […]. On peut ne pas être d’accord avec ces méthodes, mais la réponse pénale doit prendre en considération la nature de la cause.
Les associations écologistes dénoncent d’une manière plus globale la multiplication des entraves à leurs actions depuis plusieurs années : un durcissement de la répression policière lors des actions de sit-in ou d’occupation de lieux, des arrestations systématiques lors des manifestations… est-ce que c’est une évolution que vous avez également constatée ?
Oui, c’est quelque chose que nous constatons dans beaucoup de pays européens. Il y a une multiplication des luttes environnementales et, en même temps, des pratiques policières qui se durcissent de plus en plus.
On peut également citer les procédures bâillons qui visent des militants écologistes qui sont traduits en justice par des sociétés privées et à qui on réclame parfois des sommes invraisemblables pour bloquer leurs actions. Une directive européenne visant à limiter cette pratique est d’ailleurs heureusement en cours de discussion au niveau européen.
Michel Forst est une personnalité internationale engagée dans la défense des droits de l'homme. Il est actuellement le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.