Belle blonde porte un gilet jaune
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Belle blonde porte un gilet jaune
Accueil Autour de nous Lu, vu, entendu Gilets Jaunes 09/01/2018 â TĂ©moignage â Moi, mĂšre dâun Gilet jaune exclu de la communautĂ© des citoyens
140Ăšme anniversaire de lâĂ©lection de Christophe Thivrier VoilĂ 140 ans, le 6 juin 1882, Christophe Thivrier, « Christou » est Ă©lu Maire⊠(la suite dans l'article)
Entre guerres, crise climatique, attaques des droits sociaux⊠il nous semble plus que nĂ©cessaire, quoi quâil arrive, de continuer de⊠(la suite dans l'article)
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Du 18 novembre au 18 décembre (relùche exceptionnelle le vendredi 16 décembre), nous aurons le plaisir de vous présenter notre⊠(la suite dans l'article)
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La Compagnie Jolie MĂŽme est accueillie par la ville de Saint-Denis (93) et soutenue par la RĂ©gion Ăle de France.
« Il nây a point de plus cruelle tyrannie que celle que lâon exerce Ă lâombre des lois et avec les couleurs de la justice »
Montesquieu
Moi, mĂšre dâun Gilet Jaune de 19 ans, condamnĂ© Ă deux mois de prison avec sursis et exclu pour trois ans de la communautĂ© des citoyens par dĂ©chĂ©ance de ses droits civiques, civils et de famille, je nâaccepte pas une justice expĂ©ditive qui nous fait sortir du droit.
Samedi xx dĂ©cembre 2018, acte xx des Gilets Jaunes (GJ). Comme des milliers de personnes Ă travers toute la France, mon fils manifeste, accompagnĂ© dâune amie de nationalitĂ© Ă©trangĂšre (21 ans), venue Ă Paris pour lâoccasion, afin de nourrir sa rĂ©flexion et son travail dâĂ©tudiante sur les mouvements populaires contemporains.
Quelque part dans Paris, vers 14h, la situation est trĂšs tendue ; la rue quâils traversent est noyĂ©e sous les gaz lacrymogĂšnes lancĂ©s par les forces de lâordre pour disperser les manifestants. PaniquĂ©s, suffoquĂ©s, mon fils et son amie se retrouvent, un moment, isolĂ©s de la foule des GJ, moment choisi par les forces de lâordre pour procĂ©der, avec facilitĂ© et au hasard, Ă des interpellations.
Mon fils et son amie sont embarquĂ©s manu militari, non sans avoir Ă©tĂ© prĂ©alablement insultĂ©s, menacĂ©s et violentĂ©s : « Tâes une putain, tâes moche », Ă lâintention de lâamie ; mon fils est soulevĂ© de terre par une clĂ© dâĂ©tranglement, alors quâils sâefforcent dâengager des pourparlers. Sans succĂšs, bien au contraire : les policiers, gazeuses en main, braquĂ©es sur leurs visages, les menacent de recevoir une salve de produit incapacitant en plein visage, sâils ne se taisent pas. AussitĂŽt reclus dans la voiture des forces de lâordre, les agents, Ă lâaveuglette, cochent des cases sur la fiche dâinterpellation : violences envers personnes dĂ©positaires de lâautoritĂ© publique, jet de projectiles en direction des forces de lâordre, rĂ©sistance Ă lâinterpellation, etc.
Sâensuivent 48h de garde-Ă -vue, Ă©prouvantes Ă©videmment, particuliĂšrement angoissantes et rĂ©voltantes du fait du sentiment intense dâinjustice et de lâindignation ressentis par les interpellĂ©s, puisque rien ne justifie cette privation inique de libertĂ©. ImpossibilitĂ© de boire lorsquâon en Ă©prouve le besoin. La deuxiĂšme nuit, pas une goutte dâeau 6 heures durant, alors que mon fils tousse Ă©normĂ©ment et que lâanxiĂ©tĂ© lâa privĂ© de sa capacitĂ© normale Ă saliver, pas de ventoline qui pourrait soulager sa toux spasmodique, alors mĂȘme quâun mĂ©decin lâa auscultĂ© et quâil a rĂ©clamĂ© un traitement, non dĂ©livrĂ©. Mon fils, dĂ©jĂ pas bien Ă©pais, ressortira du TGI aprĂšs 55h dâincarcĂ©ration en totalitĂ©, flottant dans ses pantalons, tant il a fondu du fait dâune sudation intense gĂ©nĂ©rĂ©e par lâincomprĂ©hension et la dĂ©tresse.
DĂ©ferrement au TGI, Porte de Clichy, vers 14h, le surlendemain, aprĂšs 48h de garde-Ă -vue.
Les possibilitĂ©s oscillent entre libĂ©ration imminente avec rappel Ă la loi, mesures de contrĂŽle judiciaire, ou bien encore convocation pour un procĂšs Ă date ultĂ©rieure. Lâavocat, dĂ©bordĂ©, traitant Ă la chaĂźne moult dossiers de GJ, attend, lui aussi, dans lâindĂ©cision, les arbitrages du Parquet et ne peut avec sĂ»retĂ© nous renseigner. Mais câest finalement le pire qui est actĂ©, soit la comparution immĂ©diate (CI).
Sâil est recommandĂ© de refuser la CI pour pouvoir prĂ©parer sa dĂ©fense dans de âbonnes conditionsâ, il apparaĂźt, au vu de ce qui se passe dans les deux chambres dâaudience ouvertes ce jour-lĂ , quâil vaut mieux risquer la CI, puisque les juges, en cas de refus de celle-ci, dĂ©cident quasi systĂ©matiquement de la mise en dĂ©tention provisoire jusquâĂ date ultĂ©rieure de procĂšs.
Mon fils et son amie sont ainsi soumis Ă un choix impossible : une CI, avec risque dâun jugement expĂ©ditif et des peines lourdes de consĂ©quences, et la possibilitĂ© dâune dĂ©tention immĂ©diate en maison dâarrĂȘt dans lâattente de leur jugement. Contraints de faire le pari que la CI pourrait ne pas systĂ©matiquement dĂ©boucher sur une peine de prison ferme, ils âoptentâ donc pour celle-ci.
DĂ©ferrĂ©s au TGI depuis 14h, lâattente semble interminable. Il se fait bien tard, 20h30 environ, lorsque lâaudience commence enfin. Nous sommes quelques soutiens dans la salle, dĂ©jĂ passablement abasourdis par ce que nous avons entendu, naviguant depuis plusieurs heures dâune chambre Ă lâautre et parvenant difficilement Ă retenir tout ce dont nous avons Ă©tĂ© tĂ©moins, tant les âdiscussionsâ sont effarantes, les chefs dâinculpation hasardeux et les dĂ©cisions de la cour arbitraires et monstrueusement dĂ©mesurĂ©es. « Vous nâavez pas mieux Ă faire quâĂ manifester le samedi ? », « ça ne va pas arranger vos finances », dĂ©clare un juge Ă un prĂ©venu GJ quâil vient de condamner Ă 750⏠dâamende, prĂ©venu qui a expliquĂ©, lors de sa prise de parole, quâil a des crĂ©dits sur le dos, quâil vit toujours, Ă 26 ans, chez ses parents, car il ne gagne que 1300⏠pour un travail Ă temps plein.
De quoi mon fils et son amie sont-ils donc accusĂ©s, quels faits exacts leur sont-ils reprochĂ©s, justifiant quâon les prive, depuis presque 54h, de leur libertĂ© ?
La juge qui prĂ©side lâaudience commence son accusation : « participation Ă un groupement formĂ© en vue de la prĂ©paration de violences contre les personnes ou de destructions ou dĂ©gradations de biens » et « violence sur une personne dĂ©positaire de lâautoritĂ© publique sans incapacitĂ© », fameux articles du code pĂ©nal qui font florĂšs par les temps qui courent. Plus prĂ©cisĂ©ment, les prĂ©venus sont accusĂ©s par le fonctionnaire interpellateur dâavoir ramassĂ© des plots de grenade, grenades qui venaient dâĂȘtre envoyĂ©es sur les manifestants pour les disperser, et de les avoir jetĂ©s sur les policiers. Ce fonctionnaire indique aussi quâau moment de lâinterpellation, quand les deux prĂ©venus ont vu que les policiers allaient Ă leur rencontre (mais de quel type de rencontre est-il donc question ??), ils ont enlevĂ© leur GJ, que M. les a tout dâabord mis dans son sac, avant de les jeter dans les Ă©gouts.
Sâensuit alors un interrogatoire (la juge parle de « conversation », contrevĂ©ritĂ© alors que tout est Ă charge et que la parole des prĂ©venus est systĂ©matiquement dĂ©formĂ©e, mĂ©sinterprĂ©tĂ©e et/ou ridiculisĂ©e) durant lequel le grotesque et lâabsurde rivalisent avec lâindĂ©cence et lâabjection. En effet, le fait de sâĂȘtre dĂ©barrassĂ© des GJ occupe une grande partie des âdĂ©batsâ, la juge insistant sur le fait que cet acte, autour duquel semble se concentrer en grande partie la charge de lâaccusation, est lâindice, si ce nâest la preuve certaine, que les interpellĂ©s avaient indubitablement quelque chose Ă se reprocher.
La parole des prĂ©venus, rĂ©pĂ©tant Ă de nombreuses reprises quâils nâont jamais rien jetĂ© en direction des policiers, clamant leur innocence, est systĂ©matiquement dĂ©nigrĂ©e. La juge affirme, ad nauseam, quâun policier ne peut pas se tromper : « Les policiers sont des professionnels, ils ne peuvent pas faire des erreurs », et elle se livre Ă un Ă©loge sans limite des fonctionnaires de police : « heureusement quâils sont lĂ car ils font rĂ©gner lâordre public, sinon ce serait la loi de la jungle, les plus forts lâemporteraient sur les plus faibles ». Ne sait-elle pas quâon dĂ©nombre 1850 blessĂ©s, par les forces de lâordre, depuis le dĂ©but du mouvement des GJ (chiffres du 20/12, vraisemblablement sous-estimĂ©s)?
Ă lâintention de mon fils, la juge ajoute : « Quand vous voyez des policiers en ville qui arrivent vers vous, jetez-vous aussi votre sac dans les Ă©gouts ? ». Mon fils lui fait remarquer que le contexte nâest pas le mĂȘme. La juge enchaĂźne : « Vos parents vous ont-ils normalement Ă©duquĂ© ? Quel est votre niveau de conceptualisation ? Quel discours tenez-vous en privĂ© avec vos amis concernant la police ? Ou bien faites-vous partie dâune mouvance qui est⊠[elle ne finira pas sa phrase] ? Câest trĂšs rĂ©vĂ©lateur cette façon de tout contester. Vous ĂȘtes comme vous ĂȘtes, M., on ne va pas vous refaire ». Violence inouĂŻe de ces questions rhĂ©toriques, prĂ©tendument posĂ©es dans le cadre dâune « conversation »âŠ
Quoi quâil en soit, le dossier est vide. Aucune piĂšce Ă conviction nâest produite pour Ă©tayer la parole de lâagent interpellateur, pas de photos, pas de vidĂ©os. La parole, semble-t-il sacrĂ©e, de cet agent, suffit Ă prĂ©senter deux personnes devant la justice. Ă quoi bon tenter de discuter dâailleurs puisquâun policier ne peut pas se tromper ? Ni bien Ă©videmment mentir⊠Les inculpĂ©s sont donc confrontĂ©s Ă des accusations arbitraires, invĂ©rifiables et auxquelles on ne peut apporter aucune contradiction.
La procureure, qui livre ensuite sa rĂ©quisition, rĂ©itĂšre sur le mĂȘme mode que les faits reprochĂ©s sont avĂ©rĂ©s : « Je nâai aucune raison de douter des faits qui sont rapportĂ©s par lâagent interpellateur ». Mon fils, de plus, ne sâest pas beaucoup exprimĂ© en garde-Ă -vue. Ă la seule vue des policiers, il sâest dĂ©barrassĂ© de son gilet. Or, sâil nâavait commis aucun dĂ©lit, pourquoi se serait-il dĂ©barrassĂ© de son gilet ? De plus, il a dans un premier temps refusĂ© le prĂ©lĂšvement biologique, avant de sây soumettre. La procureure requiert donc 6 mois dâemprisonnement ferme ! Insistant sur le fait quâil nây a aucune raison dâagresser les forces de police alors que celles-ci sont, en la pĂ©riode, particuliĂšrement Ă©prouvĂ©es. Je mâinterroge : lui a-t-on parlĂ© de la prĂ©somption dâinnocence Ă lâĂ©cole nationale de la magistrature ? Ou nâest-elle pas plutĂŽt persuadĂ©e que cette prĂ©somption dâinnocence ne vaut rien contre lâavis du prince ? Macron, en effet, nâa-t-il pas rĂ©cemment dĂ©clarĂ©, en dĂ©placement au Tchad, quâil veut des rĂ©ponses judiciaires sĂ©vĂšres pour les auteurs de violences : « Il est Ă©vident que les rĂ©ponses, y compris judiciaires, les plus sĂ©vĂšres seront apportĂ©es[1] ».
Je mâinterroge encore : est-ce bien mon fils et son amie que lâon juge ou le mouvement des GJ en son ensemble ?⊠Ce tribunal serait-il devenu un tribunal politique ?
Par la suite les avocats auront beau avancer que les infractions ne sont pas constituĂ©es, que lâintention de violence nâest pas caractĂ©risĂ©e, quâil est possible dâavoir un doute raisonnable, que mĂȘme un professionnel aguerri peut se tromper, quâon ne saurait commettre des violences et des dĂ©gradations lorsquâon est exclusivement porteur de masques et de lunettes, que des plots de grenade, lĂ©gers, sâils avaient Ă©tĂ© lancĂ©s, ne pourraient constituer une atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© physique des policiers, que la sanction demandĂ©e par la procureure (6 mois fermes dâemprisonnement) est dâune brutalitĂ© particuliĂšre, etc., rien de tout cela nâĂ©branlera les certitudes de la juge, dogmatiquement ancrĂ©es.
La cour se retire alors pour dĂ©libĂ©rer, puis la condamnation pĂ©nale tombe : M. et Mme sont reconnus coupables et sont condamnĂ©s Ă : 2 mois dâemprisonnement dĂ©lictuel, Ă titre de peine principale avec sursis ; de plus, concernant mon fils, Ă 3 ans de privation de tous les droits civiques, civils et de famille, Ă titre complĂ©mentaire.
Cette derniĂšre condamnation est particuliĂšrement grave. Non seulement les juges privent mon fils du droit de vote, du droit dâĂȘtre Ă©ligible, dâĂȘtre tĂ©moin en justice ou encore dâexercer une fonction publique, mais ils ont pris soin dây ajouter lâinterdiction du droit de famille, ce qui est sans lien avec les faits supposĂ©s ou incriminĂ©s. Mon fils est donc considĂ©rĂ© comme futur pĂšre indigne et comme persona non grata de la RĂ©publique, pour des faits dont la justice nâa apportĂ© aucune preuve! Câest tout simplement ubuesque!
Il y a certes pire, mille fois pire encore, je le sais pertinemment, concernant les dĂ©cisions que les juridictions françaises rendent tous les jours au nom du peuple français. Je souhaite juste, Ă mon Ă©chelle et conjoncturellement, apporter ma contribution Ă la dĂ©nonciation des systĂšmes policier, judiciaire et Ă©tatique, tels quâils Ćuvrent actuellement en France, Ătat prĂ©tendument de droit, pour rĂ©primer le mouvement dit des Gilets Jaunes ; comme le font de nombreuses personnes depuis 7 semaines, en espĂ©rant que nous pourrons parvenir Ă ouvrir les yeux de nos concitoyens sur lâampleur de la rĂ©pression politico-judiciaire et Ă faire reculer cette odieuse institution judiciaire, en marche vers lâautoritarisme le plus brutal, tout comme lâĂtat-Macron dans sa globalitĂ©, dont cette justice nâest que le corollaire.
La rĂ©pression inqualifiable qui sĂ©vit actuellement Ă lâencontre du mouvement des Gilets Jaunes nâarrĂȘtera pas la soif de libertĂ© et de justice de tout un peuple, et de la jeunesse notamment. Elle ne pourra pas annihiler la volontĂ©, noble, de construire un monde meilleur, dâĂȘtre du cĂŽtĂ© de ceux qui souffrent et qui rĂ©clament des droits.
Je suis prodigieusement fiĂšre de lâĂ©ducation que jâai donnĂ©e Ă mes enfants et du choix quâils ont fait dâĂȘtre du cĂŽtĂ© des opprimĂ©s contre les oppresseurs. Merci mon fils dâĂȘtre tel que tu es. Et oui, juge, pour une unique fois, vous avez bien raison : on ne te changera pas ! « Vous ĂȘtes comme vous ĂȘtes, M., on ne va pas vous refaire », a-t-elle en effet dĂ©clarĂ©, Ă lâendroit de mon fils, dans un dĂ©lire cauchemardesque de voir la justice, que cette magistrate embrasse sans faille, façonner, refaçonner lâhumain Ă son image.
Quand la justice sâaplatit servilement devant les diktats de lâĂtat, quâelle apporte sa caution aux comportements illĂ©gitimes de la police (arrestations arbitraires, faux tĂ©moignages, clĂ© dâĂ©tranglement, etc.), lorsquâelle viole la prĂ©somption dâinnocence en sommant les prĂ©venus de prouver leur innocence alors que câest Ă lâaccusation de dĂ©montrer la culpabilitĂ©, quâelle condamne, en deux mots, sans preuve, elle fait montre de la plus grande injustice. Elle tente bien de dresser et de remodeler les hommes que les circonstances placent devant elle, mais il nâest pas sĂ»r quâelle y parvienne, car nous sommes et serons nombreux, encore et encore, Ă dĂ©noncer et rĂ©sister !
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