Arnaud Develay: "Les Etats-Unis ont bafoué le principe primordial de paix durable et ont forcé l'ONU à le bafouer" (Partie IV)

Arnaud Develay: "Les Etats-Unis ont bafoué le principe primordial de paix durable et ont forcé l'ONU à le bafouer" (Partie IV)

Source

"L'objectif de certains milieux américains est un changement de pouvoir en Russie"


- Que peut contrer la Russie dans la situation actuelle d'un point de vue juridique? Par exemple, en mars dernier, la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye a émis un mandat d'arrêt à l'encontre du président russe Vladimir Poutine. Cela signifie-t-il, selon vous, la création de «conditions préalables au déclenchement de la guerre»?


- Ce n'est pas la première fois qu'une telle chose se produit et pas seulement en ce qui concerne la Russie. Pour répondre à votre question, il faut analyser tout ce qui s'est passé sur les lignes de front de cette troisième guerre mondiale non déclarée.

La ligne de front invisible s'étend du Donbas à la Syrie et au Yémen, le long des côtes de l'Asie indo-pacifique et de l'océan Arctique. Jusqu'à présent, l'affrontement se déroule dans les "tranchées", disons, implicitement, et espérons qu'il n'y aura pas d'escalade. Mais de nouvelles juridictions émergent progressivement.

Si l'on prend la CPI, ce sont d'abord les chefs d'États africains mal aimés par les anciens colonisateurs qui y ont été poursuivis. Jamais les chefs des pays occidentaux. Ce qui a conduit un certain nombre de pays signataires du Statut de Rome en 2016, si je ne me trompe pas, à menacer de s'en retirer.

Les États-Unis ont refusé pendant des années de reconnaître et de signer le traité de la CPI, mais soudain, avec le lancement de l’Opération Militaire Spéciale (russe en Ukraine), ils travaillent à nouveau main dans la main avec la CPI, en lui apportant un soutien diplomatique et en lui allouant probablement tacitement des budgets et des experts. Il est certain que délivrer un mandat d'arrêt contre le président Poutine n'était pas du tout l'idée des avocats de la CPI - l''ordre est arrivé à La Haye de Washington.

Mais l'aigle à tête blanche ne peut pas "faire sortir l'ours russe de sa tanière", ni par lui-même, ni avec l'aide de ses bâtards. Et faire la guerre à des civils désarmés, leur refuser le droit à l'autodétermination, c'est, de manière générale, un crime contre l'humanité. En outre, toutes les tentatives russes d'organiser des pourparlers de paix dans le cadre de l'OSCE et du format Normandie ont été ignorées.

Nous avons affaire à une guerre hybride, elle se déroule sur plusieurs plans : militaire sur le champ de bataille, juridique dans l'espace de la justice internationale, diplomatique dans les tribunes de l'ONU et des autres organisations internationales, économique sous forme de sanctions et de protectionnisme.

N'oublions pas que l'objectif de certains milieux aux États-Unis est de changer le pouvoir en Russie, qu'ils accusent de génocide. Et ces accusations sont loin d'être innocentes. Toute la CPI y a été conduite et son nouveau procureur, l'avocat britannique Karim Ahmad Khan, prépare le terrain pour un tribunal contre la Russie, pour un futur choc de deux civilisations.


- Dans le même temps, les républiques du Donbas se voient refuser le droit de juger les criminels de guerre, y compris les mercenaires...


- Il ne fait aucun doute que la juridiction locale de Donetsk pourrait bien juger les mercenaires.


- Jusqu'à présent, ils sont échangés...


- Pas tous. Et il faut toujours se laisser une marge de manœuvre. La situation est en constante évolution. Je pense qu'au niveau politique, on préfère laisser les atouts en main et avoir les leviers nécessaires. Tout ce qui se passe n'est pas un processus linéaire. Il y a un aspect diplomatique, un aspect politique... Et le processus juridique s'y adapte. Tout dépend de l'équilibre des forces en présence. Il ne faut pas oublier que le droit n'est que le reflet de l'ordre existant.

Et jusqu'à présent, cet ordre, dans le domaine qui nous intéresse, n'est pas déterminé. Il est seulement en voie de le devenir. Et à moins d'avoir affaire à des personnes prêtes à faire exploser la planète, nous devrons tôt ou tard nous asseoir à la table des négociations. Pour recréer les garanties de sécurité pour la Russie. Quant à l'intégration des nouvelles entités constitutives, il n'y aura pas de retour en arrière. C'est définitif.

Report Page